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BULLETIN
COMMISSIONS ROYALES
DVVRT p]ï D'ARCHÉOLOTtIR
BULLETIN
COMMISSIONS ROYALES
D^ART ET D'ARCHÉOLOGIE
DEUXIEME ANNÉE
BRUXELLES,
iM r iiTjrKKTi: de boi.s-wittouck
i.sr;:,
THE GEITY GENTER
LIBRARY
COMMISSION ROYALE DES MONUMENTS.
RESUME DES PROCÈS- VERBAUX.
SÉANCES
(les 5, 9, 10, ir, lo, 17, 20, ii'2, 2i, 27 ut 31 Janvier 1865.
ACTES OFFICIELS, AFFAIRES IMP'RIELRES, OBJETS DIVERS.
M. le Ministre de l'Intérieur transmet pour la biblio-
thèque de la Commission , un exemplaire photographie
de la partie de la carte dite : de Peutinger, qui concerne
la Belgi(|ue. Cette carte , offerte par le Gouvernement
autrichien, semble être la copie, exécutée au xiii' siècle,
d'un travail remontant probablement à l'époque d'Alexandre-
Sévère et constitue, selon l'opinion de divers savants,
le plus précieux document graphique que l'on possède sur
la géographie ancienne de la Belgique.
6 —
M. Vincent signale à rattention du Colléiie un candé-
labre du XIV" siècle, un fragment de pierre funéraire de la
même époque, une croix de style ogival et les fonts baptis-
maux qui existent dans l'église de Chapelle-à-Watlines
( Hainaut). La Commission engage cet honorable membre
correspondanl à lui faire parvenir la description et le dessin
de ces divers objets, afin de les publier dans le bulletin.
Les nombreux dessins que M. Jean Van der Plaelsen a
recueillis d'après les peintures murales du moyen âge ,
dans le cours de son récent voyage en Allemagne, ainsi que
le rapport de ce jeune artiste, })rouvenl que celui-ci a
i-empli avec distinction la mission qui lui a été confiée.
A l'unanimité, la Commission })ro})ose au Gouvernement
d'allouer à ce peintre d'histoire un nouveau subside destiné
à couvrir les frais d'un second voyage consacré à l'étude de
la peinture nmralc à l'étranger.
La Commission appelle l'attention du Gouvernement sui-
les inconvénients qui pourraient résulter, pour quelques
monuments de la ville de Liège, de l'exploitation de la
houille sous une partie de cette ville.
L'expérience démontre combien il serait utile d'adresser
à MM. les Gouverneurs et à ^LM. les chefs diocésains une
circulaire conçue dans le sens indiqué par M. le Ministre de
l'Intérieur, au sujet de l'exécution des travaux d'art. La
question de savoir à quel artiste il faut confier la restaura-
tion de t(.'l ou tel ancien objet d'art a donné lieu à bien
des conflits avec les bureaux de marguilliers, les adjninis-
tj-ations communales et même les administrations provin-
ciales. Dans les cas semblables, les intéressés peuvent être
entendus; mais le Gouvernement doit se réserver le choix
— 7 —
définitif. L'intervention de l'État semble aussi devoir être
exigée, lorsque le concours financier du trésor est superflu ,
mais qu'il s'agit d'ouvrages de grand mérite. Afin de
ménager autant que possible toutes les susceptibilités, la
Commission ne verrait pas non plus d'inconvénient à per-
mettre aux administrations locales de formuler également
leurs vœux quant au cboix des artistes, lorsqn'il s'agit
d'œuvres nouvelles et qu'elles supportent une partie impor-
tante de la dépense II est juste de stipuler que la moitié des
frais sera supportée par l'administration ou l'établissement
propriétaire de l'œuvre d'art à restaurer, et cela, soit au
moyen de ses propres fonds, soit à l'aide de souscriptions.
Mais il serait fâcheux d'admettre une règle invariable,
attendu que les communes , les hospices et les fabriques
d'églises se trouvent parfois dans l'impossibilité absolue de
faire des sacriiîces suffisants en faveur d'œuvres, à la con-
servation desquelles le pays entier est vivement intéressé.
M. le Ministre de l'Intérieur, après y avoir mûrement
réfléchi, a reconnu qu'il y aurait des inconvénients à faire
des monographies des principaux monuments du pays
l'objet d'une publication officielle. Cette intervention directe
du Gouvernement dans des affaires qu'il faut laisser à l'ini-
tiative des particuliers est en effet un mode d'encourage-
ment auquel la Législature a demandé, à diverses reprises,
qu'il fût définitivement renoncé. Et il faut bien le recon-
naître, sous l'empire de nos libres institutions, le devoir du
Gouvernement est de stimuler les initiatives privées dans
tout ce qui touche au domaine des arts, des sciences et
de l'industrie, mais non pas d'y substituer son action.
Ces considérations ont empêché le Gouvernement de
— 8 —
(I(Mii;iii(l('r à l;i Législaturo Ir crédit que la Commission
proiiosait d'inscrire au budget des beaux-arts ))our la publi-
cation des monographies. Mais M. le Ministre promet
volontiers d'encourager eiïicacement cette publication par
des subsides et des souscriptions |)roportionncs à l'impor-
tance respeclive des ouvrages. En ce qui concerne spéciale-
ment la description de l'abbaye de Villers, M. le Ministre
attendra, pour prendre une décision, que ce travail ait reçu
un commencement d'exécution et se réserve de demander
alors à la Commission ce qu'il conviendrait de faire en
faveur des auteurs.
ÉDIFICES RELIGIEUX.
ÉGLISES, DÉPE^DA^'CES, AMEUBLEMEXT.
La Commission rejette :
A. Les dessins de l'ameublement destiné à l'église de
Lierde-Sainte-Marie (Flandre orientale);
B. Le pi-oj(^t de chaire de vérité soumis par le conseil
de lal)rique de l'église d'Oignie (Namur) ;
C. Le dessin des nouvelles fenêtres de l'église de Mont-
bliart (Ilainaut).
Le dessin de la chaire de vérité destinée à l'église de
Morialmé (Namur) devra être modifié. Tout le mobilier
;i i)laccr dans cet édifice est évalué à 4,678 francs. Il ne
semble guère possible de recourir, en cette circonstance,
à une adjudication publique.
Le Collège propose d'autoriser :
1" Le placement dans l'église de Caggevinne- Assent
(Urabani) d'un orgue cl d'in» maitre-autel provenant de
— 9 -
l'ancienne église du Petif Béguinage à Louvain. Les frais
sont évalués à 2,546 francs ;
2" La consolidation de la nèclic de l'église de Ronquièrcs
(Hainaut). Devis estimatif: 1,240 francs;
o" La réparation de l'église de Familleureux (même
province). Devis estimatif : 1,608 francs;
4" Divers travaux à l'église de Werm (Limboiirg). Devis
estimatif : 3,465 francs ;
5" La reconstruction de la partie supérieure du clocher
de Coyghem (Flandre occidentale). Devis estimatif :
6,028 francs;
6° L'agrandissement de la chapelle de Groyenne, com-
mune d'Andenne (Namur). Cette chapelle pourra contenir
550 personnes après l'exécution des travaux projetés; le
devis s'élève à 10,238 francs.
L'ensemble du plan présenté pour l'agrandissement de
la chapelle d'Andenelle (même commune) est approuvé;
mais il conviendra de mieux établir l'harmonie entre la
partie ancienne et la partie neuve. Les moditications que
la Commission propose à cet effet ne sont pas de nature à
augmenter la dépense, dont le total s'élève à 13,020 Irancs.
Cette chapelle pourra contenir 650 personnes.
L'état de délabrement de l'église de Berlingen (Lim-
bourg) est tel que le conseil communal s'est vu obligé d'en
interdire l'accès dans l'intérêt de la sécurité publique. L(>
collège approuve les propositions faites pour l'agrandisse-
ment et la restauration de cet édifice. La dépense est
évaluée à 13,300 francs, déduction faite de la valeur des
vieux matériaux; 275 personnes ])Ourront ensuite se placei-
dans cette église.
— 10 —
Le jihiii et le dinis (17,604 francs) de la synagogue
i[ii"il s'auil d'crigor à Arlon (Luxembourg) ne donnent
lieu à aucune objection. Cet édiiice contiendra environ
•200 ])ersonnes.
Le projet relatif à la consiruclion d'une nouvelle église
à Biesmes-sons-Tliuin (Hainaut) donne lieu aux observa-
tions suivantes : Les dimensions des sacristies sont troj)
restreintes; l'escalier du jubé est insuflisant; la charpente
n'offre pas les garanties de solidité nécessaires. L'auteur est
invité à faire une nouvelle étude de son projet, sous ces
divers rapports, et à communitpicr le croquis de l'église
actuelle. La Commission désire également savoir si l'édifice
existant ne contient pas de pierres tumulaires ou d'autres
objets intéressants.
La reconstruction de l'église de Ramscappelle (Flandre
occidentale) est autorisée. Le nouvel édiiice pourra recevoir
600 lidèles. Le devis estimatif, s'élevant à 51,lo9 francs,
est bien établi.
Un nouveau i)rojet (»st soumis pour la construction d'une
église à Boussoit (Hainaut). L'auteur ayant tenu compte
des obsei-valions contenues dans le rajtjiort du 0 juillet
dernier (p. ô5o), la Commission émet un avis favoral)le. Elle
j)ersiste toutefois à croire (jue la somme de 41,")00 francs,
total du devis estimatif, sulïira diflicilement pour exécuter
les tra\aux avec le soin convenable.
Après avoir jiris connaissance des nouvelles explications
transmises par M. le Couvei'neur de la province de Liège,
l;i Commission pense ipi'il y a lieu d'autoi'iser la reconstruc-
i'um du bàlimenl aliénant à l'église de Lixhe et la réparation
de la toitun; de; la ])etite nef et de la sacristie. Elle n'a pas
— 11 —
à intervenir dans les stipulations qui devront être arrêtées
entre la commune et la fabrique de l'église, quant au place-
ment d'une pompe à incendie dans ce nouveau local. Le
devis estimatif s'élève à 768 francs. La Commission ne
croit plus pouvoir, à l'avenir, s'occuper de projets qui ne
rempliront pas loutes les conditions voulues par le cha-
pitre XI de son règlement.
En conformité du rapport du délégué qui s'est i-endii
à Ougrée (Liège) et après avoir examiné les nouveaux
documents communiqués à l'égard du projet d'agrandis-
sement de l'église de cette commune, la Commission
l'econnait qu'une reconstruction totale est impraticable:
elle adopte le plan au sujet duquel elle avait cru d'abord
devoir soulever des objections. Le devis estimatif s'élève
à 41,650 francs. Cette église pourra contenir îôOO per-
sonnes, après l'exécution des travaux proposés.
Rien ne s'oppose à ce qu'il soit donné une suite immédiate
au projet pour la construction d'une église à Olloy (Namur),
sauf les réserves indiquées dans le rapport du 16 septembre
1862 (v. p. 424;. Le devis estimatif monte actuellement à
62,700 francs.
Afin de pouvoir émettre un avis en pleine connaissance
de cause, quant aux propositions faites pour la reconstruction
de l'église de Moerkerke (Flandre occidentale), la Commission
désire recevoir la communication du plan cadastral de la
localité et d'un croquis de l'ensemble de l'édilice actuel.
Elle désire savoir aussi si cet édilice ne contient j)as d'objets
d'art dignes d'être conservés.
L'église de Lize, sous Seraing (Liège), qui ne date
{jue de quelques années, s'est récennnent lézardée eu
12 —
divers endroits ))ar suite du mouvement que l'exploilalion
de la houille cause dans le sol. Il résulte des explications
et des dessins communiqués à la Commission que, pour le
moment, la sûreté publique n'est pas compromise, mais que
la commune et la fabrique agiront sagement en faisant
vérilier, à de fréquentes re])rises, la situation de l'édifice et,
en particulier, celle de la tour et de la charpente, afin de
pouvoir rendre compte, sans nul retard, de tout arrachement
ultérieur.
La question de savoir si la maçonnerie qui remplit les
deux arcades latérales, sous la tour de l'église d'Oostcamp
(Flandre occidentale) peut être enlevée, est trop délicate
pour permettre de donner un avis avant d'avoir fait visiter
l'édifice par des délégués. Cette inspection aura lieu lorsque
d'autres affaires réclameront la présence de commissaires-
inspecteurs dans la province.
La Commission indique les modifications qu'elle juge
utile d'introduire dans le projet relatif à la restauration de
l'église romane de Theux (Liège) et insiste pour que le style
de cet édifice soit religieusement respecté.
Il existe quelques différences entre le plan relatif
à l'achèvement de la façade et de la tour de l'église de la
Madeleine, à Bruges, lequel a été approuvé le 1" mai 1858,
et le dessin portant la date du 50 août ]8()2. Mais comme
les variantes n'ont pas d'im])ortance et ne soulèvent aucune-
objection, la Commission propose d'autoriser, d'après
ce dernier dessin, l'exécution des travaux (pii restent
à terminer.
Afin de compléter les documents qui lui sont soumis
cunccrnant la restauration de l'éiilise Saint-Hubert, la Com-
— 15 —
mission réclame un dessin indiquanl, la siUialion aLiiiellc
de l'un des an"ies de la tour el des deux clochetons à la
hauteur des bas-côtés, y compris la travée qui touche à cet
angle.
La Commission s'est acquittée d'un devoir pénible en
signalant (rapport en date du 22 octobre 1861), comme
peu satisfaisante, la direction donnée aux travaux de res-
tauration qui s'exécutent à l'église Notre-Dame du Lac
à Tirlemont. Les ouvrages exécutés depuis lors ont été
dirigés avec plus de soin, mais ils ne sont cependant pas
encore irréprochables. Les réparations qui restent à faire,
principalement en ce qui concerne la façade, sont assez
importantes et assez délicates pour justifier l'allocation d'un
subside extraordinaire, subside destiné à imprimer plus
d'activité à l'entreprise. Mais il sera indispensable d'exiger
qu'un artiste expérimenté, ayant étudié spécialement le
style ogival, soit adjoint à l'architecte actuel, qui, vu l'état
de sa santé, ne peut plus exercer sur les travaux une sur-
veillance constante et rigoureuse.
M. le Ministre de la Justice fait connaître que le Gou-
vernement, ayant égard aux propositions de la Commis-
sion, accorde un subside extraordinaire de 20,000 francs
pour la restauration de l'église Sainte-Gertrude, à Nivelles
(v. p. 515).
On a soulevé des objections quant au maintien du portail
établi dans le transept de l'église Saint -Martin à Liège.
Après avoir revu les pièces de l'instruction, la Commission
passe à l'ordre du jour et persiste dans son premier avis.
Le rapport des délégués qui ont examiné les travaux
de restauration exécutés depuis 1855 à l'église Notre-Dame
— 14 —
(le la Chnpelle, à Bruxelles, est favorable, sauf des réserves
(Il ce f[ui concerne le bas-relief ornant le tympan de la
liorle cl la fenêtre du transept méridional. Le bas-relief, bien
qu'étudié, n'est pas conçu toutefois dans le style de l'époque
cl devrait s'harmoniser avec la façade du transept plutôt
({u'avec les nefs latérales. La reproduction complète d'une
ancienne fenêtre du chœur n'est pas heureuse. Mieux
eût valu, en effet, tout en s'inspirant du type logiquement
adopté, tenii- compte des différences de dimensions et du
rôle important qui est assigné à la maitresse-baie de l'une
des faces du monument. Lorsqu'il s'agira de restaurer la
face septentrionale du transept, et dans le cas où l'on voudrait
établir la symétrie en reproduisant la fenêtre exécutée vers
le midi, il conviendra d'examiner alors l'opportunité de modi-
lier préalablement cette dernière fenêtre. On pourrait aussi
profiter de cette circonstance pour affecter aux niches une
moulure d'angle romane, qui leur fait actuellement défaut.
L'église Saint-Germain, à Tirlemont, est un monument
l'cmarquabie et il est à désirer que les réparations exté-
rieures et urgentes qui rcsiciit ;i y faire soient pro-
chainement t('i")nii)(''es. L'évalualioii de ces réparations,
(ô5,;Jôo francs j, faite par M. rarchilecte jirovincial, est
plutôt trop modérée qu'excessive. La Commission , parta-
geant l'avis de la députation permanente du Conseil provin-
(•i;il, pi'oposc il M. le Ministre de la .iuslice (rallouiM" à
l'église Sainl-Ceriiiaiii un subside exiraoïdiiiaire. Il est
à remarquer que cet ('tlilice a élé traité jusqu'aujourd'hui
moins favorablemeni (pie les aiilr(\s consli'uctions de la
même importance, puis(pie le subside annuel de l'Éfal ne
s'élève (|u'à 4,000 francs.
;) —
Des coniinissaircs-in.spec((Hirs ont, conslalé, à différenles
reprises, l'urgence de faire à la belle éulise ogivale de
Wervicq d'im])ortants travaux de restauration et de conso-
lidation. Le comité des membres correspondants de cette
province évalue à 150,000 francs les réparations nécessaires
et à 60 ou 70,000 francs les ouvrages urgents. Gomme on ne
pourrait, sans un certain danger, tarder davantage à mettre
la main à l'œuvre, la Commission signale l'état des cboses
à la liante sollicitude de M. le Ministre de la Justice.
Les travaux exécutés dans le cours de 1861 à la tour de
Notre-Dame, à Anvers, ont coûté 51,500 francs. Le l" jan-
vier 1862, la dépense totale s'élevait à 755,819 francs. Des
délégués feront l'inspection de ces travaux lorsque d'autres
affaires réclameront leur présence à Anvers.
PIERRES SÉPULCRALES, TOMBEAUX.
La proposition que fait M. Scliuermans, membre corres-
l)ondant, de protéger par des haies et des fossés les groupes
de tumuli appelés de ticee tommen et de dric tommen ,
existant à Montenaeken, Gorthys et Fresin (Limbourg),
est parfiiitement justifiée ; mais la Gommission pense qu'il
faut préalablement exiger des communes qu'elles se char-
gent d'assurer la conservation et l'entretien des travaux
exécutés aux frais de l'Etat.
M. le comte van der Straten-Ponthoz , grand maréchal
du jialais , communique les empreintes des pierres tumu-
laires : 1" d'Alard deHierges, xxif abbé de Waulsorl, qui
lit reconstruire le chœur de l'église de Hastièi-e ( Namiir)
et mourut en 1268; 2" d'un chevalier de la maison de
— K) —
TiiN lies; cette j)ieiTe date du xiv'' siècle; 5" d'un sire d'Abée,
desceudaiit par sa inèrc des sires de Warfusée, et de sa
leniine (xiv'' siècle) ; 4-° d'Engelbert d'Aulrive et de Margue-
rite de Fumai, son épouse (1557) ; 5" de Gérard d'Anthisnes
et de sa femme Isabelle Profondrieu (1511-1546). Ces
pierres [trésentent un vif intérêt archéologique et sont assez
bien conservées. Le Collège prie instamment MM. les Gou-
verneurs des provinces respectives de prendre les disposi-
tions nécessaires afin de garantir ces monuments funéraires
(le toute dégradation.
On semble craindre un conflit entre l'administration locale
de Sotteghem et le Conseil de fabrique, à propos du caveau
qui contient les restes du comte d'Egmont. La Commis-
sion se rend difficilement com])te des motifs qui pourraient
donner lieu à ce conflit. L'exécution de l'une des mesures
qu'elle a proposées rendrait, en effet, toute profanation
impossible, et ce qui semble dans l'intérêt même de l'admi-
nistration communale, mettrait chacun à l'abri de tout
soupçon. La Commission se réfère, du reste, à son rapport
du 29 juillet dernier et prie M. le Ministre de la Justice de
vouloir bien remarquer que, d'après la marche constamment
suivie lors des inspections, les délégués se sont bornés
le 11) juillet à examiner l'état des choses, à recueillir les
i-enseigncmenls nécessaires pour s'éclairer et n'ont ni
exprimé un avis, ni pris une décision. C'est à la Commission
entière, convoquée régulièr(Mn('iit cl en conformité du
règlement, qu'il appartient d'adopter un parti, et personne
n'a eu l'idée de faire une exception aux règles ordinaires,
alors qu'il s'agissait d'une question grave qui a vivement
ému l'opinion publique.
17 —
l'UESDYTi;i'.F.S.
La Coimiiissioii |)ro|)OS(' (raulorisci- :
1" Les réparations projetées au nuii- de clùlure et aux
dépendances du presbytère de Werui (Linil)ourti); devis :
1,522 francs;
2" L'approprialioii du jireshvlèi'c de Givry (llainauT);
devis : 1,G52 francs ;
T)" La réparation du presi)ylère de Tlii('usi(\'^ (llainaul );
devis : 2,811 francs;
4" La restauration du prcsbylèi-c de Grandniénil (Luxciii-
l)Ourg), à la condiiion de donner à la façade un carac-
tère conforme à la destination du l^àtiment. Cette niodili-
cation ne nécessitera qu'une légère augmentation de
dépense; le devis s'élève actuellement à o,888 francs;
5" La réparation du presbytère des Rièzes (Hainaut);
devis : 6,100 francs;
La construction des presbytères à :
G" Ilerderen (Limbourg), à la condition que Fauteur fei-a
une nouvelle étude de la charpente afin de faire disparaître
le |iorte à faux des arbalétriers e( des jambes de force. Le
devis estimatif s'élève à 9,975 francs;
7° Vellereille-lez-Brayeux(IIainaut): l'attention de l'archi-
tecte est appelée sur la distribution défectueuse des dépen-
dances. La somme de 11,800 francs formant le total du
devis estimatif suffira diliicilemeid, pour exécuter convena-
blement les travaux projetés ;
8" Horrues (Hainaut) : il conviendra, toutefois, de donner
à la toiture une disposition plus avantageuse à l'écoulement
des eaux pluviales. Devis estimatif : 15,000 francs ;
— 18 —
9" Eysden (Limboiirg). Devis cslimatil' : 15,230 francs;
10" Bcausaint (Luxembourg). Le pignon de la façade
est trop aigu et devra être modifié. Le devis estimatif
s'élève à 1 4,707 francs;
1 1" Waeregliem (Flandre occidentale). Le tympan de la
porte devra être disposé de façon à donner plus d'impor-
tance à la niche qui la couronne. Il ne sera guère possible
de rester dans les limites du devis estimatif dont le total
s'élève à 10,002 francs.
Le terrain affecté primitivement au nouveau presbytère
de Jemmapes (Ilainaut) étant indispensable pour l'agrandis-
sement de l'église, il ne peut être donné suite à la combi-
naison qui avait été soumise k la Commission.
ÉDIFICES ET MONUMENTS CIVILS.
ÉTABLISSEMENTS DE BIENFAISANCE.
La Commission maintient, au sujet de l'agrandissement de
riiôl)ital civil deFurnes, ses observations premières, que l'au-
teur du projet combat en s'appuyant sur des considérations
qui semblent de peu de valeur. Il n'est pas indispensable
d'élargir le corridor longeant les nouvelles salles de malades
au détriment de la cour et il n'y aurait ])as d'inconvénient
à restreindre légèrement ces salles , afin d'obtenir l'amélio-
ralidii })roposée. Les communications de la cuisine, soit
(pi'elles se fassent par une salle de malades, soit qu'elles
aient lieu par une salle de convalescents, offrent de graves
inconvénients. Le nouveau bâtiment qu'il s'agit d'établir
dans la cour a trop d'importance et obstrue celte cour
— 19 —
d'une manière fâcheuse. Le Collécie l'ail, remarquer que le
j)lan présente actuellemenl une confusion regrellable et il
désire être saisi à l'avenir de projets indiquant séparément
la situation réelle des différents étages, etc. M. le Minisire
(le la Justice jugera sans doute utile de communiiiuer le
dernier travail de l'architecte au Conseil supérieur d'hygiène,
avant de faire connaître ses intentions définitives à cet
artiste.
MAISONS COMMUNALES, BEFFROIS, HALLES, DONJONS, etc.
L'administration communale de Hal est d'avis qu'on no
pourrait remplacer le perron actuel de son hôtel de ville
par une arcade appuyée sur des murs pleins et débouchant
directement sur la Grand'PIace, sans s'écarter du style de
l'édifice. La Commission partage cette manière de voir
et propose de rétablir exactement l'avant-corps qui existe
aujourd'hui.
Des délégués ont visité les ruines du chàtean de la Roche,
(Luxembourg), de concert avec M. l'architecte provincial
Bouvrie. Les travaux de consolidation terminés sont : I" La
reconstruction de l'angle de la grande terrasse , vers la
claire-rue, ainsi que diverses réparations aux fondements
de l'édifice; 2" le rétablissement delà voûte de décharge
de la tour de la chapelle ; 5" la restauration de la voûte do
la porte d'entrée vers la cour centrale; 4° la démolition
de la voûte de décharge de l'une des parties intéri(Hires
de la tour dite : Tour du diable; 5° l'enlèvement des })ierres
qui étaient sur le point de se détacher du contrefort entre
les tours qui dominent la claire-rue; G" le nettoyage des
— ^iO —
Icrrasses du cavalier. Les ouvrages urgenls qui reslenl à
exécuter sont : .1. rélablisscmeut d'une chape sur les murs;
à cet effet il faudra faire usage de pierres scliisleuses et
lie pas se borner à employer de la chaux hydraulique;
l). fermer les vides (jiii, en de nombreux endroits, existent
dans les murs par suite de l'enlèvement des pierres de taille ;
C. boucher les ouvertures ou arcades qui, en ce moment,
sont étançonnées ; D. enlever les nombreux décombres qui
cachent le pied des constructions , surchargent certaines
parties et rendent la circulation difficile. Une somme de
4,000 francs à répartir sur quatre ou cin({ exercices succes-
sifs est nécessaire pour exécuter ces différents travaux. Le
système de la régie, déjà adopté à Sichem et à Bouvignes
offre seul, dans cette circonstance particulière, des garanties
complètes de bonne exécution. Il importera de mettre ces
ouvrages sous la direction de l'architecte provincial et la
surveillance de l'administration communale. Le premier
point dont il conviendra de s'occuper est la consohdation
de la partie du château qui domine la claire-rue. Outre
la nécessité d'exécuter ces travaux pour garantir la sûreté
des habitations qui existent au pied du l'ocher que le château
couronne, l'intérêt qui s'attache à ces belles ruines est plus
que suffisant pour justifier la dépense proposée.
PEINTURE, SCULPTURE, CISELURE, TAPISSERIE, etc.
OUVRAGES MODERXES.
iJes délégués ont visité les jieintuj'cs nuirales en voie
d'exécution dans le chœur de l'église Saint- Remacle , à
— 21 —
Verviers. Leurs ohsorvalions criliriiics son! comnimiirniéos
à M. le Ministre do l'Inlérieur.
Des commissaires-inspecteurs se sont rendus à l'église
Sainte-Croix, à Liégv, aiin d'examiner les peintures murales
exécutées dans le chœur de cet édifice. L'ensemble du
travail est satisfaisant; toutefois il sera utile d'avoir égard
aux points suivants , lorsqu'on s'occupera de la décoration
du vaisseau : T II importe de ne pas multiplier les
détails de décoration et de ne point trop varier les motifs,
afin d'éviter un certain papillotage cpii serait de nature
à nuire au caractère du monument ; 2" les grandes lignes
architecturales doivent toujours dominer et par conséquent
rester franchement accusées. Le style des figures peintes
dans le chœur a fait l'objet de consciencieuses recherches.
Après avoir reçu à cet égard des éloges mérités , l'auteur a
été engagé à s'attacher de plus en plus à l'étude des meilleurs
modèles de l'époque. En admettant toutefois qu'il soit utile
de s'inspirer des peintures anciennes, on doit toujours agir
avec circonspection et ne pas exagérer Varchaisme.
La Commission a}»puie la djemandc de subside que forme
le conseil de fabrique de l'église d'Offagne (Luxembourg),
afin de pouvoir faire exécuter par M. Van Reuth une copie
du Cln^ist de Rubens, appartenant au Musée d'Anvers, desti-
née à remplacer le tableau qui décore actuellement le maître-
autel de cette église et don! l'état est tel qu'une restauration
est impraticable. Si la proposition est accueillie, la Commis-
sion recevra avec plaisir le tableau ancien , afin de vérifier si
cet ouvrage est sans mérite et ne peut plus être utilisé.
Le Christ qui se trouve dans le cimetière de la paroisse
de Notre-Dame du Sabloii, à Bruxelles, date seulement du
— 22 —
xvii'^ siècle, cl n'est luillciiienl en rap})orl avec le style de
l'égiisc. Comme, dn reste, la Commission partage complè-
tement l'avis du conseil de fabrique, (juant à l'opportunité
(le n''(;iMir les choses telles qu'elles existaient primilivement,
elle |)ropose à M. le Ministre de l'Intérieur d'allouer un
subside pour exécuter, afin de le placer sous l'arc triom-
phal, un Christ conforme aux traditions du style ogival
tertiaire.
Le dessin mis sous ks yeux de la Commission ainsi que
le ra])port des membres du Collège qui ont vu, à l'exposition
(le Londres, la chaire de vérité exécutée par MM. les frères
CoN'ers, de Louvain, domient une idée favorable de cet
ouvrage de sculpture. Mais il existe des doutes quant au
|)oinl de savoir si cette chaire ne serait pas trop importante
eu égarai aux })roportions de l'église Saint- Médard , à
Jodoigne, pour laquelle on propose d'en faire l'acquisilioi).
Alin de résoudre la question, il faudrait faire un croquis,
conqirenant la partie de l'église contre laquelle on placerait,
le cas échéant, l'œuvre des frères Goyers et en tracer la
silhouette sur ce dessin. ,
La Commission adopte, moyennant quelques modifica-
lioiis i)eu importantes, le projet soumis pour la décoration
(lu nouveau pont sur la Meuse, à Liège. Il sera indispensable,
afin d'obtenir de l'unité dans le travail, que les modèles
(le tous les bas-reliefs et statues soient exécutés au tiers
(le l;i gi';iii(!('ur d'exécution, alin d'être soumis à la fois à
rc\;iiii('ii (If M. ring(''nieur cliargé du service de la Meuse
et des délégués de la Commission.
Invitée à se prononcer au sujet de l'emplacement qu'il
conviciil <l(! donner an groupe en bronze des frères Van
— 23 —
Eyck, la Goniinission vu l'opposition (juc rencontre de la
part des habitants la suppression du chêne existant au centre
d(î la Grand'Place do Macseyck, exprime le désir de
connaître préalablement l'avis de l'administration commu-
nale et de recevoir en communication le plan cadastral
de la ville.
OUVRAGES ANCIENS.
Le Conseil de fabrique de l'église d'Opwyck (Brabant)
s'étant plaint de ce qu'un tableau récemment restauré :
La Vierge et l'enfant Jésus, par Crayer, était de nouveau
endommagé et recouvert de moisissure, la Commission a
cru devoir s'assurer immédiatement de l'état réel des choses :
l'humidité avait, en effet, formé une buée sur cette toile ;
mais il a suffi de frotter légèrement avec un morceau de
vieille soie pour rendre tout l'éclat à la peinture et faire
disparaître toute apparence de dégradation.
Après avoir examiné le dessin des peintures murales qu'il
s'agit d'exécuter dans l'une des chapelles collatérales du
chœur de la cathédrale de Tournay, la Commission exprime
le désir de voir faciliter ce travail au moyen d'un subside de
l'État et de le faire exécuter sous la direction d'archéologues
capables. La dépense est évaluée à 9,000 francs.
M. le chanoine Baguet, secrétaire de l'archevêché de
Matines, soumet à l'examen de la Commission le carton
original d'un vitrail donné par Charles-Quint à l'église
Saint-Rombaut. Il ne reste de ce vitrail que la figure du
Christ placée dans le tympan. La Commission exprime le
désir de voir refaire cette œuvre remarquable de préférence
— 24 ~
;i !a romposilion moderne en faveur de hKniclIc des sous-
(•ri|>(ions()nt été recueillies avant la découverte dudit carton.
Quant à la (|uestion de savoir s'il faut reconstruire dans leur
style priiiiilif les meneaux de la fenèli-e, leColléii'e s'en occu-
ltera a])rès avoir de nouveau visité l'édilice.
Les délégués qui se sont rendus dans l'atelier de M.Victor
Le Roy, peintre-restaurateur, ont constaté que la restaura-
tion du tableau de l'église de Dieghem (Brabant), re])résen-
laut sdinl CoriuùUe, s'e.xécute avec tout le soin désirable,
mais que deux mois sont nécessaires encore pour com})lélcr
c(M important travail.
Il existe dans l'église de Verrebroeck (Flandre orientale)
uu grand tableau, de l'école de Jordaens, représentant
XAiloralion des Mages. L'état de conservation de cet ouvrage
est déplorable, par suite de fréquents lavages au savon, et
parce cpie, pour faciliter le placement du tabernacle, on a
découpé la partie inférieure de la toile. Son mérite est assez
réel pour Justilier la dépense de G50 francs que sa conserva-
tion exige impérieusement. Un double rentoilage est néces-
saire ; de nombreuses écailles se soulèvent en divers endroits
et devront être lixéesav(X' un soin s('rui)uleu\. Kii avançant
\(\ tabernacle et en modiliant légèrement sa disposition,
il sera possible de re}ilaeer le tableau dans de bonnes condi-
tions lorsfpi'il aura été restauré. Comme les ressources
locales sont resticintes, le Collège pi-opose à M. le iMinislre
de rintérieiir (rallouer un subside de 500 francs sur les
fonds de l'État, à la condition tpie les 350 fraiics nécessaires
poiii' compb'lci- le total de la dépense seront donnés par
la province, la comnHine et FÉgiise.
L<'s '2,;jOO b'ancs nécessaires pour la l'olaiiralion du
— :2:) —
r('(al)I(^ (1c l'égiiso de Ilni'ciilJials (Anvers), irprésenlaiil
le martijre des SS. Crépiii et Crépinieu, soiil, réunis. La
Commission propose de confier ce Iravailà M. Mallail, qui a
une aplitude particulière pour les entreprises sem!)lal)les
et (pii a réparé d'une l'aron irré|)roel)aI)le le grand rélahk
dû à un maître de l'école d'Anvers, dont l'église de Tongres
vient de faire l'acquisition.
Les ouvrages de sculpture (jui aj)partiennent k l'église d(!
Boendacl,sous L\elles(v. p.3'2G),daleiit desxv" et xvf siècles
et doivent être classés au nombre des oljjels remarquables
de ce genre qui existent en Belgique. Il est vivement à
désirer que la province et l'État consentent à faire, en cette
circonstance, un sacrifice exceptionnel, vu (pi'on ne pourrai I,
sans de graves inconvénients, ajourner la restauration pro-
jetée. La dépense serait, du reste, échelonnée sur quatre
ou ciiK] exercices successifs.
Le Secrétaire de la Commission roijalc des MoiuimriitSj
Jules Dugniolle.
Vu en conformité de l'ai'licle ^20 du l'èglemenl.
Le Vicc-I'ré.'^idciil.
i^aron de Roisix.
NOTE CONCERNANT LES ACQUISITIONS
DU
MUSÉE ROYAL
D'ANTIQUITÉS, D'ARMURES ET D'ARTILLERIE,
EN 1862.
Déjà nous avons essaye de rappeler succinclement les
origines et de retracer les progrès du Musée royal d'anti-
quités, d'arrnures et d'artillerie. Depuis que cette notice a
été i)ubliée(i), le Musée a reçu des accroissements notables.
Un aperçu de ces acquisitions nouvelles étant de nature à
intéresser le public , nous nous proposons de signaler
brièvement les objets les plus importants dont les trois
sections du Musée se sont enricbies en 1862.
(i) Voir Bulletin dos Comniissions royales d'art cl d'archéologie, t. I"', p. 29
et suivantes.
— 28 —
I.
ARMEt^ A.NCIENNES ET MODERNES.
L(; cahiiK't fort coiiiiu de fou W. Vcrliclsl, ;i G;iii(l, conU;-
iinil une collection Irès-intércssanle (r.'ii'ines en silex et en
l)ronze, au nombre de 41 pièces, découvertes pour la
l)luj)art dans les environs de Gand et de Bruxelles. Les
pièces les plus importantes de cette collection, qui appar-
tient maintenant au Musée, ont été décrites par De BasI
dans son Recueil (t Antiquités et ]^ar Burlin dans l'ouvrage
intitulé : Oryctographie ou Descripdon des fossiles décou-
verts dans les environs de Bruxelles. (Bnw., 1784, in-fol.).
L'administration communale d'Atli a fait don d'une autre
liaclie en jade, trouvée à Mailles.
La belle collection des armes espagnoles s'est encore
enrichie d'une magnifique épée à poignée ciselée. L'arme
|)orte la signature de Sébastien Hernandez , armuriei' de
l'empereur Charles-Quint. Cette épée vraiment précieuse a
é'té conservée pendant longtemps au château de Mirwart;
<»u sup|)()se (ju'ellc a aiiparlenu à la maison de Croy.
Citons encore, comme des objets intéressants, un chan-
fi-ein en cuivre avec la dal(? de 1378; un morion sur lequel
est gravée l'aigle impériale , et une hache qui ])orte les
armoiries de l'abbaye de Saint-Pierre (Gand).
Un don d'une grande importance est venu accroître
la ((illcclion des anciennes pièces d'artillerie. M. Alexandre
Aiuaiid , projiriétaire de Faiicien château de Bouvignes.
il \\\n\ voulu dispdsci-, en faveur du Musée, d'un assez
'-)()
uraiid nuiiilirc cruiijcls égalciiiciil invciciix ihhii' l'iiis-
toire el pour l'archéologie. Ils ra|ipelk'iil , en elTet , le
sac de Bouvignes par les Iroupes de Henri II , roi de
France , en 1554 ; ils doimenl , en oulre , une idrc
aussi exacte que possible de l'artillerie employée en
Belgique à la fin du règne de Charles -Quint. On
remarque notamment un petit canon à croc ; trois autres
canons du xvr siècle; des chambres ou boites à feu de
Formes différentes; des boulels en pierre el en ler ; des
marteaux et des pioches d'artillerie; des tenailles, des
j.'inces, etc. Tous ces objets avaient été jetés pèle-mèlc,
avec les cadavres des défenseurs du château, dans un ])uits
de 40 pieds de circonférence et d'une profondeur d'en\ iron
133 pieds. Cette immense citerne, taillée au marteau dans
le roc vif, était comblée depuis trois siècles et (ont à fait
oubliée. En 1858, un heureux hasard en révéla l'existence ;
M.Amandfit déblayer et vider le puits qui avait été retrouvé,
et c'est ainsi que furent mis au jour les canons dont s'étaient
servis les braves défenseurs de Bouvignes.
Grâce à un crédit spécial, libéralement volé par la légis-
lature, le ]\Iusée possède également une magnitique collection
d'armes orientales, quiavaientété recueillies, pour la plupart,
à Constantinople. Elle comprend les objets suivants : hache
en acier taban; pistolets, monture en filigrane d'argent;
masses orientales, en cuivre doré; petite hache en taban;
handjar persan, manche en jade bleuâtre; handjar turc,
avec mancîie en ivoire garni de vermeil et orné de coraux ;
handjar de janissaire, poignée et fourrure en cuivre doré;
handjar tscherkesse, poignée en dent de morse sculptée;
espingole persane; bec-à-corbin (masse d'armes); autre
— 50 —
masse d'armes on acier ineriislé d'argent ciselé. Il faut
menlionner en outre une poire à poudre persane en acier
laban et une écuelle orientale en métal doré.
II.
AMIQUITES.
Va\ I8G2, (les fouilles ont été entreprises, avec l'appui
du Gouvernement, dans les lumulus de Frésin (Limbourg),
sous l'intelligente direction de M. Scluiermans, membre
correspondant de la Commission royale des monuments,
et de M. l'abbé Kempeneers. Ces exjdoralions ont été
couronnées d'un succès éclatant. Elles ont mis au jour des
objcls de la plus grande valeur et delà })lus grande rareté.
Elles ont enrichi réellement la collection d'antiquités
romaines du Musée. Trois objets surtout sont dignes d'at-
tention : une coupe en verre rouge sous forme de grappe; une
lampe en bronze avec tète de cygne; une bu ire également
en bronze avec figures et ornements sculptés. — Mais nous
devons laisser à l'un des explorateurs (M. Schuermans) le
plaisir de faire une description détaillée des objets si remar-
quables trouvés dans le tumulus central de Frésin.
D'autres antiquités d'une nature différente ont été trou-
vées dans les travaux du fort Sainte-Marie (bas Escaut).
Telles sont une espèce de mortier en piei-re et une remar-
(|uable figurine en terre cuite (moyen âge).
Tous ces objets d'origine belge seront classés jtius tard
dans la Galerie nationale qui doit être ajoutée au Musée.
Les matériaux de celle g.derie nouvelle deviennent plus
— TA —
nombreux et plus remarquables. On s'est efi'orcé et on s'ef-
force chaque jour de retrouver et de rassembler les chefs-
d'œuvre de l'industrie de nos pères de même (pie les mille
objets qui peuvent rajipeler la vie nationale des Belges.
Bornons-nous à mentiomier ici les acquisitions les pins
importantes faites en 18G2.
Citons d'abord une cheminée en pierre dans le slyle de
la Renaissance. Elle provient, selon la tradition, de la
maison qu'habitait à Audenarde l'architecte du célèbre
liùtel de ville de cette commune.
Le Musée possède également le confessionnal du xvi" siècle,
qui avait fait partie du cabinet de Verlinden-MuUer, à Gand.
En 13G3, un concile tenu à Milan décréta que le con-
fesseur et la pénitente seraient désormais séparés par une
jalousie de bois. On tire de la recommandation du concile
de Milan la conséquence que l'usage des confession-
naux actuels était encore inconnu dans la première moitié
du xvf siècle, ou, du moins, que les confessionnaux dont il
s'agit étaient très-rares. Quelle que soit la valeur de cette
observation , le confessionnal possédé maintenant par le
Musée paraît antérieur à loGo. Il résulte, en effet, de
renseignements authentiques que ce confessionnal provient
de l'ancienne église de l'abbaye d'Averbode (Gampine) et
que les armoiries déchitïrées sur les panneaux sont celles de
l'abbé Gérard Van der Schaeft, élu le 23 août 1501 et mort
le 20 juillet 1532, ou bien celles de son cousin et successeur
immédiat , Denis Van der Schaeft, mort le A mai 1541 .
Les chaires en bois du xvf siècle sont également rares.
C'a donc été une bonne fortune pour le Musée que de
pouvoir acquérir la petite chaire (dans le style de la Renais-
— 52 —
sanco), ([ui dccdrail iiiiuiicrc la 1)L'1Ic église d'Alsi.'iiibcru'
(Brabanl). C'est niic espèce de eiive de forme Iiexagone sou-
leiiiie |)ariiii]tédicule ; àrexlérieiir, les paimeatix sont décorés
d'arcades avec rosaces, colonnettes el autres ornements de
style flandjoyanl; le ])anneau principal contient en outre,
dans des niches, les statuettes des quatre évangélistes. La
hauteur d(i la chaire est de 2"C)0. (Voir le dessin ci-joint.)
Non iiidiiis |)j-écieiises Sont les pierres tombales et les
(hdles riiiiéraires en cuivre également ac(iuiscs par le Musée.
Parmi les monuments (|ui décoraient autrefois l'église
de Tabbavc de Villei-s on l'einarquait surtout les riches
mausolées de llem'i II et de Jean 111, ducs de Brabant.
Ces tombeaux disparui-ent à la lin du xviif siècle, et il
n'en l'eslc d'autres vestiges que les dessins donnés par
Le Roy dans son Théâtre .sacré du, Brabmd (tome I'"',
]). 11-14) et par Butkens dans ses Trophées sacrés et
profanes du duché de Brabant (tome I'"', p. 259 et p. 4.45).
Mais une sorte de tradition historique laissait sujtposer que
les monuments des jirinces brabançons n'étaient pas
eiilièremenl anéantis, (jn avait même inq)rimé que ce (pii
lestait du mausolée de Jean 111 ornait un château à Ilévil-
1ers. Malheureusement celte assertion n'était point exacte.
On avait pris pour les mausolées des princes brabançons
deux pierres tombales (pii soid aujourd'hui déposées au
Musée et (pii proviennent effectivement de l'église de l'ab-
baye de Villers. Ces pierres, incrustées de marbre blanc,
jjorlent l'une et l'autre l'effigie d'un chevalier brabançon
du XIV" siècle, étendu sous une chapelle gothique, les
pieds a]»puyés sur un lion. L'une de ces pierres n'a point
d'iuMjription ; mais, d'après le style des orneuients el le
Bull dfS t}tniin' rmi'" il iirl fi- li /a-*rt'/.y/-- -.'.-iim-i fl I
"C^
•H/ .h' ' ' vrp'Tr PhP
ôô
costumo du personnage représenté, elle est au moins aussi
aneiennc que la seconde. Celle-ci contient encore des
fragments de l'inscription primitive ; et on peut lire qu'elle
recouvrait les restes de Raus de Greis , porte-étendard du
duc Jean V' à la bataille deWoeringen, mort en 1518,
Les deux plaques en cuivre ciselé, qui sont venues enri-
chir la collection nationale, ont appartenu à l'église de Heer
(Limbourg). L'une, la plus riche et la plus remarquable,
remonte au xiv" siècle; l'autre est du xvf .
La première porte, également sous une chapelle gothique,
les figures de deux seigneurs « en plein harnais » : Jean
seigneur de Heer, chevalier, mort en 1552, et Gérard,
seigneur de Heer, mort en 1598. (H. 2 m. 27. L. 1 m. 51).
L'autre plaque représente en plein harnais Richard,
seigneur de Heer, mort en 1540, à côté de sa femme,
Jeanne Scheiffart de Mérode, morte en 1567.
m.
ETHNOLOGIE.
Les acquisitions destinées à la troisième section ont été
moins importantes. Mais il convient toutefois de signaler
le don fait par M. Daluin, consul général de Belgique à
Tanger, des armes fort curieuses qui sont en usage chez
les Kabyles du Riff.
J.
MUSÉE ROYAL D'ANTIQUITES,
D'ARMURES ET D'ARTILLERIE.
EXTRAITS DES PROGES-VERBAUX
DES SÉANCES l)i; LA COMMISSION niRiXTRICK.
SÉANCE DU 28 JUILLET 1862.
Il est fait don au Musée des objets suivants :
Un plat flamand en terre rouge émaillée , offert par
M. le comte de Limbourg-Stirum (Gand).
Deuxpetites bannières de procession provenantde la corpo-
ration des bottiers de Bruges, offertes par ^1. F. Vander-
haeghen (Gand).
La Commission vote des remercîments aux honorables
donateurs.
SÉANCE DU 18" AOUT 1862.
Acquisitions faites et approuvées :
Une serrure aux armes de la maison d'Arenberg et
portant la date de 1671 ;
Un couteau chinois ;
— 56 -
Planche gravée en l)oi.s ])rovenant d'une fabrique de cuir
doré existant autrel'ois à Matines ;
Grande cheminée en pierre sculptée* provenant d'Aude-
narde (xvi' siècle) ;
Canon très-ancien retiré de la mer à Nieuport et statuette
en terre cuite trouvée dans la même localité;
Grand lustre en cuivre du xvir siècle.
SÉANCE DU 20 OCTOBRE I8C2.
Acquisitions faites et approuvées :
Une corne à boire (xv!*" siècle) montée en argent avec
armoiries et inscription flamande ;
Une mandoline (?) (xvr siècle) ;
Deux livres avec chaînes en fer (libri catenaii) sont
envovés en don par M. le Ministre de l'Intérieur.
SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 18C2.
La Commission est informée que les objets trouvés
en 1859 dans un puits du château de Bouvignes, et dont
M. Alex. Amand a fait don au Musée, viennent d'arriver.
Cette remarquable collection comprend :
Un gros vvglaire en douves de fer battu, cerclées, se char-
geant })ar la culasse ; un autre canon de la même espèce,
mais dont l'âme n'a (jue 1(> ('ciilimètres de diamètre;
Un petit fauconneau cerclé de seize anneaux, également en
IV'i- forgé, s(; chai'geanî, aussi par la culasse, et muni de sa
chimibre ;
Un ])etit canon demain à croc;
Six boîtes à feu de dinV'rciites grandeurs;
._. 37 —
Vingt-deux balles en granit de différents diamètres;
Huit balles en fer de différents diamètres ;
Les diverses pièces d'un affût ;
Quatre tenailles ;
Une erminette et une fourche d'assaut ;
Deux fragments de pelle; un fragment de scie; fragment
de poignée en bronze; un marteau; fragment d'une épée ;
fragment d'un fer de lance et deux fers de javelot;
Quarante-deux petits carreaux émaillés;
Trois fragments de creusets ;
Trois fragments de serrure ;
Un chenet gothique en fonte.
SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1862.
La Commission examine avec le plus grand intérêt les
objets provenant des fouilles opérées dans les environs de
Frésin, savoir .
Une buire en bronze avec hgures et ornements sculptés ;
Un vase en bronze à large panse ;
Grand bassin en bronze contenant des cendres;
Amphore en verre, forme de grappe ;
Fiole contenant un liquide huileux;
Lampe sépulcrale en bronze ;
Brûle-parfums avec godet;
Petit trépied en cuivre recouvert d'une couche d'étain ;
Grains de coHier;
Deux monnaies (Domitien et Adrien) ;
Quatre lampes sépulcrales en terre ;
Potiche (vase aux libations) ;
Patère en terre rouge, etc. ;
— 58 —
^I. Chàloii fait connaître que des antiquités gallo-
romaines ont été découvertes dans les environs de Binche.
M. Pinchart, chef de section aux archives de l'État, a dirigé
quelques fouilles qui ont donné lieu à des résultats inté-
ressants. — Il est tenu note de la communication de
M. Chalon
ÎGLISE
Flandi i'
BULLETIN DES COMM^ ROYALES
D'ART ET D'ARCHÉOLOGIE
^- 1 ■■ 1 r -
JJkuiij
LOO,
SON ÉGLISE ET SA TOUR.
La reconstruction de la tour de Loo nous reporte tout
naturellement à l'époque de sa fondation, qui remonte au
xif siècle.
Avant ce temps Loo était une localité importante de la
Morinie, située sur une voie romaine qui aboutissait à
Cassel et portait, comme elle porte encore en différents
endroits, le nom de Looweg.
Ce n'est que vers la fin du xi'' siècle que Loo figure dans
l'histoire de la Flandre. Thomas, prêtre ou curé de cette
localité, réunit plusieurs autres prêtres, qui embrassèrent
la règle de Saint- Augustin et vécurent en commun.
Dans une charte, publiée par M. le Chanoine DeSmet,
dans sa notice sur Guillaume d'Ypres (i), et que nous lui
avons communiquée, Jean, évèque de Térouane , parle,
(i) Mémoires de l'Académie de Bruxelles, t. XV.
— 40 —
on H 00, de cette congrégation comme si elle ne venait que
d'être formée. « Lorsque, dit-il, nous visitâmes, d'après
» notre habitude, toutes les congrégations de notre diocèse,
» nous trouvâmes dans le lieu conmiunément appelé Lo,
» des chanoines réguliers de Saint- Augustin. » Ces cha-
noines s'étaient constitués, sans consulter l'évèque, et avaient
transgressé les saints canons par sinq^licité, comme le dit
Jean de Térouane. Il les absout et leur accorde la posses-
sion de l'église, à condition qu'ils paient annuellement à la
mense épiscopale la modique somme de cinq sols.
Le monastère de Loo s'accrut insensiblement et devint
par la suite une abbaye renommée. A l'exemple de son père,
le fameux Guillaume d'Ypres, vicomte de Loo, la dota de
plusieurs terres et privilèges, etc. Après avoir passé une
grande partie de sa vie au service des rois d'Angleterre, il
revint à Loo âgé et aveugle, et y vécut encore dix ans dans
la jinilique des vertus chrétiennes. Son château se trouvait
à l'endroit d\i\e Mont terrible; on en voit encore des vestiges.
En 1770, on découvrit dans un tombeau, à côté de l'autel
dédié à saint Pierre, les ossements du vicomte de Loo,
mort le 23 janvier 1162. Ces restes témoignaient d'une
slalui'c (lui ;)vait été plus qu'ordniaire (i).
L'église, qui primitivement était paroissiale et adminis-
trée par un curé et des marguilliers, devint mixte, c'est-
à-dire que, depuis leur érection canonique, les moines
occupaient le chreur et les fidèles une partie du vaisseau de
l'église. De l;i de nombreuses contestations entre le couvent
(i) Ne conviendrait-il pas de perpétuer la mémoire de ce grand guerrier,
nommé nar rarchidiùcred'Hiindini;dfin Vir wrifiinr probilatis belli pcri-
lissiniiis, au moyen d'une inscription placée dans l'église de Loo ?
— 41 —
et la paroisse tant pour l'entretien du bàtinieni que pour
les places à occuper.
Les archives de l'abbaye de Loo, conservées en partie au
séminaire épiscopal de Bruges, mentionnent plusieurs de
ces contestations et c'est là que nous avons puisé les données
historiques que nous nous empressons de publier à l'occasion
de la reconstruction de la tour de cette église abbatiale.
La tour, telle qu'elle existe actuellement, est la seule
partie qui subsiste encore de l'ancienne église, construite
vers le commencement du xiT' siècle; elle présente des par-
ties romanes et des parties ogivales; ses proportions indi-
quent qu'elle a appartenu à un édifice très-vaste. L'intérieur
accuse des restaurations et des modifications importantes,
faites à des époques incertaines.
Quelques documents constatent cependant des faits relatifs
aux restaurations. Dans une charte de Gui de Dampierre,
comte de Flandre, du 14- mai 1289, il est question de
l'écroulement de la tour et de sa réparation. Le comte
dit que la tour (la flèche probablement) est tombée par
leur de faute et qu'ils doivent la rebâtir en tele forme
kc cle fat avant ke ele kei (chut), ou mellior sil le voussisent
faire. La restauration devait être terminée avant la fête de
Saint-Martin de l'année suivante (11 novembre 1290). Je
présume, par ce qui reste de la tour, que la lléche seule a
croulé. Les pieds-droits , sur lesquels repose le carré de
l'édifice, sont bâtis en pierres ferrugineuses. L'intérieur,
coulé en fragments de pierres et de mortier réduit en
poussière, petit appareil, indique une antiquité remontant
de beaucoup au delà de 1290.
Les guerres du xiv- siècle entre les Flamands et les rois
— 42 —
de France et d'Angleterre avaient été tellement funestes
à ral)l)aye de Loo, que les prévôts vendirent plusieurs terres
et rentes pour restaurer leur monastère et leur église. Ces
actes de vente datent de 1580 à 1597 et il est dit dans l'un
que la vente se fait pour subvenir au dommage que le cou-
vent a souffert par les guerres.
Une autre pièce des archives, sans date et sans sceau,
contient un appel du prévôt de Loo à tous les fidèles de
la chrétienté, afin d'en obtenir des aumônes pour la recon-
struction de l'église détruite.
Le 1 2 mars 1 440 le prévôt et les échevins de Loo signent
une nouvelle convention pour l'entretien des bâtiments
de l'église. Le couvent venait de bâtir un nouveau cloitre,
ou déambulatoire, qui était adossé au mur nord de l'édifice.
Le 7 mai 1496, une autre convention est signée entre le
prévôt, le curé, le bailli et les échevins de Loo, relativement
à la reconstruction d'un mur de l'église s'étendant du
transejit sud jusqu'au pignon de la façade principale. Ces
divers documents prouvent que le monument, tel que nous
le voyons, n'a pas été exécuté en une fois. Nous pourrions
ajouter que l'église et l'abbaye furent dévastées par les
iconoclastes au mois d'août de l'année 1 566 , comme le
dit une lettre de l'évéque d'Ypres, Martin Rythovius, qui
autorise, le 20 septembre de celte année, le prévôt à lever
une somme d'argent pour l'entretien des soldats préposés
à la garde de l'abbaye contre les gueux des bois.
Il y a vingt ans à peine que la nef latérale nord a été
élargie sur l'emplacement de l'ancien cloitre.
Malgré les vicissitudes qu'elle a subies, l'église de Loo est
toujours une des plus belles de l'ancienne Wesl-Flandre,
— 45 —
tant par sa grandeur et son style archilectonique que par
les objets d'art qu'elle renferme. Elle a 65 môtr(\s de longueur
hors-d'œuvre , depuis le fond de l'abside jusqu'à la porte
d'entrée à l'ouest. La largeur des transepts mesure 29 mètres
50 centimètres.
Le chœur est vaste et conçu dans un style vraiment
original. Il est éclairé de chaque côté par trois |)etites
fenêtres ogivales à lancettes et d'un oculus trilobé. Le fond
du chœur est terminé par un mur plat, percé autrefois d'une
grande fenêtre ogivale. Après l'année 1659, l'abbé Jean
Reynaert, fit murer cette fenêtre, pour ériger le retable
en bois de chêne, de style corinthien, peint en marbre
noir et blanc et orné d'un excellent tableau de Broekhorsi,
dit Langenjan, représentant le Christ crucifié entre les deux
larrons, la Vierge et saint Jean. Le tabernacle en bois
d'ébène, avec ornements ciselés en cuivre doré et orné de
statuettes et d'arabesques, porte les armoiries du même abbé.
L'ensemble de l'autel , conçu dans le style de la renais-
sance, n'est pas en rapport avec l'architecture du chœur.
Lorsqu'on songe à l'effet que devait produire dans le
fond de l'abside une grande verrière peinte, avec un autel
à retable gothique et les lumières mystérieuses, projetées
par les fenêtres latérales, on regrette tout ce qui a disparu
par le pillage, la dévastation et les transformations. Quoique
beau dans son genre, l'autel de Loo est un hors-d'œuvre.
Après la destruction de l'abbaye, les moines se retirèrent
pendant quelque temps dans leur refuge à Ypres. L'abbé
Jean Snipgat, nommé le 5 avril 1588, fit réparer les plus
grands dégàls, causés au temps de la guerre civile. Il mou-
rut en 1604 et eut pour successeur Rémi Zaman, dont l'élec-
44 —
(ion fut confirmée par les archiducs Albert et Isabelle le
10 septiMiibre 1604. On peut considérer cet abbé comme
le restaurateur de la maison. Il reconstruisit les édifices
ruinés par les hérétiques , et y i-amena de l'exil ses reli-
gieux. Il lit exécuter de grandes réparations à l'église
en 1608.
En 1624 il fit placer les belles stalles en bois de chêne,
sculptées par l'Yprois Taillebert, dans un style analogue à
celles de Saint-Martin, à Ypres. Elles sont formées de quarante
et un sièges disposés sur deux lignes, ou formes hautes et
basses, couronnées de dais. Les accotoirs et les Miséricordes
sont variés et couverts de sculptures délicates. Si le style
n'est pas conforme à l'architecture du chœur, l'art n'en est
pas à dédaigner.
Le ciseau de Taillebert a été mis en réquisition pour
d'autres ouvrages de sculpture de cette église et notamment
])our la chaire de vérité, dont les bas-reliefs représentent
des scènes de la vie de saint Pierre , savoir : saint Pierre
ès-liens, les Animaux mondes et immondes, Paissez mes
agneaux, et Éloignez-vous de moi Seigneur, parce que je
suis pécheur.
Quinze bas-reliefs, représentant les mystères du rosaire
et hauts chacun de trente centimètres, sur quarante-cinq
cenliniètres de largeur sont encore du même sculpteur, de
même que l'e banc des pauvriseurs. Ces pièces })ortent la date
(le l()26 Dans le fond sont peintes les œuvres de Miséricorde,
■par Tierendorf.
La partie supérieure du jubé en bois de chêne est d'une
bonne facture; la partie inférieure, en bois de tilleul, a été
ajoutée j)Ostérieurenienl.
— 45 —
L'église de Loo est riche en tableaux de l'école flamande.
Le tableau de l'autel dédié à saint Roch, représentant ce
saint priant pour les pestiférés, fut exécuté, en 16G0, par
Victor Boucquet, peintre furnois.
A côté du même autel on voit la Résurrection du Christ.
Descamps dit, dans son Voyage pittoresque en Flandre,
que ce tableau est assez bon et qu'il était placé dans la cha-
pelle de l'abbé. L'autel de la Vierge, au fond de la nef
sud, est orné d'un tableau sur panneau, l'Adoration des
bergers, sujet bien composé et bien peint, par Jérémie
Tierendorf, en 1621. Il a formé le milieu d'un triptyque,
dont les deux volets sont incrustés dans les côtés de l'autel
Saint -Pierre à l'entrée du chœur. L'un de ces volets
représente l'Annonciation de la Vierge et, au revers,
Fange Gabriel; l'autre, l'Immaculée Conception et la Visi-
tation de la Vierge à sainte Elisabeth.
Près de l'autel de la Vierge se trouvent sept tableaux
peints par Victor Boucquet en 16S8-59 et 60. Plusieurs
létes ont de l'expression , mais le dessin n'est pas correct
et les figures sont trop courtes. Sur un de ces tableaux
représentant Jésus au milieu des docteurs, on lit : Memoria
R. Dni. Francisci Wynckelman, hujus ecclesiœ canonici
sacerdotis, dono data à nobiliviro Jacobo Wynckelman Dni
de Montigny, etc.
Le tableau du retable de l'autel, dédié à sainte Anne,
représente cette sainte montrant à lire à la sainte Vierge.
Il fut exécuté, en 1705, par Yeurdigne, sourd et muet, qui
j)eignait bien le paysage. Ce tableau est dans la manière de
Corbeen, son maître.
Un tableau de maître inconnu et représentant saint Jean
— de-
dans la chaudière d'huile bouillante provient de l'hôpital
de Loo, où il était considéré comme une œuvre de valeur.
Un tableau non placé et représentant le crucifiement du
Christ .est dû au pinceau de Guillaume Van Heede, de
Furnes.
Un petit tableau de genre, haut de 60 centimètres et large
de 79centim., représente les œuvres de Miséricorde. Senave,
jieintre, né à Loo et mort à Paris, en fit don à l'église en
J820; c'est un des meilleurs tableaux de cet artiste. Le
peintre a écrit au bas de son œuvre : Gejond aen deze kerk
door J. A. Senave, knnstschilder hinnen Parijs, geb. in Loo
7 sept, in iiet jaer 1758.
Wie die icilt aen God behaagen ,
Moet den armen onderschraagen.
Une copie du tableau d'Egide Bakereel, conservé à la cathé-
drale de Bruges, fut donnée en 1845 par le peintre Charles
Recour, à l'église de son lieu natal. Elle est placée dans
le transept sud, et représente saint Charles Borromée offrant
des secours spirituels à des pestiférés. Dans le transept nord,
un triptyque représentant le Christ en croix, avec la Vierge,
saint Jean, la Madeleine et les larrons; à droite, des abbés
posant la mitre sur la tète d'un jeune intronisé ; à gauche,
Tabbé Rémi Zaman, agenouillé, nu-tète, tenant la crosse ;
derrière lui son patron avec la colombe. L'abbé porte la
barbe en pointe. Sur sa pierre tombale il est représenté
.sans barbe.
Les trois premières fenêtres du bas- côté nord repré-
sentent :
a) La Nativité du Sauveur;
— 47 —
b) La Présenlalion au Temple ;
c) La Vierge donnant le saint Rosaire à saint Dominique.
Ces verrières sont endommagées ; la restauration en est
confiée à M. Capronnier, de Bruxelles. Les pierres sépul-
crales, qui ne datent que du commencement du xvif siècle,
sont placées contre les murs des bas-côtés ; presque toutes
représentent des abbés.
Derrière les stalles, au bas-côté sud, se trouve un monu-
ment funéraire , érigé à la mémoire de Joseph Liebaert ;
il est composé d'une pyramide et d'un bas-relief, dû au
ciseau de Van Poucke ; il représente un ange qui pleure et
qui sert de tenant à deux armoiries.
La sacristie renferme quelques ornements précieux, l'un
en velours rouge, l'autre en damas d'argent, richement
brodés. Ces objets proviennent de l'abbaye, de même qu'un
missel orné de coins en vermeil et en pierres antiques non
taillées.
Sur une plaque ovale est représenté un Christ en croix,
parfaitement ciselé avec l'inscription : In Loo 1547. Un
grand plat en vermeil et ciselé porte les armoiries de l'abbé
Zaman, et un autre en argent, avec arabesques repoussées,
est orné des armoiries de l'abbé Jacques David, décédé
en 1709.
Un calice en vermeil, haut de 57 cent. , représente sur
le pied et sur la coupe différents sujets de la passion. Les
ornements fondus sont d'un fini extraordinaire. Pareil calice
se trouve dans l'église de Menin et un ciboire de l'éghse
Saint-Bertin, à Poperinghe, est exécuté dans le même style
du commencement du xvif siècle et orné des mêmes
bas-reliefs.
— 48 —
Il résulti^ do (ont ce qui précède que l'église de Loo ren-
ferme quantité d'objets d'art dont un seul est du wf siècle.
Tous les autres ne datent que du commencement du siècle
suivant. Le vaisseau de l'église a été reconstruit en grande
icirtie au \iv'' siècle et le plan de la nouvelle tour est conçu
dans le slyle de cette époque. L'ancioinie tour est dans un
si mauvais état de conservation, qu'il serait dangereux d'y
toucher pour y faire des restaurations. Il y a des mouve-
ments dans les pieds-droits qui forment sa base. Espérons
que bientôt la ville de Loo verra son antique et belle église
couronnée d'une tour nouvelle!
F. Vain de Putte.
L'ART MONUMENTAL BELGE
PAR LA CRITIQUE ARCHÉOLOGIQUE D'OUTRE-RÏÏIN,
ARCHITECTURE RELIGIEUSE.
II.
PERIODE ROMANE ET DE TRANSITION
Durant la première moitié du xii^ siècle, nous l'avons
reconnu avec MiM. Schnaase et Rugler (i), la Belgique,
architectoniquement parlant, n'est qu'une province assez peu
importante de l'Allemagne. Maintenant qu'elle prospère et
va développer le germe de sa lloraison, elle inclinera vers
la France, mais l'Allemagne maintient son influence dans
(i) Conférez : Geschichie iler Bildendenkiinsl von Cari Schnaase, t. V. Dus-
seUiorf, I806, p. 209, 22.j; — Geschichie der Baukunst, von Franz Kuglcr,t.II.
Stuttgardt, 18j8, p. 550-561, t. III.p. 406-408; — Mederldndische Itriefe ,
von Cari Schnaase. Stuttgard und Tubingen, 1854.
— oO —
la vallro de la Meuse, Ainsi ht pclile (jalerie sous la cor-
niche, inaugurée h Saint-Nicolas en Glain, couronne-t-elle,
à Saint-Servais de Maestricht , l'abside flanquée de deux
tours carrées et qui rappelle labside orientale du Munster
de Bonn; tandis que les arcades aveugles superposées,
(■( dont les archivoltes retombent au premier ordre sur des
ressauts, au deuxième sur des colonnettes, sont une viiml-
uisvoucc des Saints- Apôtres de Cologne, mais d'un faire plus
léger. Quant au transept occidental, bien qu'évidemment
de construction postérieure, il se réclame également du Rhin
tant par l'ordonnance que par rornementation. Citons aux
mêmes titres, à Maestricht, l'abside de l'église Notre-Dame^
probablement contemporaine de celle de Saint-Servais ; à
l'intérieuf- du chœur, on reconnaît cette hardiesse décorative
de Saint-Martin de Cologne.
L'église Sainte-Croix de Liège accuse le style rhénan
avancé, dans les errements des Saints- Apôtres ,mRis peut-être
de date plus récente, 1250 environ. — Même style enfin,
mais dans toute la richesse de son développement, à Notre-
Dame de Ruremonde, consacrée (1224) par Engelbert I,
archevêque de Cologne. La disposition du chœur est ici
apparentée aux Saints- Apôtres, par les trois absides englo-
bant la c(Hipole, et par les deux tours surgissant des angles
rentrants; mais comme au Miinster de Bonn, les tours sont
carrées et les absides polygonales. L'ornementation, mieux
é])anouie, ])lus luxuriante qu'à Cologne, se rapproche de
iionn et conqjrend, au premier ordre : des surfaces lisses,
encadrées de ressauts, que relie la petite arcature; au
deuxième : de larges baies cintrées, dont les archivoltes
à multiples moulures sont étroitement agencées, ce qui
— 51 —
doiiiK.' du ])leiii à cos liariiioiiicux iiioiivenicnls de la ligue
ronde. Sous la petite (jaterie, règne ce cordon de quadrila-
tères, adopté par les églises r]iénancs, voire déjà ]y,\r Sainte-
Marie du Capitale, et comme pour compléter l'analogie avec
les Saints- A patines, nne robuste antéglise greffe sur l'édilice
roman le style ogival mais comparativement en progrès sur
Cologne.
En admettant que les parties principales de Notre-Dame
de Ruremonde aient été construites vers l'époque de la
consécration (1224), on aurait la preuve qu'en ces contrées
l'on s'en tenait, de prédilection, au style roman, et môme
à l'intégrité des formes romanes, alors que les provinces de
l'ouest donnaient accès au gothique primaire.
Le vrai critérium de l'architecture romane, dans l'ouest
de la Belgique, c'est, eu égard à un caractère de beauté
réellement hors ligne et à une influence exercée par
delà les frontières jusques en Picardie : la cathédrale de
Tournai. Malheureusement, il y a pénurie de documents
historiques , et le passé de cet intéressant édifice reste
une énigme que l'archéologie indigène n'a pas encore
résolue à souhait.
Tournai, mis à sac par les Normands (882), appauvri à ce
point que le chapitre métropolitain , réuni à celui de Noyon,
ne put être réintégré qu'en 1145, Tournai n'aura vu réédi-
lier sa cathédrale qu'au xr siècle, et, en effet, la consécration
daterait de 1060 ou 1070. Mais le monument actuel, en
ses parties romanes, ne saurait remonter si haut. Nous
savons d'ailleurs qu'en 1140 il est fait mention d'une
nouvelle église en voie de construction et qu'en 1198
l'évèque de céans octroie la somme nécessaire à l'éta-
— 52 —
blisscniciil (11111 nouveau jilafond ou charpente , ce qui
doit s'entendre du vaisseau actuel , dont raclièvement
intéirral ne s'effectua que par la mise en voûte , opérée
seulement au siècle dernier.' En 1213, enfin, on con-
sacra le chœur, remplacé au plus lard un demi-siècle après,
par le magnitlque chœur actuel. Telles sont les données
historiques qu'il nous incombe de contrôler, en interro-
pceant un monument, qui, pris dans son ensemble, reste
l'une des créations les plus grandioses et les plus imposantes
de l'architecture religieuse. Au centre, en elïel, surgit une
puissante coupole , s'accompagnant de quatre robustes
tours carrées, qui la dépassent en hauteur. La façade occi-
dentale, actuellement défigurée par de lourdes baies ogivales
et par un porche du xiV siècle, permet néanmoins de resti-
tuer l'ordonnance primitive, à savoir : une double rangée de
fenêtres, au droit des galeries et des jours supérieurs, et
deux tourelles rondes aux angles de la nef centrale. A partir
de ce frontispice , se prolongent longitudinalemcnt trois
ordres de fenêtres en partie richement décorées d'archivoltes,
de colonnettes et déversant la lumière aux collatéraux, aux
galeries, comme à la grande nef elle-même. Latéralement,
enfin et en saillie sur les tours, s'arrondissent les croisillons
semi-circulaires; tandis qu'à l'orient du vaste transept se
dresse le splendide chœur ogival. Pénétrons -nous dans
l'auguste métropole, des anomalies flagrantes nous ouvrent
un vaste champ d'études.
Le plein cintre règne on cette hasUique à piliers, élageant
ses collatéraux par des galeries dont les arcades évidées
(comme dans les églises normandes du xi'' siècle) repro-
duisent les dimensions des arcades du rez-de-chaussée. Les
— 55 —
piliers, ensemble leurs arcs quasi en fer-à-cheval (i) sont en
ces deux ordres vigoureusement moulurés; les chapiteaux
des colonneltes engagées ( à base attique pourvue de
griffes) s'ornent de volutes, d'arabesques, de feuillages et
de spécimens du règne animal , le tout d'un faire excellent
et d'une grande variété. Au-dessus des galeries court un
triforium à plein-cintre mais écourté, que couronne l'aligne-
ment des hautes baies, extérieurement pourvues de colon-
nettes, et correspondant en nombre à la double rangée
d'arcades inférieures. Cette ordonnance simple, régulière et
néanmoins mâle et énergique, cette répétition d'arcades
symétriques accusent une réminiscence de l'art antique ;
tandis que le détail, l'éminente sculpture des chapiteaux, les
riches profils des arcs proclament une époque qui, dès long-
temps, a cessé d'être primitive.
Au transept , également le domaine du plein-cintre ; les
pourtours des hémicycles, à l'instar des collatéraux des nefs,
supportent galeries et triforium : mais ici , les voûtes des
pourtours et des galeries opèrent leurs retombées, non sur
des piliers, mais bien sur de sveltes colonnes (2) ; et tandis
qu'aux nefs, les galeries assimilées à leur rez-de-chaussée
respectif s'étagent d'un triforium bas et sans importance,
les croisillons adoptent un rhythme accentué d'élévation qui
procède par échelle décroissante. A l'ordre inférieur, en elTet,
(0 M. Kugler voit dans ces arcs une réminiscence orientale, mieux caracté-
risée aux porciies latéraux, par la disposilion des voûtes et l'encadrement trefflo
de la façade, accusant au surplus, comme les fenêtres ogivales des tours, l'époque
de transition.
(2) L'étroitesse des entre-colonnenieuts rappellent, dit M'. Kugler. les absides
à colonnes de la France.
— u —
hauteur et élancement, à tel jioint que le bandeau prend
idiiiiienient avec les chapiteaux des galeries collatérales; au
deuxième ordre : galeries comparativement très-réduites ,
mais de proportion moyenne, eu égard au triforium plus
développé qu'elles supportent. Sonune toute, dans les nefs :
le principe antique, la ligne horizontale; aux croisillons : déjà
le principe ascendant. Remarquez encore que l'ordonnance
du transept est conçue en vue de voûtes d'arêtes nervées
et que le vaisseau ne possédait originairement qu'une clô-
ture plane. Par contre, aux croisillons l'exécution de détail
est moins élégante, moins achevée; les bases de colonnes
sont pourvues de griffes, mais les chapiteaux pèchent par
monotonie , sécheresse de formes, et les arcades sont plus
sobrement moulurées.
Ces contrastes devaient avoir pour résultat d'obscurcir
la question de priorité; aussi les historiographes du monu-
ment ont-ils incliné à conférer le droit d'ainesse au transept,
et, en effet, il serait dilïicile d'assigner aux nefs une date plus
reculée que la moitié du xif siècle; car alors seulement
l'Allemagne nous exhibe aux arcs concentriques , ce
luxe de moulures inconnu en France durant la période
romane, même en de somptueux monuments. Ce qui com-
plique encore le problème, c'est que la rudesse de forme,
la tendance ascendante, la superposition rhythmique de
plusieurs ordres qui caractérisent le transept, nous ramènent
également à l'époque dont nous venons de parler et que, dès
lors, il doit paraître au moins étrange qu'cà Tournai l'on ait
quasi simultanément obéi à une double influence.
D'autre part, ne serait-on i»as fondé à admettre que, en son
état achif'l, le vaisseau constitua moins le fait d'une con-
— 55 —
struction complètement neuve que celui d'une restauration,
de rornementation d'une haute nef préexistante et primiti-
vement dotée de piliers et de galeries sur collatéraux , à
l'instar des églises normandes et de ceWede Samt-Vincenl de
Soignies? L'adoption du [n'foriiim, forme étrangère au style
roman , s'expliquerait par cette circonstance que, vers le
milieu du xii" siècle, le chapitre ayant résolu l'agrandis-
sement de la métropole, consacrée en 1066 et par trop
modeste en ses proportions : on aurait déhuté par le tran-
sept, et, après l'achèvement de celui-ci, entamé les nefs, pro-
cédé à leur ornementation et finalementrecouru à l'expédient
d'un triforium , en vue de raccordement avec le transept.
Cette hypothèse concorderait avec la tradition, d'après la-
quelle, en 1198, le vaisseau réclamait une charpente neuve.
Il a pu également arriver que l'on ait eiïeclué la restau-
ration des nefs sous une iniluence allemande , et de même
entamé ultérieurement la construction du transept en imitant
les types de Cologne; mais que, par la suite, la continuation
des travaux ait été confiée à un maître français, lequel,
voulant donner de l'élancement à son œuvre et se montrer
constructeur, prit dès lors médiocre souci du détail,
comme le comportaient à la fois de telles préoccupations et
les divergences entre les deux écoles allemande et française.
Toujours est-il éminemment curieux de voir, à Tournai,
les deux éléments français et germanique en contact et
même aux prises. D'une part, au vaisseau, ordonnance franco-
normande, exécution allemande; de l'autre, au transept,
ordonnance germano- rhénane, exécution française. Rap-
pelons que le transept à croisillons semi- circulaires de
la noble cathédrale n'a pas tardé à engendrer ses congénères
— o6 —
de Cambrai et deNoyon, partant que cette forme, originai-
rement rhénane, ne s'est propagée en France qu'après avoir
subi l'addition française de la galerie et du triforium; et le
lecteur accordera que Tournai devait rli'e une importante
station, quant au commerce intellectuel des deux nations.
Nos lecteurs nous sauront gré, sans doute, de leur com-
muniquer l'extrait d'une lettre que nous écrivait en 1859,
au courant de la plume, M. de Verneilh , a])rès une visite à
la cathédrale de Tournai.
« ... Je me suis rendu à Tournai, grâce à de pres-
santes sollicitations dont je vous remercie. Les notes tra-
duites du texte de M. Schnaase , dont vous vous étiez
dépouillé en ma faveur, m'ont mis irhmédiatement au cou-
rant de la question. Mais cette question n'en est plus une
pour moi, et les transepts de Tournai sont certainement
postérieurs à la nef. L'ornementation est plus recherchée
dans cette dernière partie du monument, mais le style est
plus avancé dans l'autre; d'ailleurs, dans les piliers d'angles
de la croisée, les colonnettes ajoutées pour supporter les
voûtes du transept, et dont les bases sont à un niveau diffé-
rent, recouvrent le reste; les joints ne s'accordent pas et les
bases anciennes tournent derrière les autres; en enlevant
un peu de mortier cela deviendrait parlaitement clair pour
tout le monde (i). Ce n'est pas tout. Au-dessus de ce
même point, la galerie qui règne à la naissance des voûtes
du transept, ]u-end deux étages pour encadrer les petites
(i) En 1860, M. le chanoine Voisin, lecture faite sur les lieux de la lettre de
JI. de Venioilh, remarquait en notre présence et pour la première fois, au grand
arc du croisillon méridional, un raccordement, nouvelle preuve de la priorité de
la nef.
— 57
ouvertures qui continuent, sur une partie des bras de la croi-
sée, la série de celles de la nef et qui étaient préexistantes.
« M. Schnaase avait tort, en conséquence, de tant hésiter
})uisqu'il jiencliait du bon côté. Je proposerais seulement
une modification dans les dates de la cathédrale de Tournai.
Sans remonter avec M. Dumortier jusqu'aux Mérovingiens,
il ne me parait pas indispensable de croire que rien d'im-
l»ortant n'a pu être bâti avant le démembrement de l'évcché
et du chapitre de Noyon. Antérieurement à 1 l/t^, la ville de
Tournai était déjà considérable, et son ancienne cathédrale
pouvait très-bien être l'objet d'une reconstruction sur une
jilus grande échelle, dès le commencement du xif siècle. -
Si l'on veut, et c'est aussi mon avis, que les transepts de
Tournai aient transmis à ceux de Noyon le type rhénan, il
faut leur laisser le temps de se bâtir, ou du moins de se
commencer; et comme on s'accorde à reconnaître que la
cathédrale de Noyon remonte à IloO, il ne resterait qu(;
cinq ans pour faire toute la nef de Tournai, changer de style
et d'architecte et ébaucher le transept. Ainsi, dans l'hyjio-
thèse où la nef de Tournai serait antérieure aux transepts, il
faut aussi qu'elle soit antérieure à llio. En 1146, ou de-
mandait du bols pour la couvrir, mais (jui nous dit que
c'était la première fois.
» L'architecte de ces transepts était-il français, comme
on le dit? Je le croirai plutôt tournaisien. Il avait vu les
|iremiers monuments gothiques de la France, Saint-Denis
par exemple, comme il avait vu Cologne. Mais s'il eût
appartenu à l'école française, il n'aurait pas mélangé le ber-
ceau aux voûtes d'arèles, il aurait pratiqué plus exactement
le style français contemporain. »
— 58 —
Revenons à M. Schnaase.
Vue pi-oiivo qu'à la (*a(ii(klrale de Tournai les croisillons
(lu Iransepl sont postérieurs en date au vaisseau, c'est que
la rudesse, l'aspérité de Ibruies (pie nous leur imputons se
re|)roduis(Mit dans la plu])art des monuments vrais précur-
seurs du style ogival en Belgique. C'était la conséquence de
l'adoption de certains détails du style gothique français, un
fait, qui, détournantl'art belge de ses errements germaniques
antérieurs, comportait ravénement d'un style de transition
aux formes larges et roluistes. Ainsi la colonne monocylin-
dri(iue, qui restera support de prédilection, bi(^n que se
produisant maintenant à l'état rudimentaire, supplante le
pilier; — l'ogive devient prédominante, mais n'exclut nul-
lement le plein cintre. — Les fenêtres inscrivent fréquem-
ment plusieurs lancettes adhérentes dans un cintre, parfois
(surtout aux tours) dans un arc en trètle aigu, dont les
coudes i-entrants posent sur des colonnettes (Saint-Jacques
de Tournai), disposition normande, pour ne citer que Sainl-
Étiennede Caen. L'ornementation accuse rudesse et pénurie,
mais l'extérieur des monuments assume des allures tranchées,
nous allions dire belliqueuses, d'un pittoresque effet. Comme
en Normandie, la tour principale se dresse sur la croisée,
tandis que la façade flanquée de deux tourelles rondes
groupe les fenêtres au-dessus du portail. Dos spécimens de
ce gem-e apparaiss(!nl (l(;jà aux églises, d'ailleurs essentielle-
ment romanes, Saint-Nicolas et Saint- Jacques de Gand ,
construites après l'incendie de 1120. A Tournai, les façades
de Saint-Pierre (démoli) et de Snint-Piat, ])lus éh'gantes,
s'ornent de baies et d'arcades cintrées , à l'exemple de la
cathédrale, tandis qu'à l'unique vaisseau de Saint-Qticntin
— 59 —
l'art en revient au type antérieur, mais avec emploi de l'ogive,
et par une ordonnance dont la vigueur plait à Fceil. La façade
s'accompagne de deux tours i-ondes, dont les (lèches coniques
ont leur point de départ au droit de la naissance du
comble en égout; puis elle étage le portail cintré, |)ai-
deux ordres de lancettes triples, la centrale proéminente
et empiétant même à l'ordre supérieur sur le pignon. Les
contre-forts sont rares en Belgi(iue, les arcs-boutants plus
rares encore; il faut le dire, une circonstance enrayait
en quelque sorte le progrès dans la voie ogivale. On ne
comprenait pas, ce semble , l'opportunité du voûtemenl
intégral des édifices religieux, du moins les églises que nous
venons de citer n'ont-elles reçu ce complément désirablo
que plus tard, et rien n'indique un plan conçu en vue d(.'
voùtement.
Ce style de transition austère et tlottant se maintient dans
les provinces belges jusqu'en plein xiif siècle , témoin
l'église de ki Chapelle ix Bruxelles, ainsi nmiimée, parce que
la chapelle qui s'élevait jadis sur son emplacement fut érigée,
l'an 1216, en paroisse. Cet édifice accuse en effet, d'une
manière très-prononcée, le mélange des formes rhénanes et
françaises. Les arcades cintrées , les ressauts réunis aux
façades du transept par la petite arcature, les colonnes libres
aux parois du chœur polygonal, rappellent la transition
rhénane (i); tandis que le tracerie des fenêtres de l'absido
(i) Pai'ticulièremenl Saint-Martin de Cologne, et l'église cistercienne de
Heisterbach, dans les Sept Montagnes, près de Bonn.« A la Chapelle, dit M. Burck-
hardt, les détails d'ornementation, traités avec un soin remarquable, rappellent
les monuments delà Saxe el de la Franconie et l'emportent de beaucoup sur les
églises rhénanes du xir siècle, toute majestueuse et splcndide que soit l'ordon-
— 60 —
correspond à celui des fenêtres de Notre-Dame de Paris, h
cela près que l'are formant archivolte, au lieu d'être brise,
contourne la rosace pol\lobée. A. Saint- Jacques de Tournai,
la grande nef construite de 1219 à 1251, étage sur colonnes
monocylindriqiies un double //■//br/«/«, évidemment à l'imita-
tion de la cathédrale; mais la tour adopte le plein cintre et le
système précédemment décrit. A la Madeleine, bien que la
fondation n'en remonte qu'à 125 1,1e vaisseau ouvre des baies
cintrées, et le chœur, des fenêtres à triples lancettes inscrites
par un cintre. Commencé (d'après inscription) en 1221 , le
chœur de Saint-Martin d'Y près, l'un des beaux spécimens
du genre, affecte la forme polygonale, sans collatéraux, et
s'ajoure par deux rangées de fenêtres, les supérieures en la
forme jjrécitée, les inférieures à lancettes géminées. L'église
de Pamele d'Audenarde, entreprise (d'après inscription) en
12Ô4, p;ir maître Arnulphus de Bincho, relève également
de la transition, bien qu'elle se rapproche du gothique. Nefs
à colonnes monocylindriques, — • chœur polygonal , à pour-
tour bas, sans rayonnement de chapelle, ni arcs-boutants,—
triforium, — fenêtres lancéolées uniques ou triples inscrites
dans un cintre. Arrêtons-nous à l'une des plus importantes (i)
iiaiice de ces dernières. Nous retrouvons ces colonueUes d'angle, formes carac-
ti-ristiquesdes écoles de Gosslar et d'Hildesheim. Les ressauts, rares et grossiers
iiu Rhin, sont ici traités avectinesse et ornés d'un boudin. \\ en est de racnie
de la [letite arcature, lii où elle se rencontre (sous Ja corniche du chœur elle est
remplacée par un cordon à tètes griniaçantos). Les chapiteaux sont simples mais
élégants.... Bref, il y a si loin de la Chapelle et de Sainte-Giidule aux moiui-
meiits romans de Liège et du reste de la Belgique (l'auteur n'a pas visité Touriuti)
que l'on doit admettre une influence non pas rhén:ine, mais d'au delà du Rhin. -
- Uie kunstwerke der beUjischen SKhIle. J. Bunkhardt, Dusseldorf, 18i"2.
()) D'îme importance égale, dit Knglcr. qu'il s'agisse de la tin du lomanisme,
on de l'nvéncmenf du gothique.
— (jl —
créations monumentales de cette époque : l'abbaye cister-
cienne de Villers, non loin de Nivelles.
Bien que fondée dès 1 147, Villers nefutdotée de construc-
tions plus solides qu'en 11 97, date à laquelle on peut faire
remonter approximativement le réfectoire. Ce dernier nous
offre des voûtes, supportées par des colonnes et maintenues
par des contre-forts. Les hauts jours consistent en simples
baies romanes, mais au rez-de-chaussée de larges baies cin-
trées inscrivent deux lancettes ogivales surmontées d'un
œil. Quant à l'église, bien que construite (d'après les der-
nières recherches) entre 1240 et 1260, elle accuse des
formes de transition que l'on peut qualifier de surpre-
nantes. Le vaisseau appartient déjà au gothique primaire;
mais les colonnes monocylindriques, à l'étonnement de l'ar-
cliéologue, sont pourvues de bases rondes et de chapiteaux
octogones et dénudés, lesquels servent de lit de pose à des
arcades ogivales à moulures épaisses et arrondies, partant de
vrais profils de transition. L'arcature, en manière de triforium
aveugle, n'est surmontée, à chaque travée, que d'une simple
baie lancéolée; — les colonnettes engagées (supports de
voûte) ne prennent naissance qu'à une grande hauteur, de
sorte que le système fondamental du style gothique, dans
les provinces belges, est comme inscrit en programme dans
l'ordonnance que nous venons de décrire. La haute nef est
contrebuttée par des arcs-boutants développés mais opaques;
— la corniche repose encore sur des corbeaux; — enfin, le
(ïhœur, à clôture polygonale (i), ouvre au premier et au troi-
(i) Le système de pilastres rappelle jusqu'à un certain point le style roman
bourguignon (Kugicr).
— 62 —
sièmo ordr(' des haies lancéolées; à l'ordre intermédiaire
il superpose deux œils sous un cintre ; disposition insolite,
plus insolite encore aux murs terminaux du transept, où
ces disques ajourés, y compris les cintres qui les inscri-
vent, s'échelonnent par nomhre tei'naire, sans parler de deux
œils au tympan. Cette forme disgracieuse inconnue en
France et, pour autant qu'on le sache, en Occident, rap-
])elle les jours pratiqués dans les tahlettes de marhres
tenant lieu de vitrages, aux fenêtres de Sainte-Sophie de
Constantinople, au Catholicon d'Athènes et ailleurs. Il n'est
guère admissible que le règne de l'empereur Baudouin de
Flandre ait été, cette fois du moins, la cause efliciente d'une
transmission byzantine, si l'on rélléchit qu'eu égard à l'Orient
Tordre de Citeaux n'était rien moins que le médiateur conve-
nable. La coïncidence fortuite s'explique parfaitement par la
prédilection marquée des cistériens pour les ouvertures circu-
laires que Ton rencontre dans tous les monuments de l'ordre.
Somme toute, l'église abbatiale de Villers ténjoigne de cet
esprit inventif, particulier aux disciples de saint Bernard et
que proclament en tous lieux les édifices construits par leurs
mains. Tandis qu'à Villers l'emploi des contre-forts et des
arcs-boutants im))lique une influence française très-expli-
cable, alors qu'il s'agit d'une maison de Cîleaux, d'autres
monuments font preuve de persistance dans l'emploi de
f(»-mes l'omanes : tel \o chcenr de Sdinl-Léoncml de Léaii,
dans le Bra])ant méridional , aux contins du comté de
Linibourg et commencé en I2Ô7. Chceur polygonal, avec
poiii'loui' siins l'ayomienient de chapelles ni arcs-Jjoutants ,
— colonnes monocylindri(pies, — fenêtres à tracerie, —
certaines formes pleinement gothiques; par contre, sous la
— Cô —
corniche, la pcldc fjalcrie gormano-rliéiiano, à celte va-
riante près, que les colonnetles y supportent des arcs brisés.
Nous avons donc constaté, en ces contrées, un style de
transition à certains égards : le produit du mélange des
formes allemandes et françaises, mais qui n'en fait pas moins
bonnes i)reuves d'individualité, tout d'abord au fenestrage,
par l'agencement de lancettes inscrites dans un cintre ; —
])ar l'emploi de prédilection de la simple colonne monocy-
lindrique, j)ourvue de bonne heure d'une base circulaire et
d'un chapiteau octogone; — enlin, par l'adoption du pour-
tour du chceur moins le rayonnement de chapelles, autant
de traits caractéristiques et qui étonnent d'autant |)lus
que leur raison d'être ne saurait se motiver, ni par l'adhérence
à un style indigène, ni par un principe architectonique
quelconque. Peut-ètreconvient-il d'en faire honneur, en partie
du moins, à l'action latente encore, chez les Belges, de
l'instinct du pittoresque, instinct auquel les tendances con-
slructives du style français restaient étrangères, et peu sym-
liathique, d'autre ])art, à ces recherches de détail de la tran-
sition allemande; instinct productif en certaines spécialités
et s'attachant dès lors à combiner des formes sévères ou
agréables à l'œil. De là ce développement particulier des
façades, cette substitution de la colonne au pilier, en vue
(le la projection moins intense de son ombre. Faisons la part
d'une inlluence française, en vertu de laquelle l'impression
que nous laisse l'aspect des monuments de la Belgique
(ceux du pays de la Meuse excepté) et abstraction faite de
la diversité des tendances, nous porte à les assimiler h
l'école française plutôt qu'à l'école allemande.
Enlin, vers le milieu du xiir siècle, le style gothique
— 64 —
liMiirais LiîiLiiir la liaiilc main, cl le i)romior édifice belge
francliement maniiié à son em})reinte est |)eiil-èlre la
cathédrale Sainte-Giiilule de Bruxelles.
( A roudmier.)
Baron F. de Roisin.
LISTE
DES
SOCIÉTÉS SAVANTES DE L'ÉTRANGER ET DU PAYS
AUXQUELLES LE BULLETIN EST ENVOYÉ.
-VWVIAAV^
\. La Société des Antiquaires (le France, à Paris.
2. La Société Archéologique de la Frise, à Leeuwarde.
5. La Société Historique d'Utreclit.
4. La Société provinciale du Brabant septentrional, à
Bois-le-Duc.
5. La Société Royale-Grand-Ducale, à Luxembourg.
(). La Société Archéologicpie de Trêves.
7. La Société des Antiquaires de la Morinic, à Saint-
Ouier.
8. La Société des Antiquaires de la Pi"ardi(', à Amiens.
{). La Société Française pour la conservation des Monu-
ments, à Gaen
10. La Société de la Suisse-llomaiide, ;i Lausanne.
- 66 "
1 1 . La Société dos Antiquaires d'Orléans.
12. La Société des Antiquaires de l'Ouest, à Poitiers.
15. L'Editeur des Collectanea antiqua (sir Gli. Roacli
Smilli, à Strood, comté de Kent.)
li. La Société des Antiquaires de Londres.
K). La Société des Antiquaires du Nord, à Co|)('nhague.
1(). La Bibliotlièque Impériale de Saint-Pétersbourg.
17. La Société Impériale d'Archéologie de Saint-Péters-
bourg.
18. La Société d'Archéologie et de Numismatique de
Berlin.
I'.). La Commission Impériale des Monuments, à Vienne.
20. Le Comité des Flamands de France.
BELGIQUE.
1 . La classe des lettres de l'Académie royale de
Belgique.
2. Lit Commission royale des Monuments.
5. La Connnission administrative du Musée royal de
peinture et de sculjiliirc.
4. La Commission directrice du Musée royal d'armures
et d'aiiti(piilés.
o. La Société d'émulation , à Bruges.
('). La Société Archéologique, à Ypres.
7. La Société IIistori(pie et Archéologique de Tournai.
5. La Société provinciale »lu Ilainaut.
••>. Li! Cercle d'Ai-chéologie de Mons.
Kl. Le Cercle d'Archéolouie de Namur.
— 67 —
1 1 . La Société Archéologique d'Arlon.
12. L'Instiliit Archéologique de Liège.
13. La Société Archéologique de Saint-Nicolas.
14. La Société Archéologique de Tongrcs.
15. La Société de Numismatique à Bruxelles.
IG. L'Académie d'Archéologie d'Anvers.
17. La Revue d'Histoire et d'Archéologie.
18. Le Messager des Sciences historiques de Gand,
COMMISSION ROYALE DES MONUMENTS
RÉSUMÉ DES PROCÈS- VERBAUX.
SÉANCES
des '4, 7, 10, 11, 17, -21, -2i, -27 ut -2« lévrier 1805.
ACTES OFFICIELS, AFFAIRES INTERIEURES, OBJETS DIVERS.
M. le Minisire de l'Intérieur transmet poîir la biblio-
thèque un exemplaire de la carte archéologique, ecclésias-
tique et nobiliaire de la Belgique, publiée par M. Vander
Maelen.
M. Mussely, secrétaire et archiviste de la ville de Courtrai ,
guidé par le désir de conserver un -souvenir de la tour
de l'église Saint-Martin, détruite par la foudre, le 7 août 1802,
- 70 —
a rechcrclir et recueilli tous les doeuments pouvant, aider
à relraeer l'iiistoire et la jdiysionomie du monument dont
il ne reste plus que des débris. Les résultats de ces recher-
ches sont consignés dans une notice historique sur l'église
et la tour, sur la sonnerie, l'Iiorloge et le beau carillon,
dont cette ville était tière. M. Mirssely offre un exemplaire
de son travail à la {Commission, qui remercie l'auteur et lui
.adresse des félicitations.
ÉDIFICES ET MONUMENTS RELIGIEUX.
ÉGLISES, DÉPENDANCES, AMEUBLEMENTS.
La Commission émet un avis favorable sur :
1" Le nouveau projet de confessionnal destiné à l'église
de Maissin , commune de Villance (Luxembourg) ;
2° Le dessin de l'autel latéral à placer dans l'église de
Romedennc, comnume de Surice (Namur). Devis estimatif :
/i.70 francs ;
5" Le dessin de la chaire de vérité soumis par le conseil
de fabrique de l'église d'Oignie (Namur). La raideur de
l'escalier devra toutefois être diminuée. Devis estimatif:
801 francs.
L'autorisation d'établir un jubé dans l'église de Sévi.s-
courf, commune de Bras ( Lu\('nd)ourg), n'étant pas
demandée selon les règles adnjinistratives, M. l'architecte
provincial de l'arrondissement est cliargé de régulariser
rinslniction cl, le i-as (''clH'anl , de faire i-cciitier le projet.
Le dessin des deux confessionnaux destinés à l'église de
CJcr/iionl (Nauiiir), ;iinsi ipic le devis cslimnlif s'éhn'ant
— 71 —
à 1,929 francs, y compris la rcparatioii du haiic de coni-
inuiiion et le ])laccmciU d(; grilles ililérieurcs en fer, ne
donnent lieu à aucune objection.
Avant de décider s'il convient de faire choix du style
ogival pour l'ameublement de l'église d'Ucimont (Luxem-
bourg), le Collège désire recevoir communication d'un
croquis de l'intérieur de l'édifice. Dans tous les cas, il serait
préférable de simplifier la décoration des divers objets et
de stipuler que les statues et statuettes seront exécutées
en bois de chêne et non en terre cuite. La somme de
12,687 francs qu'il s'agit de consacrer à l'ameublement
projeté semble considérable; des renseignements supplé-
mentaires sont nécessaires pour permettre d'apprécier cette
évaluation.
La Commission pense qu'il y a lieu d'approuver :
1" Le plan relatif à la construction d'une tribune j)arli-
culière contre le chœur de l'église d'Orbais (Brabant), à la
charge de prendre toutes les précautions possibles pour
éviter l'infiltration des eaux pluviales dans la face latérale
de cette église ;
2" La reconstruction du belTroi et divers travaux d'aj)-
propriation à l'église de Wiekevorst (Anvers). Devis:
1,032 francs;
5" La restauration de l'église de Saint-Denis (Hainaut).
Quant au devis, qui s'élève à 2,100 francs, la Commission
se réfère à la lettre de M. le commissaire voyer d'arron-
dissement, qui propose d'augmenter de 500 francs la somme
destinée aux réparations extérieures ;
4'' La réparation du clocher de l'église et du presbytère
de Baisicux (Hainaut). Devis estimatif: 5,100 francs;
-^ 72 —
o" L'exécution eu régie clos travaux urgents de restau-
ration que réclame la toiture de l'église de Hulsle (Flandre
occidentale).
La partie supérieure de la tour de l'église de Merckem
(Flandre occidentale) exige diverses réparations. M. l'archi-
tecte provincial devra visiter l'édifice et faire connaître
ensuite si les dégradations n'ont pas fait de nouveaux
progrès depuis 1847 et si le devis estimatif, dressé à cette
époque , ne doit pas être moditié par suite de l'augmenta-
tion du prix de la main-d'œuvre et des matériaux.
Le projet relatif à la construction d'une tour à l'église
d'Amonines (Luxembourg) est revêtu du visa. L'attention
de l'auteur est appelée, toutefois, sur les proportions trop
élancées de la fenêtre de la façade. Il semble aussi superflu
d'établir une colonnette au centre des fenêtres latérales de
la tour, attendu (pie cet ornement ne se reproduit pas dans
d'aut,res baies. Devis estimatif : 12,075 francs.
Les pièces communiquées par M. le gouverneur du
Luxembourg ne constatent pas l'urgence des travaux pro-
jetés pour la restauration de l'église de Muno. L'architecte
est invité à justifier ses propositions par une note explicative
et à donner des renseignements sur l'état de la char-
])ente, à laipielle il s'agit de faire d'importantes modifi-
cations.
La Commission approuve le projet qui lui est soumis
pour la restauration et l'agrandissement de l'église romane
de Sluze (Lini!)ourg), ainsi que le devis estimatif qui
s'élève à 29,500 francs. Cette église j)0urra contenir 500
]iers(»iines (voir ]). 292, tome i du Bull.).
Après avoir pris connaissance d'une lettre de M. l'archi-
— 75 —
tecte provincial Liifiin et de la clclibéralioii du conseil
communal de Jemelle, en date du 12 décembre dernier,
concernant la reconstruction de l'église de cette commune,
la Commission croit devoir approuver le projet qui lui est
soumis. Cette église pourra contenir 575 personnes. Le
devis estimatif s'élevant à 29,948 francs n'est pas exagéré.
Quant aux modifications à introduire encore dans les
dessins, le Collège s'en rapporte aux indications données
à l'auteur lors de la conférence du 29 novembre dernier
(page 505, tome i du Bull.).
L'auteur des plans relatifs à la construction d'une église
à Barnich (Luxembourg) est prié d'examiner si les cloche-
tons de la flèche ne pourraient pas recevoir une disposition
plus heureuse. Les proportions de la fenêtre qui surmonte
le portail semblent laisser également à désirer. La Commis-
sion s'est aussi demandé si les angles aigus que les tou-
relles de la façade présentent sur le plan ne pourraient être
évités? Enfin, elle désire recevoir communication du plan
cadastral des lieux, ainsi que du croquis de l'église actuelle.
M. l'architecte provincial Gife ayant émis l'avis que la
construction des voûtes de la nouvelle église romane
de Saint-Joseph, à Anvers, offrirait un certain danger, si
on persistait à ne pas établir d'arcs-boutants, la Commission
déclare ne pas partager cette manière de voir. Elle n'entend
pas toutefois imposer son opinion dans une question aussi
importante ni assumer la responsabilité de travaux qu'il
ne lui appartient pas d'exécuter; elle croit donc devoir
consentir à l'emploi éventuel d'arcs-boutants.
Alîn de pouvoir émettre un avis sur le point de savoir
s'il était possible de tirer parti des restes de l'église d'Over-
— 74 —
meirc (Flandre orientale), réceimneiit ineendiée,la Commis-
sion avait chargé l'un de ses dessinateurs de lever les dessins
de ces ruines; mais celui-ci n'a pu remplir sa mission
attendu (|ue tout est déjà démoli. Des peintures murales
existaient dans cet édifice. Il est vivement à regretter qu'on
n'ait i)u en prendre des calques. Un rapport est adressé
à M. le Ministre de la Justice, afin de lui rendre compte
de ces faits.
Le projet d'agrandissement d(,' l'église de Braine-l'AUeud
(Brabant) est approuvé. Cet édilice pourra, après l'exécution
des travaux, conlenir 2,900 personnes. Devis : 82,527 francs.
L'église d'Alseniberg (Brabant) est un monument digne
à tous égards de l'attention de l'administration supérieure
et il est à désirer qu'on entame sans retard les travaux de
restauration (pi'elle exige.'. Le Collège, tout en approuvant
le projet t[ui lui est soumis, engage l'auteur à faire une nou-
velle étude de quelques fenêtres dont les meneaux sem-
blent pouvoir être simplifiés. Le devis estimatif, (jui s'élève
à ()4,4oG francs, n'est nullement exagéré.
Consulté par M. le Ministre de la Justice au sujet de la
])roposition cpie fait le conseil de fabrique de l'église de
Grimberghen (Brabant) de nommer M. Baeymaeckers ,
architecte de l'église, le Collège émet un avis favorable.
L'architecte de l'église Saint-Charles, à Anvers, évalue
à 7,<.)1)0 francs, la dépense nécessaire pour rétablir le socle
en saillie qui régnait le long de la façade de cet édifice (voir
page ;)09, tome i du Bull.). La Commission réclame l'avis
du comité provincial des membres correspondants sur les
diverses (piestions soulevées précédemment à ce sujet, ainsi
que sur le devis estimatif ipii })arait exagéré.
— 7:i —
Le projet pour la reconslniclion de la Idiir et de la llèehe
de l'église de Loo (Flandre (({'cidenlale) esl approuvé. Le
devis eslinialif s'élevaut à 48,0 1 G franes semble modiipic,
quand on eonsidère qu'il s'agit d'un (ravail (pii exige des soins
partieuliersel pour lequel on doit absolument faire usage de
matériaux de premier eboix (voir page 59, tome ii du Bull.).
Les travaux de i-eslauralion à exécuter à l'église primaire
de Dinant ne jieuvent l'aire l'objiM d'une entreprise générale.
La requête par laquelle le bureau des marguilliers demande
l'autorisation de faire faire en régie les travaux préliminaires,
semble })ar eonséquent devoir être aeeueillie.
Le conseil de fabricpie de l'église de Notre-Dame du Lae,
àTirlemont, demande (jne la Conmiission désigne un arelii-
Icctc pour diriger, de concert avec son arcbitecte actuel, les
travaux de restauration qui s'exécutent à cette église. Connue
l'art. 55 du règlement interdit au Collège de satisfaire à ce
vœu, il se borne à exprimer le désir de voir jirendre une
prompte décision et de faire clioix d'un artiste capable ayant
déjà dirigé avec succès des travaux de la même importance.
Le dessin et le devis estimatif (4, 726 francs) de l'écbafau-
dage nécessaire ])our la restauration de la grande fenêtre
sud du transept de la catbédrale de Bruges (voir page 149,
tome I du Bull.) sont a})prouvés. Ce travail est proposé par
suite de la conférence que des membres de la Commission
ont eue à Bruges, le 18 mars 1862, avec les délégués des
diverses administrations intéressées.
Dans un rapport daté du IG novembre 18G0, la Conmiis-
sion énumérait les travaux de consolidation et de restaura-
lion qu'il inq)orlait d'exécuter encore à l'église Saint-
Jacques, à Liège : 1" l'établissement d'un fort ancrage pour
— 76 —
relier les laces latérales et augmenter ainsi la solidité des
voûtes; 2" le renouvellement de six fenêtres en pierre de
sable ; 3" idem de la grande fenêtre en face de l'autel de la
Vierge; 4" le placement de la galerie en pierre bleue sur le
gable ouest du transept et la reconstruction de la galerie
inférieure de ce gable; 5" la restauration des galeries exté-
rieures sous les cheneaux; 6" le remplacement de cinq
pinacles ; 7" la réparation de la toiture vers la rue du Vert-
Bois. Des délégués, lors d'une visite récente, ont constaté de
nouveau combien il est urgent d'exécuter tous ces travaux.
La Commission recommande ce splendide monument à la
bienveillance éclairée de M. le Ministre de la Justice et lui
propose d'allouer un subside, tant pour le paiement des
derniers ouvrages urgents qui ont été exécutés, que pour
permettre la reprise des travaux dès le retour de la bonne
saison.
M. l'architecte provincial Goulon annonce que, les fonds
étant épuisés, on ne peut s'occuper en ce moment de la
couverture de la flèche de l'église Sainte-Gertrude , à Ni-
velles. Aussitôt qu'une décision à ce sujet aura été prise,
il soumettra à la Commission un projet pour l'exécution
des travaux complémentaires arrêtés lors de la conférence
du 18 décembre dernier, dans le but de mieux assurer
encore l'assemblage des plates-formes et de mettre le beffroi
à l'abri de tout danger d'incendie.
PIERRES SÉPULCRALES , TOMBEAUX.
M. le Ministre de la Justice fait connaître que la j)ierrc
liiiiuihiirc (hi Mil' siècle, qui était encasirée près de la nef
— 11 —
latérale-sud de l'église de Forcst (Brabant) et dont la
Commission a signalé la disparition, sera placée, sans nul
retard , dans l'intérieur de cet édifice.
PRESBYTÈRES.
L'nrgence des réparations qu'il s'agit de faire au i)resl)y-
tère de Quévy-le-Petit (Hainaut) est sufiisamment démon-
trée. Devis estimatif : 1,346 francs.
La Commission émet un avis favorable sur des dessins
qui lui sont présentés pour la construction d'un presbytère
à Aulnois (même province). Elle demande toutefois que
la façade soit mise en rapport avec la destination du bâti-
ment. Devis estimatif : 16,736 francs.
ÉDIFICES ET MONUMENTS CIVILS.
ÉTABLISSEMENTS DE BIENFAISAINCE.
La Commission se réfère à l'avis de la députation perma-
nente du Conseil provincial du Limbourg et approuve les
travaux d'appropriation projetés à la ferme de la colonie
agricole du dépôt de mendicité de Reckheim. (Devis esti-
matif : 1,200 francs.)
MAISONS COMMUNALES, BEFFROIS, HALLES, DONJONS, etc.
M. le Ministre de l'Intérieur, répondant au rapport du
Collège en date du 30 décembre dernier, relatif au projet
d'édilice destiné aux expositions des beaux-arts et aux solen-
nités publiques, s'exprime ainsi ; « Quant à l'agglomération,
» il est à remarquer que, toute proportion gardée, on a
» concentré dans le palais du Louvre diverses collections
» d'un caractère essentiellement distinct et que l'on n'a pas
» cru devoir assigner à chacune de ces collections des
» locaux spéciaux. Si la Commission des Monuments s'est
» préoccupée des dangers d'incendie, je demanderai si, au
» moyen des précautions que la science moderne indique
» et de l'emploi de matériaux incombustibles, le danger
» dont il s'agit ne ])ourrait point être conjuré. Quant
» à la question d'air et d'espace, le l'alais-Ducal avec ses
» dépendances est entouré de rues, d'un boulevard d'une
» grande largeur et d'une place ])ublique. Il ne s'agit pas
» d'empiéter ni sur l'un, ni sur l'autre. Il y a, d'ailleurs,
» à (enir compte d'un fait des plus importants , c'est
» que le Palais-Ducal et ses dépendances appartiennent à
» l'Etat, et que l'écononne prescrit d'en utiliser, aulant ({ue
» possible , les parties de terrain qu'il peut offrir de
» disponible, atin d'agrandir des locaux incomplets et
» évidemment insuffisants. Entrer dans la voie que semble
» indiquer la Commission des Monuments, c'est s'engager
» dans des dépenses énormes d'acquisition de terrain, à
» moins que l'on ne fasse choix d'un emplacement situé fort
» en dehors du périmètre de la ville, choix qui ne doit cepen-
» dant pas être repoussé sans un examen a])|irofondi. On
» peut consulter ce qui a été fait à cet égard dans d'autres
» cités capitales, telles que Munich. A Vienne, la galerie
» inqiériale contenant les galeries de tableaux est située
» au Belvédère, distant de ])lusieurs centaines de mètres
» des immenses glacis, dans le faubourg de Loiidslrasse.
» La Conmiission aurait désiré que le Gouvernement
— 79 —
» arrêtât un programme bien précis des conditions qui
» doivent présider à l'élaboration d'un plan du palais
» des beaux-arts, mais les conditions sont très-facilement
>■> appréciables par la Commission elle-même et les plans
» qui ont été soumis à son avis constituent des pro-
» grammes... Bien que le règlement d'ordre de la Gom-
» mission n'en fasse pas mention, il serait très à désirer
» que pour les affaires importantes elle désigne un ou
» deux rapporteurs qui les examinent et fassent un rap-
» port circonstancié avant d'aborder la discussion. Dans
» des questions d'une solution aussi difficile que celle dont
» il s'agit, le Gouvernement doit désirer que la Gomniis-
» sion aille au fond des clioses et mette l'administration
» à même de se prononcer avec une entière connaissance
» de cause sur l'admission ou le rejet des projets soumis
» à son appréciation. » La commission, après s'être livrée
à un nouvel examen des diverses questions qui lui sont sou-
mises, répond en ces termes : « En disant que, dans notre
)) opinion , il serait regrettable de voir établir une immense
» agglomération de bâtiments autour du Palais - Ducal
» (voir p. 316, tome i du Bull.), nous avons voulu exprimer
» cette idée : qu'il serait regrettable de voir supprimer les
» vues ou percées qui existent entre le Parc ou la place
» des Palais et le boulevard, vues qui se reproduisent à
» l'opposite vers la ville. Il est à remarquer, d'ailleurs,
» que les établissements et les collections publiques que
» certaines personnes voudraient voir concentrer dans un
» seul et même palais des beaux-arts , ne sont nullement
» réunis au Louvre. C'est ainsi que les objets d'art moder-
» nés occupent une })artie du palais du Luxembourg;
— 80 —
» qu'un édifice spécial est consacré à l'école des beaux-arts
» et à ses collections ; que les expositions d'objets d'art
» ont lieu dans le palais des Gliamps-Élysées, etc., etc.
» On ne doit pas oublier non plus que le Louvre est une
» ancienne résidence royale , qui aurait sans doute été
» établie dans d'autres conditions , si les auteurs avaient
» eu la destination actuelle en vue. Dans tous les cas,
» l'immense terrain que ce monument occu]>e se trouve
» divisé par des cours et des espaces assez considérables
» pour atténuer les dangers d'incendie. Des catastrophes
» récentes démontrent que la science moderne n'est pas
» parvenue encore à faire disparaître complètement les
» chances d'incendie, alors surtout qu'il s'agit de salles
» d'une étendue exceptionnelle, dont la décoration exige
» l'emploi du bois et de la toile. Les édifices affectés aux
» dépôts artistiques , littéraires et scientifiques , que la
» capitale possède , laissent généralement à désirer sous le
» rapport de leur appropriation; c'est là une circonstance
» fâcheuse à laquelle il inq)ortcrait de remédier. S'il entrait
» dans les vues du Gouvernement de faire étudier des projets
» d'amélioration , nous croyons devoir appeler particulière-
» ment l'attention sur le point de savoir s'il ne serait pas
» préférable de diviser les divers services plutôt que de
» les centraliser. En adoptant le ])remier parti, on enibelli-
» rait à la fois plusieurs (juartiers de la capitale et on par-
» viendrait plus facilement à se procurer des terrains
» favorables. D'après nous, il faudrait ériger des bâtiments
» spéciaux pour :
» i" La bibliothèque royale et les archives ;
» 2" Lescullcclioiis de tableaux etd'ouvragesdesculj)ture;
- 81 —
» 5" L'école des boaux-arls et ses galeries do modèles ;
» 4° Le conservatoire royal de musique ;
» 5" Les fêtes publiques, les expositions, etc. , etc. Des
locaux destinés aux académies pourraient faire j^irtie de
l'un de ces édifices. Les questions que l'érection de ces
monuments soulève sont compliquées et leur solution
exige le concours d'artistes expérimentés et des adminis-
trations intéressées. Sans vouloir enlever aux architectes
la faculté de résumer leurs vues et leurs programmes per-
sonnels dans des dessins, nous pensons cependant que
le Gouvernement ne peut complètement abandonner à
leur initiative le soin de résoudre des problèmes aussi
graves; nous croyons, au contraire, qu'il convient de
guider ces artistes, en leur communiquant un programme
général, résumant les conditions essentielles à remplir.
Cette marche a été suivie pour les plans du palais de
justice projeté à Bruxelles, et dans d'autres circonstances
encore; elle est indispensable d'ailleurs, si l'on veut
empêcher les artistes de s'engager dans l'étude de projets
inadmissibles. A ce sujet, nous devons déclarer que nous
verrions, avec infiniment de regrets, établir des salles
consacrées éventuellement à des fêtes publiques de nuit
dans un édifice contenant des collections précieuses.
A moins donc que le Gouvernement ne déclare formel-
lement être d'un avis contraire, toujours nous combat-
trons les projets de palais contenant des salles sembla-
bles. Nous persistons, du reste, à penser que le rapport
du 30 décembre dernier exprimait notre opinion avec
une clarté suffisante et que nous n'avions pas à nous
occuper des détails du projet, avant de connaître votre
— 82 —
» décision sur les deux quostious de principe: l'aggloméra-
» tion considérable de l)àlinienls sur un emplacement qui
» ne nous semble pas approprié à cet usage et la rédac-
» lion préalable d'un programme. »
La commission, a))rès avoir examiné le projetde M. Gisler,
relatif à l'érection d'un palais des beaux-arts sur le plateau qui
domine l'étang de Saint-Josse-ten-Noodc et après avoir par-
couru ce terrain , pense que, sous le rapport de la situation
pittoresque et de la possibilité de réaliser des effets gran-
dioses, cet emplacement se trouve dans de; (rès-bonnes con-
ditions. Elle pense donc qu'un vaste édifice, destiné à des
collections d'objets d'art, à un Pantbéon national ou à tout
autre service public, serait là convenablement placé. II faut
tenir compte du rapide accroissement de la population, de
la difficulté d'obtenir des terrains favorables dans le sein
même de la cité, et l'administration, en s'attacbant à embellir
la capitale, doit naturellement se préoccuper des exigences
de l'avenir. Toujours la Commission éprouvera de vives
sympatliies pour les idées 'qui lui paraîtront de nature à
exercer une lieureuse influence sur la splendeur de la ville
de Bruxelles.
Les déblais exécutés dans l'intérieur des ruines du cbà-
teau de Grevecœur, à Bouvignes (Namur), ont mis au jour
la partie supérieure de la poterne. Le crédit de 2,400 francs,
alloué pour la consolidation de ces ruines, sera procliaine-
mciit ('•|(iiis(''. M. rareliileclo provincial, cliargé de la direc-
li(tii (l(ï {'(Mili'eprise, demande s'il doit faire continuer les
travaux ou les suspendre provisoirement, en attendant de
nouveaux fonds. La Commission invile cet architecte à ne
pas dépasser la somme disponibli; et demande à M. le Mi-
— 85 —
nislro de rintcriour si los ressources du budget ne ])ermet-
traienl pas d'élever le cliilTre fixé par décision du 2^ août
18G2. Quant aux ohjels découverts jusqu'à ce jour, la Com-
mission pense ([u'ils n'olïrent pas assez d'intérêt j)our être
déposés au Musée de l'I-'tat et (pi'il serait ])eut-étre jirélc-
raltlf^ d'approprier, pour les y])lacer, Tunt* des salles du
cliàteau. Elle se réserve, du reste, de formuler un avis défi-
nitif sur cette question, à la suite de la ju'ochaine visite des
commissaires-inspecteurs.
PEINTURE, SCULPTURE, CISELURE, TAPISSERIES, ktc.
OUVRAGES MODEUNES.
Les disp(^sitions ])roposées pour le placement d'un chemin
de la croix dans la nef du Saint-Sacrement à l'éuiise de
Notre-Dame, à Anvers, sont bien conçues. Les conditions
particulières dans lesquelles ladite nef se trouve font désirer
qu'on fasse choix de la sculpture de préférence à la peinture
pour l'exécution de ces stations.
Conformément aux instructions de M. le Ministre de l'In-
t(''rieur, un délégué du Collège s'est rendu à Liège, afin
d'examiner, de concert avec l'un des membres correspon-
dants, les ouvrages de sculpture destinés à la décoration
extérieure de l'église de Dison. Le modèle de la statue de
Saint-Fiacre, qui doit occujier une niche au-dessus du por-
tail, a été approuvé à la condition (pie l'auteur y fasse quel-
ques changements.
Après avoir pris connaissance de l'instruction supplé-
mentaire relative aux protestations qui se sont élevées contre
— u —
reiulroil assigné, àJVIaeseyck, au groupe des frères Van
Eyck, la Commission pense qu'on ne pourrait, sans de gra-
ves inconvénients, placer ce groupe ailleurs qu'au centre de
la Grand' Place. Les dimensions du monument sont considé-
rables et ont été arrèlées, de même que toutes les combi-
naisons du statuaire, en vue de l'emplacement fixé en
premier lieu et des axes des rues voisines. Le choix de
tout autre endroit eût nécessairement exercé , sur la ])Ose
des personnages, une notable influence. Le chêne qu'il
s'agit d'enlever a été planté en 1797 et MM. les Bourgmestre
et Échevins attestent (pie cet arbre est dépourvu de tout
caractère historique.
OUVRAGES ANCIENS.
La Commission est d'avis qu'il y a lieu de payer au con-
seil de fabrique de l'église Saint-Jacques, à Liège, une
partie du subside ])romis par l'Etat, pour la restauration des
peintures murales qui décorent les voûtes de cet édifice.
Des commissaires-inspecteurs ont récemment constaté que
ces travaux marchent d'une façon satisfaisante. Ainsi qu'il
l'a déjà dit, le Collège ne pense pas qu'il soit équitable
d'imposer aux artistes la dépense des échafaudages (voir
page 172, tome i du Bull.).
La Commission propose à M. le Ministre de l'Intérieur
(le conlier à M. le sculpteur Van Arendonck la restauration
du retable en bois de chêne qui appartient à la chapelle
de Saint-Quii'in , commune de Loenhoul (Anvers). Elle
prie M. le Ministre de prendre à la charge du Gouvernement
une ))artie de la dép(;nse de 800 francs et de stipuler que le
— 8:; —
travail so fera conl'oi'inéinciil ini\ inslriicUions du coinitô
provincial des ineinbros coiTCspondanLs. Co nîl;d)Io divise;
en trois compartiments, parait dater d(5 la première moitié
du xv!!*" sièele ; à cùlé de réseaux de style llamhoyaiit, on
y voit des aralxîsqnes et des rinceaux de la renaissance.
Ia> Si'fn'iiiirc ilc In doiiiiitission roijnlc des ]Ioiiinin'iits,
Jules Ducmolli;.
Vu en conformité de l'article T.î du règlement.
Le Vice-Président,
Baron de Roisin.
SEANCES
(les .",, 7, II), 1-2, 11, ]•:), 21, 2}, 28 et ."I m;ii.s 18(iô.
ACTKS 01 I ICIKIS, AM AIRES INTÉRIEURES, OlUETS DIVERS.
M. le Ministre de l'Intérieur adresse, en faveur de la
l)il)li()tlièque , l'ouvrage intitulé : Histoire descriptive , artis-
tiijue et pittoresque du monastère royal de Saint-Laureut,
vulfjairement dit : de l'Escicrial, par Don Antonio Rotondo.
La Commission rappelle à M. le Ministre la demande
formulée lors de la dernière séance générale, par le comité
provincial du Limbourg, dans le but d'obtenir la franchise
de port" pour les lettres adressées par les membres corres-
pondants : 1", à MM. les gouverneurs de toutes les pro-
vinces ; 2", à leui's collègues sans excejjtion ; 5", à M. le
dircciciii' (lu musée d'aiiti(iuilés à lîruxcllcs; 4", aux bourg-
mestres de toutes les communes de la })rovince. Si toutefois,
il était impossible d'accorder une iVancbise de port aussi
large, la Commission croirait devoir particulièrement insistei-
87 —
jioiir qu'au moins colto laveur soil nccoi'dt'c aux (l('p(''clics
erliangc'os onlro MM. los tiouvci-ncui-s cl les iiicniltns cdi'-
l'ospondanls.
Aux termes de l'arl. 50 du l'ègiemenl, les arcliileclcs
c'Iiargés de travaux de restauration plaeés sous la haute sur-
veillance du Collège sont lemis d'adresser des rap})orls tri-
mestriels détaillés. Ces rapporis doivent: 1" indiquer le
nombre et la spécialité des ouvriers attachés aux ateliers;
•2" rendre compte de la situation des approvisionnements et
mentionner toute innovation appoi-lée ou projetée dans le
choix des matériaux; ô" indiquer, au l)esoin, pai- des ci'o-
quis, les parties de l'entreprise terminées dans le cours du
trimestre précédent; 4-° citer les difiicultés qui ont pu surgii-
et les accidents imprévus ; 5" rappeler la date de chacun(»
des visites faites par l'architecte; 6" relater les travaux
arrétéspour le trimestre suivant et contenir, en un mut, tous
les faits propres à faire appré(;ier la situation exacte ûvs
choses. La Commission propose à MM. les Ministres de
l'Intérieur et de la Justice d'invilei- tous" les architectes
chargés de semblables travaux ;i se conformer !nun('diale-
ment à ladite disposition réglementaire.
Lors de la .séance générale du T){) septeml)re I8()'2, jiiu-
sieurs membres de l'assemblée ont, en confornu'ti' de la
proposition faite par un membre correspondant de la Flan-
dre orientale, demandé que des sondages soient elTectu(''s,
alin de retrouver les carrières qui , après avoir fourm' d'ex-
cellentes pierres pendant (\o longues années, sont poui- ainsi
dire inconnues aujourd'hui. La Commission |»i'ie M. le Mi-
nistre de l'Intérieur de reconnnander ce vœu à ralteiiti(»n du
département des Travaux Publics, (pii naguère a l'ail laire
— 88 —
lie ii(iiiil)r(Hisos r(>cli('rcli('s au sujet des iiiairriaiix de con-
slniclimi <|ui oxisloiil o\\ l)elti'i(iue.
Après avoir pris connaissanco dos oxplicalions (ransniises
|)ar M. le Minisiro de l'Intérieur, la Commission est d'avis
(piil y a lieu de soumettre à la sanction royale le règlement
adopté |)ar le conseil jirovincial de Xaniur pour la sûreté,
la garde et la consei'valion des monumeiils liislori({ues et des
objets d'art ([ui existent dans cette province.
M. le Ministre de l'Intérieur a communiqué à M. le Minis-
ti'O des Travaux Publics 1(3 rapport de la Commission qui
avait ]i(»ni' ((bjel de signaler à la sollicitude du Gouverne-
nient les dangers auxquels l'exploitation des liouillères
pourrait exposer certains monuments de la ville de Liège.
L'avis de l'administration supérieure est que les faits con-
statés depuis un grand n()nd)re d'années ne sont pas de
nature à réclamer des modifications aux règles admises et
coiislainment suivies. Du reste, les ingénieurs des mines
sui'veillent avec sollicitude les travaux (jui iiourraicnt excep-
lionnellcmeiil exiger des précautions itai'liculières.
KDIFICKS LT MONUMENTS UELIGILUX.
ÉGLISKS, DKPENDAXCKS, AMEIJBLEMKNÏ.
La Commission approuve les projets concernant :
1" Le ])lacement d'un confessionnal dans la cbapelle de
Belgrade, coiinnune de Fla\vinne( Naniui"). Devis estimatif:
2" L'ameublement d(^ l'église de Sart-Saint-Laurent, com-
mune de Floi-effe, nicnic province. Devis : '2, (iOO francs.
— 8î) —
7)" L;i roronslriiction pai-liellc de 1a tour do l'ôaiisc de
Berco, coiiiiuuiio de Lu Kcid (Liège). Devis : 5.007 francs.
/*." La restauration de la lourde l'église de Mortsel (Anvers).
Devis : 5,29() francs.
5" La réparation de la toui' de Meir, même j^rovince.
Devis : 5,501 francs.
G" La construction d'une tour et quelques autres travaux
qu'on ]»ropose d'exécuter à l'église de Straincliamps, com-
mune de Hollange (Luxembourg). Devis : 5,755 francs.
7" Divers travaux de restauration et d'appropriation à
l'église et au presbytère de Benoncliamjis, commune de
Wardin , mèmi* province. Les autels latéraux devront être
simplilîés. Devis : 7,820 francs.
8" La construction d'une nouvelle façade à l'église
d'Athus , commune d'Aubange, même province. Devis :
14,995 francs.
9" Lareconstruclion particUede l'église Saint-Job-in t'Goor
(Anvers), à la condition de relier plus solidement la llèche
à la tour. Le devis monte à 20,527 francs. Cette église
pourra contenir 600 personnes environ.
10" La construction d'une tour et l'agrandissement de
règlise de Moresnet (Liège). La supei-ficie est calculée de
façon à permettre la réunion de COO personnes. Dc^•is :
21,574 francs.
1 1° La construction d'une clia])clle à Recbrival, commune
de Tillet (Luxembourg). Il conviendra toutefois d'augmen-
ter d'un mètre l'élévation intérieure de cet édifice qui
pourra contenir 250 personnes. Devis : 22,715 francs.
De nouveaux renseignements ayant démontré l'urgence
de faire a l'égHsc de Muno (Luxembourg) des réparations
(•(Hi.si(U'r;il)l('s, le devis esliiiialif s'clevanl à l/i',ô(){)IVaiics est.
;ip|)i'oiivé. La Commission conserve toutefois des doutes suj-
le jioiiit de savoir si la suppression des entraits de la cliar-
peiile ne présenterait j)as d'inconvénient. Il serait prudent,
pensc-l-ell(}, de conserver ces entraits ou de les remplacer
par des tirants en fer.
Deux ))rqje(s sont présentés i)our la construclion d'une
éiiiise à Forzée, conmiune de Buissonville (Namur). Le
travail de M. l'architecte provincial semble supérieur sous
le rapi)ort du caractère et des garanties de solidité; mais il
faudra augmenter les proportions du chœur et des sacristies
et élargir les trois nefs d'un mètre cinquante centimètres.
Ce résultat sera obtenu sans la moindre augmentation de
frais ( le devis s'élève à 20,501 francs), si on renonce à réta-
blissement d'un transept simulé et si on sup])rimc certains
(irnemenis qui ne sont pas indispensables.
Le plan pi'ésenlé pour la reconstruction ])artielle de
l'église de (lentinnes (Brabant) est approuvé. Il conviendra
<rinelinei' davantage les toitures et de donner plus d'anqileur
aux archivoltes du premier ordre à l'intérieur de l'édifice.
Les dépenses sont évaluées à 38,900 francs; 750 personnes
pourront se réunir dans ce temple.
La Commission indique sur papi(>r cabpie les modifica-
tions qui doivent encore être introduites dans le projet de
reconstruction de l'église de Barnich, commune d'Autelbas
(Luxembourg). Cet édifice coûtera environ 58,920 francs et
pou)Ta contenir ooO personnes.
Après avoir comparé les dessins soumis })our l'achève-
ment de l'église Saint -Georges, à Anvers, avec le plan
original dont il a demandé la communication, le Collège
conslatc que les nouveaux dessins ne reproduisent pas
exactement le projet primitif. C/est ainsi (jue la largeur d(!
la base des deux llèclies est réduite, sans que celte moditi-
cation soit justifiée. Les croix supérieures auxquelles il eût
été i)référable de donner plus d'ampleur semblent plus
grêles encore dans les épures.
Le projet présenté pour la restauration de l'église d'Op-
Itter, ainsi que le devis estimatif s'élevant à 21,595 francs,
sont approuvés. Cette église, l'une des plus intéressantes
de la Campine lind)ourgeoise , a subi des dégradations
regrettables par suite de la négligence qu'on a mise à
veiller h son entretien. La tour n'est guère en liarmonie
avec le reste de l'édifice, mais comme les ressources finan-
cières sont restreintes, on ne peut songer, du moins aujour-
d'hui, à y apporter des changements.
A la suite d'un nouvel et mûr examen de la question , la Com-
mission pense qu'il serait préférable de renoncer à l'érection
de tout bcàliment nouveau dans l'angle occupé jadis par la
maison du chapitre, à l'église des SS. Michel et Gudule,
à Bruxelles (voir p. 489, tome i du Bull.), et, par consé-
quent, de se borner à restaurer et à approprier la partie
du monument que cette maison masquait.
M. le Ministre de la Justice fait connaître qu'une somme
de 6,000 francs est allouée, sur les fonds de l'État, poui-
reprendre la restauration de l'église Saint-Pierre , à Louvain.
La Commission, se référant à son rapport du 27 mai 1862,
propose à ce haut fonctionnaire de stipuler que les fonds
disponibles seront employés, non à continuer la restaura-
tion de la tour, mais à faire en recherche, dans toutes les
parties de la construction et notanmient à la toiture, les
— î)2 —
i'('|);ii-;(li()iis nécessaires, alin d'eiiipèclier les ravagx's si désas-
li'eux des injillratioiis pluviales.
l'I'.ESBVTÈKES.
Deux ai'chilectes ont été appelés à s'occuper de la con-
slruclioii d'un presbytère à Buissonville (Naniur). La Com-
mission , t(Mil en coiislalanl que la disiribulion du plan
dressé par M. l'architecte provincial est préférable et (|ue
l'ensemble du travail est supérieur, désire voir donner aux
façades un caractère sévère en harmonie avec la destination
du bâtiment. Le devis de M. l'architecte provincial s'élève
à 14,520 francs. L'évaluation des dépenses présentée par
l'auteur du second projet (H, 5S4 francs) est illusoire, i)uis-
qu'elle contient diverses lacunes.
La Conmiission a])prouve, sauf quelques légers change-
ments, le plan du nouveau presbytère de Sohier (Luxem-
bourg). Le devis estimatif s'élève à 14,115 francs.
Les dessins du presbytère de Hoboken (Anvers) ayant
été rectiliés d'après le désir du Collège, sont approuvés.
Le devis estimatif (18,105 francs) ne soulève aucune
objection.
PIERRES SÉPULCRALES, TOMBEAUX.
La construction d'une chapelle funéraire destinée à la
fann'lle de M. le comte de Glymes, contre le chœur de
l'église de Spienncs (Hainaut), ne domic lieu à aucune
objeclioii sous le ra|)j)()rt de l'art.
MM. les Minisires de la Justice el de rinh'rieur, adoptant
la pi'(ip()siti(tn de M. le gouvei'iieur de la pr(nince, comptmt
— 95 —
laisser siins suite, iioiir lo iiiomcnl, , los divers rapiiorls
eonceniant les niesui'es à prendre pour einpèclier foule
profanation des restes du eoinle d'Egnionf et de sa lainille,
déj)Osés à Sottcglieni (Flandre oi-ienlale). Le Gouvernement
se rései've toutefois d'cxaniinei- plus tard s'il y a lieu de
reprendre les négociations avec radminislration connnu-
nal<^ et le conseil de fabrique et de provotpn^r rexécution de
l'une des mesures pro])Osées par le rapport de la Commis-
sion en date du 29 juillet 1802.
ÉDIFICES ET MONUMENTS CIVILS.
ÉTABLISSEME^TS DE BIENFAISANCE.
Après avoir entendu le rajjport des délégués qui ont
visité, à Hal, la maison destinée à l'hospice des orphelins,
la Commission approuve les tra\aux d'agrandissement et
d'appropriation projetés. Quant au devis estimatif, dont le
total s'élève à 8,150 francs, elle pense qu'il faut le porter
à 15,000 francs. Il sera en effet préférable de faire de
suite et en une seule fois tous les travaux dont la nécessité
est évidente. Les frais imprévus seront d'une certaine im-
jiortance, attendu que des mécomptes sont inévitables lors-
qu'on touche à d'aussi vieux bâtiments.
Consulté sur le projet d'établir une nouvelle salle de bains
à rhô[)ital Saint-Pierre, à Bruxelles, le Collège répond à
M. le Ministre de la Justice que les questions soulevées par
ce projet semblent plus particulièrement du ressort du con-
seil supérieur d'hygiène et qu'elle se réfère à l'avis (pie ce
conseil émcllrn.
— 94 -
MAISOiNS COMMUiNâLï:S, beffrois, halles, donjons, etc.
La Commission adresse à M. le Ministre de l'Intérienr,
en conformité de ses instructions, le dessin de la balustrade
à placer au sommet de rancienne tour à feu de Nieuport,
ainsi que le profil de la plate-forme sur laquelle cette balus-
trade doit être établie.
Gomme il est Indispensable qu'aucun travail de nature
à causer des dégâts ne soit entrepris lorsque l'appro-
priation et la décoration de la grande salle de l'Hôtel de
Ville d'Anvers seront commencées, l'administration com-
munale désire que les ouvrages qui doivent être exécutés
sous cette salle, dans le but d'obtenir, au rez-de-cliaussée ,
un vestibule plus vaste et plus convenable, soient effectués
sans retard. Après avoir entendu le rapport des com-
missaires-inspecteurs qui ont visité récemment le monu-
ment, et les explications verbales de MM. les bourgmestre
et écbevins ainsi que de l'arcbitecte, la Connnission approuve
la marcbe du projet qui lui est soumis. Des observations
quant à quelques points accessoires, ayant été faites, l'auleui-
s'est engagé à communiquer le résultat de ses nouvelles
études avant de mettre la main à l'œuvre.
La Commission transmet à M. le Ministre de l'Intérieur,
en la recommandant à son attention, une lettre par laquelle
l'Institut archéologique liégeois se ])laint notannnent des
obstacles que l'organisation de son musée rencontre, pai-
suit»' du relard qu'éprouve l'appropriation de l'aihî de l'an-
cien palais des princes-évèques qui est mise à sa disposition.
Il existe eiiBelgiipie peu (\o traces de rancienne arcbitec-
— 95 -—
funMuililaire. Les dcvaslalions des Fraiirais sous Louis XIV
et les édits de Joseph II lii'onl, disparaître la plupart des
tbrtilications que le temps et la guerre avaient respectées.
Parmi les rares monuments de ce genre qui ont échappe à
ces diverses causes de destruction, la porte de Visé (ancienne
porte des Marais) à Tongres, est sans contredit l'un de ceux
qui offrent le plus d'intérêt. Ce donjon, de forme carrée,
est bâti en blocage revêtu de pierres de sable; il est percé
d'une porte ogivale et présente, à l'étage, une ouverture
cintrée, surmontée de deux fenêtres rectangulaires. La par-
tie supérieure forme actuellement terrasse. Les quatre angles
sont garnis de tourelles prismatiques construites en encor-
bellement. Le sommet des revêlements se terminait autre-
fois par des créneaux , comme l'indique le rang d'arcatures
((ui existe encore autour des couronnements. Un reste d'in-
scription, taillée au-dessus de la baie intérieure, donnant accès
à l'escalier, porte la date de 1379. Quelques personnes ayant
proposé de faire démolir la porte de Visé, afin de faciliter
la circulation, MM. Driescn et Perreau, membres du comité
provincial du Limbourg, ont protesté contre ce projet, La
Commission, après avoir pris connaissance de leur rapport,
prie M. le Ministre de l'Intérieur d'allouer -un subside de
2,750 francs pour restaurer ce monument, à la condition que
la commune et la province supporteront le reste de la
dépense évaluée à 5,500 francs. Elle formulera son avis
motivé au sujet du plan à suivre pour les travaux de i-estau-
ralion, aussitôt qu'elle connaîtra le taux de la somme dont
il sera possible de disposer.
M. le Ministre de l'Intérieur, désirant combler des lacunes,
a fait remettre au Musée royal d'antiquités, d'armures et
— 90 —
d'arlilloric trois des objets découvorls dans les ruines du
cliàteau de Crévecœur, à Bouvignes : la chambre à anse et
cerclée (c'est-à-dire la chambre à feu (Vun ancien canon), la
serrure et enlin la ])ierre cylindrique de 0'",'28c. de diamètre
et de 0"\20c. de hauteur. Les autres objets ont été déposés
dans les collections de la Société archéologiiiue de Namur
où leur |)lacc est mar(|uée à raison do l'intérêt qu'ils i)résen-
tenl au point de vue de l'histoire de la province. M. le Mi-
nistre examinera ultérieurement s'il est possible d'augmenter
le subside de 1,200 francs qui a été alloué jiour subvenir
aux travaux à exécuter pendant l'année 1865, pour la conso-
lidation du château de Créveco'ur. Il désire toutefois que
l'on s'apj)lique autant que ])ossible à ne pas dépasser cette
somme qui doil être prélevée sur les ressources ordinaires
du budget.
PEIMUUE, SCULPTUHE, CISELURE, TâPLSSERIE, ktc
OUVRAGES ANCIENS.
L'église d(î Bossut , commune de Bossut-Gottecliain
(Brabantj, ])ossède un tableau représentant la Nativité, dont
l'état déplorable est dû })lutùt à d'ineptes travaux de restau-
ration qu'aux ravages du temps. Ce tableau, qui a 4 m. /i-o c.
de hauteur sur une largeur de 2 m. 40 c, doit être rangé
])ai'ini les bons ouvrages de G. De Graver. Gomme les res-
sources locales sont très-restreiutes, la Gommission propose
à M. le Ministre de l'inléricui- (rallouor un subside au (-onseil
<l(' ral)i'i(|U(', ;i(iii (le CDUvi'ir une parlie de la déj)ense que la
(•onsei'valioii (le celle inli'l'essanle (eu\ i'<' d'arl exilée.
— 97 -
Il l'L'Siilto (lu rapport dos cominissairos-inspoclcur.s quo la
rostaumlion cl l'appropriation dvs fonts baptisinau.v romans
de l'église Notro-Danie, à Termondo, ont été exécutées
conforniément au plan adopté par la conunission.
L'ornement sacerdotal que possède l'église Sainte-Brice,
à Tournay, date du xvii' siècle et offre un intérêt réel
sous le rapport de l'art. Il se compose d'une chasuble,
de deux dalmaticpies et d'une chape, ornées de broderies
d'or et de soie et ])or(ant des médaillons qui représentent
des sujets se rapjiortant, pour la plnpart à la vie de
saint Pierre. La Commission, après avoir examiné ces
objets, appuie Ja demande de subside formulée par le
conseil de fabrif[ue. Comme ce travail offre de grandes
difficultés, surtout en ce qui concerne les groupes et les
ligures, et exige des soins aussi intelligents quo conscien-
cieux , elle propose à M. le Ministre de l'Intérieur de
stipuler, dans le cas où un subside serait accordé, que
la restauration se fera sous sa surveillance spéciale.
La Commission, à l'occasion d'un fait récent, rappelle
dans une lettre adressée à M. le Ministre de l'Intérieur,
les principes qui la guident chaque fois qu'il s'agit de
restaurer les chefs-d'œuvre des anciens maîtres de l'École
llamande. Un artiste peut avoir un talent très-réel et
n'être pas apte à exécuter des réparations. L'expérience l'a
démontré et il serait facile de citer, à cet égard, plus d'un
fait regrettable. La restauration des productions des anciens
maîtres est tellement difficile et a donné lieu ;i de tels abus
(ju'on ne peut apporter, dans le choix des artistes-restaura-
teurs, une circonspection trop scrupuleuse. Dans des
questions aussi graves, la Commission ne pense pas que
— 98 —
la juslicc (li.slril)iilive puisse constamment servir de règle
et (lu'il (-onvieniie de ré|)arlir les commandes entre des
liommes qui n'offrent pas absolument les mêmes garanties
de savoir et d'expérience. De tout temps la question du
choix (les artistes-restaurateurs a domié lieu à des cor-
res))()ndances animées et à des récriminations; mais celte
polénnque n'a guère ému le Collège, attendu que l'intérêt
des (Ouvres dont il est appelé à garantir la bonne conser-
vation, doit êti'e avant tout sa principale préoccui)ation.
Le Sccrélfiirc de la dommissioit roijule des Mo)innieuls,
.llM'.S DUGMOLLE.
Vu en conl'onnil('' de Fai-licie ^2") du règlement.
Le vice-I*rési(lt'}tt ,
Baron de Roisin.
// fiiirf i':- ,1 ArctiÀ^.t.ju- . 7itiii/- //.
EXPLORATION
DE QUELQUKS
TUMULUS DE LA HESBAYE
~ -lAArtAAVJW'^^- -
PREMIER ARTICLE.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES.
D'où vieni , malgré le respect dû aux morts et la prolcc-
lioii dont le législateur entoure les sépultures, la curiosité
du siècle à fouiller les tombeaux anciens pour en exhumer,
au nom de la science, les ustensiles et les objets mobiliers
enfouis par un soin pieux? Partout on force les asiles funé-
raires, pour en livrer les secrets aux échos du monde,
comme si le temps était venu où doivent se réaliser les
paroles de l'Écriture : Ecce ego aperiam tumulos vcstros,
et educam vos de sepulcris vestris... Ossa (eorum) visitatu
sunt et post mortem prophetaverunt (i)!
{\) EzECii., c. 57, V. \-l\ Fxf.i.ES., c. 49, v. 18.
— 100 —
Mais ces rechcrclies, s'y livrc-l-on bien par pure cmiosilé,
et le seul résultat acquis a|)rès ces invesligalions (jui ont
pour ])remier elTet de troubler le repos de la mort, est-il
de satisfaire l'indiscrète manie de rpichpio eullcflionneur
ou même d'enricliir (pielrpie Musée?
Certes, si tout se bornait là, alors peut-être serait-il vrai
dédire qu'entre l'intérêt s'attacbant aux cboses de l'art dans
le passé, et le culte dû aux morts, il n'y a pas à elioisii-, et
que co dernier doit l'emporter (i). Mais dans ces explora-
tions réprouvées par aucuns comme des profanations , le
savant ou l'antiquaire digne de sa mission, n'est pas seule-
ment guidé par l'intérêt de l'art, mobile déjà assez élevé
et assez pur en lui-même pour lever plus d'mi scnqiule;
une pensée |)lus haute préside aux fouilles que la science
dirige. Et en effet, ces recherches, que sont-elles au fond ,
sinon un ajipel aux leçons du |)assé? Ce qui en ressort,
(Ml dernière analyse, n'est-ce pas un austère enseignement ?
« Lorsqu'un bel objet sort de terre, dit le savant abbé
Cochet ('■2) , lorsqu'une pièce importante se révèle sous la
bêche, je n'y suis certes jamais indifférent ; mais une
fois lire de la terre, il j)erd pour moi la moitié de sa
valeur , et (piand il a été étudié , il n'en a plus du
(diil. ,)(' le dépose avec bonheur dans une collection
piil)li(iuc, cl je nie résignerais presque à ne plus le
(ij (Compte reiulii delà séance générale dit 7^0 septembre IStiii (k; ht Comwis-
sio)i roijale des iiioniinienls, \). 7o; voii' iiii.ssi Messager des sciences historiques,
ISGI, ]). 4i)7, en note.
(i) Auteur de l;i Normandie souterraine, des Sépultures gaiiloises, romaines,
franqnes et normandes, l'i d'uulres <iu\ mues précieux sur l":ii(liiMil(ii;ic des
sépidluics.
— 101 —
revoir; ce que je cherche au sein de la terre, c'est une
pensée : ce que je poursuis à chaque coup do pioche
de l'ouvrier, c'est une idée; ce que je désire recueillir avec
ardeur, c'est moins un vase ou une médaille qu'une ligne du
passé, écrite dans la poussière du temps, une phrase sur
les mœurs antiques, les coutumes funèbres, rindustrie ro-
maine ou barbare; c'est la vérité que je veux surprendre
dans le lit où elle a été ensevelie par des témoins qui ont
à présent douze, quinze ou dix-huit cents ans. Je donnerais
volontiers tous les objets possibles pour une révélation de
ce genre : les vases, les médailles , les bijoux n'ont de prix
et de valeur qu'autant qu'ils révèlent eux-mêmes le nom et
le talent d'un artiste, le caractère et le génie d'un peuple,
en un mot la page perdue d'une civilisation. Voilà ce que
je poursuis au sein de la terre (i). »
Des fouilles dirigées dans cet esprit sont dans l'ordre
moral ce qu'est, dans l'ordre matériel, la dissection anato-
mique qui met à nu les viscères du corps humain, pour
en arracher le secret de sa constitution interne. Si le culte
de la mort doit l'emporter sur les hautes nécessités de la
science, flétrissez donc la mémoire de Vésale au lieu de
lui élever des statues!
Ce qui, dans l'intérêt général, est permis sur la dépouille
(i) Un de nos écrivains a exprimé , en ces termes , la même pensée : « Oui ,
ce sont des trésors que l'on va chercher au sein de la terre. Car ces exca-
vations fécondes valent mieux que des mines d'oi' : elles renferment les
titres qui manquaient à l'humanité pour établir sa généalogie L'homme
de science travaille pour la vérité qu'il adore, et dont la lumière est le flambeau
du genre humain. >. (H.-G. Moke, Revue frimeslrielle, XXXVHI. avril 1865,
p. 18.)
— 102 —
mortelle de riiomme avant son inhumation, sur ce cadavre
que le scalpel fouille et déchiqueté; — ce qui n'est pas
considéré comme une profanation, tandis que les parents,
que les amis du défunt lui survivent ; — pourquoi cela
serait-il défendu après des siècles, lorsqu'on ne s'alta-
((ue pas directement à une poussière qu'aucun de nos
contemporains ne pourrait Soutenir être celle de l'un
des siens , et qu'on se borne à rechercher des secrets
utiles à l'archéologie et à l'histoire, en respectant la mort
elle-même?
Il y a lieu cependant de faire une concession importante
à l'opinion respectable des personnes qui mettent au-dessus
de tout le culte de la tombe : pourquoi ne pas replacer soi-
gneusement les dépouilles mortelles à l'endroit même où la
piété des contemporains les déposa? Pourquoi les étaler
aux regards indifférents de la foule sur les tablettes d'un
Musée public ou particulier (i)? Que la sépulture ne cesse
pas d'être une sépulture. Que le peuple le sache bien, après
l'opération des fouilles comme avant, ces tombes remuées
doivent être pour lui un lieu sacré : elles commandent le
respect et méritent la vénération au même titre que les fosses
modernes de nos cimetières. S'il en arrivait jamais à mépri-
ser les unes, c'en serait bientôt fait aussi de son respect
pour les autres.
(i) Parfois, à cet égard, le cœur de l'antiquaire se bronze trop facilement :
« J'ai, disait sans grande émotion M. Schayes, j'ai fait transporter au Musée
quelques têtes, tibias et fémurs des squelettes les mieux conservés. » {Bulletin
de l'Académie royale de Belgique, X\l , 1", M9). Mieux avisé, le conservateur
actuel du Musée de la porte de Hal, M. Juste, a fait déposer ces ossements
dans un endroit plus convenable.
— 105 —
Une autre concession non moins importante consisterait
à attribuer exclusivement à l'autorité supérieure la surveil-
lance et le contrôle des fouilles à opérer clans les anciennes
sépultures. Jamais le Gouvernement ne devrait octroyer la
permission de procéder à des fouilles, sans avoir vérifié,
au préalable, le but qu'on se propose et les moyens qu'on
a d'y atteindre ; en un mot le pouvoir exceptionnel , déléga-
tion delà puissance publique, de procéder à une exliumation,
ne devrait être accordé que dans le seul cas où la science
y serait intéressée, et exclusivement en faveur de ceux qui
offriraient les garanties morales nécessaires. Encore cette
autorisation devrait elle être toujours subordonnée à l'obli-
gation de restituer à la terre les cendres qui auraient été
momentanément déplacées.
Les explorateurs des tumulus de Fresin ont été animés
de cet esprit : munis de l'autorisation du Gouvernement,
ils ont procédé aux fouilles avec la ferme intention d'éloi-
gner de leurs travaux, légitimes seulement à raison de
leur utilité scientifique (i), toute idée de violation de
sépulture.
Pénétrés de l'importance de leur mission , ils se sont
efforcés de justifier la confiance placée en eux, en se consa-
crant à leurs travaux avec une pleine sollicitude. Ils se sont
dit : si , en fait d'archéologie, et surtout d'archéologie des
sépultures (2), d'après l'expression de l'abbé Cochet, nous
(i) « Le souvenir de la loi Salique, si sage, qui protège la tombe, nous est
revenu plus d'une fois, lorsque, d'une main avide, nous déplacions les ossements
pour découvrir quelques objets précieux ; mais l'amour de la science, le désir
de la doter d'une découverte nouvelle doivent servir d'excuse à l'archéologue. »
(M. Hagemans, Bulletin de l'Institut archéologique liégeoix. H, p 467.)
(«) Nunv. sont., p. 188.
— 104- —
en sommes encore à l'origine des choses, c'est peut-être
parce que pendant trop longtemps les antiquités ont été
le domaine exclusif d'érudits plutôt que de véritables
savants, et ont été fouillées plutôt avec la plume qu'avec
la pioche (i). Aussi, laissant là tout système, nous som-
mes-nous mis résolument à l'œuvre, ne faisant atten-
tion qu'aux faits et nous gardant surtout, autant que
possible, de ne pas les entrevoir à travers le faux jour
d'idées préconçues; ces faits (2), l'auteur les a consignés
(1) « Sans doute, il est bon de citer et réciter César, Pline, Ptolémée,
Vopiscus, AusoNE et Peutinger; mais il est bon aussi de sortir quelquefois de
ses livres, de se dérouiller au grand air, d'aller interroger en personne les témoins
vivants de l'antiquité et d'enregistrer avec soin leurs vivants témoignages. »
(M. le président Grandgagnage, Bull.de l'inst. archéol. Hég., I, p. 163.)
« Jusqu'à ce jour on s'est beaucoup occupé du texte et des rares noms de
lieux donnés par les auteurs , mais pas assez, selon nous, des nombreuses traces
laissées dans le sol. Les auteurs ont trop travaillé dans le cabinet. En effet, sans
l'étude du sol, tout reste vague et incertain. «(M. Hauzeur, Annales de la Société
archéologique de Namur, VII , p. 253.)
(2) « Les monuments de l'antiquité les plus insignifiants en apparence, les
plus informes débris, peuvent acquérir par la comparaison avec d'autres monu-
ments, ou par le rapprochement avec d'autres faits, une importance inattendue;
en érudition, il ne faut rien négliger de ce qui peut sembler d'abord inutile
ou indifférent. » (M. Raoul-Rochette, cité iMd.^ II, p. 223.)
« L'archéologue, au sujet du placement des objets, sait tirer parti du moindre
renseignement pour déterminer leur emploi. » (M. Piot, Revue d'histoire et
d'archéologie, II, p. 296.)
« Je veux lire dans la terre comme dans un livre : aussi j'interroge le moindre
grain de sable, la plus petite pierre, le plus chétif débris; je leur demande le
secret des âges et des hommes, la vie des nations et les mystères de la religion
des peuples. Le sol m'a toujours paru le plus complet, le plus vrai des livres,
un volume de six mille ans, dont chaque siècle écrit une page avec de la cendre
et de la poussière, et elle se ranime au contact de la vie, comme les morts à la
voix d'Elisée. Sous la cendre refroidie des années, vous verrez se lever palpitante
la figure du passé, avec sa couleur véritable et son inaltérable physionomie, car
le passé est caché là comme un de ces dieux antiques enfouis par les barbares
ou par la main de leurs adorateurs, et que nous lirons aujourd'hui de leur couche
de sable pour les faire trôner dans nos Musées, les sanctuaires des arts. Et puis,
quel a donc été le rédacteur de ce livre antique écrit avec des ossements et des
— IOj —
minutieusement en les rapprochant d'autres faits récem-
ment révélés dans les localités les plus voisines, surtout
dans celles de notre pays; il a tâché, comme on exprime
jusqu'à la dernière goutte les sucs d'un fruit, de tirer de ces
faits tout ce qu'il était permis d'en extraire, en essayant d'ap-
puyer, de contrôler ou de combattre des observations anté-
rieures (i); en recourant même parfois à l'hypothèse et à
la conjecture (2) , quand une affirmation positive pouvait
ruines? L'écrivain, c'est la mort qui ne ment jamais , et qui, de sa main de fer,
a dépouillé impitoyablement tout ce qu'il y avait de faux chez l'homme pour ne
plus laisser subsister que le vrai. Marchez donc franchement sur les pas de celte
cruelle ennemie du mensonge; elle a déchiré le masque dont se couvrait l'huma-
nité vivante, et, à présent, vous ne trouvez plus que l'humanité nue avec la
poussière de son voile. Tous les siècles, tous les peuples sont cachés dans
la terre. Le Gaulois y est couché à côté du Romain , et le Romain y dort à côté
du barbare. Ces- hommes, il ne s'agit plus que de les faire parlei' et de comprendre
leur réponse; mais, pour cela, il ne faut pas confondre les langues : il faut savoir
discerner les tons, les nuances, les couleurs, les physionomies de chaque peuple
et de chaque civilisation. » (Cochet, fsorm. sont., p. 3.)
(i) « Il est assez rare qu'une fouille présente des objets inconnus; mais ce
qui caractérise une fouille bien dirigée, c'est de révéler un détail qui n'existait
pas ailleurs, un caractère que le temps avait oblitéré, ou une observation qui
avait échappé à de précédentes explorations. » (Cochet, ibid., p. A.)
(2) « Plus d'un esprit réfléchi pourra me reprocher d'avoir fait un usage trop
fréquent de la probabilité et de l'analogie, et d'avoir souvent émis de simples
opinions où il aurait fallu apporter des preuves. Mais mon objet n'a pas été
de convaincre les opposants ou de réfuter les objections. J'ai cherché à exposer
aussi simplement que possible ce que la nature de mon intelligence me dispose
a accepter comme vrai. D'autres intelligences sont peut-être organisées de ma-
nière il voir les choses à un point de vue tout différent. Mes paroles n'ont point
la prétention de leur imposer ma manière de voir. Dans un sujet si vaste, si loin-
tain, la tolérance scientifique doit largement s'exercer. » Ces paroles de M. le
major Liagre {Bull, de l'Acad. roy. de Belg., 2« série, t. xii), on peut sans
contredit les appliquer à l'archéologie et aux études spéculatives auxquelles elle
donne lieu parfois.
« On objectera, disent de leur côté MM. Gérard et Warnkoenig, dans leur
Histoire des Carolingiens , que telle explication n'est fondée que sur des conjec-
tures; mais s'il fallait exclure de l'histoire tout ce qui est conjectural, on la
réduirait à de bien minces proportions. »
— 106 —
parailre téméraire; enfin parfois aussi, en posant seulement
la question, quand la solution semblait par trop para-
doxale. Malgré le développement donné à ces observations,
l'auteur ne cherche pas à le dissimuler, le sujet n'a i)as
été étudié d'une manière comjilète; plus d'une science
étrangère à l'archéologie, l'archéologie elle-même, auraient
encore bien de renseignements complémentaires à four-
nir : chaque jour d'étude permet d'ajouter une remar-
([uo nouvelle, d'affirmer un point jusqu'alors douteux ou
de modifier une assertion trop absolue; mais il faut s'arrêter
à un moment quelconque , quitte à confesser franche-
ment l'imperfection de l'œuvre (i), et sauf h se promettre,
à part soi, de la compléter un jour. D'ailleurs, telle
quelle, cette œuvre, contint-elle peu d'observations nou-
velles, n'en présente pas moins une utilité relative, à raison
des faits qu'elle constatées); cnlin le Gouvernement, à la
(i) « Je n'ai pas la prétention d'avoir épuisé mon sujet. Plusieurs questions
ne recevront leur solution qu'à la suite de travaux spéciaux. L'ethnologie, la
zoologie, la géologie, la minéralogie, la botaniciiie, la chimie et d'autres sciences
ont encore de précieux renseignements a fournir. >< (Fr. Tuoyon, Habitations
lacustres des temps anciens et modernes, p. ix.)
(2) « Nous ne consignons les faits et les suppositions que comme des rensei-
gnements destinés ii appeler l'attention sur les tuniulus de notre pays, encore
si imparfaitement étudiés jusqu'ici. De nouvelles observations venant se joindre
dans l'avenir k celles qui ont été déjà recueillies, Uniront sans doute par faire
mieux coimaitre et respecter ces antiques monuments, jadis si nombreux dans
nos contrées, mais qu'aujourd'hui la main des hommes semble se complaire
à détruire impitoyablement. » (M. del Marmol, Ann. de la Soc. archéol.
de Aamiir, IV, p. 26.)
« Vouloir reconnaître exclusivement l'état du pays avant et pendant la domina-
tion des Romains , au moyen des monuments éci'its, c'est nier leur insullisiince :
La carte de Peutincer et l'itinéraire d'ANTONiN ont-ils dit le dernier mot
sur les routes dont les Homains dotèrent le pays depuis leur invasion jusqu'à
leur retraite, les forteresses qu'ils élevèrent et les camps qu'ils y construi-
sirent?. . . . Ces questions, qui sont pour nous de la plus grande importance, ne
— 107 —
générosité éclairée duquel est due la subvention accordée
pour les fouilles, a droit à un compte rendu, non pas uni-
quement de l'emploi des fonds , mais surtout de la valeur
scientifique des résultats obtenus.
L'auteur doit un témoignage tout particulier de recon-
naissance aux personnes qui l'ont aidé : — M. Gérard,
architecte, son collègue comme membre correspondant delà
Commission des monuments , qui a bien voulu se charger
de la partie technique et des dessins; — M. l'abbé Kempe-
neers, de Montenaken, docteur en droit canon, ancien
professeur au grand séminaire de Liège, auteur d'ouvrages
importants sur l'histoire de sa commune et des localités
environnantes, homme aussi modeste qu'éclairé, et d'autant
mieux disposé à nous prêter sa collaboration précieuse de
tous les instants, que nos fouilles réalisaient un désir conçu
et exprimé par lui depuis longtemps (i); — enfin, le digne
et respectable M. Van Hamont, bourgmestre de Fresin
depuis trente-huit ans, homme à l'éducation distinguée et
sauraient être résolues si ce n'est au moyen des études arctiéologiques. C'est
en recherchant les débris d'antiquités dispersés sur le sol, c'est en les étudiant
et en les interrogeant, que nous pourrons un jour en apprendre quelque chose.
Sans les restes d'antiquités trouvés aux environs des voies romaines, il eût
été impossible de déterminer la position précise de plusieurs localités indiquées
sur la carte de Peutinger. C'est donc aux études archéologiques à suppléer
aux lacunes de l'histoire écrite; c'est aux recherches des archéologues qu'est
réservée la solution d'une foule de questions. Ces recherches, commencées à
peine il y a soixante ans, sont poussées seulement de nos jours avec activité,
grâce à la sollicitude des diverses sociétés scientifiques créées dans tous les
centres tant soit peu importants. Les résultats déjà obtenus sont immenses et
nous permettent de juger combien de richesses archéologiques les travaux
de l'agriculturp ont fait disparaître. » ( M. Piot, S*' édit. de Schayes, la Belgique
avant et pendant la domination romaine, III, p. 397.)
(i) De oude Vnjheid Montenaken , of historisch en nerkeiyk afbeelsel eener
vrye gemeente in HaspenQouw (Louvain, Fonleyn, 1861), t. i, p. 20, note 1.
— 108 —
à l'esprit élevé, dont la sympathie bienveillante pour nos
efforts a été récompensée par le résultat inespéré obtenu
dans ces antiques tumulus, gloire de sa commune. —
Et puis, à côté du père, pouvons-nous oublier le lils,
M. Alpli. Van Hamont, qui, par un travail patient et délicat,
est parvenu à restituer bien des débris dans leur forme
primitive et même à retrouver plusieurs vases de l'existence
desquels nous ne nous doutions pas , véritables phénix que
les mains habiles de notre restaurateur ont fait renaître
de leurs cendres,
FOUILLES DANS LES DRY TOMMEN A FRESIN.
S I".
Placé sur un point élevé de l'une des vastes plaines
de la Hesbaye , le groupe des dry tommen (i) , sans être
précisément remarquable par les dimensions aujourd'hui
bien réduites des tumulus dont il se compose (v. pi. i
en regard; , se découvre de loin et se découpe nettement
à l'horizon dans notre ciel gris auquel ce genre de monu-
ments éloquents par leur masse convient parfaitement (2).
(t) Bulletin des Commissions royales d'Art et d'ArcIn'ologie, I, p. 1 16. (Notice
sur les monuments du lAmbourg antérieurs au moyen âge); une erreur s'est
glissée dans la carte jointe a cette notice où les trois tombes ont été placées
sur le territoii'e de Corthys : les içroupes des dry tommen et des twee tommen
doivent être un peu reculés vers la droite, de façon ii ce que la ligne séparative
de Cortliys et de Fresin ne laisse qu'une des trois tombes à la première de ces
lomniuncs.
(2) Galesloot, Bull, de l'Acad. roy. de BeUj. , XIV, 1", p. 490.
J. Gérard del
BULLETIN DES COMM^ ROYALES D'ART ET D'ARCHEOLOGIE
— 109 —
Le groupe des dry tommcn , situé sur la limite des
communes de Fresin et de Corthys (i) , est fort rapproché
de la chaussée de Nivelles, voie secondaire {diverticulum ,
divortium ) qui , sortant , près d'Oreye , de la grande
chaussée de Tongres sur Bavay, se dirige vers Nivelles
et qui, dans tous les anciens documents compulsés par
M. l'abbé Kempeneers (2), porte toujours le nom de
Katsei, chaussée , via calciata ou de heerbaen (via mili-
tons) (3), indiquant très -vraisemblablement une origine
romaine. D'après M. Vander Rit (4), le chemin de Saint-
Trond par Niel qui passe à travers le groupe, en sépa-
rant les deux tombes de Fresin de la tombe de Corthys en
même temps que le territoire des deux communes (5), pour
continuer sur Hollogne, Omal, vcrsVinalmontetHuy, serait
{i) Province de Limbourg et non de Liège, conirae le porte par erreur le
3e vol., p. 460, Ae la Belgique, etc., par Schayes. Une autre erreur de cet
ouvrage provenant d'énonciations extraites du mémoire de M. Vander Hit, cité
ci-après, consiste à attribuer les trois tumulus k la seule commune de Fresin.
(2) De oude vryheid Montenaken, 1, p. 228 et 590, et II, p. 47.
(3) Dig., XLIII, titre vu; IsiD. de Séville, Orig.,W, i6; voir aussi
Adr. Heylen, Historische Verhandelingen over de Kempen, ch. x, 2« édit. p. 225;
Schayes, la Belgique, etc., II, p. 462.
(4) Étude théorique et pratique sur les anciennes chaussées romaines traver-
sant le royaume de Belgique (Journal de l'Architecture de Marchand et autres),
1851, p. 95etsii^'.
(o) Circonstance qui , si Corthys n'était point une dèlibation de la com-
mune de Montenaken dont les limites en cet endroit ont été litigieuses, pourrait
d"èmontrer au moins la très -grande ancienneté du chemin, comme le fait
observer M. Galesloot (Revue dliist. et d'urchéoL, I, p. 359) : en effet, les
communes , en s'établissant, ont dû accepter pour limites les chemins précé-
dents, démarcations toutes naturelles; tandis que les chemins secondaires
nouveaux {vicinaux, c'est-ii-dire de voisinage, a. moins qu'on ne préfère
l'étymologie a vico ad vicum), affectent la direction plutôt du rayon que de la
tangente, puisqu'ils ont pour but de réunir les communes par leurs centres.
— 110 —
Ini-niùine un divertirulum romain (i); mais MM. Roulez (2)
ot Sc'hayes (r>)oiil.vivcmontcomI)altu plusi(nirs des assertions
(le M. Vander Rit, auquel ils reprochent d'attribuer indis-
tinctement aux Romains tous chemins ])lus ou moins anciens ;
d'ailleurs, les vieux documents et registres, si expressifs
poui'la chaussée de Nivelles, ne mentionnent jamais le che-
min d'entre les tombes , sinon comme une voie ordinaire.
Quelques sondages opérés à l'aide d'une tarière de deux
mètres de longueur, en certains endroits de l'un et de
l'auli'c de ces chemins, à l'effet d'y découvrir les couches
de pierres ou de gravier des Romains, n'ont abouti à aucun
résultat; il est vrai que ce peuple, semble-t-il , empierrait
les chemins secondaires à l'aide d'une simple couche de
cailloux (4), laquelle a pu disparaître en beaucoup d'endroits
par défaut d'entretien (.^;).
Nous nous mîmes à l'œuvre au commencement de septem-
bre 18r)2, en prenant à tâche de ne pas perdre un seul
instant les ouvriers de vue , pour éviter , surtout dans le
principe, qu'ils ne détruisissent ou ne dispersassent des
objets insignifiants pour eux, et qui ])ouvaient être pré-
cieux pour nous. Il était à craindre aussi que, intrigués
(1) Voir, sur les voies roniaines, quelques observations de M. Mauzf.ur, Ann. de
la Soc. archéol. de Namiir, V. p. '22. »>
(2) Bull, de VAcad. roy. de Belg., XVI, 2", p. io3, et XXI, l«, p. 122.
(3) La Be.lqique, etc., II, p. 162, note I, et Bull, de VAcad. roi/, de Bclg.,
XVI, 2", p. -ioT.
(i) Vander Rit, niéin. eité, et Bull, de VAcad. roy. de Behj., XVI, 2**,
p. 435 et suiv.
f.-i) Polyplifjue de Vabbé Irminon, ou dénombrement des mansen, etc., de
Vabbayc de .^ainl-Gcrmaiu-des-I'rés soiix Charlcmagnc , avec des pi'ok^iromèiies
par H. GuKRAHi), tome II, i^ i2'f, où il es! parlé du mauvais état des routes dès
le XII" siècle.
— m —
de nos recherches, ils ne fussent tentés de s'approin-iiM- Tuik^
ou l'autre chose leur paraissant avoir quoique valeur (i).
Il avait d'abord paru préférable d'entamer les tombes
par des tranchées à ciel ouvert; mais bientôt l'on a pu
se convaincre de rexcelloncc et de la simplicité du travail
par galeries horizontales ou légèrement inclinées depuis
la base du tumulus jusqu'à un plan un peu au-dessous
du niveau (2) ; il y eut à peine lieu d etrésillonner les
voûtes en quelques endroits où se faisaient remarquer des
excavations dues soit à des terriers de renards, soit au
travail de l'homme.
La première tombe, celle qui est du côté de Borloo ( au
N.-E. par rapport aux deux autres ), fut fouillée dans tous
les sens, par une galerie qui la traversa d'outre en outre,
et par des entrées de galerie latérales, creusées pour donner
plus de latitude aux explorations faites à l'aide de la tarière.
Aucun objet, sinon des fragments peu intéressants, n'y fut
découvert. Mais l'on ne tarda pas à suivre , par tout le
tumulus, une trace noire de combustion, au-dessus d'une
mince couche de terre blanchâtre sans doute étalée à des-
sein; on y trouva des fragments de terre cuite, noircie
par en haut, rougie par-dessous, et une grande quantité de
(1) Aujoiirtriuii, notre personnel, épuré et initié au but purement scientifique de
iKis rodierclies, est bien persuadé que nous ne chercbons pas des trésors, mais
des objets ayant une valeur intrinsèque minime, et nous pouvons nous reposer
plus librement sur nos ouvriers.
(2) M. ScHAYEs avait imaginé un système de galeries en diagonale qui devait,
d'après lui, offrir plus de résistance [Bull, de VAcad. roy. de Helg., XVtl, 1",
p 541); mais il ne paraît pas s'en être trop bien trouvé, h en croire M. d'OîHEPPE
deBouvette; car ce dernier rapporte que les fouilles d'Omal furent interrom-
pues par un éboulenient. {Essai de tablettes liégeoises, TtQ" livr , la Hesbaye,
p. 46). Au surplus, le sol est fort sablonneux à Ornai.
— 112 —
charbons de bois provenant d'un foyer très -étendu; ce
foyer avait été alimenté à l'aide d'un courant d'air vers le
milieu de la tombe, où l'on découvrit une cavité dont le
fond était également calciné (i). La chaleur de ce foyer
devait avoir été fort intense et entretenue sans doute pen-
dant plusieurs jours, à en juger par une ligne bleuâtre
semblant indiquer une couche de fer fondu (-2) , et dont cer-
taines parties, soumises à l'action d'un instrument en acier,
offraient une résistance toute métallique.
A n'en pas douter , la première tombe occupait l'empla-
cement (lu hustum ou ustrinum , où le bûcher (rogus)
avait été élevé (5). Si les autres tombes contenaient des
sépultures, nous avions la confirmation d'une remarque
faite avant nous : à proximité d'une réunion de tumulus
funéraires, dit M. Toilliez (4), il y en a toujours un qui
semble indiquer, par l'existence d'une masse extraordinaire
de charbon de bois, qu'il a anciennement servi de bûcher.
(i) Circonstance semblable a été rcniarquée par M. Hauzeur, Ann. de la
Soc. Archéol. de Namur, V, p. 187.
(2) Circonstance très-possible, car l'on sait que les fourneaux primitifs, d'où
proviennent ce qu'on nomme crahiats de Sarrazins, fonctionnaient en plein aii-
{Ann. Soc. archéol. de Namur, \ll, 274). Laconviction unanime des explorateurs et
des ouvriers, au sujet de la nature ferrugineuse de la lignebleuàtre, aété quelque
peu ébranlée par rallirmalion contraire de M. Kupflerschlaeger, professeur à Liège,
qui y a trouvé des traces non de fer (sinon de l'dxyde auquel la terre doit sa colo-
ration) , mais de tourbe ou de lignite. N'est-il pas possible cependant que la
matière même ait disparu par l'oxydation, et qu'il n'en soit plus resté qucles
apparences; ou bien les échantillons, envoyés à Liège, ont-ils été soit mal choisis,
soit en quantité insuffisante? L'expérience sera répétée, et il y aura lieu d'exa-
miner si l'apparence de tourbe ou de lignite n'est pas due à la carbonisation de la
terre blanchâtre.
(3) Anthony RiCH, Dictionnaire des Antiquiti's romaines cf grecques, traû. par
Chékl'El,V'* liustum et Ustrinum; dom Bkrn. uk Montfaucon, r.inliquité expli-
quée, V. p. 29; loi des XII Tables , de jure sacrorum, p. 10.
(i) .Mess, desscienc. hist., 1851, p. 85.
— 113 —
Une autre observation se trouvait aussi confirmée : comme
dans le tumulus de Ilanret (Namur), Vustrinuiii était ])lacé
du côté de l'Est relativement au caveau sépulcral (i).
Si, comme on peut être porté à le supposer, l'endroit
où les restes mortels devaient être inhumés était préparé
à l'avance , de manière à les recevoir immédiatement
après la combustion (2), il n'y avait pas lieu d'espérer de
trouvailles dans le premier tumulus dont l'emplacement
tout entier avait servi (Wistrinum : du reste, l'on vérifia
aisément que ce tumulus avait été formé d'une couche du sol
différant de la terre rapportée sur les deux autres; celle-ci
était une argile d'une couleur uniforme, celle-là, prove-
nant des couches inférieures du sol adjacent, à trois mètres
de profondeur et davantage, était striée de veines blanchâ-
tres; d'où la conclusion que le travail de remblai n'avait pas
été simultané, et aussi que si les deux autres tombes, con-
tenant par hypothèse des fosses sépulcrales, avaient été
élevées les premières , on ne trouverait rien dans la
troisième tombe.
Le tumulus, élevé sur le bûcher, indépendamment de
toute destination purement honorifique, avait une raison
d'être, apparemment le respect des parcelles de cendres
humaines restées dans le foyer éteint; seulement, au lieu
de comprendre dans le même tertre, comme ailleurs (3),
et la sépulture et le bûcher, les travaux de terrassement
avaient été divisés.
La question, au moins pour le tumulus du milieu, ne
(i) Ann. Soc. archéol. de Namur, III, p. 593.
(j) Ibid.
(s) Ibid. , III, p. ÔOri, et IV, p. 15.
— 1U —
pouvait donc être douteuse : là était la sépulture ou l'une
des sépultures.
Mais à quel usage était réservé le troisième tumulus? Ici,
absolument aucune trace de bûcher ni de fosse sépulcrale;
toujours une terre uniformément compacte; pas de sol meu-
ble , malgré les recherches les plus minutieuses , malgré des
sondages dans toutes les directions, rien qu'un puits en en-
tonnoir venant d'en haut, plein, à la vérité, d'une terre très-
meuble mais sans mélange de débris quelconques, et ne
pénétrant pas, du reste, assez bas i)our avoir pu amener des
découvertes (i). L'hypothèse que, si la tombe du centre
contenait vraisemblablement les restes d'un chef tué dans
un combat , la tombe de Corlhys recèlerait peut-être ceux de
ses compagnons d'armes morts avec lui , cette hypothèse
ne s'est pas réalisée. Il ne reste donc à considérer la troi-
sième tombe que comme purement honorifique (2), comme
formant le pendant du tumulus-bùcher, et comme destinée,
ainsi que celui-ci, à remplir quasi l'office de sentinelles au-
près de la tombe médiate. Ce n'est pas, du reste, la première
fois (3) que dans le voisinage d'un tumulus ayant servi de
sépulture, l'on constate la présence de tertres complètement
vides; peut-être les anciens, lorsque le temps et les moyens
leur manquaient d'élever des remblais considérables comme
(i) Quant au caveau dessiné dans le troisiènie tumulus, (pi. i, coupe horizon-
talc), il a été creusé, par nos ouvriers, dans le sol primitif, pour permettre
à la tarière de sonder dans le tréfonds.
(2) GuTiiEnius, De jure manium, chap. spécial de imaymaria sepuHura ,
inani et honorario tumulo, «p. Gr.cv. , T/tesaur. autiq. roman., XII, I^Ori;
l'on y cite entre autres ces vei's de l'Enéide oii iiigem agfjerilur tumulo tellus en
l'honneur des niànes de Polydorc, et le passage de Suet. in Claud., cap. I, k
propos du tumulus honorilique élevé à Drusus.
(s} Auu. Soc. archéol. de Namur, II, p. 75, et iV, p. ■15 et suiv.
— Ha-
lls le laisaienl parfois, se bornaient-ils d'autres fois (i), à en
donner la menue monnaie; peut-être aussi, dans l'impossi-
bilité de retrouver les corps des combattants ayant péri
dans une même circonstance, voulaient-ils élever au moins
un tertre à la mémoire des ])lus notables d'entre eux.
Ces désenchantements qui, sans nous décourager, nous
tenaient en baleine, furent amplement compensés p;u- un
résultat presque immédiat obtenu au lumulus du centre,
celui sur lequel les échevins de Montenaken étaient venus
plus d'une fois prononcer des jugements, et où la commune
de Fresin avait fait exécuter en 1765 une condamnation capi-
tale (2) dont le souvenir vit encore dans les traditions du
pays. Une fosse se signala d'emblée aux travailleurs qui, en
creusant la galerie, remarquèrent que, du côté gauche, un
peu avant le centre actuel (5) du tunuilus, le sol était plus
meuble sous leurs bêches. La galerie fut coupée par une voûte
ouverte au-dessus de la sépulture présumée ; la tarière
essayée avec précaution ramenait toujours du tréfonds
un sol friable bien distinct du résultat des sondages opérés
soit dans le sol vierge, soit dans les parois des galeries, où,
toute légère que la terre extraite fût rendue par le travail
(i) y. Bull, des Comm. roy. d'Art et d'ArchéoL, I, p. -100 et siiiv.
(2) Ilnd., p. M". Lestumulus, outre les feux du carnaval, de la Saint-Jean, etc.,
qu'on y allume, ont souvent été choisis pour lieux de supplices, témoin les
tumulus de Seron , Arm. Soc. archéol. de Namur, IV, p. 20.
(5) Actuel, dit-on ici, parce que, à raison soit des empiétements des rive-
rains, soit des larges marches pratiquées en 1763, soit de l'établissement du
chemin qui longe ce tumulus du côté de Corthys, le centre primitif peut ne plus
être le milieu du monument tel qu'il est arrivé jusqu'à nous; et sauf aux
tumulus qui, comme à Frizet et Seron {Ami. Soc. archéol. de Nawiir, III, p. 595,
et IV, p. 21), ont conservé des restes consommés de pieux, ti'aces palpables du
centre primitif, il est parfois difficile de déterminer celui-ci avec précision.
— 116 —
circulaire de la tarière, se trouvaient des tranclies coagulées
de l'argile primitive ou lassée. En outre , la tarière s'était
heurtée parfois à des cor})s durs , et les pelletées de terre
enlevées ne tardèrent pas à révéler la présence d'un nombre
considérable de pierres assez singulières de forme pour
intriguer des ouvriers habitués pourtant à fouiller le sol de
la Hesbaye, et pour ne pas être reconnues par eux comme
des produits naturels du sol.
On continua avec l'espoir mêlé de crainte dont les ar-
chéologues qui ont opéré des fouilles , peuvent seuls se faire
une idée, et enfin, après avoir traversé à 0'"60 l'une de
l'autre deux couclies horizontales de cendres (i), l'on trouva
à 2'"80 de profondeur, au milieu d'une dernière couche de
cendres, occupant, comme les précédentes, toute la largeur
du caveau, ce terrain d'une nuance et d'une nature particu-
lière, qui , soit noirci par le bois, soit rougi par la rouille,
soit verdi par l'oxyde de cuivre, est si connu des fouilleurs
et où gisent les richesses de l'art, les trésors de la science,
les cendres humaines. « Là, s'écrie l'abbé Cochet (2), là
est enveloppée la pensée antique; elle va s'envoler avec la
poussière qui la recouvre : à vous de la saisir au passage ! »
Le 15 septembre 1862, à l'endroit même où la descente
était opérée , dans la partie principale de cette couche urni-
fère, se montra le bord d'un grand bassin en bronze ren-
versé , qui , déterré avec précaution , apparut aux regards
(i) L'abbé Cochet, Norm. sont., p. "5, a, de son cùté, trouvé au fond des
fosses fouillées par lui , des eouches horizontales de Lçravois provenant du foyer
éteint et composées de cliaibon de bois et de poteries pulvérisées.
(i) yorm. soiiL, p. 50.
— 117 —
contenant encore une forte partie de cendres Imniaines , et
les jours suivants, la découverte fut complétée par celle
de deux monnaies de Domiiien et d'Hadrien, ainsi que
d'une quantité d'objets destinés à servir d'escorte à l'urne
principale qui s'était révélée la première.
Ces objets divers se trouvaient en un désordre extrême ;
quelques-uns même étaient complètement brisés. Adifférents
endroits, surtout vers le Nord-Est et vers le côté méridional,
un mouvement s'était opéré dans la fosse : ici , il y avait des
vides; là, la terre était extrêmement friable et légère;
ailleurs les couches de cendres, dessinées horizontalement
dans les parois, s'étaient affaissées, disloquées, déformées
et confondues; ailleurs encore, il y avait eu éboulemenl
et infiltration d'eau , ce qui rendait une partie de la terre,
surtout vers le fond, tout à fait massive et compacte, à tel
point que les objets semblaient collés au sol.
A quoi attribuer ce grand bouleversement? à un mou-
vement dans le tumulus tout entier dont le contre-coup
se serait fait sentir dans la fosse? A la vérité, d'une
part , l'on n'a pas perdu la mémoire du tremblement de
terre du 23 février 1828 (i) qui a tari à Fresin même plu-
sieurs sources (2) et asséché le territoire de cette commune
autrefois extrêmement humide (3). D'autre part, à la partie
(i) Il est fait mention de ce tremblement de Icirc dans del Vaux, de Fouron,
Dictionnaire géographique de la province de Liège, "1^ édit.. H, pp. 40 et 357,
à propos des conniumes de Berloz et de Racour également en Hesbaye.
(2) L'aïUeui' doit ce renseignement à l'honorable M. Van Hamont, qui était
déjà bourgmestre de Fresin k cette époque.
(3) Le nom de Fresin, en flam. Vorssen, dont plus loin on hasardera une
autre étymologie, ponrrait bien venir de l'état frais el humide de la localité
avant t8:28. V. cependant Kejipeneeks, De oitde Vrijiieid Montenaken , II,
p. 296.
— 118 —
extérieure du tuuiulus, presque au-dessus de rexeavaliun ,
l'on remarque une dépression très-sensible qu'on pourrait
croire être le résultat d'un enfoncement du dehors au de-
dans. Mais un tremblement de terre n'aurait pas produit un
bouleversement partiel, il aurait déchiré les parois de la
fosse qui sont restées intactes, et, quant à l'enfoncement
présumé, s'il correspond à quelque chose à l'intérieur, c'est
plutôt à un puits en entonnoir par où, fort vraisemblable-
ment (i), on a essayé un jour de descendre dans le cœur du
tumulus; mais cet entonnoir, plein de strates alluviales et
d'infiltrations pluviales qui s'arrêtent au-dessus du niveau
de la campagne, n'a pas la moindre communication avec
la fosse sépulcrale.
Avait-on, comme en d'autres sépultures, placé des plan-
ches verticales le long des parois du caveau, ou horizon-
tales entre les trois couches de cendres? Ces planches,
rongées par le temps , avaient-elles ensuite cédé à la pression
des terres? Il peut y avoir lieu d'en douter, car, tandis qu'on
découvrit au fond de la fosse des parcelles de bois très-
reconnaissables provenant de caisses ou coffrets, nulle part
ailleurs ne se révéla la présence de restes ou même de simples
traces de planches ; mais , d'un autre côté , si un couvercle
a existé, placé en contact direct avec la terre et avec l'humi-
dité, n'a-t-il pas dû disparaître nécessairement avant les
coffrets qu'il garantissait?
Il vient d'être parlé de coffrets; en effet, en cinq endroits
différents, l'on trouva des garnitures, clous, charnières,
(i) Ce qui parait résulter d'une partie de terre remuée qui, dans la dépression
«xténeure, ligure* assez bien l'orilice irini l'enfuniidir.
— 149 —
anses ou poignées en cuivre , plus une anse en verre, prove-
nant incontestablement de caisses plus ou moins grandes où
certains des objets funéraires avaient été renfermés. Là, nous
louchons du doigt une cause probable de détérioration des
objets ; car ces caisses , à la suite de la destruction de leurs
parties ligneuses, se sont effondrées : alors s'est produit
nécessairement un vide qui a entraîné une partie des terres
supérieures ; un tassement, dont le contre-coup inévitable
a exercé son action dans toute la fosse, s'est fait avec plus
ou moins de violence, et a bouleversé et culbuté les objets
placés au fond.
Une autre cause de désordre est le vide qui s'est produit
par l'effondrement des caisses ou par la destruction du
couvercle prolecteur, s'il en a existé un, et à cause de
ce vide , la chute parmi les objets funéraires de ces
pierres singulières signalées plus haut, et que le savant
et obligeant professeur de géologie, M. Dewalque , a
reconnues être tout simplement des concrétions calcaires
dont la présence avait été constatée par Dumont dans le
limon de la Hesbaye (i). Ces pierres amassées en quan-
(i) Avant ceUe constatafion, les hypothèses les plus diverses avaient surgi à
propos de ces objets auxquels nos ouvriers avaient donné le nom de mannekens,
mérité par leurs formes bizarres. Au cœur de ces objets, se trouve le plus
souvent une petite cavité indiquant une sorte de contraction produite par l'action
de la chaleur. Fallait-il y voir ou des amulettes en terre cuite, ou ces armes
rudimentaires de ces soldats accensi qui lapidibus et pugnis depugnabant? ou
bien ces boules incendiaires dont César et Tacite nous entretiennent (v. notam-
ment Tacite, Hist., 11,21, et Y, 17, et aussi Sohayes, la Belgique, etc.,
I, 80 et 102). Ce qui donnait de l'intérêt à ces djflërentes hypothèses était
surtout la trouvaille faite récemment à Baarle-Nassau, par M. Cuypers [Berigt
omirent eenige grafheuvels orider Baaiie-Nassau , pi. ii), d'un dépôt de pier-
railles assez semblables pour la forme; mais M. Cuvpers, en cuisant de l'argile
- 120 —
tités considérables avaient été ou })laquées dans les parois
de la fosse, ou étalées en couches horizontales, ou bien
mises autour des coffrets (i), et remplissaient sans doute le
même rôle que ces cailloux ou tessons , moniteurs fidèles des
sépultures, dont la présence a été si souvent remarquée dans
les tombes anciennes(2). A Fresin, la dimension de ces pierres
augmentait à mesure que l'on descendait plus profondément
dans la fosse, soit que l'on eût avec intention placé les plus
petites à la partie supérieure, soit que les plus pesantes
eussent été plus facilement entraînées au fond. Ces pier-
railles , si elles avaient un but de consolidation , saxn
cinerum custodes comme le disait Juvénal , remplissaient
bien mal leur rôle, en ce qu'en s'abattant au milieu des
vases, elles augmentaient encore le bouleversement, de
manière que, comme le dit l'abbé Cochet, ce qui devait
protéger le dépôt funéraire devenait avec le temps le plus
cruel ennemi des vases et de la sépulture elle-même (5).
D'autres causes de destruction ont en outre pu agir sur
les objets funéraires : h moins d'admettre l'hypothèse de
l'existence d'un couvercle, il est presque impossible que le
trouvée surplace, avait produit des exemplaires identiques. [Mess, des sclenc.
hist., 18?!, p. 84), et la iiiénie expérience répétée à Fresin n'abonlit pas à un
résultat analogue. Au surplus, lors des fouilles de la troisième tombe sous
Corlhys , opérées à plus de ô™00 de profondeur dans le sol vierge, l'on décou-
vrit, quand on arriva ii une couche de terre blanchâtre comme celle qui forme
les stries du tunnilus-bûcher, un certain nombre de ces concrétions calcaires :
ainsi est confirmée la donnée de la science que les pierres sont dues à la nature
et non ii la main de l'homme.
(i) Cochet, ^onn. sout., p. 107.
(2) Id., ibid., pp. 67, 76, 77, 91, 98 et 169; Ann. Soc. archéol. de ^omur,
III, p. 39ÎJ.
(5) Norm. sont., p. 169.
— 121 —
jet df terres, fût-il fait avec des précautions infinies, sur
la pente d'un talus ou du haut de marches descendant
jusqu'au fond de la fosse, n'ait pas exercé une influence
funeste sur le mobilier funéraire ; il est difficile aussi de
croire que les piétinements, les manœuvres de ceux qui
érigèrent le tumulus au-dessus de la sépulture, que l'appe-
santissemont même de la terre en se tassant, n'aient pas
occasionné, dès le principe, une pression désastreuse sur
le contenu de la fosse.
Enfin, il est reconnu, d'après des découvertes faites dans
plusieurs tombes anciennes , que la destruction de certains
objets était parfois intentionnelle, soit pour exprimer par là
que la mort avait tout rompu et renversé pour le défunt (i) ,
soit pour indiquer que nul après lui ne devait plus se servir
d'objets qui lui avaient été chers (2); ce dernier mobile semble
le plus probable, car, cela a été évident dès le premier mo-
ment, nous avions devant nous, non pas une tombe chré-
tienne pour laquelle le secours d'explications symboliques
eût été naturel, mais une tombe païenne, et les païens.
Grecs , Romains et barbares, se représentaient leurs morts
comme doués d'une seconde vie, où ils faisaient encore
usage de certains objets d'ici-bas, tels que les aliments
apportés sur la tombe des défunts , ou tels que les souliers
destinés à passer les sentiers scabreux du Walhalla (3). Le
paganisme , loin d'attacher à la mort une idée toute spiritua-
liste, devait donc restreindre la destruction volontaire aux
{{) Opinion de M. de la Saussaye, ap. Cochet, \orm. sont., p. 85.
(2) Cochet, ibid.
(3) ScHAYEs, la Belgique, etc., I, 169.
— 122 —
objets chers au dcfiint, mais tout à fait inutiles ta son nou-
veau mode d'existence , par exemple, d'après tes religions ,
à ses armes, à ses bijoux, à ses objets de toilette, aux usten-
siles dont il s'était servi plus particulièrement, etc., mais
dont il n'avait plus que faire au delà de la tombe. C'est là le
secret de ces épées calcinées, brisées, ou faussées, de ces
objets (ustensiles ou monnaies) jetés dans le bûcher et brûlés
avec le mort, de ces vases signalés comme cassés à dessein
ou enfouis tout brisés, qu'on a trouvés dans plusieurs sépul-
tures païennes (i); c'est aussi peut-être le secret,àFresin,de
plusieurs tas distincts de verre de couleurs différentes, pilé
au point d'être réduit à peu près en poudre, tas dont chacun
était placé dans un coffret à part , et qui provenaient sans
doute d'autant de coupes ou de flacons dont le défunt avait
fait plus spécialement usage.
Au contraire, tous les objets parfois entièrement neufs,
parfois aussi déjà altérés par un long usage, et même quel-
quefois rapiécés et raccommodés, dont il y avait lieu de faire
emploi dans les cérémonies des funérailles (2), ou dans le
mobilier de la sépulture (0), comme les lampes, les brûle-
(i) Batissier, Hist. de l'art mon., pp. 308 et 309; id , Élém d'archéol. nat.,
p. 270; DE Cauhont, Cours d'ant. montim., II, p. 274; Scnxy es, la lielgiqite, etc.,
I, p. 82; Cochet, Norm. sont., p. 83, et Sépiilf. ganl., pp. 19 et 47 ; Fr. Troyon,
Habitat, laciiatrea, etc , pp. 347 et 348; Ann. Soc. arrliéol. de Natnur, IV,
pp. 14 et 16; VII, pp. lo, 36, 262 et 413; Annale/; du Cercle archéologique de
Mous, I, pp. 90 et 91.
(2) De (>aumont. Abécédaire ou r)idiments d'archéologie, p. 60; Cochet,
Sépult. gaul , etc., p. 43; Ann. Soc. archéol. de IS'amur, IV, p. 16; VI,
p. 351, et VII, p. 414 (observations de MM. dei. Maumoi, et Alf. Béqiîet).
(3) Batissier, Hisl. de l'art monum., p. 309, cite même des exemples de
vases sans fond et n'en ayant jamais eu, qui, par conséquent, pouvaient avoir eu
pour unique but l'ornement des tombeaux où on les a trouvés.
BULLETIN DES COMM^ ROYALES DART ET D^ARCHÉOLOGIE.
Tète (ni partie supéneure dvi caveau.
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4/ Za/iù/s /actite'^/w/e.
J J^io/e canJauvit /aie matiàe onctuett-ve^.
6 l'rui id.
/ (buc/ie di oerre di<i/ic pM ou fioudre trèr/me',
co//î'el,c/uvniàes,ffarinture c/t cuiore. Jetons.
â à li. flaco/ui brisés.
i.S Hise^ c/i tene cnM«jaunàefe, irisé'.
i6' /.a/npe- en âronxe- À cow de (^^/u^.
ly Coudte de oe/vejcut/tcttrepUi:, co/J'het; c/iar-
nié/es en ciUort; ivue ou r/ufiotte c/c oerre .
ta cl lo. Crains de col/iej;jeto/is, dés.
2J Hise ai terre cuite rôii^e, hrisé-
23 et 23. Deujù tu/n^es m terre- cuite-.
24 yiise- e/v èrofvie cuiec anse^ scu//otée .
sS Peti/, calice dotU>fe- aoec-^odet.
2i> et 2/ JJeuj: /iiMtes ituiipis en terre cuite .
20 l-^se e7i cciiore- d grosse /janse^.
^ à' Jj. Arrtphore- ou layf/u , deuay autres
crucAes e/i terre cuite, irisées et d^//erents
déà/is de poteries.
03 Coiirde en oerre enyàr/ne- de- grappe-.
33 ci 33,7fvis prises à o/fra/uies et à àiatioris,
dont u/i-yrnnd et deux petits.
3/> G}ucAc de oerre /auneitre pdé-, co/^et'.
J^ cJ .Sa. J)eu.T pijtuus en te/re- cuitC'
3ff Tek en terre ctute, irisée'
4o et- 4"- d)euj>poucÂes eti- terre- noirâtre/
42 et 43. ûeuoc- pcuères trv terre- si^iUée'.
44 /'crraii/es .
43 Ossements, ceruù-es, co//re/.
46' 0.!.\c/nentr d'une cAèore^ ou d'un mouton
4/ iouc/te de oerre Uanc pde , co^et.
— 125 —
parfums , les flacons à essences , les vases aux offrandes
cl aux libations, ou les récipients quelconques dans lesquels,
selon les rites, on déposait les cendres du défunt, l'eau lus-
trale, le vin, le miel, le lait, les victuailles, etc.; ces objets-là,
eussent-ils servi au défunt, étaient placés entiers dans la
tombe, et les dégradations dont ils ont pu être atteints
doivent être attribuées à des circonstances tout à fait indé-
pendantes de la volonté des survivants ; tel a été notamment
le vase de bronze trouvé à l'endroit n° 24 (pi. ii, ci en re-
gard), lequel semble avoir été manié et usé par un long
service. La précieuse fiole trouvée au n° 32 (ihid.), n'aura
même dû sa conservation qu'à la circonstance d'avoir été
employée dans les funérailles , circonstance heureuse qui a
préservé cette fiole du sort de celles dont les quatre coffrets
(n" 7, 17, 36 et 47, ihid.) contenaient les débris.
Les fouilles de Fresin, en révélant à la fois ces deux genres
de destruction, l'un intentionnel, l'autre fortuit, concilient
deux opinions contradictoires, trop absolues l'une et l'autre,
qui s'étaient produites à ce sujet, et la distinction qui vient
d'être proposée permet de faire une juste part à chacune
d'elles.
Quant aux travaux des fouilles en eux-mêmes, ils n'ont
pas produit de dégradation des objets trouvés, sauf toutefois
pour une petite fiole, toute mignonne, trouvée au n" 4
(pi. Il), dont le goulot a été brisé par la maladresse d'un
ouvrier.
Lorsque fut accompli le travail de recherche des objets
déposés au fond de la fosse, celle-ci, entièrement déblayée,
se fit voir telle qu'il y a bien des siècles elle avait été
creusée. Sauf du côté gauche où il y avait eu un éboule-
— 124 —
ment causé peut-être par l'afTaissement des terres d'un
talus ou de degrés qui auraient existé en cet endroit, les
parois de la fosse, restées immobiles comme des murs,
avaient à elles seules supporté le poids du vaste amoncelle-
mont des terres du tumulus. Et tandis que même la terre
superposée s'était tassée et durcie, le contenu de la fosse
était resté meuble en grande partie et se détachait ,
au moindre effort, des parois dénudées où se voyaient
encore les traces des couches horizontales de cendres. Au
fond de ce véritable caveau , même dureté que dans les
parois . la bêche rencontrait une couche de terre blanche.
Là était la limite du travail des enlbuisseurs anciens : là
devaient aussi s'arrêter les dé fouisseurs modernes. Les ébou-
lements et la masse compacte formée par la terre amoncelée
au fond, sous des piétinements impossibles à éviter, empê-
chèrent de reconnaître si , comme en d'autres sépultures (i),
ce fond avait été préalablement battu et damé, point du
reste peu intéressant.
Sn.
Avant d'aborder la description des objets trouvés dans la
fosse sépulcrale de Fresin, il est utile de former un ensemble
de quelques points de comparaison , à l'aide de sépultures
(i) Dans les sépultures des environs de Benaix, M. Joly rapporte que ce
fond était si dur que k's ouvriers disaient : l.à a existé une rue (daer is eene
straet fjeioeesf) , comme si le sol s'était tassé sous un passaire continuel (iV<?ss.
des scienc. hixt., 18i9, p. 208). V. aussi Ah». Soc. archéol. de ^amur, l[,
p. 62.
— 125 —
au fond desquelles on a trouvé des monnaies de la même
époque ou des objets semblables (i).
La tombe Hémava (2), aujourd'hui nivelée, était située à*
quelques minutes des dry tommen ; ce n'est pas, à la vérité,
une monnaie d'Hadrien qui détermine ré})oque la plus
ancienne à laquelle elle puisse remonter, mais ce (jui en
indique le maximum d'antiquité , c'est une monnaie de
Trajan , prédécesseur de ce prince; d'ailleurs une grande
similitude existe entre les objets découverts dans cette tombe
et dans les suivantes, points de repère qu'elle a de commun
avec celle de Fresin ; enfin une seconde monnaie, de Galba,
provenant de la tombe Hémava, est antérieure à la monnaie
de Trajan d'une période analogue, précisément à celle qui
sépare les dates des deux bronzes de Fresin.
A Omal, en 1862 (s), à une centaine de mètres des quatre
tumulus acquis par l'Etat, et dans le sous-sol d'un tertre
actuellement nivelé, on a exhumé des objets rappelant à la
fois la tombe de Fresin et la tombe Hémava ; la date approxi-
(i) « Qu'on nous permette de rappeler quelques trouvailles plus anciennes, il
est vrai , mais dont le souvenir, évoqué de nouveau, fera mieux apprécier l'im-
portance et la nécessité d'opérer ces fouilles avec ordre. Le rapprochement avec
les découvertes récentes conduira peut-être à des inductions curieuses pour l'his-
toire et la géographie de notre pays. » (M. Pinchart, Notice sur des antiquités
giillo-roinaines trouvées dans le Hainaut, p. 10; Méin. Acad.roij. de Belg., XXII,
Savants étrangers.)
(2) Bull, des Comm. roij. d'Art et d'Archéol, t. I, p. 121.
(3) M. d'OiREPPE DE BouvETTE, /. cit., pp. 104 et lOo. Ces objets sont déposés
au Musée de l'Institut archéologique, à Liège. M. Thirion, propriétaire, a bien
voulu donner à l'auieur de la présente notice, sur tes lieux oii il avait fait la
découverte, des renseignements d'oii résulte que la direction de la série des
quatre tombes de l'État et du caveau de huit pieds de profondeur oii se trouvaient
les objets est exactement la même que celle de l'axe du groupe des tumulus
ef de la fosse sépulcrale de Fresin.
— 126 —
iiiativo do celte sépulture est fixée par la trouvaille, due
aux fouilles faites par M. Schayes en 1851 dans les tuniulus
voisins, d'une monnaie d'Hadrien (i), en même temps que
d'objets en métal blanc pris par l'inventeur pour un alliage
de cuivre et d'argent, et n'étant sans doute, comme plusieurs
des objets indiqués ci-ai)rès, qu'un mélange du premier métal
avec l'étain (2). Les rapprochements à tirer des fouilles
d'Omal en 1851 et en 1802 ont d'autant plus d'importance
que Omal, peu éloigné de Fresin, offre aussi un groupe
de plusieurs tombelles.
A Thisnes, en 1826, des fouilles ont mis au jour, outre
plusieurs objets importants comme éléments de rapport, une
monnaie de Domitien comme à Fresin, et une autre de Tra-
jan comme dans. la tombe Hémava (3).
Une sablonnière creusée lors des travaux de la section du
chemin de fer de Tirlemont à Landen , près du tumulus
d'Overwinden , sans doute sur l'enqtlacement d'un tumulus
nivelé, a fourni plusieurs objets se rapprochant des décou-
vertes de Fresin, mais dont, en l'absence de monnaies, la
date probable n'a pu être précisée (4).
Enfin, il n'est pas inutile d'attirer l'attention sur les
fouilles effectuées en la province de Namur dans les tumulus
(1) Bull. Acad. roij. de Belg., XVII. 2% p. 5il, et cI'Otreppe, /. cit. p. 46.
(2) Ces objets ne sont pas inscrits au Calalogue du musée royal d'antiquités,
par Schayes, bien que ce catalogue ait été publié en 1834 ; M. (I'Otreppe, /. cit.,
p. 46, affirme néanmoins qu'ils sont au Musée, où l'auteur de la présente notice
les a cherchés sans les trouver.
(3) Del V.\ux, /. cit.. M, p. 356.
(i) Ces fouilles n'ont été décrites nulle part au su de l'auteur de la présente
notice; mais il a appris que jikisieurs des ol).jcts découverts sont entre les mains
de deux amateurs d'antiquitésà Bruxellesct à Buvingen.
i
FiJ, 2' 2' 19 :0 gaiidcur natuiflle FiJ 11 i:" 18 48 49 niomé dVifcuUon I,
— 127 —
d'Hanrel et do Seron (i) ot dans \o cimetière de Flavion (-2) ,
en Brabant à Schaerl)eek(3), en Angleterre dans les lumulus
des Bartlow-Hills U), en Normandie dans jilusieurs dos
sépultures explorées par l'abbéCochet (5), fouilles qui toutes
ont révélé des monnaies d'Hadrien.
Voici maintenant la description détaillée des objets décou-
verts à Fresin.
A. — Objets de métal.
I. Grand bassin ovale en bronze (pi. m en regard, n" Ij,
fortifié en dessous par une armature en deux parties ayant
chacune la forme d'un fer à cheval, et muni d'un rebord
ainsi que d'une partie interne simulant un fond concave.
Ce vase constituait l'urne principale et contenait une forte
partie de cendres humaines dans le fond concave, au des-
sous duquel l'on n'a plus rien trouvé , circonstance qui
avait fait croire d'abord au placement d'un double bord
et d'un double fond , pour orner , })our renforcer ou
même pour réparer le vase (car il a été trouvé considérable-
ment détérioré) ; mais peu à peu l'observation a dégagé
l'inconnue du problème ; les dégradations ont pu être attri-
buées, sinon uniquement, au moins en grande partie , au
(i) Ann. Soc. archéol. de ?iamur, III , p. 393, et, IV, p. -2(.i, touilles dirigées
par M. DEL Marmoi..
(2) Ibid., VII, p. 4 et siiiv., décrites parle même.
(3) Revue d'hist. et d'archéol. , III, p. 57, et Bull. Acad. rmj. de Belg.,
XXX^ année. 2<' série, XI, p. 501, fouilles opérées par MM. Cuai.on et I.ehon.
(4) Archoroloqia, revue anglaise d'antiquités, XXIV, p. 1, et XXIX, p. 1 et suiv.
(5) iVw/w. sont., p. 78; Sépull. gauL. pp. 59 a 67.
— 128 —
renvorsemeiit violent du vaso qui était couché sur le côté
vers l'Ouest. Quant au rebord et au prétendu fond, on est
parvenu à les rapprocher et à trouver l'endroit précis où
ils se rejoignaient : nous avions donc une sorte de couvercle
concave ou convexe selon la manière dont on le posait sur
le vase; ou mieux encore deux bassins distincts pouvant se
placer l'un dans l'autre.
Le grand bassin n'était-il pas im malluvnim ou pclluvium,
et avant d'être placé dans la terre, n'avait-il pas servi à l'un
des usages auxquels sont employés nos récipients destinés à
recevoir les eaux de toilette, ou les vases dits bains de pied ?
L'abbé Cochet (i) a trouvé un bassin semblable dans un
cimetière frank en Normandie; les fouilles d'Omal en 1862
en ont fourni un autre ayant exactement par -dessous la
même armature en fer à cheval que celui de Fresin.
IL Deux médailles en bronze (p\. m, n" 2).
L'une, avec un beau profil, très-reconnaissable, de Domi-
tien, et l'inscription suivante : imp. caes. (Domit. Aug.
Germ. (2)), ces. xvi. cens. per. p. p. — Revers fruste.
L'autre à inscription illisible du côté de la face, où le
savant numismate M. Piot a recormu le type d'Hadrien. Au
revers, un génie avec les lettres S. C.
Ces deux bronzes n'ont pas été trouvés sur place , mais il
(i) Sépiilt. gnul., p. 176. V. aussi Ann. Soc. archt'ol. de bannir, VII,
p. 3S5.
(2) Mots effacés, mais restitués par comparaison, et qui avec le restant don-
nent la légende: Imperator Cœsar Domitianus Augustus Gennanicus, consul. \VI,
censor perpeluus, pater palriœ. Au revers se trouvait sans doute la Pallas
debout , tenant la foudre, le liasf et le bouclier, qu'on retrouve souvent sur les
bronzes de Domitien de la même époque. (Annales delà Société d'émulation pour
l'éfiidr de l'histoire des antiquités de la Flandre, VI, T série, p. 418.)
PI. I\'
LETffl DE5 COMMISSIONS ROYALES
D'ART ET D-ARCHÉOLOGIE
•SSiA
— {'29 —
y a presque ceiiilude que la terre et les débris où ils ont été
découverts provenaient de très-près de l'endroit n" 1 (pi. ii);
l'analogie confirme cette conclusion : au cimetière de Fla-
vion, les monnaies, dont plusieurs d'Hadrien, ont toutes,
sauf dans un cas, été trouvées dans des urnesdegrandedimen-
sion, et dans la tombe Hémava, les deux monnaies de Galba
et de Trajan avaient été placées, avec une intention non
douteuse, à la partie supérieure de l'anse de l'urne princi-
pale ; cette dernière cii'constance permet même à peu près
d'afïirmer que les deux bronzes de Fresin furent , lors du
dépôt des cendres dans la fosse, superposées au large bord
de l'urne funéraire, d'où le renversement de celle-ci les aura
fait glisser sur le sol.
Le xvi^ consulat de Domitien, comme on le sait, corres-
pond à l'année 92 de l'ère chrétienne, en laquelle ce prince
eut pour collègue au consulat A. Volusius Saturninus, consul
pour la seconde fois. Quant au règne d'Hadrien, il a pour
limites les années 117 et 158.
ni. Deux buires en bronze, la première à goulot rond,
et à anse ciselée et sculptée, mais dont le travail est un peu
effacé à la partie la plus maniable, preuve de frottement et
par conséquent d'usage avant le dépôt dans la fosse (pi. m,
jjos 24=» et 24^ et pi. iv en regard, sous plusieurs aspects);
l'autre à goulot terminé en bec, à anse de fer pour la
plus grande partie détruite par la rouille, et à panse basse
et large (pi. m, n° 28).
A Omal, en 1862, on a trouvé deux vases ressemblant
fort à ces deux buires ; celle qui correspond au n» 28
de Fresin a conservé presque intacte son anse; mais en
revanche celle qui est annalogue au n" 24 a perdu la sienne.
— 130 —
En une sépulliire touillée à Poulseur et décrite par le
docteur Bovy (i) , l'on a également découvert deux vases
de bronze, dont l'un parait avoir eu delà ressemblance
avec la buire à panse large (son anse bien conservée a
permis de reconstituer hypothétiquement l'anse de celle de
Fresin) ; et dont l'autre est identique de forme avec la buire
n" 24 , et n'en diffère que par les dessins de l'anse : M. le
professeur Fuss considérait celle-ci comme un monument
très-intéressant (:2).
Dans la buire n" 24, qui a été trouvée couchée sur le flanc,
s'est tait remarquer un dépôt cristallisé, non encore analysé,
semblant provenir d'un licjuide autre que l'eau, desséché et
dénaturé par l'oxyde de cuivre, peut-être d'un parfum (s);
il est donc à supposer que si l'un des deux objets a servi de
prœfericidum ou vase lustral (4), c'est plutôt le n" 28.
La buire n" 24, à laquelle on remarque des traces de
dorure, est jiarticulièrement intéressante à raison de l'anse.
(1) Promenades historiques lUins le pays de Liège, par le docteur B..Y,
II, p. Iu3.
(•2) Ibid , p. 159; M. Davrelx, de Liège, a ajoute au rapport de M. Fcss,
sur cet objet, une analyse du métal même des deux buires de Poulseur; d'après
lui, les vases sont aniboutis(c'est-k-dire battus au marteau pour les rendre con-
vexes), et les anses ont été coulées, sans préjudice à une ciselure ultérieure.
1,3) M. Fl'ss, ap. Bovy, Prom. hist., II, p. 139, pense que le vase de Poulseur
k anse ciselée, pourrait bien avoir contenu un parfum ou un liquide odorilérant;
cependant il croit plus vraisemblable le dépôt en ce vase de cendres liumaiiies,
hypothèse contredite par la trouvaille de Fresin.
(i) V. un prœfericulum au Musée royal d'antiquités (Catalogue de Schaves,
2"= part, n» :28l); un autre a été décrii dans la i'e\ue Arcliœologiu, XXIX,
p. i et suiv. V. aussi un vase assez semblaMe au n" 28 par sa |)anse épanouie,
dans le Bulletiuo archeulogico napolitano, anno VI, tav. V, n" I. D'après
DE Mo.NTFAUcoN, Suppl., t. Il, p. o9 fct suiv., pi. xiu, XV et x\i, l'ou appelait
aussi prœfericulum le vase contenanl le vin destiné a être versé dans les
patères.
— 131 —
(•ette partie du vase si soignée \ydv les artistes anciens (i);
un trident, autuur duquel s'enroule la queue d'un dauphin,
y surmonte un groupe d'un beau relief représentant un
vieillard chauve, dont le vêtement foi'me une sorte de
coHet {'i) et i(ui de la main gauche tient un masque; scénique
ayant une sorte de bandeau ou de toque, masque qui, dans
les bas-reliefs et sculptures antiques, est ceku" des vieillards,
des parasites et des esclaves de Plante et de ïérence (s).
Les yeux du masque et du vieillard sont incrustés d'ar-
gent. Il ne faut pas songer, semble-t-il, à chercher, comme
le professeur Fuss l'a fait pour l'anse de Poulseur, le por-
trait du défunt parmi les ligures représentées en relief; l'on
n'aurait guère eu le temps ni les moyens, entre la mort et les
funérailles, de ciselerun vase à cette intention; puis, sembla-
ble ciselure faite exprès, n'eût pas porté comme à Fresin de
traces d'usure : il faut donc ne voir que des sujets de fan-
taisie dans les détails relatifs à l'art théâtral ou musical
trouvés à Poulseur et à Fresin.
La partie supérieure de l'anse de la buire n" 24 est tri-
digitée; mais les trois doigts qui affectent une disposition
semblable en bon nombre de vases recueillis dans les Musées
de Rome et de Naples (4), sont remplacés par un rebord
(i) A. RiCH, v° Ansa. V. aussi Plin., Hist. nat., XXXIII, 53 et 35, sur
l'estime oii les anciens tenaient la ciselure et la main-d'œuvre artistique des vases.
(2) V. dans l'édition de Tertullien, De pallio, par Saumaise, p. 114, diffé-
rentes observations qui pourront aider à fixer la nature de ce vêtement ; v. aussi
les ouvrages divers traitant De re vestiaria, par Rubenius. Stephanl's, Fer-
RARius, etc. D'après DE Montfaucon, III, p. 17, la toge n'avait pas de collet;
le même, ibid.^ pi. iv, n' 5, donne le dessin d'un vêtement qui en possède un.
(5) De Berger, Comnientatio de personis, vulyolarvis, seu mascheris, passini.
V. aussi DE Montfaucon, III, pi. cxlvi.
(t) De CAYi.rs, Rccneil d'antiquités t'ijyplifniies , élrnsques, ijrecqiies, roiiiai-
— 132 —
enroulé sur lui-même el deux ailerons se rattachant au vase,
forme qui, du reste, se rencontre aussi dans les antiques,
et qui est celle du vase de Poulseur.
Le trident à dents carrées se retrouve, mais entre deux
dauphins, dans un dessin fourni par de Montfaucon (i).
Quant au groupe, on en voit souvent d'analogues dans les
camées et sculptures anciennes : c'est tantôt une jeune tille
regardant en riant le masque tragique sous lequel elle s'est
fait apj)lau(1ir; tantôt un vieillard revêtu du. pal liuni philo-
sophique et contemplant le masque d'une jeune tille ; tantôt
enfin, un sujet en tout semblable à celui du vase de Fresin (2).'
Mais pourquoi le trident et le dauphin ?
IV. Petit trépied (pi. m, n" 5) en métal d'apparence
argentine, mais étant seulement du cuivre étamé, combinai-
son connue des anciens, aussi bien des Romains que des
barbares (3).
On jiourrait être tenté de placer ce trépied comme socle
sous la lampe sépulcrale ci-après (pi. m , n° 16), groupe
dont les fouilles de Pompéi (4) ont fourni des échantillons;
mais plusieurs raisons contrarient cette supposition : la
différence des matières, des proportions, de la situation dans
ries, 1, pi €, 11° 1 ; IV, pi. xciii, ii" vin; dk Montfaucon, III, p. Ui et 152,
pi. Lxxiv et Lxxxiv; Pistoi.kzi, Museo borbonico, III, pi. lxxiv, xciii; IV, pi. vu,
XLii, II"* I et 4, xMv , i.xxvui; V, pi. xix, xxxvii; VIII . |)1. vu et xxi.
(1) II, pi. XLIX.
(2) Jx mascliere sceniclie e le figure comiclie d'unlichi romani, parFitANC.
de' FicoKONi, j)!. Lxxvi; V. aussi pi. Lxxxii, i.xxxv, etc.
(ô) Cochet, }\orm. août., p. 80; Schayes , la Belgique, etc. , I, p. 151.
V. aussi Plin. , Hlst. nat., XXXIV, pp. 20 et48, qui rapporte (iiie les anciens
recoiivraienl parfois irélaiii leurs vases de cuivre pour en empêcher l'oxydation.
(4) A. Ricii, p. 102; V. aussi Ann. Soc. ttrclical. ilc yaitiiir, III. ]). Ô1I5, mais
le trépied y est plus élevé.
la fosse sépulcrale (voy. pi n), enfin la présence au milieu du
liodet d'une broche très-reconnaissable, broche qui a même
dû èlre assez longue, si certain objet enduit de malière
grasse et pris d'abord pour un clou, était le bout brisé de
cette broche, retombé, après la brisure, dans le godet où on
l'a trouvé, et dont la présence en cet endroit serait inexpli-
cable s'il s'agissait d'un simple clou.
Cette broche est caractéristique; la lampe sépulcrale, à sa
partie inférieure , ne présente aucun trou ou écrou où elle
puisse s'insérer ; elle ne peut donc être autre chose que le
support d'une de ces chandelles de poix, de cire ou de suif,
à moelle de jonc en guise de mèche, dont se servaient les
anciens (i). Or, à Ornai, en 1862, où aucun autre objet de
luminaire n'a été trouvé dans le caveau, il y avait un trépied
identique, et M. Thirion, l'inventeur, a déclaré à l'auteur de
la présente notice avoir parfaitement reconnu autour de la
broche de ce trépied une matière semblable à du bois brûlé.
A Hanret, M. del Marmol a également découvert un trépied
du même genre, avec une broche en son godet, et il n'hésite
pas à en faire un chandelier (^).
Nous aurions donc le candelabram liumile dont parle
Quintihen (3).
Quant à la forme, le trépied de Fresin l'emporte sur le
trépied assez grossier de Hanret ; mais quoique plus délicat
(i) Plin., Hist. nat , XVI, p. 70; Rich, v Candeln.
(2) Ann. Soc. archéol. de Nai)itii\ II, p. 597. V. aussi au Musée de l'Etat
un petit trépied-ciiaudelior provenant de la collection de M. Hacemans, et portant
le n" provisoire 584.
(5) Inst. orat , VI, p. 36. « Candelabrum a candelariim himine, « dit Pi.in.,
XXXIV, 6.
9
que le Irépied d'Onuil, il le cède ;i celui-ci, orne de tèle.s
de lion, en importance artistique.
V. Lampe sépulcrale en bronze, dont l'anse est formée par
un cou de cygne retourné du côtéde la mèche (pi. m, n° 16).
De Montfaucon (i) et de Caylus (2) donnent l'un et l'autre
des. dessins de semblables lampes en bronze; d'après le
second de ces auteurs, le modèle en est celui des lampes
employées dans les temples d'Apollon, dieu auquel le cygne
était consacré.
La lampe n° 16 portait à son bec des traces évidentes de
la combustion d'une matière huileuse, et il y était resté de
nombreux iils de la mèche ou ellijchnium (0), dont quelques-
uns, soumis à l'action du feu, ont laissé après eux une odeur
de toile brûlée (le « brùlin » de nos anciens briquets).
Moins crédules que les antiquaires des siècles derniers,
nous n'avons pas cherché à vérifier si , à l'ouverture de la
tombe, la lampe encore allumée jetait un dernier éclat (4);
(i) V. p. 204, pi. cxLi.
(2) IV, pi. cm, 11° IV.
(3) La même chose a été observée à Frizet [Bull. Acad. roy. de Belg., X, 1»,
p. 193, notice de M. Borgnet), et cette remarque tranche la discussion, du reste
bien surannée, entre I.icetus et Vives sur l'existence de cet eUijctimum (v. Fekra-
Rii's, De velerii»! luceniis sepiilcralibiis, ap. Graev., XII, p. uno)
(i) Gi iDO Pancikoli, Raccoha brève d'alcune cose plu seijnalate cliebbero gli
antichi e d'alcune altre trovate du moderni; Lioetus, De luceniis aniiq. recon-
duis; GuTHEKius, De jure manium; Moresteemis, Pompa feralis seu jusia fune-
bria velerum, ces deux derniers, ap. Graev., XII, 1248 et 1451 . V. à ce propos
Fekkarius (a/J eumd. XII, 998 et 1015), et M Galesi.oot (Bull. Acad. roy. de
Belg., XIV, 1", p. 490). Galliot, qui publia une histoire de A'ainur à la tin du
siècle passé (1788-1791), raconte encore une fable semblable prétendument
arrivée en 1641; mais la date du lait eût permis à Galliot de se retrancher
derrière l'excuse facile de Licetus, qui disait : « Ardentes lucernas nunquam
vidi, » et qui ajoutait : « sed legi scriptores qui id affirmant multos. » C'est ainsi
qu'un excès d'érudition a propagé bien des erreurs qui se seraient perpétuées par
— loi) —
il nous a suffi de constater la vérité de cette inscription
antique (i) : ardentem lucernam huic tumulo N. posait; si la
lampe ne brûlait plus, elle avait brûlé. Il resterait seulement
à savoir pourquoi , même dans une fosse comme celle de
Fresin, l'on déposait des lampes sur l'extinction immédiate
desquelles, lors du comblement, l'on ne pouvait se faire
aucune illusion; car il ne faut pas songer à soutenir avec
Licetus qu'on éclairait les tombes pour ne pas laisser les
défunts dans l'ombi'e, ou, avec un archéologue du xvr'
siècle (2), que « on baillait aux morts de la lumière, ]jour à
leur retour et selon leur loy , estre estoffés de tout ; » il est
même impossible d'accepter, avec d'aucuns, une lueur aussi
passagère comme un indice de noblesse ou comme un sym-
bole d'immortalité. La seule raison plausible à donner est
que l'emploi de lampes allumées dans les sépultures antiques
était sans doute conforme au rite funèbre, tout comme
l'usage de cierges dans nos chapelles ardentes et dans nos
services mortuaires.
VI. Petit calice du même alliage que le trépied ci-dessus,
ayant deux parties semblables opposées symétriquement
l'une à l'autre (pi. III, n^âo).
De Montfaucon (3) donne le dessin d'une petite coupe
contagion, de savant, à savant, si l'on ne s'était enfin décidé a prendre i'antiqnité
sur le l'ait, en se laissant guider désormais par l'observation et non plus unique-
ment par la tradition. Saumery, Délices du pays de Liège, II, p. 139, n'est pas
moins crédule que Galliot; mais de Montfaucon, V, p. 215, fit justice de ces
niaiseries. V. aussi Sch^pflinn, Alsatia illiistrata, p. 514.
(i) PiTiscus, Lex antiq. loiti., v" Liicenia; Gctherius, cq). Gkaev., X!I
p. 1248.
(2) Revue d'hlst. et d'arehéoL, IV, p. 62.
(3) III, pi. LXXXIII.
— 156 —
en verre, pareille ù certains de nos verres à vin du Rhin ,
et ayant comme eux et comme notre n°2o, deux récipients
pouvant indifféremment servir de pied ou de tète; mais
ce qui empêche de trouver aucun ra})port entre la coupe
de de Montfaucon et le calice de Fresin, c'est la présence
d'un accessoire caractéristique.
Un petit objet ressemblant à un bout de canne ou de
flèche avait été trouvé dans la terre extraite du caveau
sépulcral : cet objet, fort bien conservé, nous intriguait tous
vivement, lorsqu'une visite au Musée royal d'antiquités
iburnit la clef du problème. Ce Musée possède trois dou-
bles calices semblables à celui de Fresin, sinon par leurs
dimensions un peu moindres, au moins par la l'orme;
étudiés superficiellement par M. Schayes, ils avaient de sa
part donné lieu à l'annotation manuscrite suivante : « Petits
coquetiers pouvant se retourner des deux côtés. » L'au-
teur, cherchant la justification de cette rubrique, remar-
qua, dans l'un de ces prétendus coquetiers, un petit godet
fixe fort gênant pour qui eût voulu y placer un œuf; à ce
godet , deux onglets de métal de la même forme étaient
enlevés, juste en face l'un de l'autre; ce n'était pas un
jeu du hasard , car ils se retrouvèrent identiques au bout
de canne de Fresin sous la terre dont on le débarrassa,
et le godet restitué s'adapta dans l'un des calices, au milieu
duquel on distinguait parfaitement l'endroit d'où il s'était
détaché. Plus de doute, nous étions en présence d'un brùle-
parfums antique, et les ouvertures pratiquées au bas du
godet avaient pour but d'activer la combustion des grains
de myrrhe, d'encens ou d'autres aromates placés dans la
cassolette. Aussi l'amiotation de M. Schayes, que lui inspii*a
— 157 —
sans doute la vue do certains coquetiers d'argent du dernier
siècle (i), disparaitra-t-elle du nouveau catalogue, actuelle-
ment en préparation.
VII. Deux petits objets ti-ouvés dans la terre extraite du
caveau.
L'un de ces objets , en plondj , métal très-])ropre à cet
usage à raison de sa dillficulté à s'oxyder, était probablemeni
une spatule ou ligula pour onguents (pi. m, n" 49) ; l'autre,
en bronze, est sans doute une cuiller du genre de celles
qu'on nomme cuillers à parfums (^i) (pi. ni, n" 48).
VIII. Débris en grande quantité de coffrets en bois avec
garnitures en bronze et poignées du même métal, sauf
le n° 17 qui est en verre (pi. v ci-après, n"' 7, 17, 36 et 47).
Ces débris, dont ceux de la plus grande dimension appar-
tiennent au coffret trouvé à l'endroit n° 47 de la pi. ii, se
composent de charnières, moraillons, pentures, agrafes
(pi. V, k, grandeur naturelle, indiquant l'épaisseur des
parois du coffret), et d'une cinquantaine de clous en cuivre
de toutes les formes (a, 6, c, d, e, /", plus g en tète ornée,
ayant constitué sans doute le bouton du milieu de la
pièce 56). A toutes ces pièces adhéraient encore des
parcelles de bois devant sans doute à l'oxyde de cuivre
dont elles sont imprégnées leur conservation après tant
d'années.
(i) L'aiiteur eu a vu un à double calice h Monteuakeu , chez M. le uotaire
GOYENS, bourgmestre, qui a bieu voulu, dès le principe, prêter son concours
obligeant à l'organisation de nos travaux.
(2) Ann. Soc. archéol. de Namiir, IV, p. 381 ; Mémoires de la Société histori-
que et littéraire de Tournai, V, p. 93; A7m. Cercle archéol. de Mous, I, pp. 78
et 93. Un objet assez semblable de l'orme a (Hr trouvé ;i I.ansaumont (livll. Inst.
archéol. liégeois, V, p. '237).
— 158 —
A chaque coffret ou œrarium correspondait un tas de
verre pilé et naèlé à une quantité de cendres plus grande
que partout ailleurs; mais l'on ne peut afiirnier absolu-
ment que le mélange ait été intentionnel, car il existait
au fond du caveau, comme on l'a vu plus haut, une
couche de cendres dans laquelle les coffrets effondrés
pnr la vétusté ont nécessairement versé leur contenu;
or, comment aujourd'hui distinguer ces deux sortes de cen-
dres, si deux sortes ont existé réellement dans et hors les
coffrets.
Les sépultures antiques ont lourni parfois des spécimens
(le l'industrie du temps, analogues aux coffrets de Fresin :
M. del Marmol a trouvé à Champion une poignée ressem-
hhint au n" 56 ci - dessus (i) ; MM. de Caumonl (2) et
Cochet (ô) donnent le dessin de poignées en verre , de
moraillons en bronze et de garnitures du même métal,
au\(iuelles comme à Fresin des parcelles de bois, très-
reconnaissables par leurs libres ligneuses (4), étaient encore
attachées.
IX. Quantité considérable de ferrailles dont le poids total
s'élève à environ dix kilogrammes (pi. v, n"' 44% i'i'' et 45).
I)i(Mi (|ue, pnr le déplacement, il s(^ soit opéré une certaine
confusion entre deux am;is distiiicts de ferrailles trouvés
dîins la tombe, il y a lieu de croire (jue les fragments 44^ et
(i) Ann. Soc. archéol. de Namur, II, pi. 1, n» 15; v. aussi ibid., III, p. 594-,
clV, p. 180.
(2) Abécédaire, etc., p. 60.
(3) Korm. sont., p. lOîJ.
(4) CnciiKT, Le tombeau de Chilperic, roi des Francs, restitué à l'aide de
l'archéologie, p. 59; Sépult. gaul., pp. 45 et 176. V. aussi i4nK. Soc. archéol.
de Namur, VU, p. .ÏO.") of suiv.
— 159 —
/i'4'' proviennent d'un gril (i). Ce gril, qu'on est plus ou
moins parvenu ;i reconstituer hypothétiquement, nurait-il
servi à rôtir la chair des victimes inmiolées aux mânes du
défunt, ou bien à empêcher l'obstruction de la cavité latérale
paroù la llamme du bûcher prenait son courant d'air?
A côté de ce gril, se trouvaient les débris d'une caisse plus
grande que les coffrets n"' 7, 17 et 56, à laquelle on serait
tenté d'attribuer la sorte de « clichette » (n" /j-o), si celle-ci ne
portait pas de traces de passage par le feu , mais à laquelle
appartiennent certainement les grandes pièces i et / ; la forme
de ces pièces se rapproche de celle de la sica ou supina, dague
recourbée comme la défense d'un sanglier dont se servaient
certains gladiateurs (2) ; pourlant un examen attentif a fait
abandonner l'idée qu'il s'agirait là de pièces d'armes ; des
fibres ligneuses très-reconnaissables , bien que durcies par
la rouille, recouvrent ces objets jusqu'à la pointe et sem-
blent plutôt indiquer l'armature en fer, sous forme de clous
recourbés de 0'",20 environ de longueur, d'une caisse à
parois arrondies. A la même caisse appartiendraient aussi
les autres clous représentés par les lettres m, n, 0 et p , la
plupart encroûtés de vestiges de bois, comme on en a éga-
lement trouvé à Thisnes.
S'il existait des débris d'armes dans la tombe, il faut les
rechercher plutôt dans les ferrailles passées au feu, car c'était
(i) Batissier, Hist. de l'art monuni., p. 508, parle de grils trouvés dans les
sépultures antiques; V. aussi Aim. Soc. archéol. de Namur, II, pp. 6ri et 69,
pi. 11, n" 9, où un petit gril a été trouvé superposé à un vase de la forme
dite tèle.
(2) A. RiCH, v'» Sica et Supina; he MoNTFArcoN, V, pi. cxcvi, d'api'ès un
bas-relief de la colonne Antonine.
_ 140 _
l'usage chez les anciens de jeter dans le bûcher non-seulement
les armes du défunt, mais encore celles de ses soldats, et même
des prisonniers de guerre (i); or, dans la sépulture de Fresin,
la fusion assez forte pour produire la couche ferrugineuse
qu'on a cru rencontrer dans le bûcher, et en tout cas assez
puissante pour souder au fer, soit le fer lui-même (voir
litt. 771), soit des vitrifications produites par la combustion du
verre, a nécessairement rendu méconnaissables les armes,
s'il y en a eu. Un seul objet assez distinct semble avoir
appartenu à une arme, c'est l'anneau h, qui pourrait avoir*
servi à contenir soit la douille d'une lance à l'endroit où
le bois s'y emboîtait (2), soit le bois lui-même s'il s'agissait
d'un fer y pénétrant à l'aide d'une pointe.
Les ferrailles trouvées dans presque toutes les sépultures
antiques ont donné lieu à toutes sortes d'hypothèses ; les uns
y attachent un sens allégorique (5) ; d'autres y voient ou des
attaches tenant lieu de fibules (4), ou des clous de bou-
clier (.')) ou des fragments de mors de chevaux (g) ; d'autres
supposent que ces clous proviennent des caisses en bois dans
lesquelles on plaçait les vases sépulcraux (7); et enfin, il en
(1) V. les auteurs cités par Mohkstellus, ap. Graev, XII, p. 1157.
(2) Comme on le voit pour certains angons des Franks, Archœologia, XXXVl,
p. 78, pi. VIII ; Magasin piltoresqiie, 1861, p. 75, et .l««. Soc. arcJu'ol. deNamur,
VI, p. 356, pi. Il, n»2i.
(3) Raoi'l-Rochette , Nouveaux Mémoires de l'Académie des inscriptions et
belles-lettres, xni,p. 785.
(t) Mess, des scienc. hisl., 1851, p. 55.
(k) Opinion réfutée par la Revue d'Iiist. et d'archéol., III, p. 56.
(g) Mess, des scienc. Iiist., 1848, p. 257.
(7) Renne d'Iiist. et d'arcfiéol., III, \). 56; Cochet, Norm. sont., p. 167;
De ikUwhswe, Mémoires, p. 450; DeCaumont. (juirs d'antiq. moniint., \1. '256
et -275.
— lil —
est qui, îrouvant des clous jusque dans des vases herméti-
quement fermés, ou dans des sépultures où évidemment
les objets fuiKTaires avaient été déposés sur le sol nu sans
caisses pour les protéger, se refusent à voir dans les ferrailles
découvertes en de semblables circonstances autre chose
que les clous de l'espèce de cercueil ou de banc funéraire,
placé sous le cadavre pendant l'ustion (i).
A Fresin, il y a lieu de croire que les deux dernières
destinations ont été remplies à la fois ; car l'on a, comme on
l'a vu, trouvé des pièces de fer les unes encore entourées de
bois et par conséquent non soumises au feu , et les autres
avant subi l'action de la chaleur la plus forte.
B. — Objets en verre (2).
1. Six fioles de dimensions diverses, mais toutes à col
très-allongé relativement au fond (pi. m, n°' 4, 0,6,8,
9 et 10).
Ce modèle est assez rare et assez extraordinaire ; l'abbé
Cochet (ô) en signale néanmoins qu'il a trouvées à Fécamp,
et que, à cause de leur forme, les ouvriers comparaient à
des chandeliers; les fouilles faites à Thisnes, en 1826, ont
de leur côté fourni « une fiole à cou très-allongé , ressem-
blant parfaitement à une fiole de médecine ; * enfin les
(i) Me$s. des scienc. hist., 1848, p. 237; Ann. Soc. arcbéol. de yamur, VII,
p. ôo (fouilles (le Flavion et du cimetière de la Motte-le-Comte, à >'amur, par
MM. Del Mabmol et Alf. Béûcet).
Cs) V. plus haut, parmi les garnitures de coffrets, une poignée en verre.
is) yorm. soiit.. p. 104, V. aussi Sch.cpfu», Mmtia, p. 51.3.
— 142 ~
sépultures de Flavion ont également donné un exemplaire
se rapprochant du dessin des fioles de Fresin (i).
Le n° 4- est une toute petite ampoule en verre verdàtre,
couleur fréquemment observée dans le verre antique (2), et
due à un excès de jiotasse ou de protoxyde de fer, dont l'argile
ou lalumine employée à la confection du verre n'avait pas
été épurée par l'arsenic ou le peroxyde de manganèse (5).
Cette ampoule, plus exposée à la détérioration à cause de sa
pelitesse (4), a vu son goulot brisé dans le travail des
fouilles, et les fragments de ce goulot ont été malheureuse-
ment égarés. Elle contenait une poudre d'un gris noirâtre,
soumise à l'analyse par M. Kupfferschlaeger de Liège, et
décrite par lui en ces termes : « Cette poudre est composée
d'étain , de plomb et de fer sulfurés ; le sulfure d'étain
domine; le fer n'y existe qu'en petite quantité. » Semblable
mélange pourrai!, d'après l'auteur de l'analyse, être la pous-
sière laissée par des médailles en plomb et étain, avec alliage
d'un peu de fer, soumises aux émanations sulfureuses qui
sont fréquentes sous terre; mais ce n'est pas le cas ici,
car la poudre a été introduite avec intention et même avec
effort dans la fiole. On en est réduit aux conjectures sur la
nature de l'objet dont le résidu a été placé dans cette fiole :
peut-être faut-il y voir quelque chose d'analogue à cette
(i) V. aussi Archœologia, XXXII, pi. ii, fig. 2.
(2) Cotigrès scientilique de France , 10^ session, tenu à Arras , II, p. 575
(Observations de M. Dancoisne sur le verre antique) ; Archœoloçjia, XXV, p. H,
Batissier, p. 509. Schayes, la Belgique, etc., II, p. 'iOô.
(3) Dictionnaire denarlsel manufactures. II" vol., 2" part., v» \'erre.
(i) Souiblablc accident est arrivi'i ii M. .loi.Y, pour une tiolc identique. Mcxi^.
firx srieuc. Jiiitl., IS.'il, pi. xi, ii" 11, p. i.ïS.
— 145 —
poudre de verre qu'on a trouvée dans les coffrets, et dont
la signification est si problématique.
Le n° 5 contenait une matière huileuse, non soumise
à analyse, mais réduite à l'état de cambouis ou d'adipocire,
et ressemblant assez au contenu de la liole suivante. Il
s'agira d'examiner ultérieurement si cette matière n'est pas
un parfum, comme on en a trouvé ailleurs (i).
Le n'' 6, dont le goulot était brisé au rebord et obstrue par la
terre, a paru, à raison de cette obstruction, })lus favorable à
une analyse scientifique. Voici comment M. Kupfferschlaeger
rend compte de cette opération : « Les plaques soumises à
l'examen ont une couleur jaune avec quelques taches d'un
brun violacé; c'est une matière grasse d'origine animale
composée principalement de graisse colorée par un peu de
sang altéré. L'examen microscopique n'y a fait découvrir
aucune trace d'organisation, mais bien des grains de sable
et des cellules végétales allongées, telles que celles que l'on
remarque dans des plantes textiles comme le lin et le chan-
vre. La présence de ces fibres' textiles ferait supposer qu'on
avait enfermé la matière grasse dans un linge; peut-être
l'y a-t-on fondue ou brûlée partiellement. »
La conclusion à tirer de cette analyse échappe encore, à
moins de voir dans cette graisse mêlée de sang un produit
de la combustion recueilli sous le bûcher dans un linge ; mais
{^) V. notamment l'analyse d'un parfum trouvé dans une sépulture de Flavion,
Ann. Soc. archéol. de Namur, VII, p. 25, et les assertions du narrateur des
fouilles de Saventhem, édité par la Revue d'hisl. et d'archcoL, IV, p. 59. Le
contenu d'une des fioles trouvées à Omal en 1862 a été remis ii un chimiste de
Liège pour être analysé (M. d'Otreppe , /. cit., p. 105); malheureusement,
ce chimiste vient de mourir (avril lH6ô) sans avoir achevé son travail. V. aussi
Garius, Columbarium, pp. 11 èt4^9, et M. Fuss,ap. Bow^Prom. hisl.. H, p. 159.
_ Ui —
roininent se représenter la possibilité matérielle d'une sembla-
ble o])éra(ion? Ou bien, aurait-on peut-être mis en pratique
l'usage défini par ce passage d'une description peu scienti-
fique, faite au wi" siècle, des fouilles de Saventhem (i) :
« Selon les histoires et croniques fait ascavoir que les Romains
et gentilz, en enterrant les corps morts des princes et aultres
illustres personnes, ils ostoient les yeux, oreilles, nez, lèvres,
le cœur, la foye et aultres principaux membres, mesmement
les boyaux, nettoyez et mis ap})oinct ; chacun desdits mem-
bres se mettoit appart ;... le demeurant se brusioit. » Mais si
cet usage existait en effet (2), ce qu'il n'a pas été donné à l'au-
teur de vérifier « dans les histoires et cronicques, » quelle
partie du corps se résumerait ainsi en graisse et en sang, sans
trace de cartilage, de fibre ou d'organisation quelconque?
Le n" 8 et le n° 9, en partie brisés, paraissent avoir été
déposés vides dans la tombe : si leurs dimensions ne s'opposent
l)as à ce qu'on les considère comme fioles lacrymaloires (3),
le \ide apparent d'aujourd'hui pourrait être dû à l'évapo-
ration du liquide aqueux qu'elles auraient contenu, et ainsi
(1) Revue d'Iiist. et d'archéoL, IV, p. 0:2.
(2) Jl y a lieu d'en clouter, car Pline (W/s/. iiat., XI, 71) atlirmequc le cœur
ne brùlc pas sur le bùdier, quand la personne est morte du poison ou de maladie
cardiaque, preuve évidente que !e cœur ne se mettait pas à part avant la
crémation. Le même cite aussi VII, p. 55, des exemples d'individus sortis de
léthargie sur le bûcher.
(3) Il semble que cette expression devrait être réservée aux tout petits vases
de verre, comme notre n» 4. Cependant on voit le nom d'urnes lacrymales donné
à des flacons de toutes les tailles et de toutes les formes : hexagones, carrés, etc.
{Bull. Acad. roij. de lielg., XIV, 2^ 26C), et jusqu'à des vases de poterie (Mess.
des scierie. Itist., 1855, p. 503 ; Ann. Soc. archéol. de JSamur, IV, p. 89 et suiv.,
.\nn. Cercle archéol. de Mons, I,p. 9"2. V. sur les Uoles lacrymales, de Caylus,
ni- MoNTKALcoN, CocHET, pass'iiii , l't unc disserlation spéciale Dr rasis....
pli/alh larrnwfilorjif.., etc., ii;ii' de la Chaissi;, np. Gkaev., \II, p. !);)5.
— 14o —
se trouverait résolue, contre M. Roulez, la question de l'exis-
tence dans les tombes antiques de vases recelant de véritables
larmes, question dont il fait dépendre la solution de la cir-
constance suivanle : « Il pourrait être utile de constater si
partout où l'on découvre des vases ayant inconlestablenient
contenu des parfums, on ne remarque pas également l'ab-
sence de lacrymatoire, c'est-à-dire de vases qui, dans mon
opinion, servaient au même usage (i). » Au surplus, la
découverte dans le Luxembourg d'une liole hermétiquement
fermée et contenant un liquide de même nature que les
larmes (2), ôte une partie de son intérêt à la preuve nouvelle
que l'on pourrait tirer des fouilles de Fresin.
Le n" 10, de même forme mais de dimensions beaucoup
})lus fortes que les précédentes fioles, contenait au fond
un sédiment rougeâtre, brillant et irisé, où l'on a cru
reconnaître un dépôt de lie de vin déjà signalé dans leurs
fouilles par MM. Joly et Del Marmol (3). Ce sédiment, sou-
mis à l'analyse par M. Kupfferschlaeger, a été reconnu par
lui comme composé de petites paillettes blanches très-fines
en silice, provenant de l'écaillement intérieur de la fiole
corrodée à la longue par un liquide comme le vin, le lait,
le miel ou les essences, toutes matières qui, en s'acidifiant,
ont pu acquérir une grande force dissolvante ; car le verre
ancien sedévilrifie, se désagrège, s'altère, se gerce et s'exfolie
beaucoup plus facilement que le verre moderne (4). A s'en
(i) Bull Acad. roij. deBelg., V, p. 315.
(î) IMd.,\\, 2", pp. 422 et 428.
(5) Mess, des scienc. hist., 1815, p. 425, et 1848, p. 250; Ann. Soc. archéol.
de Namur, VI, p. 552. V. aussi B.\tissieu, Hist. de l'art monum., p. 509.
(4) Bull, de rinst. archéol. liéfj.. Il, p 485; Revue d'hist. el d'archi'ol, Kl,
— 14() —
rapporter à la nuance rougeàtre de l'irisation , il y aurait
lieu de supposer que le liquide contenu par ce flacon a été
du vin.
II. Plusieurs flacons de différentes formes (voy. pi. m,
n"' 11, 12% 12'', 13 et U) , trouvés en pièces, mais dont
la brisure, comme celle de (pielques-uns des précédentes ,
est tout à fait accidentelle, à la différence du verre concassé
et pilé trouvé dans les colfrets.
Jusqu'à présent les flacons n"' 12' et lô sont seuls ai'j-i-
vés à un degré suffisant de restauration |)our permettre d'en
reconnaitre la forme : l'un est une délicieuse ampoule glo-
bulaire en verre blanc ligné (vase à eau lustrale); l'autre est
un flacon en verre blanc un peu mat, à quatre faces bosse-
lées ou à fossettes comme on en a fréquemment trouvé clans
les sépultures antiques (i), notamment à Ornai, en 1862 (2).
Les ampoules M et 14 ont été reconstituées par hypo-
thèse, d'après les indications un peu vagues encore des
débris rajustés jusqu'à présent; mais il y a espoir qu'une
reconstitution plus positive sortira du travail patient et minu-
tieux auquel se livre M. Van Hamont lils, digne émule d(,'
M. Lim(!lelte, de Namur, à qui le Musée de cette ville
doit de si parfaites restaurations des objets les plus déhcats.
p. S8 (articles de MM. Hacemans et Lehon). V. aussi les observations de M. Dan-
coism:, au coiigi-ès d'Arras, citées ci-dessus ; l'iiblicalions de la Société pour
la recherche et la conservation des momunenis historiques du Grand-Duché de
Luxembourg , 18W, pp. 59 et Gi. [Considérations sur la fabrication du verre
chez les anciens.)
(i) Cochet, ISornt. sont., pi. vi, et Séiiult. ijaul., p. (JO; Ann. Soc.
archéol. de ^'aniar, IV, pi. i, ii" 10; VI, p. 5j"2 ; Arcliœoloijia ., XXXV, pi. m,
ri" 6 et 10.
(î) Ce vase, qui est au Musée de Liège, se distingue en outre par quelques
moulures. V. d'OiREPPE, /. cit., p. iOi.
— 147 —
Le seul objel 1*2^ sorte de racine d'anse, ne se rapporte
à aucun fragment qui puisse le compléter; mais il y a lieu
de supposer qu'il appartient au vase n" 11 .
III. Petite amphore en verre violet, représentant une
grappe de raisin mûr (pi. m, n" 52).
Qu'on permette de donner ici la description charmante
et exacte de cet objet par M. Nestor Considérant (\) : « Le
joyau par excellence de cette admirable collection est une
coupe d'un verre rouge violet, transparente et aussi intacte
que si elle venait de sortir des mains de l'ouvrier. Le col,
très-mignon, est rattaché à la coupe par deux anses si
déliées qu'on craint de les briser en y touchant, et qui figu-
rent deux ceps de vigne. Le corps de la coupe représente
une grappe de i-aisin dont tous les grains, régulièrement
formés par les mille convexités du verre, sont groupés avec
une appétissante vérité; à boire là-dedans, l'illusion était
complète; on devait croire à la réalité de la fable des bac-
chantes, pressant de la main dans la bouche les dons savou-
reux de leur dieu. Mythologie à part, l'objet est des plus
précieux et des plus rares; un de nos compagnons qui a
récemment visité le musée Gampana , nous a assuré n'y avoir
rien vu d'aussi beau et d'une conservation aussi parfaite. »
M. Hagemans a bien voulu permettre d'extrai]"e d'un
sien ouvrage en publication (2), le passage suivant du cha-
(i) Feuilleton de l'Indépendance belge du 30 octobre 1862, consacré aux
fouilles de Fresin. La valeur de celle tiole, unique dans son genre, croit-on, a été
lixéc par des coiinaisseurs à cinq ou six mille francs au moins, et l'on estime même
(lu'elle atteindrait un prix de beaucoup supérieur, si elle était livrée à Paris a la
chaleur des enchères publiques.
(-2) Un cabinet d'amateur, p. 461. V. l'introduclion de cet ouvrage dans
lu II"-' vol. du Bull, de l'înst. archéoL Hécjeois.
— 1/^8 —
pilrc rokUif à In verrerie des anciens : « Vous trouverez
dans les Musées, dit-il, des coupes admirablement gravées,
ornées d'animaux, de fleurs, de fruits; vous en verrez imitant
ces fleurs, ces fruits dans leurs formes et leurs couleurs
naturelles, rappelant le cratère de cristal de roche décrit par
Achilles Tatius (i), avec des raisins qui semblent mûrir à
mesure (|u'on y verse le vin. »
(i) Romancier grec d'Alexandrie qui, vers la fin du III* siècle, écrivit les
0 AuKiurs de Clitoplion et de Leucippe. » Voici la version par Du Perron di:
Castera {Bibl. des romans grecs, trad. en français), du passage signalé par
M. Hagemans : (I Mon père me lit boire dans un vase destiné aux libations
de Baccluis et travaillé par le célèbre Glaucus de Scio; il était de cristal ciselé;
une treille qui semblait avoir pris naissance dans le fond, serpentait jusqu'au
bord qu'elle couronnait de ses feuillages. Le pam|>re était entremêlé de grappes
qui paraissaient vertes lorsque la coupe était vide, et mûres lorsqu'on la rem-
plissait de vin : au milieu de cet agréable relief, l'art avait représenté Bacchus
qui cultivait le vigne. » M. Hagemans, dans une lettre spéciale, signale les
différences entre la coupe de Tatius et celle du tunuilus de Fresin : « Celle-là,
dit-il, représente une treille tout entière, et était probablement incolore ou de
cette nuance verdàtre des verres anciens qui n'étaient jamais très-blancs; celle-
ci est, au contraire, pour mieux imiter le fruit de cette belle teinte pourprée qui
avait fait la réputation des coupes lesbiennes, n D'après Straron, liv. XVI, en
Egypte seulement se trouvait la matière sans laquelle ne pouvait s'obtenir la
coloi'ation du verre, estimée comme du plus grand prix par les anciens. V. lîu-
i-ENGERi, De conviviis, p. 266. C'est là sans doute (en supposant qu'il s'agit de
vases de vei're et non de cristal), ce qui fit considérer le don de calices crislallini
alexanUrini (Jul. Capitol., iu Ail. Ver.,\) connue un cadeau d'un luxe exorbi-
tant.
V. au surplus sur la fabrication du verre antique, Pi.in., Hisl. nat., XXXVI, 67,
et XXXVII, 10, et un mémoire de M. Deville , Edumen de detijc passages
de Pline, relalif's ù l'art de la verrerie, dans les Mémoires de la Société des
Antiquaires de Normandie, IV, 2'^ série.
Virgile, dans sa troisième églogue, donne la description d'un vase |>roposé
connue prix du ciiant, et, quoifiuc (riiric autre matière, se rappriicliaiit de
celui de Tatius :
... l'oriila |ioiiaiii
Fagiiia ciL'Ialiim diviiii opis .\li'iniP(lniilis,
Lcnta qiiiliiis tonio f.itili supeiaddila \iti«
Diiriisos licitpia veslit [laUc'iite cciivinbos.
— 149 —
La parfiiilc conservation de ce délicat objet eu verre qui a
l)ravé les outrages du temps, tandis que tant de vases en
métal et en terre cuite sont tombés en débris, rappelle l'ex-
clamation de rai)bé Cocbet, à propos d'une ampoule de verre
représentant également un fruit, un petit vase pyi'iforme,
trouvé par lui en Normandie (i) : « La l'raicheur et la con-
servation de cette pièce antique, dit-il, ont quelque chose de
si prodigieux que, à l'inspection, on ne s'imaginerait pas
{{u'elle a seize à dix-sept cents ans. On la croirait plutôt
achetée récemment dans un bazar de Rouen ou de Paris.
J'avoue que, pour mon compte, je ne l'aurais jamais crue
ancienne, si je ne l'avais déterrée de mes propres mains. »
Quel n'eût pas été l'enthousiasme de cet archéologue à la
vue de la délicieuse grappe de Fresin : à côté de celle-ci, le
délicat pot au lait trouvé a Schaerbeek (^) et déposé au Musée
d'antiquités de Bruxelles, perd lui-même de l'importance (|iii
y avait été si justement attachée jusqu'ici.
La poire de l'abbé Cochet fut trouvée par lui reniplie
d'une liqueur grasse et onctueuse ; la grappe de Fresin ,
renversée , contenait seulement quelques llocons d'une
matière noirâtre qui fut soumise à l'analyse par M. Kupffer-
schlaeger. Voici conmient celui-ci déci'it le dépôt :
« L'examen microscopique de ces petits morceaux, d'une
couleur brune noirâtre, à cassure brillante ou résinoïde, ac-
compagnés de quelques filaments bruns, y a fait reconnaitre
la présence de débris d'insectes, tels que vers et moucherons
empâtés dans ce dépôt. L'analyse chimique est parvenue à
(i) Norm. sont., pi. I, n" -41, pp. 70 et 195.
(•2) Bull. Acail. roij. de Belq., W\^ année, a*" si^rie, XI, p. 50i .
10
— KiO —
grand' peine à cunslater que ce dépôt était du sang desséché
presque au point d'être carbonisé, par conséquent du sang
à peu près complètement décomposé et désorganisé par un
temps extrêmement long, et par une chaleur lente, peu vive,
puisque les squelettes des insectes étaient encore visibles
et pas entièrement détruits. »
La présence de lioles contenant du sang humain est
presque généralement considérée comme un indice de sé-
pulture chrétienne (i) ; cependant l'on en cite des exem-
ples (2) dans les sépultures païennes, et l'analyse qui vient
d'être reproduite tend à en augmenter la série : les chrétiens
auraient-ils emprunté cet usage aux païens ? Quoi (ju'il en
soit, tout en laissant du doute planer sur la destinalion de
cette liole, il est impossible de ne pas faire remarquer un
rapprochement entre elle et cette autre fiole où l'on a trouvé
de la graisse colorée par un peu de sang.
La grappe de raisin des dry tommen a-t-elle servi anté-
rieurement de vase à boire ou de gourde? Sa forme, qui sem-
ble disposée pour le passage d'une courroie ou autre ligature
à travers les deux anses, pourrait faire croire à la seconde
hypothèse ; en outre, il est impossible de la maintenir debout
comme un verre de table. Cependant est-il bien probable
ipi'on ait fait usage comme gourde d'un vase (jui , s'il a été
conservé intact par un hasard merveilhnix, n'en est pas moins
(1) Fabretti, /«SC/7J3/., cà\). VIII, p. 5oo, et autres écrivains cités par
l'auteur d'une notice publiée clans les Anu. de la Soc. d'émiilalion pour l'élude de
l'hisl. et des antiq. des Flandres, VII, -2'' série, 1849, p. 57. D'après Arrighi,
lioma sublerranea, l'on avait de nos jours découvert dans les catacombes des
lioles contenant du sang encore li(iuide, Bull. Acad. roy. de liehj., X, i°,
p. 195.
(•2) KiKCHMANN, De /uiicribus, pp. 187 et 492; Scii.ti'FLi.NN , Alsnfia, p. îilO.
— loi —
d'une délicatesse et d'une fragilité extrême? En outre, l'on
sait que pour les nombreux vases à boire, dénués de pieds,
dont se servaient les anciens, on avait introduit la mode
d'un petit nioid)le dit apotheca sur lequel on les établis-
sait (i). Resterait toujours à savoir pourquoi les deux anses?
-~ Autour de ces anses se voient des filaments de verre,
très-ténus, dus sans doute (à la fusion opérée à l'aide du
clialunK'au , et l'on comprendrait diflicilement comment la
soudure des anses au vase aurait pu être opérée, sinon à
l'aide de cet instrument. Il semble même que les grains de
raisin , qui tous ont une concavité interne répondant
à leur convexité extérieure , ont exigé l'emploi du cha-
lumeau, soit pour être i-ejointoyés, soit peut-être même pour
recevoir leur forme; le simple moulage, en effet, n'eùt-il
pas, en laissant les ])ar(>is de la liole tout à fait unies à l'inté-
rieur, nui à la transparence à raison de l'inégalité d'épais-
seur des grains? Il a donc fallu, poui- ainsi dire, (pie cha(|uc
grain fût soufflé à part.
Si ces observations énoncées par des persomies })lus com-
pétentes sur la matière que l'auteur de la présente notice
sont fondées, il en résultera une preuve de plus (2) que
l'usage du chalumeau est antérieur au xviu' siècle, où,
(1) L'auteur doit ce renseignement à l'obligeance de M. Hagemans. Voici, à
cet égai'd, ce que contiendi'a son Cabinet (rAiitiquitt's, p. 460 : « L'apotheca
était, à vrai dire, une chambre placée dans la partie supérieure de la maison, au-
dessus du fumarium, et où l'on gardait des amphores en terre cuite remplies
d'un vin que le passage de la fumée à ti'avers la place devait, selon les anciens,
bonifier. Le petit meuble dont nous parlons prit son nom des espèces de
chantiers à ouvertures qui servaient à contenir les amphores dans ce grenier
a vin. »
(2) En voir un autre cité par M. Hoclez, Bull. Acud. roij. de BeUj., XX, 2°,
p. 422.
— 152 —
selon quelques-uns (i), Antoine Swal) en ;i l'ait l'invention,
et qu'il remonte à la plus haute aiiliquilé (2). On sait en
effet, i)ar la chronique d'Eusèbc de Gésarée, que Glaucus
de Scio, à (jui Achilles Tatius attribue la confection du
vase de verre décrit ] ta r lui, est considéré comme ayant
inventé l'art de souder le 1er; cet artiste aura, selon toute
vraisemblance, été conduit d'une idée à l'autre par les mêmes
moyens : habitué à travailler le verre non-seulement au rouet,
mais encore au chalumeau , il aura employé celui-ci pour
ouvrer le fer. Ce ne sera pas la première fois, comme le dit
M. Roulez, que les faits archéologiques suppléeront au
silence des textes, et, ajoutera-t-on ici, redresseront des
erreurs trop répandues.
C. — Poteries.
1. Quatre lampes sépulcrales en terre cuite (pi. v en regard,
n'" 22, 25, 26, 27), très-ressemblantes à celle qu'on a trouvée
dans la tombe Hémava et dans la sépulture d'Overwinden (3).
Elles diffèrent entre elles de grandeur, mais non de forme,
et à la différence de la lampe de bronze (pi. m, n" IG),
aucune ne semble avoir été allumée : l'une d'elles, à l'inté-
rieur, laisse encore apercevoir une plaque blanchâtre, défaut
de fabrication qui eût été dissimulé par l'usage.
La trouvaille de plusieurs lampes dans le même sépulcre
n'est pas un fait extraordinaire (4), mais n'en est pas plus
(i) Diclionnaire de la Conversation, v° Chuliimcan.
(2) Magasin pilloresque, 18G1, p. 5:22.
(7.) Voir aussi Ann. Soc. ardiéol. de Affww/-, IF, |ii. m, n" l(i, et Archœologia,
XXXll, pi. Il, fig. i».
(4) Del Vaux, /. cil. (Inuilics de 'liiisiii'sj, 11, p. 550.
PL.V
T G-er^ri del
BULLETIN DES COMM^ ROYALES D'ART ET D'ARCHÉOLOGIE
Fijabc dcf Jk Jnndfur naturtDf rij.17.31 36*5 46 « h. moiuc d
Le rcsif au 1i d'etrculum, laiil' 31' qui csl rédm» lu 'i
explicable : poiii'(iuui ces lampes non allumées ni même
préparées , et placées quelquefois l'une sur l'autre ou l'une
dans l'autre (i)? Mettait-on à la disposition du défunt des
lampes de rechange destinées à être alimentées par lui à
l'aide de la cruclic à huile trouvée également dans plusieurs
sépultures (2)?
il. Cruche en terre à bec trétlé par un pincement opéré
avant ou pendant la cuite, de manière à former deux ouvei--
tures, l'une grande pour l'introduction du liquide dans la
cruche, l'autre toute petite et circulaire pour le passage du
liquide versé dehors goutte à goutte (pi. v, n" 21).
Nombreuses sont les cruches de cette forme, mais de
matières et de dimensions bien diverses , trouvées dans les
sépultures antiques (5). On n'est pas d'accord sur leur
destination : tel échantillon, à la vérité très-petit, a été ap-
pelé urne lacrymale (4) ; tel autre en bronze a été considéré
comme un prœfericulum ou vase lustral; bien que le yullus
ou lecythus dont on se servait pour verser dans les patères le
vin des libations, fût généralement en corne ou en verre (3),
il semble difficile de ne pas trouver un rapport sensible entre
le nom de guttus et la disposition toute spéciale du goulot.
(1) Ann. Soc. archéol. de Namur, IV, p. :2I.
(2) Ibid., p. 23; voir aussi II, p. 68.
(:>) V. iiotaniment Cochet, Nonn. sont., p. 59, pi. 11, n" 5i, pi. m, 11" 9, et
Sépiilt. gaiil , p. il; Ann. Soc. archéol. de Namur, II, pp. 64, 68, 69, et.
pi. 1 , 11" 4 ; pi. II, 11" 5 et 10 ; IV, p. 16, n" 6 et 17 ; VI, p. 531 ; Mess, des scienc.
Itisf., 1848, p. 595, et pi. XIII, n^ 5. V. aussi ScnK\z$,Catalogne, etc., 2« part.
Il" 76, et Pnblicat. Soc. de Luxembourg, 1845, pi. iv, n"" vu, xii et xvii ; 1849,
pi. II, n" 4; pi. III, n"' 16 et suiv.
(•i) Mess, des scienc. hist., 1848, p. 595, pi. xiii, n" 5.
(r>) A. RicH, V" Guttus et Epichysis V. aussi Pitiscls, Leile. antiq. nmi.,
V" Guttus.
— 154 —
III. Plusieurs autres cruches ou débris de cruches
distinctes (pi. v, ir 20, 50, 51% 51'', 51% 51'^).
Le 11° 51" est une cruche en terre grise, ayant la forme
signalée comme rare (i), et assignée par Rich (2) à la lagena,
qui, d'après lui, diffère de l'amphore, de la diota et de Vojra,
par un j)ied sur lequel elle peut se tenii' droit (3), tandis que
les autres, également à deux anses (4), mais terminées en
pointe, devaient ou être appuyées soit contre un mur, soit
sur un support, ou être enfoncées dans le sol ; elle diffère de
l'urne à voter dans les comices (5), en ce que celle-ci était
ovoïde et avait les anses plus proéminentes; enfin elle diffère
de ce que rabl)é Cochet appelle lagène (e) , en ce que celle-ci
a un goulot à deux phalanges, comme les deux cruches
n"' 29 et 50, et n'a pas deux anses ; M. Joly, de son côté, de
même que M. Schayes, ne donne qu'une anse à la
lagène (7).
La lagène de Fresin, si lagène y a, est plus élégante
qu'aucune de celles qu'on! tj'ouvées dans notre pays
le chanoine de Bast en plusieurs endroits (s) et M. del
(i) Ann. Soc. archéol. de Namur, VII, p. 415. On en a trouvé une seule de
ceUe forme dans le vaslc cimetière de Fiavion, ibid., VII, p. 15.
(2) V's Lagena et Diola.
(3) Les Ann. Soc. archéol. de ^amiir, II, ji. 25, |)l. 11. n" :2, et IV, p. 92,
pi. I, litt. F, appellent cependant anipliore nn vase seiiililablo ii noire laiîène.
V. aussi VII, p. 15, pi. n, n" 7.
(i) Malgré lY'tymologie, Pniscus, v» Ampliora, Schavks, Revue d'Iiist. cl
d'archéol., I, p. 550, Bull, de VAcad. roij. de lielg., XIV, 2", p. 2G6, et
Cochet, Sépull. gauL, p. 5it, parlent d'anipiioirs à une anse.
(s) A. RiCH, v" Urna.
(e) Norm. sont., pi. vi, lig. 10.
(7) Mess, des scienc. hisl., 18 58, p. 587, Sciiayks, Catalogue, etc., 2'- part.,
Il"' Mi à 125, et 257-258.
(s) liecuril d'aulUiuités romaines cl gauloises trouvées dans les Flandres,
— loo —
Marmol h Champion. Celui-ci croit pouvoir assigner aux
siennes la destination cle cruche à Iniile, à raison d'une
expérience intéressante faite par lui au moment de la décou-
verte : un bâton frotté au fond du vase laissa sur du papier
une trace huileuse (i). Bien que la présence d'huile n'ait
pas été reconnue dans la lagène de Fresin, dont les débris
étaient épars, il n'est pas impossible qu'elle ait eu la même
destination; car autant qu'il a été donné de le constater,
cette cruche était placée , comme celle de Champion , à
l'Est de la partie inférieure du caveau , et non loin des
lampes sépulcrales.
Les deux cruches n"' 29 et 50 ont un goulot se divisant
en deux phalanges dont l'inférieure se rattache à l'anse; la
seconde cruche est, sauf une légère différence à l'orifice du
goulot, la réduction exacte de la première.
Des cruches semblables, mais de dimensions différentes,
existent, au Musée d'antiquités de Bruxelles (2), et l'on
en a découvert en grand nombre dans les sépultures
antiques (0), ayant même jusqu'à trois phalanges au
pl. XIV, n" 15, et pi. XV, 11"' 1 et 5. V. aussi Leemans, Romeiusche otidheden
te MaestricM, pl. v, n" 58 , et Public. Soc- de Luxembourg, 18i5 , pl. iv, n" vm;
cette Revue donne même une semblable lagène à quatre anses dont les plans
se coupent à angle droit, deux par deux, ibid., n" vu.
(i) Ann. Soc. archéoL de Namur, II, p.25, pl.ii, n°2, IV, p.25et VII,p.2o8.
(2) Entre autres un vase indiqué sous le nom de potiche aux n"' 261 à 2G5 du
Catalogue de Schayes.
(r>) Cochet, Sêpult. gaul., p. 60; Ami. Soc. archéol. de Aamur, II, pl. 11,
n"' 5 et 22 ; VII, p. 50, pl. 11, n" 5; Revue d'hist. et d'archéoL, t. III, p. 54,
n" 4, Lettres sur des antiquités trouvées à Fetuy et aux environs (extr. des
Ann. Cercle archéol. de Mous), par le docteur Norbert Ci.oquet, pl. i , n" 10.
V. aussi Bull.de Vlnstif. archéol. liég., V, p. 217; Archœologia , XXXV, p. 96,
pl. III, n" 1 ; DE MONTFAICON, III, ]»1. I.XXVII.
— 156 —
goulot (i), exagération d'élégance qui se rapporte évidem-
ment à une époque de décadence artistique.
Le n° 31'' est une grande cruche en poterie commune
dont l'anse se rattache directement à un goulot assez large;
ce vase est une sorte de capis (2) , pot à vin à une seule anse,
forme très-simple qui resta employée longtemps dans les
cérémonies religieuses , parce que les vases de terre étaient
à la fois considérés comme plus durables et plus purs (inno-
centiora) que les vases en métaux précieux (s).
Les n"^ 31 "^ et 31'' sont des fragments encore incomplets
de deux autres vases : un débris de goulot et un autre
de fond.
IV. Cinq vases (4) en terre noirâtre ou bistrée, dont un
plus grand et quatre plus petits, affectant la forme d'urnes
ou de gobelets plus renflés à la panse et plus étroits au col
(pi. V, n"' 53, 34, 35, 40 et 41).
Des cendres gisaient au fond du grand vase n" 33 et d'un
des petits vases 34-35; mais il n'est pas imj)Ossible qu'elles
(i) Ann. Soc. archéol. de iSaiiiur, VII, p. ôo, pi. ii, n" J.
(2) A. RiCH, v" ce mot. V. un vase ayant assez de ressemiilancc avec le
n" Sib, Public. Soc. de Luxembourg, 1859, pi. v, n° 2.
(3) Plin., Hist. nat.., XXXV, 46. V. des vases d'une disposilhin à peu i)rès
identique : Revue d'hist. et d'archéol'., III, p. 54, n" 5 ; Ann. Soc. archéol. de
Namur, VII, pi., 11, n° 9; Cochet, Sépult. gauL, p. 59 et 60; Leemans,
/. cit., pi. V, n" 59.
(i) On évite de se servir ici du nidl policlu: |)arci' (iiie, loin de correspondre a
un terme de la céramique ancienne, il n'est pas même admis par le Dict. de
IWcadémie ni par le Supplément; en outre , si tenté que l'on puisse être
d'emprunter aux arcliéoloi-Mics distingués de Namur une expression appliquée
par eux à des vases semblables {Ann. Soc. archéol. de Namur, II, pi. i, n"' 1 J
et i-l, et p. 63; V. aussi Mess, des scienc. hist., 1844, p. 525, et 18i5, pp. 98,
100, MO et 1 18), l'usage n'est pas assez général à cet égard pour s'imposer, car
le Catalogue du Musée royal d'antiquités, par Schayes, donne le nom de potiche
a une crucjic du genre de uns n"' 20 et 50, V. p. 154, note 2.
— \:n —
y soient descendues par suite de l'aflaissement des couches
supérieures.
L'une des petites urnes 54-5o laisse voir à sa partie interne
un défaut de fabrication semblable à celui qui a été remar-
qué à l'une des lampes, comme si une feuille adhérant à la
paroi n'avait été enlevée qu'après la cuite ou l'application de
l'enduit : ce vase était donc neuf au moment où il a été placé
dans le caveau.
L'abbé Cochet croit que la forme du grand vase n° 35
est celle des vases aux offrandes, et la forme des plus petits
celle des vases aux libations (i). M. Janssens, conservateur
du Musée de Leyde (2), donne à des vases semblables à ces
derniers le nom de zalf-potjes (pots à onguent) ; mais c'est là
plutôt une comparaison qu'une attribution; cependant les
d(;ux petites urnes n"' 40 et 41 , de même, au sur])lus, qu(^
le grand vase n" 33 , sont parsemés à l'extérieur de grains
de sable, comme pour les empêcher de glisser dans la main,
caractère que les archéologues croient pouvoir assigner aux
récipients destinés aux matières grasses , comme huiles
ou onguents (3).
Des vases semblables ont été trouvés dans plusieurs sépul-
tures anciennes fouillées en Belgique (4).
(i) Norm. sont., pi. vi ; Sépidt. gauL, p. iô.
(•2) Gedenkleekenen der Germanen en Romeyiieii arti den liiiker oerer van den
^eder-Ryn, pass'im.
(3) MM. JoLY, Antiquités celto-germaniques et gallo-romaines, tromées sur le
territoire de Benaix, p. 49.; del Mahmol, Ann. Soc. archéol. de Naniur, IV,
p. 22, et ScHAYKs, Bull. Acad. roy. de Belg., XIH, 2», p. 196. V. aussi De
Bast, Becueil d'antiquités, pi. ix, tig. 10; Janssen, Gedenkleekenen, pi. m, fig. 10;
pi. XVII, fig. 6.
(i) Ann. Soc. archéol. de ISainur, II, p. 68, pi. i, n"" i et 12, Bull. .\cad.
roy. de Belg., xxx*" année, 2'= série, XI, p. ôOl.
— 158 —
V. Deux patines en terre rouge découvertes près de l'ori-
fice de la grande urne n" 35 qui était renversée, et à laquelle
elles pourraient bien avoir été superposées (pi. v, n"' 57
et 58).
Ces patines, en l'absence de toutes poteries sigillées plus
particulièrement destinées à cet usage, ont sans doute servi
à contenir des aliments solides avec sauce (i).
Un objet semblable, mais en terre grise, a été découvert
à Champion (->).
VI. Deux jarres à bec (hypothétique pour la plus petite)
destiné à faciliter l'écoulement des liquides qui y étaient con-
tenus (pi. V, n"' 1o et 59).
Ces objets dont le plus grand i)araît avoir contenu des
cendres, rappelIcMit certain ustensile de ménage nommé tèle,
qui sert notamment à recueillir la crème dans les laiteries,
et l'on en a trouvé quelques-uns, assez semblables, dans les
fouilles faites dans notre pays (5).
Le n" l'iest muni d'un manche en forme de bouton qui
])ourrait bien en faire un scaphium , sorte de vase destiné
à recevoir les aliments liquides (4) et peut-être les boissons
ou le sang des victimes (3). Cependant le manche du
scaphium est en général' plus allongé (e).
(i) A. RicH, v" Patina.
(2) Ann. Soc. archéol. de ^amin\ II, ji!. ii,n" lo, p. 68.
(.-)) Mess, des scienc. Iiist., l8.io, p. 98 et 450, pi. m, ii" 0, pi. ix, n" 15;
Ann. Soc. archéol. de Nanitir, II, pp. 62, 65, 68 et 69, iil. i, n" 7, ]\\. ii, ir9;
VII, p. 413; V. aussi dk Cayms, I, pi. cm, n" 4.
(i) A. Ricii, V" Paiera.
(s) Mess, des scienc. Iiisl., 18i8, p. 596, pi. .\iii, n" 4.
(6) V. Bull, archéol. napol., ann. V, lav. lU., et Archœolof/ia, XXlV, p. 6,
pi. II.
— lo9 —
Dans certaines sépultures, les terrines de la forme du n" 59
étaient surmontées d'un gril (i) et le scaphium du modèle
n° 15 contenait une cruche à bec pincé (2).
VII. Deux soucoupes en terre blanchâtre recouverte d'un
enduit rouge pour la faire ressembler à la terre sigillée,
mais ayant perdu une partie de l'éclat de cire à cacheter
qui distingue ordinairement ce dernier genre de poterie
(pi. V, n''^42et 45).
Ce sont là, sans doute, des récipients ayant servi à con-
tenir des liquides, et dans lesquelles on versait le vin des
sacrifices à l'aide du guttus (.ï), ou bien des soucoupe
comme les hypocratêridia dont parle Philostrate (4).
Des objets semblables ont souvent été trouvés dans les
sépultures anciennes de la Belgique (■;) , et la tombe Hé-
mava (e) dont il sera peut-être donné à l'auteur de la pré-
sente notice de parler ici même, a fourni un service complet
de véritable poterie sigillée, poterie très-estimée des anciens.
D. — Autres objets {jeux, ornements).
I. Plusieurs grains de collier en pâte mate, trouvés suc-
cessivement dans les pelletées de terre extraites de la fosse
(pi. III, n" 18).
(i) Ann. Soc. archéol. deNamur, II, /. cit.
(2) Archœologia, l. cit.
(3) A. RicH, v" Paiera.
(1) Vie d'.Apolloniiis de Thyane, Uh.W.ap. de Montfaucon, IIF, p. 149.
(s) Revue d'hist. et d' archéol., III, p. 54, n" 9; Lettres sur des antiquités
trouvées à Feluy (extr. des Ann. du Cercle archéol. de Mons), par le docteur
Norbert Cloqiet, n" 9; Bovy, Prom.hist., II, p. 133. V. aussi .Xrchœologia,
XXXII, pi. II, fig. 5.
16) Bull, des Cnmm. roy. d'Art et d'. Archéol., I. p. 121.
— 160 —
Les anciens, Romains et barbares, lionimes et lemnies,
se plaisaient à porter ce genre d'ornements; aussi l'on a
trouvé un grand nombre de grains de collier dans les sépul-
tures (i). On comprend, du reste, la variété infinie de formes
et de matières qui distingue ces objets, tantôt en or , tantôt
en argent, en perles, en verre, etc. Ceux qui se rapprochent
le plus des grains trouvés à Fresin ont été décrits par
MM. Joly (2) et Alf. Béquet (3).
II. Dé cubique à jouer, en os ou en ivoire, ayant les
points marqués au milieu de deux cercles concentriques
(pi. III, n" 19).
De Montfaucon (i), de La Chausse (5) et Rich (e) don-
nenl des dessins de tesserœ lusoriœ en tout semblables au dé
(le Fi'çsin ; Oberlin (7) en a dessiné une paire que Schiiep-
ninn avait trouvée en Alsace, dans une urne, à côté de pions
et d'une monnaie de Vespasien, et V Encyclopédie métho-
dique (.s) affirme qu'on en a découvert également en Suisse.
Enfin, l'abbé Cochet a rencontré, dans ses fouilles,
(0 ScHEFKEiius, De nntiq. lonpiibus, iip. Gu.ev., xn,ii. 900, et spécialement
cyp. XII, p. 0i5 : Quad in urtivcrsum gcntibus torques fueril in um; dk Mont-
FACcox , I , p. Il ; II, p. 248 ; 111, |pp. 55 et ÔOl ; Sciiayes, la Belgique, etc.,
I, pp. 75 et 169; Tkoyon, Habitations lacustres, etc., pp. 540 et ôil ; Ki.emm,
Hamlbuch der deutschen AUerthumskunde, pi. xu etxiii; Ann. Soc. archéol.
deNamur, VI, pp. 547 et 578 (à Flavion, ibid., VII, p. 16 et pp. 42-45, on
a trouvé deux fois plus de soixante grains de collier dans une seule sépulture) ;
Leemans, Romeinsche oudheden te Maestricht, pi. m, n" 18.
(-2) Mess, desscienc. hist-, \SAi, pi. n, u" 1.
(ô) Ann. Soc. archéol. de Namur, VII, p. ilo.
(i) IM, pi. ci.xxvi.
(.-;) Ap.CjW.Y.w XII. p. 962, dissertation De vasis , bullis, tesseris, etc.,
tab. VIII.
(o) V" Tessera.
(i) Muséum Srlur/Iiui [ 1, lupides^ mannorn, vasa), pi. xv, 11?. 9, et p. 155.
(8) V" hr
— 1()1 —
deux paires de dés (lui, d'après lui, sitiil les ))reiiiiers que
des sépultures antiques aient fournis en France (\).
La Jielgi(pie aura désoi-niais aussi son contingent à a|)por-
ter, et Fresiii ne sera pas même la première localité que sem-
blable trouvaille signale, car le tumulus de Champion a
révélé un dé en ivoire à M. del Marniol (^).
Le jeu de dés, comme on le sait, était aussi bien en usage
chez les Romains que chez les barbares (ô).
in. Certain nombre d'objets d'une malière vitreuse sem-
blable d'aspect à l'agate et à l'albâtre, et ayant la forme de
boutons d'habit, mais sans attache. Ces objets étaient au
nombre de treize blancs et de neuf noirs , dont quatre plus
grands ; quelques autres ont été retrouvés adhérents à des
parties de fer fondu, et l'on sait que trois ou quatre, (ant
blancs que noirs, ont été soustraits, ce qui en porte le nom-
bre total à trente environ (pi. m, n" 20).
On pourrait croire que ces objets trouvés successivement
dans les pelletées de terre provenant à peu près de l'empla-
cement des colïrets étaient simplement des ornements variés
de nuances et encastrés dans le couvercle de ceux-ci ; mais
l'opposition du blanc et du noir, qui sont les couleurs habi-
tuelles des pions de deux camps en présence, la trouvaille du
dé n" 19, la découverte faite par l'abbé Cochet de dés et de
jetons dans une même sépidture(4), enlin, robscrvalion sou-
(i) Norin. sont., pi. vi, ii"^ 7 et 8; Batis.sikr, Hisf. de l'art iiioniun. , p 309,
cite cependant la découverte de dés dans les tombeaux anciens comme n'étant
nullement extraordinaire.
(2) A»n. Soc. archéol. de Nainiir, IF, p. 72.
[T,) JiL. Capitol., 2« .■Ëlio Vero, v; Cw.., lib. I, De diviml. ; Tacit., .1/w.
Germ., xxiv; Schayes, la Belgique, etc., 1, p. 20-4.
(4) ynnii. wiil., p. Lj-'i.
— 162 —
veul l'aile (|iie les anciens i)la(;aient à la fois dans les tombeaux
des dés et des jetons (i), tout cela ne permet-il pas de supposer
qu'il s'agissait d'un jeu d'agrément analogue à nos dames,
à nos écliecs ou à notre trictrac? Cependant un doute sérieux
peut naître de ce que, d'une part, les jeux d'asduodecim scrip-
torum {scruponiml) n'exigeaient en tout que vingt-quatre
jetons, douze de chaque couleur, et d'autre part, (pie les jeux
où les dés sont nécessaires , comme dans le trictrac , exi-
gent une superposition de ces jetons, impossible avec la
surface convexe de ceux de Fresin (2).
S III.
Une première question , qui s'offre tout naturellement à
l'examen , concerne la date à assigner à la sépulture dont le
mobilier vient d'être décrit.
A qui faut-il donner raison, ou à Sclueptliim et à
Mi\I. d'Otreppe et Renard (jui voient dans les lombelles de
notre pays des sépultures celtiques, ou à MM. Schayes et
Perreau qui croient y reconnaître une origine germaine,
ou à M. Galesloot qui attribue ces monuments aux popu-
lations belgo-romaines , ou à M. Driesen (jui les rappoi-le
aux Franks , ou enlîn à la tradition populaire qui les appelle
encore aujourd'hui to?nbes romaines, et (jui n'hésite pas à
les considérer comme des traces directes de ces conquérants?
(i) 'A 'fesseras talosque, disait Oberlin l. cit., siiiti )ioununqi(unt ud infcrus
comités dedere veteres. » V. aussi Batissieu, /. cit., p. 5U'J.
(s) V. pour d'autres découvertes de jetons : Bull. Soc. liist. et litt. de
Tournai, I, p. 105; Atui. Cercle archéol. de Mous, I, p. 79; Ja.nsse.n, Gedenk-
teeUenen, etc., (ig. xii, u" 1:2.
— 165 —
Les cendres liumaiiics nous indiquent à l'instanl cette
période qui prit fin soit dans la seconde moitié du m" siècle
soit vers le commencement du iv'' (i), et où le feu régnait
sans partage dans l'empire des morts.
De leur côté, les vases, par leur l'orme, appartiennent
incontestablement à la civilisation romaine, et non à la bar-
barie celtique ou germanique (2), et l'on sait que chez les
anciens, si éloignés de la versatilité de nos mœurs actuelles,
la nature de la pâte , le mode de laçonnage, le style des orne-
ments et des contours, étaient généralement constants (5), à
tel point qu'un archéologue a pu s'écrier : Montrez-moi les
vases d'un peuple, je vous dirai quel il était (4).
Or, la plupart des vases trouvés à Fresin rencontrent leurs
analogues dans des sépultures du if siècle (5); ce sont no-
tamment les deux buires en bronze, le trépied, les coffrets,
les fioles de verre, les cruches à goulot Iréllé ou divisé en
phalanges , les urnes à libations et à offrandes , les patines
en terre cuite, et les patères en terre sigillée , etc.
Un seul objet, le bassin de bronze n" 1, peut induire en
doute, à raison d'un bassin ovale semblable découvert dans
un cimetière l'rank à Londinières, par l'abbé Cochet (g);
(i) « Licet nrencli corpora defuniJorum iisiis nostro sœciilo (iv« siècle)
nullus sit, » dit Macrobe, Satitru., VII, 7. V. au^si liciKc de l'art clircficn par
Taljbé CoRBLET, I, p. Hîo.
(2) V. sur les caractères particuliers de la cérauiitpie barbare : bRoNGM.VRT,
Traité des arts céramiques, et Cochet, Arc/téologie céramique ei sépulcrale, etc.
passim; V. aussi Adr. Heylen, Hlstorisclie verhandelingen over de Kempen ,
2e édil.; p. 281 ; Schayes, la Belgique^ etc., et surtout la pi. du II'-' vol.
(3) Brongniart, /. cit., I,p. 6. V. observations dans le même sens de M. Alb,
ToiLLiEZ, Ann. Cercle archéol. de Mous, I, p. ii-2, note 2.
(+) Boucher de Perthes, Antiquités celtiques et antédiluviennes, p. 7 't.
(3) V. ci dessus, p. 124.
(6) Sépult. gatiL, p. 76.
— 1()/.. —
mais ce savant ne dissijnulc pas sa surprise ; il signale ce
Ijassin comme étant d'une forme tout à fait originale et sin-
gulière; il semble, en un mot, (jn'il lui répugne d'attribuer
r()i)j('l trouvé par lui ;i une séj)ullui'e l'ranke. N'est-il pas
possible dès lors, se demande-t-on , que le sol du cimetière
de Londinièrcs eût servi à des enterrements plus anciens (i)?
question d'autant plus naturelle à poser que, on ne l'ignore
pas, les Franks ont clioisi des élablissemenls romains |)()ur
leurs premières résidences (2). La présence de débris tle
coffrets avec garnitures en bronze à côté du bassin de Lon-
dinières comme à côté de celui de Fresin , donne de la vrai-
semblance à cette supposition , d'autant plus qu'à Onial ,
dans une sépulture de la période belgo-romaine , un bassin
semblable avait été placé (5). En tout cas, s'il n'y avail
pas lieu d'aller aussi loin que M. le général Renard, et de
faire remonter les vases en cuivre trouvés dans les sépul-
tures jusqu'aux Celtes (4), s'il était même interdit d'anti-
ciper d'un siècle ou deux sur la date assignée par l'abbé
Cocbet à sa découverte, il est au moins incontestable que
le bassin de Fresin, contenant des cendres, est anlc'ricui-
aux Franks qui ne brûlaient |)lus leurs morts (5;, ce (|iii
sulïit pour réfuter l'opinion de M. Driesen {a).
Tous les vases du caveau sépulcral de Fresin révèlent
(i) Eli voir des exemples dans A. Mlhcikk, Lu séiiv.llnrc thrclicinic en France
d'après les monuments, Paris, 1855, p. 125.
(2) Observalioii faite par iM. I'iot, Rcime d'hist. et d'anliéol., 11, p. 50!l.
(5) V. cet objet au Musée areiiéol. de Liège, et M. d'Otuei-i'e, /. cil.
(1) Bull. Soc. hist. et litt. de Tournai, I, p. 55.
(5j Cochet, I\'orm. sout., p. 29; Bidl. des Comiu. roi/. d'.Art et dWrcliéol., I,
pp. 12-2 et 125.
^g) Compte rendu de VAssemblée yénérale de lu Comm. roy. des Monuments,
eu l-Siil, p. 70. V. une opinion aiiaioj;ue de ueFem.kh, citée par liovy, ii, p. 195.
— Kio —
1)1011 celte grande époque de la puissance de Rome pendant
le Haut-Empire. Quoique la céramique antique lut peu sujette
àscmodilier, il n'en est pas moins vrai qu'elle n'a pu com-
plètement se soustraire à l'intluence du goût du temps : à
une époque où les arts sont llorissants, correspondent des
modèles simples, élégants, harmonieux, proportionnés (i);
à une époque de décadence, des formes forcées, outrées,
exagérées, surchargées, ahàtardies. Or, non-seulement les
vases de Fresin, même en simple terre cuite, se distinguent
par un cachet essentiellement artistique , mais ils sont accom-
pagnés d'objets en verre qui défieraient presque l'imitation
moderne, et de vases en bronze à détails et ornements dus
à ces mains exercées et conduites par le sentiment du beau
qui ont sculpté les vases en tout semblables recueillis dans
les Musées de la haute Italie (^2).
Enlin, comme pour limiter le champ des suppositions, les
deux monnaies de bronze de la sépulture de Fresin précisent
une époquecertaine, depuis l'an 92 de l'ère chrétienne jusqu'au
règne d'Adrien, mort en l'an 138. Chose remarquable!
connue on l'a dit plus haut, deux monnaies ont été éga-
lement découvertes dans la tombe Hémava (3) ; ces deux
(1) « Lorsqu'aujourd'hui nous découvrons un simple objet d'art des temps
anciens, nous jugeons par sa perfection plus ou moins grande, à quelle période de
l'histoire d se rapporte; s'il mérite notre approbation, soyez sûrs qu'il date d'une
époque où la société, bien assise, était grande par la parole, par les sciences
comme par les arts. » (Discours de Kapoléon III, prononcé au Louvre le 2o jan-
vier 1863, lors de la remise des récompenses aux exposants français, Indépen-
dance du -21 janvier).
(2) V. pius haut, p. 129.
(ô) Bull, des Comni.roij. d'Ail et d'ArcliéoL, I, p. 121. La lecture de ces
médailles que Mad. Jamar de llasselhrouck a bien voulu permettri' de (•(inlicr
a l'auteur, a été l'aile par le savant numismate M. Piot.
11
— nw; —
niéd;iili(\^, })kiC(Je.s ;ivoc iiilentioii sur l'anse de l'unie ciné-
raire où elles oui élé trouvées, indiquent une période
ayant à peu près la même durée, depuis Galba qui régna
moins d'un an (GS-OD) jus([u'à Trajan, (pii mourut en
l'année 117. A la vérité, le numéraire des princes restait sou-
vent en circulation bien des années après leur décès, et il
en fut ainsi tout spécialement des monnaies des empereurs (i) :
il n'est pas impossible,- par conséquent, d'assigner aux sépul-
tures une date plus récente (pic celle des ])ièces trouvées;
mais si l'on réllécliit ;i la perte vraisemblable de l'usage du
naidiis ou obole à Garon, que, depuis l'incinération , il était
devenu impossible de placer dans la bouche des défunts; si
l'on rélléchit en outre à la circonstance qu'une seule monnaie
suffisait à titre de naulus (i) , on est tenté de considérer la
découverte des deux monnaies du tumulus de Fresin et de la
tombe Hémava, non comme lixant uniquement le maximum
d'antiquité de ces sépultures (5j, mais comme en déterminant
la date réelle (4). Ainsi le placement de ces deux pièces serait
(1) Mess, des scieiic. Iiist., 1851, p. 57, Schayes, lu Belgique etc., i>. iHi,
note 1.
(2) Sur le iKiinbrc de pièces servant à cet usage, V. GrTHKiiUs, De jure
Manium, et Mokksïellls, Pompa feralis {ap. Graev., XII, pp. 1087 et liôl),
dont l'un s'appuie sur .Vpllée pour soutenir qu'une pièce suliisait, l'autre sur
Aristophane pour prouver qu'on employait parfois deux et même jusqu'à trois
pièces. Le fait est, du reste, qu'on a parfois trouvé plusieurs pièces dans la même
fosse sépulcrale: Bull.Acad. roy. de Belg., XIV, 1", p. -iOO; Ann. Soc. archéol.
de Naïuur, VII, pp. (>, 15, "25 et i!6; Schayes, lu Belgique, etc., II, p. 5(5i;
Deiaaix, l.ril., 11, p. ôod; Revue d'Iiist. et d'archéol., IV, p. 05, n» M;
l'i.NciiART (.Uc/«. Acad. roij. de Belg., XXIII), A'o/ice citée, pp. 5 et G. Quant
aux dépôts dans des urnes de centaines de pièces de monnaies (V. la première
notice du même, ibid., XXII, p. 9); ces trésors, dont on trouve des exemples
à toutes les époques, n'avaient sans doute rien de funéraire.
(5) Schayes, In Belgique, etc., II, 476, note I.
(i) V. dans le même sens M. ue la Sal'ssave, ap. (Jocuet, Acr/w. sout., \\. bO.
— 167 —
un fait aussi inloiUionnel que le scelleineiU de luédailles dans
la première pierre de nos édifices, cl l'on obliendrait counne
indication, pour la sépulture de Fresin, une période pou-
vant aller de 25 à 46 ans, à raison du commencement du
règne d'Hadrien en 117 et de la mort de ce prince en 158.
Si cette période est celle de la vie du personnage dont les
restes ont été déposés dans la tombe , évidemment la
marge est encore assez grande : pour des Italiens plus
précoces que les habitants du Nord, pour des Romains,
chez qui les fils de famille occupaient dès leur jeunesse
des emplois militaires, témoin Pompée et Octave en-
treprenant la guerre civile avant d'avoir atteint l'âge de
vingt ans, témoin encore Néron proclamé empereur à dix-
sept ans (i) , il n'est nullement nécessaire de recourir à
l'hypothèse que la première des deux médailles indiquerait
une autre date que la naissance, par exemple celle de l'en-
trée en fonctions.
Nous voilà certes bien loin des Celtes quoiqu'on ait essayé
d'atlribuer à ceux-ci les tumulus de la Hesbaye {^) : depuis
longtemps dt'jà, même avant César, les populations ger-
mano-belges avaient expulsé les Gaulois de cette partie de
notre pays (ô).
(i) Tacit., Ann., XIII, 6; Sueton., in Néron., ix.
(2) M. d'Oïhepi'e de Bouvette, la Hesbaye, p. 12, cl Bull, liisl. ardu'ol.
liég., m, p. 269. V. aussi Sch/epflinn, Alsatia, pp. 525 cl 409; M. Renaku,
Bull. Soc hist. et litt. de Tournai, I, pp. 55 et 95, et id. ap. Schayes, la BeUji-
({ue, elc, II, p. 153. Le système de M. Renard repose sur cette idée erronée
que les armes des Gaulois étaient en fer, etcelles des Romains en bronze trempe.
(3) On connaît à cet égard les textes de César si souvent cités : Belgas ortos
a Germaiiis, Rhenumque antiquitus transcluctos, Gallosque e.ipulisse {Bell. galL,
II, 4, et de Tacite : Qui primi Rltenum Iransgressi Gallos expuleruut Tuiigri
{Mor. Germ. II). V. aussi Schayes, la Uelgique, etc., t. I, pp. 17 et 18.
— 168 —
Mais avant de raisonner déjà, comme si elle était démon-
livo, dans l'hypothèse que le tumiihis de Fresin est une
lonibe purement romaine, n'y aurait-il pas lieu d'examiné!-
s'il ne faut pas attribuer la sépulture aux vainqueurs des
Gaulois , aux Belges , soit encore nomades , soit déjà subju-
gués eux-mêmes et établis dans l'une ou l'autre station
romaine à titre de sujets ou d'alliés (i) comme l'étaient
les Bélasiens, les Tongres, les Xerviens ou les Bataves?
Les uns et les autres pouvaient en elïel cire en possession
de monnaies et d'aulres objets romains, car on en a trouvé
même jusque dans des contrées où les conquérants ne
pénétrèrent jamais {'■>)''!
Quant aux hordes beUjo-yerm'nnes (5) encore vagabondes
cl indomptées, elles pratiquèrent, il est vrai, l'usage de
brûler les morts et de déposeï' les cendres de ceux-ci
dans des urnes funéraires sous des combles sépulcraux;
elles coimaissaient l'emploi des colliers, des dés, de l'al-
liage du cuivre avec l'élain : il n'est même ])as impos-
sible que certains objets d'origine purement romaine et des
monnaies impériales soient arrivées dans leurs mains (4). Mais
(i) Schayes, Mém. sur les documenta du moijen ûgr, relatifs à la Belgique
avant et pendant la domination romaine, p. 57. (Méiii. roiiroiiii. de l'Acad. de
Belg., 1857, XII.)
(4) ScHAVEs, la Belgique, etc., II, p. fi; Cleffei-, Germ. aniiq., 10, § 9.
(3) Libi'e à chacun de leur donner nn nom plus recherché, cotnine l'avait fait
ce magisirat français qui , dans une notice envoyée à l'Académie royale de
ttelgique, appeliiit Scandinavo-snévique un cimetière delà Flandre Irançaisc dont
tous les caractères étaient ceux de l'époque i;a!lo-romaine (/{////. Acad. roy. de
lielg., XIV, 5", p. \x'd.)
(4) <■ Ext videreapud illoa ur(jeulea vasn, legalis el prinriijibus eorum muneri
data;.... proximi, ob usiim commerciorum, formas quasdaut iwstrœ peciniiir
afjtiosciiut iilifiie eliqiiul. » Tacit. , Mor. demi., v.
([iiollc apparence y a-l-il (pic ces p(Mii)la(les (pii esliiiiaicMit
les vases de métaux ju'éeieux à la iiièiiie valeur (pie les vases
de terre cuite (i), qui n'eniployaient ni les vases de verre ou
de bronze (2), ni les parfums (3), qui n'élevaient sur la
tombe de leurs morts que de légers (4) tertres de gazon,
dont, au surplus, on connaît la céramique grossière (5j, se
fussent complu à enq)i'unter aux Romains leurs vases et
jnsqu'à leurs moimaies; à renoncer à leurs mœurs que
Tacite, conteini)0]'ain, puisqu'il mourut vraisemblablement
en l'an 154((i), décrivait si simples, précisément par oppo-
sition aux fastueuses cérémonies funèbres des Romains; à
accumuler dans un caveau profond (7) les vases à onguents
et à essences, les brûle-parfums, etc., à élever sur les cen-
dres d'un des leurs un amoncellement considérable de terre,
et, qui j)lus est, à établir, tout à côté, deux autres tertres
non moins grands, tertres vides complètement inutiles
et contraires à leurs babitudes, à eux qui méprisaient l'iion-
neur pénible, coûteux et lourd des monuments funéraires (s)?
Il) H Argciitefi vasa nou in ulia rilifate qiiam quœ litimo fiiHiiinlur. "
Iri., ibid.
(2) SciiAYES, la Belgique, etc., 1, p. 51 o.
(3) « Striiem rof/i... nec odoribus cumulant . » Tacit. , Mor. (ierm. , xxvij.
(4) Id., ibid.
(5) ScHAYEs, la Iteh/ique, fie, I, pp. 515 et 51(i; Klemm, Handbuch uer
deuisclies Altherlhumskunde , pi. xii etxin;Ai). Heylen , Historische ver-
handelingen over de Kempen, ]). 218, et la planche. V. aussi les divers écrits de
CrYPERS, Hermaxs,Jassses sur les fouilles opérées dans des sépultures germani-
ques. V. au surplus Brongmart, Cochet et de CAi]MONT,surla poterie primitive
des Celtes, qui, d'après Schayes, /. cit., avait lu plus grande analogie avec celle
des Germains.
(e) Notice de Daunol' sur Tacite, éd. Nisard, p. vu.
(7) V. ci-après, p. 17^).
(s) Il Monnmentovum arduuni et operosiim linnorein, ut fjravem defuuctis,
adspernantur. » Tacit. /. cit. Une oliservalion inuioitanle icsulte de la conipa-
— 170 —
liiioud'e, circonstance délerminantc el qui, si elle eût élé
connue de iMM, Schayes(i) et Perreau (2), les eût empêchés
d'afïirmer que les tombes de la Hesbaye sont toutes d'origine
uermaine, la belle buire de bronze n" 24 donne le dessin
d'un masque scéni<]ue ( pi. iv), et nous savons par Tacite (5)
que l'uniijue spectacle usité chez les Germains consistait
en jeux d'adresse et de force, et non en représentations
théâtrales connues seulement des Grecs et des Romains.
Or, cette buire, ])as plus que ranq)oule en forme de grapp(3
de raisin n" 52 (autre produit d'une civilisation très-avancée
dans les arts), n'a pu arriver dans les mains des descendants
ou des congénères de ces Nerviens signalés par César (4)
comme repoussant systématiquement les échanges commer-
ciaux : l'élut de guerre avec Rome, conséquence inévitable
raison ilcs tombes de la Hesbaye avee celles de la Campiiic. Les premières sont
des monticnles considérables représentant parfaitement Vardtiiis, operosus et
gravis honor, méprisé par les Germains, tandis (pi'a Haarle-Nassau, Alpben,
nergeyck, Meerbout, Heythuyzen, Casterlé, Hoogstraeten (V. les notices de
iM. Clypkks, le UuU. Acad. roij. de lielf/., XIII, 19;>, et nne note de M. l'avocat
général I'.ki.tjkns, au Uidl. Iitst. archéol. lu';/., V, iSO, etc.), et comme l'auteur a jm
le véritier également ii Caulille, en compagnie de M. Jl'stk, conservateur du Musée
royal d'antitiuités, les sépultures de la Canipine, qu'il est naturel d'attribuer aux
Germains, ont à peine un mètre de baut, et répondent parlaiten.ent a la descriji-
tion de Tacite : septdcrum cespes ernjil, passage que M. Schayes, /. «7., semble
appliquer a tort aux tunuihis de la Hesbaye, qui sont des amoncellements consi-
dérables de teri'c.
(i) La lielf/iqtœ, etc., M, p. lô.'i, et Hixl. de l'arcliil. en IkUj. , I, pp. 1 1 et 18.
(-2) Recherches sur les titmuli {Hiill. delà Soc. scient, el litt. du l.imb.,
I, p. 188), et Ann. de l'.Acad. d'archéid. de Uelg , l\, pp. 9i et !»7
(3) « Cenus spectaciilflnim nniini alqne in omni cœtu idem, yiidi jiirenes,
qitibns id Utdicrium est, inler (fladios se alque infestas franieas siiltii jacinnl . n
Mor. Germ., xxiv.
({) « .4 cul tu atque humanitate Provinciœ (Hclgœ) lonfiissime absunt minhnc-
que apud eos mercatores sœpc commeant , atque ea quw ad e/l'eniinandos aninios
pertinent, important. > Bell. (Util., i, '.
— 171 —
de la piTsenco dos hordes sunposéos harharcs sur iiii sol où
les Romains avaient ôhMidu leur domiiuiliou cl avaient lutté
quelques années auparavant contre Civiiis, dev.'iil du reste
suffire à lui seul pour détourner de ces peuplades les colpor-
teurs romains qui répandaient au loin les échantillons de
l'art et de la céramique de la métropole (i).
Quant aux populations ùelgo-romaines (2) déjà assez sor-
ties de l'état barbare proprement dit pour être j^arvenues
à s'assimiler en partie la civilisation d(;s conquérants, cette
assimilation supjiose la cessation de l'état nomade et par
conséquent un étîiblissement à demeure fixe (r>), A la vérité,
l'on a soutenu que le Pernacum ou Perviciacum des anciens
itinéraires, à supputer les distances indiquées, correspon-
drait plutôt à Montenaken, près Fresiii, qu'à Perwez; à la
vérité, l'on aurait jusqu'à un certain point le droit de faire
dérivei' le nom de Wardeow Custodia de Steps (4), ancienne
(1) Hevue dlmt. et d'archéol., I, p. 189. V. cep. Tkoyon, Habilatioiis lacus-
tres, p. ôio, qui cite des expoi'tations de vases sculptés chez les Helvétiens;
mais ces peuples avaieut, contrairement aux Belges, des relations commerciales
très-étendues, car on a trouvé au tond de leurs lacs le jade de l'Orient , le corail
delà Méditerranée et l'amlire de la Baltique.
(2) Expression juste employée pour la première fois par M. Roulkz, Bull.
Acad. roy. de Behj., XIX, ô", p. -489. V. M. Galesloot, et Ann. de VAcad.
d'archéol. de Belçj., VI, p. 67. La période belgo-romaine est contemporaine
de l'époque gallo-romaine des écrivains français : Cochet , Archéol. céra-
mique, etc., p. 8.
(3) Cette observation importante qu'il ne peut exister de tumulns gallo- ou
belgo-romains qu'à proximité d'un établissement fixe, ou tout au moins d'une
villa ou autre habitation de la même époque, n'a pas échappé à M. dei, Marmoi, ;
aussi, avant d'attribuer les tombes de Fri/.et, de Champion, de Seron ou d'Hanrei
aux populations gallo-romaines, a-til soin de rechercher les snbstriictions des
environs ou les autres traces de voisinage d'une population établie [Aun. Soc.
nrchéol de j\amur, IV, \k 27).
(1) Kempeneeiîs, De oude iri/heid Moiitenrihcii, II, pp. 47, 91, 92 et 292:
V. aussi l'étymologie peut-être trop ingénieuse du mot uarde nn iuslodirn\ur
— 172 —
dt'peiitlaïue de Muiileiiakeii, do roxislciice d'un (''l;d)lissc-
ment romain en cet cndroil; à la vcTité encore, bien qu'on
place généralement les BetdsW dans le Hageland sur la i-ive
uauclie de la Ghète, à Gcels-Belz. et à Brfecoin , il n'est pas
défendu de su])poser que des vétérans bétasiens, licenciés
par les rescrits de Trajan et d'iïadrien récemment décou-
verts en Angleterre (i), et dotés de concessions de terres
dans leur ])ays natal, ont l'onde, sur un des afiluents de la
Gliète, WalsiW~ près Montenaken (-2); mais toutes ces
bypotlièses de la tbéorie (5) resteront liasardées tant que la
découverte d'un cimetière de rantifpiilé (i), signe certain
donne Cn. Gkandgagnage, Vocabulaire des (oiciens noms de lieux de la Bel-
ijique orieu/ale, p. 185.
(i) RoACH Smith, Collectanea anliqtta; Revue d'hisl. el d'arcliéoL, I, p. 1H5,
(article iiiti^rossant de M. Galesloot). V. aussi Bull, de l'Insl. anliéol. liéy.^
et ScHAYEs, Mém.hoiironné sur les docuiiwuls du iiioi/eu âge relatifs à la Del-
(jique, p. n {Mém. Acad. roy. XMI, 1858); ii>., lluU. Acad. roi/, de Beh/.,
XVIII, 1", p. 658, et la Belgique, etc., I, p. 408.
(2) Kempeneers, /. cit., I, p. 29 et II, p. 12; Ch. Gkandgagnage, /. t7/.,p. 80,
aux mots Betasi el Betsica.
(5) On peut, l'étymologie aidant, et l'on sait combien l'étymologie est complai-
sante, aller même jusqu'à retrouver la bourgade de FeKesxe, dans FueslN, en
flamand Vorscn, noms qui dans les trois langues, et d'après le même ordre,
reproduisent les quatre consonnes d"un radical commun. Mais plac-'r k Fresin
le Fereane de la carte de Pei'tinger, c'est faire l'aiiv un coude un jieu tort ;i la
l'oute de Timgres à NMmègne.
Le nom de Cortlujs, lui, sei'approclie beaucoup pins natuiollemeiit du mol latin
curtis; mais ce n'est là qu'une dt^signation vague et générale d'un cortil ou grande
ferme remontant sans doute au moyen âge. V. Kempeneers, onvr. cité. Il, p. 292.
(4) Des fouilles qui auront lieu procbainement à la plat-tombe, sous Fresin
irôme, aideront à la solution du problème: il n'est pas impossible en efl'etque cette
tombe, comme les tombes plates de Wamoiil etde Waremme, etc., ait élénncime-
tière commun à toute une population ; quant au tertre de ^Vale^ès, acquis il y a
quelques années parle Gouveinement il semble que M. Schayes, la Belgi-
que, ♦'te, I, p. ôOO, lui donne à tort le même caractère : malgré sa forme,
elle porte le nom signilicalif de }fottel\. sur ce nom, Anu. Soc. arclu'ol. de \amur,
III, p.'!:28y, et VII, p. ai) et sa posilion dans un bas-fond, non litin d'un ancien
cliâleau.en conlirme l'ori^'ine féodale on rclali\(iii( ni moderne.
— I7Ô —
du voisiiiau:(^ d'un (''InljUsscniciit. i'wo (t), ou liint (|U(' l'exis-
tonce do subsirurt ions antiques ne viendra pas confirmer les
spéculations de l'ai'chéologie par le témoignage des ruines.
Or, pas plus que dans le voisinage des tumulus d'Omal, de
Thisnes, d'Overwinden ou de la lonihe Hémava, le sol n'a
révélé jusqu'ici h Frcsin ou dans ses environs le moindre ves-
tige d'une statio, mansio, nmtatio ou villa; et il est probable
que le sol continuera à rester muet, à en croire les indices
suivants : absence complète, dans la fosse tumulaire de Fresin.
de ces fragments de tuiles convexes et à rebords ( f/?2/^7'/re.s'
et feyidœ), attribut ordinaire des sépultures antiques (2)
et moniteur probable de constructions voisines ; défaut com-
plet d'inscription , sans doute par manque de moyens de
la faire graver dans un établissement à proximité (5) ; eidin ,
impossibilité, vu le grand nombre des tombelles de la Hes-
baye,de faire correspondre à cbacune d'elles, soit une de ces
stations qui, d'après les anciens itinéraires, étaient toujours
(i) RouLKz, Bidl. Acttd. roi/, de BeUj., XIX, 5", p. 491; V. aussi, «Jaiis les
Ann. Soc. archtol. de Namur, VII, p. 409 et suiv., les inductions ingénieuses
pour l'histoire de la ville de Namur, tirées par M. Alf. Béouet, de l'existence
d'anciens cimetières à la Plante, a Salzinnes, a la Motte-le-Conite.
(-2) Cochet, Sépult. gaul., \). 6~\ Hauzeur, Ann. Soc. archéol.def<amur,
V, p. 189.
(3) V. sur les plaques gravées ti'ouvées dans les sépultures anticiues : de Mont-
faucon, V, pi. XI, Batissier, Hist. de l'art, moniim , p. 508, et A. Bien, v Olla
ossiiaria. La seule inscription sit;nalée juscju'a présent sous un tumulus de notre
[•ays : Carine fili mi carissime (De Bast. /. cit , II, p. 8:2, Heyi-en, Ane. Mém.
de VAcad. de Bruxelles, IV, p. 445), a été trouvée en 1747 à Coninxlieini,
tout près de l'établissement de Tongres , oii l'on a pu la faire graver. Quant
à l'inscription en rhuniieur de Probus (Vopisc. xxi), qui fut gravée en une table
de marbre sur le tumulus où se trouvait le sépulcr'C de cet empereur (sepulcrum
elatis aggeribus), il y a lieu de remarquer que ce tumulus, élevé du reste dans
la suite (postea) et non immédiatement, se trouvait dans la voisinage de Sirminm,
oii Probus fut assassiné.
— 174 —
distantes entre elles de plusieurs lieues, soit même des éta-
hlissements secondaires dont le nombre eût été à peu ))rès
égal à celui des villages modernes. Aussi M. Galesloot,
qui attribue ces tombelles auxi)opulationsbelgo-romaincs(i),
fournit-il lui-même (2) des' arguments contre sa thèse
dans les observations suivantes qui sont très-judicieuses et
(pii renversent l'hypothèse d'établissements voisins, seul l'oii-
demenl possible, semble-t-il, d(; ladite thèse : « Ces tertres,
dit-il, étaient élevés par mesure de précaution pour empêcher
que les tombeaux ne fussent spoliés, ce qu'il était bien facile
d'exécuter au milieu des solitudes où souvent ils étaient
dis])ei'sés. Cet aspect sévère dans les monuments pour
les(piels les anciens peuples étaient passionnés, |)eut aussi
être attribué non au défaut de moyens pécuniaires, mais
;i la pénurie d'artistes capables de manier le ciseau du
sculi)teur. »
Enfin, unedernière raison pour ne pasallribiier aux jiopu-
lations belgo-romaines le fnmuliis de Fi'esin , c'esl non
])as la ])résence de tel ou tel exenqilai.'-e isolé dont ces j)o-
})ulations auraient pu être accidentellement en ])ossession,
mais la série nombreuse d'objets d'untî haute valeur artis-
tique qu'on a trouvés; or, pour expliquer la présence d'un
seni objet de ce genre dans les mains des ])euplades
conquises ou alliées , il ne sullirait pas (h; supposer
l'existence d'un établissement voisin, il faudrait la démon-
trer : tant (pie cette preuve n'est pas faite, l'attribution ne
peut être enlevée à ceux à qui elle revient naturellement,
'Il Itrviic (l'Ii/st. et d'arc/u'ol., I, p. 188.
(21 Kiill \c(iil. nii/. de llrlt/.. XVI, I", p. 4i)().
— 175 —
c'est-à-dire aux Romains don! nous i-eeonnaissons, à dcis
signes incontestables, le cachet artistique et le mobilier
sépulcral, et dont aussi nous retrouvons tous les usages
funéraires dans la tombe.
C'est d'une part, l'emploi de vases aux libations, aux
offrandes, à l'eau lustrale, de lampes sépulcrales, de brùle-
parfums (i), l'observation scrupuleuse du précepte des
XII Tables qui interdisait le dépôt de métaux précieux
dans les tombeaux (!2); c'est d'autre part la présence de la
(i) Les trois bi'ûle-parfuuis du Musée royal d'antiquités, auxquels ou a enlevé
la dénomination erronée de coquetiers (v. plus haut, p. 156), étaient rangés
parmi les antiquités romaines. Cependant l'on pourrait objecter certain vers
d'OviDE qui, lu seul, semble en effet, indiquer que l'usage des parfums n'élait
pas accepté comme convenable dans les cérémonies funèbres; c'est le troisième
des vers suivants {Ttisf., 111, 15) :
Fimeris ara milii feraU cincta cupiesso
Conveuit, et stiiiclis namma parala rogis.
Nec dare lliura libet nil exorantia (Jivos :
In lanlis suljr'iint nec bona vorbn malis.
(les (|uatrc vers indiquent une sitii;iti(ni toute personnelle au poète : Non, dit-il,
non, pas d'encens sur ma tombe; a un malheureux, il faut des funérailles en rap-
port avec ses malheurs! — Il s'agit donc d'une exception coiilirniant la règle
générale, et non de la constatation d'une règle contraire. Voici, du reste, ce qui
tranche la question : Tacite qui a éci'it ses Mœurs des Germains, en prenant
chez ceux-ci tout ce qui était de nature à être proposé fl contrario comme critii|nc
des usages de Rome, dit d'une paii des barbares {Mor. Germ., xvu) : « Slnieni rofii
nec veslibus nec odoribiis cumulant; » et d'autre part des civilisés (.4?»?,., 111,2):
« Vesiem, odores, aliaque funerum solemnia cremabant. » Mêmes expressions
dans les deux passages, emploi ici du moi aliaque, là du mot satirique cumulant,
tout démontre que les parfums brûlés, et même en quantités considérables,
étaient une partie importante dos solennités funèbres, auxquelles on voulait don-
ner de l'éclat, tandis qu'on la supprimait pour atta<'her a ces mêmes cérémonies
quelque chose d'exceptionnellement lugubre. V. d'ailleurs Archœologia, XXIV,
p. 20; KiRCHMANN, De funeribus, p. 501, et cette inscription rapportée par
GuTHERius : Fusca maler eum lachrimis et opobahamo udum hoc sepulcro con-
didit {ap. Graev., XII, p. i2-i8).V. aussi Plin.,VII, 54, et xiii, 1.
(2) « Neve aurum addito; ast quo auro dentés vincti erunt, imo cum illo sepc-
lire urereve sine fraude esta. » (L lo, XII lL?i\\\\\. de jure sacr.). A la vérité.
— 176 —
l;iiii|)(' il cou do cvu'iic, de la belle buire de bronze à anse
sciilj)tée (i), et de la délicieuse i^rappe de raisin en verre,
(jui attestenl le passa.tïe des niailres du monde dans les envi-
rons de Fresin.
Aussi, niali^ré la répugnance qu'éprouvenl les archéolo-
gues à considérer les lumulus comme d'orig'ine romaine ,
parce que les Romains, dit-on, n'en ont jamais élevé en
Italie et n'en établirent à l'étranger que dans des circon-
stances exceptionnelles (V), l'on est réduit à donner gain de
cause à la tradition populaire : celle-ci n'a cessé d'appeler
« lombes romaines » la plupart des tumulus de la Hes-
baye (3), et si les fouilles et les découvertes de Tbisnes,
ailleurs 011 s'est i-clàclié de la rigueur de cette loi, sans (|u'oii puisse en conclure
qu'il ne s'agissait pas d'une sépulture romaine: V. Roulez, Bull. Acad. roij. de
Itelfj., XV, :2", p. 196; dll Vaux, Dict. gcoyr. de lapvov. de Liège, il, p. 5aG ;
Batissiei!, Hist. de l'art inouiim., pp. 508 et 5U9. On sait d'ailleurs que les
cendres de Trajan ont été déposées sous la colonne qui poi-te son nom, dans une
urne d'or, Gantu, Hisl. univ., règne de Trajan, p. 9't (lirux., édit. de 184o).
Malgré ces exemples assez nombreux d'infraciions a la loi, il n'est pas mauvais,
semble-t-il, de faire attention dans les fouillés à la présence ou à l'absence de
métaux précieux, car la première pourrait èti'c un indice de sépuliure non pure-
ment romaine, mais appartenant ii des barbai-us nnuaiiiscs et non encore habi-
tués à observer les lois des vainqueurs.
il) L'attribution bypotliélique faite aux Uduiains pai' de Cavi.ls ( I, pi. c,
n" I), d'une buire exactement semblalile pour la forme, se trouve confirmée par
les découvertes de Fresin.
(-2) De Calmont, Cours d'untiq. luuuuiu., l, p. loi ; Peukeau, liiill. Soc. soient.
et litl. du Limboiirg, I, pp. 184 et 188); Gaueeieuk, art. publié par la Revue
universelle des arts , de ï*\vi. l.xciwiK , II, p. 457. V. cependant les mentions
suivantes de tiimuhis élevés par les Romains (sanscomplerles tunmlus de Poly-
dore et de la nourrice d'Énée dont parle Viugile): sur les restes des légions
de Varns (ÏAcrr., Ann., I, 62, et M, 7); en l'honneur de Drusus (Suéton., in
Claud., I ); sur le corps d'Aradiou (Vorisc, in Prob., ix), et sur celui de Probiis
(iD.-, ibid., XXI); enlin aux rives de l'Euphrale sur la déiiouille de Gordien, mis
il mort par Philippe ii Gtésiiihoiite (Kuseiî., Chron., 1 ).
[7,) V. DEi. Vatx, Dict. géofir., etc.. Il, pp. 15, 28 et pussuii. Il y a lieu d'en
exce|)ler tout ce (jui porte le nom de « mottes, " et qui date iirohablcnicnt du
— 177 —
d'Omal, d'OverwiiKlei» (;t de la loinhc llrinava n'onl pas
suffi pour de.-isiller los yoii.v des érudils, los découvnrtes do
Fresiii ne laissent plus de prise au doute : nous sommes
bien évidemment devant des sépultures du peuple-njj.
L'existence d'un iombeau romain en pleine campagne,
dans le voisinage d'un grand nombnî de tombeaux sembla-
bles, et loin de tout établissement fixe, ne peut s'expli(|iici-
que par deux hypothèses: celle d'un campement de (pichpie
durée, ou celle de combats, des victimes desquels ces
tumulus recouvrent les cendres ou rappellent la mé-
moire.
Il s'agit bien, sans doute, d'une sé])nlinre militaire; car si la
fosse de Fresin n'a pas, comme celle de Thisnes ou comme la
tombe Héniava, révélé des spécimens toutà lait incontestables
d'armes, d'autre part, il y a été trouvé une telle quantilé de
fer, dont une partie avait subi l'action du feu, qu'il est pour
ainsi dire impossible de l'expliquer sinon par l'usage des
liomaiiis de livrer aux llannnes du bûcher les armes du
défunt et des soldats ayant servi sous ses ordres {[). Or,
indépendannnent de l'invraisemblance d'une sépulture pure-
ment civile loin de tout établissement (2), est-il possible
moyen âge, par exemple les mottes de Ruinsdoi'p, de Sainte-Gertrude (Landeii),
de Waleffes, etc. L'auteur ayant rcciioilli à Corswareiii même la preuve que la
tombelle de cette localité dont il est parié au Bull, des Comin. roy. d'Art et
dWrchéol. (I, pp. 115 et 11-4), est appelée Motte, abandonne provisoirement
l'idée que ce tertre serait d'origine romaine.
(i) Adam, Antiquités romaines, Il , p. ô'f7; A/ess. des scienc. hist., 18i8,
p. 228.
(2) Le cas pourrait pourtant se présenter dans des circonstances concordantes
avec celles oii la sépulture de Fresin a été établie; on sait que lorsqu'un individu
était frappé par la foudre, on l'enterrait sur place, et le lieu, devenu saci'é, pi'c-
nait le nom de ùidental, à raison des moufons quon immolait aux mânes du
— 178 —
(ju'un fonctionnaire non purement militaire (i) ait fourni
parmi les objets à son usage une quantité de fei- assez grande
pour que les débris pesassent plusieurs kilogrammes et
poui- (|U(' la fusion laissât des traces par toute l'aire ilu
bùclicr? (Jujint à la présence d'objets précieux dans la fosse
sépulcrale, elle n'a rien qui répugne à l'attribution de la
séj)ulture à un commandant d'armée : Pline ne reproclie-t-il
pas aux généraux romains de son temps d'oublier l'exemple
de Fabricius qui n'emportait avec lui à la guerre qu'une
salière et une coupe; et ne criti(pie-t-il pas le mobilier
somptueux qu'ils traînaient a))rès eux dans les bagages de
l'armée (^)?
Eniin, une dernière preuve à l'appui de l'état de guerre
où Rome se serait encore trouvée en notre pays du
temps d'Hadrien, ne pourrait-elle pas être tirée de la pro-
fondeur considérable de la fosse sépulci'ale de Fresin ,
comme des fosses d'Omal, d'Overwinden et de la londje
Hémava (0) 1
Dans touteslessépultures antiques, sans distinction de rites
ou de cultes, ce qui frappe les explorateurs est en premier lieu
(ii'lunl (B.vTissiKH, llist. (le l'art moninii., p. 50-2). Oi', (•(iiiiiur on le vci'i;i plus
loin, les seuls ossements (raniinanx l'econnns ;i Kresin a|i|>aitieinient a (les
mouton-.
(i) V. sur les maL!;isti'ats romains de la Belgique, un mémoire ilc M. Roii.kz
{Noiiv. Mém. Acail. roy. de Belg., 1844, pi. x\ii),oii il est question de plusieurs
fonctionnaires contemporains d'Hadrien , notamment IHililius Celsus , Aulus
Plretorius Nepos, Glaudius Saturniinjs, commandants militaires, plus nnprocii-
ratorm administrateui' des linanees, qui eut pour secrétaire un en tain I'. .Kliiis
Agrippinus, donl le nom a été conservé par une inscriptidii.
(2) liisl. nat., XXXIII, 50 et 5-i.
(s) Les détails manquent mallienreusenient dans uki. Vaux , II, p. 550, et
BovY, II, p. lyU, sur la losse qui a pu exister ;i Tliisnes.
— 17t) —
le peu de profondeur des fosses sépulcrales (i), laquelle est
parfois de quinze cenliniètres seulement, presque toujours de
moins d'un mètre; quand elle atteint un mètre, l'anomalie est
tellement saillante qu'on cherche à l'expliquer par des exhaus-
sements dus à la culture, par des alluvions, etc. (ij). Or,
qu'on le remarque, il s'agit là de sépultures ordinaires non
protégées par un remblai de plusieurs mètres cubes.
Quand un terrassement quelconque existe au-dessus de la
sépulture, l'on est allé même jusqu'à ériger en règle absolue
que jamais la sépulture ne doit être cherchée dans le InMonds
du sol; voici ce qui a été dit à cet égard sans contradiction
dans la première de nos assemblées savantes : « Il ne faut
jamais fouiller plus bas que le terrain naturel; car les corps
et autres objets y ont d'abord été déposés, et le tuniulus s'est
élevé sur eux (r>). » . ... « Les travaux doivent se borner
à une trouée de quatre ou cinq pieds de largeur qui n'irait
que jusqu'au centre du cône, à niveau du sol {i). »
Et, en effet, les tumulus tant celtiques (3; que germains (e)
(4) De Caimont, Cours d'aiitiq. inontiiii.. Il, p. oô; Cochet, A'on«. so///.,
pp. 81 et 9i; Biill.Àcad. roij. de Bely., XVI, I", p. t;09; Mess, des scieuc. hlsl.,
1844, p. ii'-Ki; Bull, et Aîin. Acad. d'urchéol. de Bely., il, p. 171; Ann. Soc.
archéid. de Naiimr., III, p. -20-2; IV, p. 88; VI, p. 546; VII, p. -270; Revue
d'Iiisl. et d'arehéol., III, p. 34; Mém. Acad. roij. de Behj. (Savants t'tr.,XXII).
Notice de M. Pinchart, p. 10.
(•2) Cochet, Nonn. sout., p. 76; .l/c.ss. des scieuc. liLsl., 1S46, p. IM;
Ann. Soc. archéol. de Namur. V. cependant des sépultures d'un peu plu.s d'un
iHc'tie irouvées à Schaerbeek et à Tournai {Mess, des scienc. Iiist., 18î)o, p.oOô;
Bull. .\cad. roij. de Belg., XXX<= ann., :2'' sér., XII, n. 60).
(5) Bull. .icad. roij. de Belg., XII, r, p. 90.
(4) Ibid., XVII, 1% p. 473.
(5) Archœologia , XXX, p. 60; Batissiek, Hist. de l'art monum., p. .Ill ;
ScuAYES, la Belgique, etc., I, p. il8-!19.
(e) ScHAYES, Hist. de l'archil. en Belg., I, p. 19; ETT.MiiLLEii, Beowulf,
Hetdengericlit des aciiten Jahrliunderts, v. ôî63 et 3166.
— 180 —
et romains (i) ont constamment été signalés jusqu'ici comme
recouvrant les restes funéraires déposés à la surlace tout au
plus un peu nivelée, et même au-dessus de cette surlace
dans le tertre même (2).
(i) Anciens 3/m. .Acffî/. de Brux., IV, p. 488; ii«//. Àcail. roy. de LU'Ig.,
X, 1", p. 191,-et XfV, r, p 4S8; Ann. Soc. (trchéol. de A'amiir, II, p. (w ;
IV, pp. 15, 20 et ô66\ Revue d'hist. et d'archéoL, IV, p. oO et suiv.; Archivotu-
gia, XXIV, p. 5, et pi. m; XXIX, p. 5 et siiiv. A la vérité, Iîatissikr, Ilifil. dr
l'art momini., sigfiale l'usage des fosses sous les tuuiulus idinuie ayant exisK-
dans les premiers temps de Rome; et les Ann. Soc. arclnwl. de A'am/*/', III,
pp. 592 et596;lV, p. 1-i; V, p. 18G; VII, p. 289, signalent un ou plusieurs cas
oii les objets funéraires auraient été déposés dans un creux au-dessous du niveau;
mais ratlirmation de Batissiek ne repose sur le témoignage d'aucun auteur
ancien, et elle est contredite par ue C-AiiiMONT et autres auteurs modernes qui
soutieinieiit que les Romains n'élevèrent point de tumulus en Italie: iiuant aux
faits cités par les Ann. Soc. archéoJ. de Aatniir, voici ce que M. dei. Marmoi.
a bien voulu écrire à l'auteur de la présente notice : « Dans tjUelques cas, c'est
dans nue excavation s'enfonçant plus ou moins iirofondément (|u'on a rencontré
divers objets; mais je n'ai pas remarqué a cette profondeur de caveau propre-
ment dii, et je pense qu'il serait dangereux d'en tirer quelque conséqueuce avant
que de nouvelles découvertes aient éclairé sutlisamuient la question. Dans cet état
de choses, j'aurais peine a me rallier (pour les fouilles de Namur) ii la suppo-
sition I mise |.ar vous que ces excavations étaient destinées à mieux protéger les
dépouilles mortelles contre les spoliateurs. « Ce (|ni manque dans la llesbaye
nauMiroise et qui s'est signalé dans le Nord de la Heslxiye, tant a l''resin qu'à
Onial, Overwindcn et dans la ton;l)e Hémava, e'est-a-dire des fosses véritables,
peut donc avoir une signification sérieuse. M. Joi.v non jtliis, écrit-il, n'a jamais
reinar(|ué d'excavation sous les tumulus de Renaix.
Ajoutons toutefois que certains des tumulus dont s'occupent les autorités
citées en léle de cette note, les tumulus de Saventliem, de Cliampion et des
Rartlow-Hllls, offraient, au-dessus du niveau, de véritables caveaux en maçon-
nerie ou en pierres assemblées qui constituaient une proleclion aussi ellicacc
■ qu'une fosse dans le sous-.sol.
(i) Une exploration rapide des tertres funéraires de la bruyère liet liostie a
Caulille, dont mention est faite dans le Bull, den Conini. roij. d'Art et d'Arclu'ol., I,
p. 100, avaient induit M. Juste, conservateur du Musée royal d'antiiiuités, et
l'auteur de la présente notice, il croire il cette circonstance, dont, au surplus, la
revue anglaise Arrliœoloijia, XXX, p. 00, donne un exemple des plus frappants :
des morts ont été placés ;i différentes bailleurs dans b; tnnnilus même.
A piiipos de Caiilille , remai'(inmis \v rap|ii'(icli';mcnt étym(dogi(|iif de
cAULii.Icct i.Ati ai.iiini, moins frappant, mais plus vraiscniblablegéograplnqnement
— 181 —
Or, si l'on se rappelle ({uc, selon Pline (i), l'incinération des
morts ne devint générale qu'à la lîn de la répuljli(|ue avec
l'extension des conquêtes à l'extérieur; si l'on songe qu'en
brûlant les corps, les Romains avaient pour but de dérobei'
les restes des leurs aux outrages posthumes des vain(;us; si
l'on remarque que les tumulus eux-mêmes n'étaient pas
seulement élevés comme monuments, mais aussi comme
garantie contre la spoliation des sépultures (2) ; il est assez
naturel de supposer, quand cette spoliation était à redouter,
qu'on ait cru utile d'ajouter, en guj^e de protection encore
plus efficace, celle d'une fosse profonde. Quoi de plus vrai-
semblable quand on se souvient que les Germains de Teu-
loburg étaient allés jusqu'à détruire complètement le tumulus
élevé par Germanicus sur les restes des légions de Varus (5)?
Par hypothèse, c'est encore contre des hordes germaniques
([ue les Romains avaient à lutter; n'était-il pas dès lors très-
nalurel qu'ils ajoutassent la précaution d'une fosse profonde
aux mesures insuffisantes prises jusqu'alors pour empêcher
de semblables profanations. Or, quand celles-ci pouvaient-
elles se faire craindre, sinon lorsque les conquérants ne jouis-
saient pas encore avec sécurité des fruits de leur victoire?
(juc celui de Fresin et Feresne. La bruyère liel hostie a tidèlenient conservé les
ti'accs de vastes travaux couiine des retrauclienicnts qui pourraient bien provenir
delà station indiquée sur la carte de PiiUTiNGER; en outre, différentes antiquités,
tant germaniques que romaines, y ont été -trouvées, entre autres, en 186;2, une
plaque de tibule, représentant un Bacchus au lion, une garde d'épée (antique ?)
en bronze (forme de cou de cygne), des monnaies du Haut-Empire; enfin une
poterie grossière qui sera jointe aux n"' 297 et suiv. du Musée royal d'antiquité#,
provenant du même endroit.
(i) Hist. nat., VII, 63.
(2) M. Galesloot, Bull. Acad. roij. de Belij., XIV, 1°, p. 496.
(s) Tacit., Ann., I, 62, et II, 7.
42
— 182 —
Si ces données sont exactes — el elles le resteronl jusqu'à
ce que l'observation constate ailleurs qu'en Hesbaye l'exis-
tence de fosses sépulcrales sous des tumulus, ou dans la
Hesbaye même la présence de substruc lions belgo-romaines
— est-il défendu d'avancer comme un l';iit liisloriciue non
trop invraisemblable que le Limbourg, où cinquante ans
aupai'avant se passaient les épisodes de la lutte entre
Civilis et Labéon (i), fut encore au second siècle le théâtre
de luttes sanglantes entre les populations belgo-germaines
et les armées romaine*, et que, sous Hadrien, la conquête
de notre pays n'était pas achevée de ce côté? A la vérité,
Rome par ses étaitlissements peuplés de Tongrois, de Ner-
viens ou de Bétasiens (2), admis à tous les droits des
citoyens romains, Rome, par ses alliances avec les Bataves,
approchait bien près de la Toxandric ou Campine, et même
étendait plus haut vers le Nord sa domination ou ses rela-
tions; mais elle avait encore devant elle les solitudes désolées
de cette Campine, que les haaiographes dépeignent comme
étant restées pendant plusieurs siècles encore à l'état barbare
et sauvage (3); là, sans doute, s'étaient réfugiés et durent
être difficiles à réduire les débris des })euplades luttant contre
la conquête ; dans ces bruyères protégées par des marais
(i) Tacit., Hist., IV, 65, 66, 70 et 79.
(î) La province de Urahant soiŒ l'Empire romain, par Gai-esloot (Revue
d'hist. el d'archéuL, I,|). 185) ; Schayes, Bull. Acad. roy. de Uelg., XVIII, J",
p. 658; Congrès scienlifiq. de France, 20*^ session, II, p. 213.
• (r>) V. dans les Mém. Acad. roy. de Belg., ( luéni. cour, et savants LHi'ang.,
1857, XII et 1815, XVI j. Les dissertations de Schaves^ pp. 27 et28, et depAii.LAKD
DE S'-Aioi.AN, p. Il, (pii rapportent des passages de Nicolas, de STEPiiiu.Nrs,
de l'auteur de la vie de S'-Evremaihe, etc., sur l'état de désolation oii se tron-
vail la Toxandrie au eomnicneenieiit du ruoven àiîo.
— 185 —
infranc'liissables ot par d'épaisses Ibrèls, riiinuoiu-c romaiiie
essaya en vain de s'exercer, et de là parlaient peut-être
des agressions contre lesquelles les conquérants avaient à
se défendre (i) et auxquelles ils opposèrent l'établissement
de Tongres, la station des Lœii /r///e/?.sei' dont parlent les
Notices impériales (2), et les camps hypothétiques de la
Ilesbaye.
Mais trace de campement ou trace de champ de bataille,
;"( quels événements du règne d'Hadrien se rapporterait la
sépulture de Fresin ?
L'histoire n'est pas très-explicite à cet égaj'd ; elle nous
dit seulement que, lors des grandes pérégrinations d'Hadrien
à travers son empire, ce prince passa vers l'an 120 de la
Grande-Bretagne dans les Gaules (3); elle ajoute (pie le
règne d'Hadrien se passa sans guerre (4). Mais n'y aurait-il
pas au moins une relation quelconque entre l'établissement
de la chaussée de Nivelles et des sépultures militaires qui la
bordent en si grand nombre? La circonstance qu'il y a
manque complet de documents sur la date où cette voie a
été construite, et que, d'un autre côté, la contrée traversée
par cette chaussée est comprise dans celles qui sont signalées
comme étant encore dépourvues de moyens de connnunica-
fi) MoKE, Mœurs, usages, fêtes el solennités des Belges, 1, p. 32; Schayes,
la Belgique, etc., II, p. 197 et suiv., et Mém. couronné sur les documents du
moyen âge relatifs à la Belgique {Acad., XII, ami. 1857, p. 29).
(2) V. ap. Schayes, la Belgique, de, II, p. 472.
(ô) Gi'.EHi'o, Mémoire sur les voyages de l'empereur Hadrien et sur les mé-
dailles qui s'y rapportent, p. 81 .
{i) « Pacem omni temporc imperii sni (Hailrioiuis) liabuit. » El'Troi'., VIII, 7.
Si cet écrivain ajoute : « semel tantum per prœsidem dimicavit , » l'on est d'ac-
cord poiii' adiiK'ttie qu'il s'agit là de la jiuci'i'C de Judée.
— 181 —
lion, avia beUjannii (i), par Tacile ({iii sans doute s'occujja
delà révision de ses ouvrages dans les premières années du
II'' siècle (2); tout cela ne permet-il pas de supposer qu'entre
César et Agrippa (5) qui créèrent sans l'achever (4) le sys-
tème des routes de la Gaule vers le Rhin, et Marc-Aurèle
qui étendit ces routes jusqu'en Batavic pendant la seconde
moitié du 11'' siècle (.•.), il y eut une série de travaux partiels
dans la région intermédiaire, travaux dont la date des écrits
de Tacite permet de lixer la confection aux règnes de Trajan
et d'Hadrien? Ces princes, en effet, sont signalés l'un ei
l'autre, comme s'étant occupés de grands travaux pu-
hlics (g).
Enfin, en admettant ({ue les roules principales de Tongres
vers Bavay et vers Nimègue, fussent antérieures à la lin du
i'' siècle, toujours restait-il à ramifier ces grandes artères
par de nomhreuses veines (diverlicula et viœ vicinales).
(1) Hist., IV, 70.
(2) opinion de M. Dai:nuu, notice sur Tacite déjà citée, p. vu.
(3) SciiAYEs, la Belfjique, etc., II, p. 451.
(i) BuRET DE LoxGCHAMPs, Fostes univcrsels, III, p. il.
(ô) Id., III, p. 63 (cet auteur ne cite pas ses sources); Lamprid., in CovwimL,
xvu, se borne a dire que le lils de Marc-Aurèle ne continua pas les travaux
publics commencés par son père, et Jui.. Capitol., in M. Anton., xi, dit seule-
ment de ce prince : « Vias ilinermn dUigenfissime curavit. » Mais une inscrip-
tion trouvée à Naaldwyck, en Hollande, et une colonne milliaire dans les ruines
du du'iteau romain de Brittenburg, près de Katwyk, apprennent qu'Hadrien,
MaiT-Auréle et Lucius Verus travaillèrent aux routes de la Batavic. (Sohayes-
PioT, la Bel Clique, etc., 111, p. H3).
(c) Casti;, Hist. unio., règne de Trajan, p. Oi (éd. de Bruxelles, 1815) :
Batissieh, Hist. (le l'art inoniim. ; (Uir.ypo, ouvr. cité, donne une inscription
trouvée à Hic/,, nii il est question d'une voie pavée établie par Hadrien;
tlUTROP. , VIII, 7, résume les travaux d'Hadrien par ces mots : « miilla
œdificavit. •■ V. pour Hadrien les monuments épii.'ra|)liiques dont il est question
a la noie préci'denle.
— 18o —
travail (|ui, la chose est ro('Oiniuo(ij, osl i)()st(''ri('ur ;i la créa-
tion des voies principales.
L'établissement de tous ces chemins avait pour but de
conserver et d'étendre les conquêtes de Rome et de mettre
les frontières à couvert par le déplacement rapide des
légions (2) ; les peuplades encor(^ insoumises de la CampiiK!
vers laquelle Rome étendait ses voies comme autant de
griffes, ces peuplades chez lesquelles vivaient encore les
traditions d'Ambiorix et les exemples récents de Civilis, ont
sans doute souffert avec impatience l'établissement déroutes
de conquête et d'asservissement, et s'y sont opposées par les
armes. Il y aurait donc eu, même après Vespasien, une
succession de combats dont les tombelles de la Hesbayo
seraient le vivant témoignage, traces glorieuses des luttes
de nos pères, défendant pied à pied le sol natal contre
les forces plus grandes des envahisseurs étrangers (5).
.^ IV.
Une autre (piestion, soulevée par la découverte de Fresin,
est relative à la destination et à la disposition des nombreux
objets trouvés dans le caveau sépulcral (i).
(1) ScHAYES, la Belfjique, etc., Il, [i. 462. M. VandkrRit (Étude roproiluite
\yA\'\c Journal de Varchit.^ 1851), reporte jusqu'aux Antonius i'aclièvenieiit des
voies seeondaiics de la Heshaye; mais d'après ee qu'il a dit à l'auteur, ccu'estla
qu'une approximation, et il n'est pas éloigné d'accepter le règne d'Hadrien comme
époque de l'établissement de la chaussée de Nivelles dans sa partie qui se dirii;c
de Fresin sur Avernas-le-Baudouin. V. cep. Bull. Acacl. roy. de Belg., XVI, 2",
p. 455, à propos de l'opinion de M. Vander Rit.
(2) Vandek Rit, ihid., p. 71.
(3) Comm. roy. des Momim., séance gén. de 1862, p. 57; il n'y a donc rien
d'antinational, quoi qu'on en ait dit, h soutenir l'origine romaine de ces lumulus.
(i) V. sur toute cette matière, le chai». XXXII de Githerus fap. Gkaev., XII,
— 186 —
La tombe centrale était bien certainement consacrée à la
séjuillnrc d'nn individu unique : cela résulte de la présence
d'un seul vase ayant servi principalement d'uriie cinéraire, du
grand bassin de bronze, autour duquel les autres objets,
comme pour lui faire honneur, étaient groupés. comme de
simples accessoires (0; d'ailleurs, si l'on avait eu plusieurs
personnages à inliumcr, pourquoi ne pas élablir autant de
caveaux distincts soit sous les deux tuniulus restés vacants,
soit même sous le tumulus médial?
La présence de certains objets en double échantillon a
parfois frappé les explorateurs de sépultures antiques (12),
et leur a fait supposer qu'elle indiquait une sépulture dou-
ble connue de deux frères ou sœurs. A Fresin , la nième
circonstance s'est révélée, et, si ce qui vient d'être dit est
exact, elle est indifférente : le caveau a offert deux paires
de petits vases aux libations (n"' 54 et 55, 40 et 41 ), deux
patines (n"' 57 et 58), deux patères (n'"42 et 45), deux
cruches de bronze (n"' 24 et 28), sans compter cinq lampes
funéraires (5). Apparemment que dans les cas où l'on élait
restreint à un petit emplacement comme celui d'une fosse
de cimetière, et où l'on ne pouvait réunir qu'un nombre
peu considérable de vases, l'on recherchait la variété des
|). 1246). Qiiœ in sepulchris ciiin coriioribus cnnderentur. V. aussi dos observa-
tions tic MM. DU Traignkalx et iji;i. Makmol [Ann. Soc. arcliéol. de ?ianiit)\ IV.
p. 9i, et VII, p. 50), et Lehon {Revue d'Iiisl. el d'archéol., III, 5G).
(1) Cochet, Non», sont., pp. 14, 15,28; Roach Smiïii, Colleclanefi aiiliqiia,
pnxsim. M. dei. Marmol énonce cependant, mais sous forme d'un doute, l'opinion
que lorsque dans une sépulture l'on trouve i»!usieurs vases contenant des cendres,
cette sépulture a pu servir ii plusieurs {Ann. Soc. arcliéol. de yamur, VII, p, 29).
(2) CociiKT, Sépitll. fjrnil.. p. (il) ; .jor.v , Mess, des scienc. Iiisf., IH'i."),
p. 4^53.
(3) V. aussi Itcriic d'Iiisl. cl d'orrin'ol., III, p. ."iT.
— 187 —
fornics pour lioiioror le inorl, eu dorinîml plus d'éclat au
mobilier du toinhciau. Mais, lorsque la prodigalité des survi-
vants s'ap])liquail surtout à remplir de nombreux objets un
vaste tombeau, on ne devail plus avoir le même souci de
ne pas se répéter : la quantité rachetait la (pialilé, (pn', du
reste n'a pas été négligée àFresin ; puis cette recherche était-
clle bien possible de la part d'mie armée en pays ennemi,
qui devait nécessairement se contenter des objets transportés
par elle dans ses bagages? N'est-ce pas In raison poui-
laquelle dans la tombe Hémava (i), à défaut s;ins doiilc
d'autres vases, l'on a enfoui ce (pie nous a})pellerions aujour-
d'hui un service complet de table en terre samienne , des
plats, des assiettes, des soucoupes, etc., en plusieurs échan-
tillons de chaque forme, tandis qu'à Fresin , à Omal,
sépultures de la même époque (pie la tombe Hémava, la pré-
férence a été accordée aux vases de bronze et de terre cuite ,
abstraction faite presque complètement de la poterie sigillée?
Le nombre considérable de vases ou récipients quelconques
lrouv(^s à Fresin (onze ou douze en verre, dix en bronze,
vingt-deux en poterie), sans compter une foule considérable
d'accessoires, ne doit pasétomier; c'est là une circonstance
fréquente dans les sépultures antiques, où les objets funé-
raires forment les groupes les plus variés (2).
« Pour le vulgaire, dit l'abbé Cochet (3), qui n'aperçoit
ni ossements, ni squelettes, il n'a nullement l'idcîe que ceci
(i) Bull, des Comin.roij. d'Art et dWrchéol. [, p. 121.
(2) En voir des dessins dans Roach Smith, Cotlectanea nntiqua, pi. xii et
autres; Cochet, Norm. sont., p. 28; Archéol. céram., p. 10, et Joi.y, Mess, des
scienc. Jiist., 1819, p. 208; 1831, p. 35, etc., etc.
(3) Norm. sont., p. 29.
— 188 ~
soit une sépulture; il croit plutôt à un ménage antique, à
une fabrique de poterie, à l'ollicine d'un marchand. En
reconnaissant que tous ces vases ont été volontairement
ensevelis sous terre, il s'étonne et se demande pour quel
motif on a pu laii'e aussi inutilement une aussi grande dé-
pense de poterie. » El M. Joly (i) renouvelle l'observation;
ses fouilles lui avaient révélé un jour un grand nombre de
vases de terre cuite, « ressemblant, dit-il, à de petits pots
à onguent, tels qu'on en voit chez les pliarmaciens. Aussi
les ouvriers se disaient-ils en plaisantant qu'ils venaient
de dénicher tout l'altiiail d'im apothicaire des temps
anciens. »
Et l'idée vulgaire (2) se comprend : l'abbé Cocliet fouilla
un jour la sépulture d'une femme artiste, à côté de laquelle
ou avait descendu dans la tombe tout son mobilier de pein-
ture, des flacons et des fioles par douzaines; dans une
seule fosse, l'on a trouvé même jusqu'à ({uairc-vingt-sept
vases dont cinquante-six en verre (3).
A quoi donc, se demande-t-on, servait cette vaisselle abon-
dante dont les anciens couvraient pour ainsi dire leurs morts
des pieds à la tète (4)?
(i) Mess, des scienc. hisl., 18i6, p. 106.
(2) Il a été rapporte à railleur qu'il y a quelques auitées dans un endroit de la
Hcsbayc qu'on n'apu préciser, on avait aussi mis la main un jour sur « toute une
pharmacie soutcri'aine ; )i tant il y avait là de vases divers contenant une espèce de
liquide ; malheureusement ce fait ne repose que sur une tradition vague, et on ne
ie cite ici que conmie preuve de rinipressioii produite sur le ])eu|)le par le grand
nombre de vases enfouis dans les tonibeau.v anciens. Il n'est pas impossible, du
reste, que cette tradition ne soit relative à la découverte d'Overwinden déjà citée.
(3) Cochet, Archèol. céram., p. 5. V. aussi ISon». sont., pp. 06, 7o, 91 ;
Sépull. gaul., pp. ■il, 45.
U) Cociiivr, ^orm. sont., pp. HTt cl l'J.j, Aniti'ol. rcram., p. 1 1.
— 189 —
Il sera facile de répondre à celle quesliuii, en relisant le
passage des Fastes d'Ovide (i), où ce poëte décrit les céré-
monies du culte des mânes : ce sont les présents funèbres
apportés sur le bûcher refroidi, les tlours déposées sur le
couvercle de l'urne sépulcrale, des essences, des grains de
blé, du sel, un pain amolli dans le vin, la nourriture dé-
posée pour rassasier le défunt, etc., etc.
Tout dans cette description respire le matérialisme païen :
la mort était moins le terme de l'existence qu'une nouvelle
manière d'être, secunda vifa, comme dit Valère Maxime,
une sorte de continuation de la vie au sein de la tombe,
résidence des mânes divinisées (2) auxquelles restaient cer-
tains des goûts, des habiludes et des ressouvenirs de la
terre; à ces idées, dit M. Raoul-Rochette (3), nous devons
le mobilier de la tombe qui a servi à former nos Musées,
et qui continue tous les jours encore à les enrichir et à les
orner; et à ce mobilier nous devons presque toutes nos con-
naissances archéologiques.
A mesure que les peuples se sont spiritualisés, les sépul-
tures se sont appauvries (4) ; elles étaient bien riches dans
ces temps de paganisme : sur les vases contenant la boisson
(1) Est lioiior in tumulis...
... in cxstinctas mimera l'erto pyras...
Tcgnia projpclis satis ost velata coronis ;
Et sparsœ frugps, pancaque mica salis,
In(nie mero mollila Ceres, violaeqiie solut.c.
... posilo pascilnr ninbia cIIjo.
{FasI., II, 555 à 570.)
... Exstincto feralia muucra ferto,
Deque tnis lacrymis luimida serta dalo.
{Trist., m, 3, 81.)
(2) GUTHERIUS, p. 1155.
(s) Nouv. Mém. Acad. des Inscript, et bell.-leltr., XIH , p. 585.
(*) Cochet, Norm. sout., pp. 16 et 199.
— 190 —
et les îilimeiils deslines ;iii dérmil {i), ruii gravail ces inscrip-
tions « Félix bibas! Utere felix! » A côté de ces vases on
en déposait d'antres contenant de l'eau Iraiclie, du lait, du
vin, du miel (2); on les accompagnait de récipients de toute
nalure, d'objets destinés aux cérémonies tunèbres : vases aux
offrandes, aux essences, à l'eau lustrale, lampes sépulcrales,
fioles lacrvmatoires, brùle-parfums; on y ajoutait les osse-
ments des victimes immolées aux mânes du mort, et les objets
(|ui avaient été cbers à celui-ci {-1), ou dont on croyait qu'il
aimerait encore à se servir dans le royaume des ombres
(ornements, jeux, etc.), enfin les armes ou ustensiles rappe-
lant des particularités de la vie terrestre du défunt (4).
La législation civile et religieuse du christianisme ne cessa
de protester contre ces ])ratiques (pi'il fut bien difficile de
déraciner; les (^apitulaires et les Conciles, notamment celui
de Leptines, prohibèrent ces dadsisas ou f(^stins sur la
tombe, dont une part était réservée au défunt (5); les Pères
(1) KincH.MANN, de fnncribus, pp. 487 et 5:21. iloniic réiiuniération dos (liflt'-
reiits aliments, etc., contenus dans ces vases.
(2) GuTHEiiHîs et MoRKSTKU.us, pass'iin; dk Montfaixon , V, \). oi; Cochet ,
Sorm. sont.,]). 195; Aij.\m, Antiq. rom., 11, p. 547 ; Sciiayes, la lîelgique, etc.,
Il, pp. 298 et 301. Ce dernier auteur parle plus spécialement des Germains;
mais il est à remarquer qu'ayant pris à tâche de s'occuper particulièrement des
populations belgiques avant et pondant la domination romaine, en faisant abstrac-
tion des conquérants comme s'ils n'avaient fait que passer sans lais.ser de traces,
.M. ScHAYEs rapporte constamment les anciennes sépultures aux Gaulois et aux
Germains, en leui' attribuant ce qui parfois, peut-être, devrait être laissé aux
Romains.
(5) « Cum rcbiis qtiax dilcxcrdiil liomincs xcpclii'baitliir. » (Sbkvu's, nd lib. X,
.'Encid. )
(i) MviiC.iEi!, /. cit., pp. X et 159.
(.■î) Caimt. VI, c. 197: « Admoncautiir fidelcx ut ad ftuos morluos non agani
en qi((i' de paqnnnrum rit a remnmenmt . FA f,uper mortuorum tinniilos depaqano-
riini rihi uec mrnidiiciirc tier b/berc piursiuneiil. » (Heineccils, Corp. jtir.
— 191 —
(le rEii'lise essayèrent jnoiiic dV'inpIoyer Tanne du ridicule
pour faire ressortir l'étrange contradiction qu'il y avait à
i)rùler d'abord les morts de la manière la plus atroce, puis
de les nourrir de la manière la plus goulue (i).
Toutes les destinations diverses qui viennent d'être rele-
vées, conservation des cendres du défunt, nourriture de ses
inànes, etc., etc. , étaient représentées dans la tombe de
Fresin. Il serait superflu de rechercher ici spécialement
l'emploi de chaque objet particulier; le travail, à l'aide des
indications recueillies et des points de comparaison rappelés
plus haut (2), sera du reste des plus aisés pour les archéolo-
gues qu'il intéresserait.
Cet ensemble remarquable où rien ne fait défaut des
usages antiques, est déjà à lui seul, indépendamment de
l'élégance et du choix des objets, un indice incontestable de
l'importance de la tombe de Fresin. Fn etîet, chez les anciens,
les sépultures vulgaires étaient de simples fosses contenant
quelques tessons recouvrant des cendres déposées sur le sol
nu (X); l'emploi de vases dénote déjà une aisance relative;
Ccrman., p. 1331). Capit. d'environ l'an 74i : « Ut superstitiones quas qiiibus-
dam inlocis in exsequUs morlnorum normuUi faciunt eradicent. « (Id , p. 1512
et l'io9).V. aussi un Capitul. de Carloman de l'an 747. (Id., p. -i88), et Vhidicii-
liis Huperstitionum du concile de Leplines (les Estines en Hainaut), ap. Schayes,
la Belgique, etc., II, 14-3 et Th. Lejeuse, Acad. archéol. de Behj., t. XIV,
'><= livi". Le croirait-on? en plein xix»- siècle, dans les environs de Stavelot, les
exhortations des curés ne sont pas parvenues à empêcher, la nuit de Noël, le
dépôt d'aliments sur les tombes des cimetières {Ann. de la Soc. d'arcliéol. de
Namur, VII, p. 56).
(1) « Ego magis ridebo viilgiis , disait Tertllme.n, tune quoque eum ipsos
defunctos atrocissime exuril, quos postmodum gulosissiine nutrit. » [ap. Gu.^v.
Ml, p. 1015).
(2) V. aussi Batissier, pp. 508 et 509.
(3) Ann. Soc. archéol. de Naniur, Vil, p. 28 V. cependant ropiiiion de
— 192 —
mais celui de lampes sépulcrales (i), de colïrels funé-
raires (;2), de vases de bronze, et surtout de vases de verre
alors très-rares et lrès-})ré(;ieu.\ (r>) , rensevelissement de ce
mobilier sous un lumulus (ô et l'éreclioii laile en même
temps de deux autres lumulus purement bouorili(pies élevés
à i2,Taud renfort de bras par les soldats de toute une légion
peut-être, tout cela est un indice évident de l'opulence du
(It'funl. Qu'est-ce donc (juand, parmi les objets mis au jour,
on ti'ouve, en outre, quelques exemplaires revêtus de la
forme arlisti(pie la i)lus ricbe et la plus élégante? Les fouilles
de Fresin qui ontrévélé un seniblable trésor, sont d'autantplus
importantes, au point de vue ai-cliéologique, que jusqu'ici Ton
s'était accordé à considérer les tumulus trouvés dans noire
pays, comme offrant en l'ai td'art, si non tout à fait de la pauvreté,
au moins fort peu de chose qui fût digne de remarque (o).
(Ji'TiiEr.iis souvent rériitc(Mlepuis par les laits (//;>. Gr.ev., \II, p. 1:225), d'après
laquelle « ciipœ, ollœ, ossuariw, iirniv, (tmpitUœ, phi(tla\ scpiilchrn sioit plebis
cl pauperiorum.t)
(i) D'api'ès LiCETUs, n non nisi e noblliuni sepitlcliris IiiijksdkhH luccnur
cniuntiir. «
{-i) C'est l'opialoii de de Bast et de Caumost, V. Joi.v (Mess, des scicnc.
Iiisf., 18io, p. ioô).
(ô) Cochet, Norm. sont., pp. 81 et 185; de Cxnw^i, Cours d'aiiliq. nionim.,
H , I). 252 ; JoLY, Mm. des scienc. hist., 18i8, pp. 400, 402 et 405; Ihill. Acad.
roij. de BeJg., \\\\ 1, 491; Batissieu, Hist. de l'art monum., p. 510. On rapporte
que sous Néron l'on paya jusqu'à GOOO sesterces deux coupes en verre; V. aussi
Nouveau Dictionnaire de la Conversation, v" Verre, p. 575 ; Laboulaye, Dict.
des arts et manuf.. Il" vol., 2"= part., v° Yerre; et Complément, p. 81. Pein.,
XWIII, 2, XXXVl, 46, et XXXVII, 10, où il est dit nettement que les vases
eti verre coloré, comme l'est la liole-grappe de Fresin , avaient de son temps
chassé les coupes d'or et d'artrent. V. cep. de Montfaucon, III, qui, à propos de
sa pi. iAxix,émet l'avisque le vcri'eétait commun chez les anciens inmi' iKinteilles,
coupes et tasses.
(i) Schayes, la Bdqiqnc, etc., I, pp. IIS et IH); .1»//. Soc. arcliM.de ^a-
miir, IV, p. 21, et VII, p. 419.
(r.) CxALESLoiiT, liitll. Acad. roii. de Itclu., \iV, 1", p. 490.
— 195 —
BioiHiiiolaposilioii respective des vases ne semble pas avoii'
élé soumise à des règles invariables (i), il est intéressant de
prendre note de la place exacte occupée par cliaque objcl ;
c'est ce qu'a fait la pi. ii ci-dessus, où il imporle de lenir
compte du bouleversement du sol, et qui a empêché de
vérifier si, comme ailleurs (V), les vases étaient placés par
rangs de trois ou quatre; cependant un rapprochement re-
marquable a pu être saisi avec le tumulus de Champion
exploré par M. del Marmol (5), et avec les sépultures de
Schaerbeek (4) : l'urne cinéraire se trouvait égalen)ent
déposée en tête de la chambre sépulcrale du côté du Midi,
et les lampes sépulcrales avec la cruche à huile du même
modèle que la lagune n" 51', étaient placées dans 1(ï coin
gauche de la partie inférieure; dans le tumulus de Seron (■;;,
les poteries secondaires étaient, comme à Fresin, rassem-
blées l'une contre l'autre; enlin, bien qu'on considère l'orien-
tation des tombes , tète à l'Ouest , pieds à l'Est , comme
l'attribut des tombes dites celti(]ues (c) et des tombes
chrétiennes (7), la fosse de Fresin, connue beaucoup de sé-
(i) Mess, des scienc. hist.^ 1819, p. 208.
(2) Arin. Soc. archéol. de Nnniitr, II, p. :20.
(3) IMd., II, p. 75.
(i) Reimed'hist. et d" archéol., II!, p. r>7.
(5) Ilrid., IV, p. 20.
(g) Bxt\ss,iER, Hist.de l'art monum., p. 511 ; Eue. Van Bemmei., Etudes sur
les monuments druidiques, pp. 20 et 26 {Revue univ. des arts du bibliophile
Jacob, IV, p. 195 et siiiv.).V. contr. Schayes, la Belgique, etc., I, pp. MSet 119,
(pii parle de corps placés dans les sépultures la tête tournée au Nord.
(7) A. iMuRciER, /. cit., p. 29; Lebeuf, Dissertation sur l'histoire de Paris,
t. I, p. 261 etsuiv. ; Pior, Revue d'hisl. et d'archéol., II, p. 502. Telle est aussi
l'opinion de de Caumont, rapportée par le Bull, de l'hisl. archéol. liég., H,
pp. 465 et 485.
— 194 —
pultiires romaines (ij, a son axe dirigé du Sud-Ouest vers le
Nord-Est, c'est-à-dire vers le point extrême de l'Orient où le
soleil se lève au solstice d'été, et le groupe tout entier est
aligné dans le sens de la longueur de la fosse {'■i).
Quant aux points de dissemblance avec d'autres S(''pul-
tures, ils sont assez nombreux et il convient de les
signaler.
Dans la plupart des fouilles faites jusqu'ici dans des sépnl-
tures romaines, l'on remarque presque toujours mi cou-
vercle quelconque sur le vase cinéraire principal ; c'est là,
en termes généraux, la tegula d'Ovide ; parfois cette tegula
est une tuile dans le sens propre du mot, d'autres lois
c'est un couvercle soit upj)art(Miant au vase lui-même, soit
provenant d'un autre vase, ou bien une pierre plate, une
assiette, un trépied en terre noire (3), un bol de verre ren-
versé sur une urne de même matière (4), ou enfin nnc
(1) PioT, /. cil. , 1 1 , p. 30 1 , et la mémo Ueriie, IV, pj). f>9 et 65; Ann. Snr. archéol.
deyamur. II, pp. 01 et 7o; III, p. 202; Piiblicat. Soc. de Linciidwiirg, i8o{),
|). 201. Tous les tiiiuiiliis loiiillés jusqu'ici dans la Hcshave linibourgcoi.sc,
il Mcl (au Tombosch) , connue à Montenakcn (tombe Iléinava et tnee tomwen),
présentent un caveau creusé dans la même direction (pi'a Kresin; il en était de
même du caveau d'Oniai exploré en I8(J2.
(2) liATissiER, Éléments d'arcluhd. nation., p. 175,;! propos des tumulus
oblongs, et A7in. Soc. archéol. de Namiir, \\, p. 15. Le caveau découvert à Ornai,
en 18t)2, par M. Thirion, a également son grand axe dans le même sens ciue la
ligne des quatre tombelles du Gouvernement.
(s) De Caumont, Cours d'antiq. inoniim.. Il, p. 257; (".(((.iikt, iVo/v//. sont.,
\)\). 28 et 105; Sépvlt. gaul., pp. 43, \'.i et i7 ; .\. Iîk.h, n'" Urna v[ Epiclujsis;
ScHAYKs, la Belgique, etc., Il, p. 56-i et suiv. ; l'iscnAirr {Mém. .\cad. roy.
de lietfi., sav. élr., XXIII) .Notice citée, p. 12; liuU. Soc. liist. et litt. de Tournai,
I, p. DH; Mess, des scienc. liist., IS-i9, p. 207; .!««. Soc. archéol. de Kamur,
t«:>l, pi. I, n"' 8, '.) et 10; pi. II, n"' i, (i, 7; VII, ii. 2tJ5; lirritr unir, des arts,
XIV, p. 71.
(*; PisToi.Kzi, Museo borlmn., V, pi. X(,iii,cl l\, pi. i.xxv.
— l9o —
plaque sur laquello se trouve gravée rinscriptioii I'uik'-
raire (i).
Souvent, aussi l'on signale, sous l'urne principale, une
assiette, une palère, un objet quelconque en guise de pié-
destal (-2).
Enfin l'on a (pielquefois découvert dans les vases les plus,
grands et surtoutdans rurneprincipale(ô), une foule d'objets
de petite dimension, comme des fioles en verre, des vases
aux libations, des cuillers, des fibules, des tablettes, des
bagues, des monnaies, etc.
L'espace considérable dont l'on disposait à Fresin a-t-il
fait préférer l'étalage des objets à leur superposition, motivée
ailleurs par le désir d'occuper le moins de place possible?
Toujours est-il (|u'à Fresin , sauf toutefois les deux patines
n"' 37 et 58, qui paraissent avoir été placées au-dessus du
grand vase n° 53, tous les objets étaient posés directement
dans la couche de cendres du fond. Quant à l'urne cinéraire
en bronze, elle a présenté cette particularité que les cendres
se trouvaient dans le bassin concave servant de couvercle,
et que rien n'a été placé au-dessus pour les recouvrir; car
l'on n'a pas rencontré dans toute la fosse un objet assez large
pour boucher l'orifice du bassin , et aucune trace de bois
trouvée aux environs du vase ne permet de supposer qu'une
planche ait été spécialement employée à cet usage. Quant aux
menus objets que l'urne cinéraire a pu contenir, il y a lieu de
(i) A. RicH, \° OUaossiuiria.
(2) Mess, desscienc. hisl., 1844, p. 526; iUo, p. -428; 1849, p. 108.
(s) Cochet, Nonn. sont., pp. 15, 28 et 6(3; Sépiilt. (jauL, pp. 42, .45, -i5 et 47;
V. aussi ScHAYEs, la Belgique, eU:., 1, p. 501, pour les sépultures dites par lui
sermaines.
— 1% —
restreindre l'hypothèse à la cuiller et à la spatule, ainsi qu'à
quelques-uns des grains de collier ou des jetons dont la po-
sition véritable n'a pas été déterminée, peut-être aussi aux
deux pièces de monnaie, quoiqu'il y ait plus d^ vraisem-
blance à su})poser qu'elles furent placées sur les bords du
bassin n" 1,11 est du reste à remarquer qu'ailleurs les objets
de parure, et sans doute aussi la plupart des objets d'impor-
tance secondaire, étaient le plus souvent jetés ;ui liasard
dans le groupe funéraire (i).
La sépulture de Fresin se signale encore par l'absence de
la cruche vide, placée invariablement d'après l'abbé Cochet (2)
à côté de l'urne, ou de l'amphore trouvée constamment à
l'Orient du groupe par M. Joly (5) ; mais peut-être ces diffé-
rences tiennent-elles uniquement à la cause déjà indiquée, à
savoir l'emplacement considérable dont on disposait et qui a
pu augmenter la distance des objets entre eux et faire varier
leur position relative dans le caveau.
Quanta la destination des objets funéraires, il est indubi-
l;iblo <|u'elle n'avait rien d'al)solu; ainsi, la présence en cer-
taines sépultures de parfums dans des vases de bronze (i)
ou de verre (5), de traces de vin ou de lait dans des poteries
ordinaires ((>) ou en terre sigillée (7), de cendres ou d'osse-
jnenls dans une criiclu; de terre du typii a])j)elé pul (tu jeu
(1) Mess, des scieitc. Iiist., 18i'.), p. 209.
(2) Norm, soûl., p. lOÔ.
(3) Mess, desscieuc. Iiisl., I8i8, pp. :2.")U, et I.Si!», p|i. -2(17 et 20!).
(4) CdCHET, yorni.soKt., p. l'Jj.
(0) il). , p. 70, et Itevue d'Iiist. et d'arcliéol., 111, p. -ii,";.
(c) Mess, des scienc. liisl., 18 55, p. 425.
(7) De Caimo.nt, (loiirsd'untiq. mon.. II. p. 2ui.
— 197 —
par l'abbé Cochet (i), ou dans un vase de verre (2), de vases
bu de coupes en verre pour offrandes ou libations (3), ne
peut être érigée en règle; on se servait par occasion des
objets que l'on avait sous la main, sans que l'emploi de tel
récipient plutôt que de tel autre fût systématique.
Pas non plus au fond des vases de Fresin, de ces gravois
qui ont fait fait supposer à l'abbé Cochet (i) que des vases
à parfums ou à libations, auraient été jetés avec leur contenu
sur le bûcher et brûlés en même temps que le cadavre ; pas
de ces terres charbonneuses trouvées par M. del Marmol (5)
tout près de la chambre sépulcrale du tumulus de Seron; ni
de ces aires de plusieurs pieds carrés dont le fond était con-
stitué de terre ou de sable bien tassé, et dans lesquelles on
recueillit, sous d'autres tumulus, des fragments des vases
en verre et en terre cuite (e). TMais l'absence de ces détails
à Fresin n'a aucune importance, et, de leur constatation
en d'autres lieux, on ne peut tirer aucune déduction pro-
bante.
Un seul point reste à élucider; il concerne l'incinération
elle-même et le dépôt des cendres ou des ossements dans un
certain nombre de vases différents.
Il y a lieu d'abord de faire complètement abstraction, dans
cet examen, de certains ossements en assez grande quantité
(1) Norm. sout,, pi. vi; Sépult. gaul., pp. 4-3 et 43; Ann. Soc. archéol. de
Namiir, VII, p. 411.
(2) Revue d'hist. etd'archéol., III, p. 443.
(3) Revue univ. des arts, XIV, p. 71.
(4) Norm. sont., p. 167.
(s) Ann. Soc. archéol. deNamur, IV, p. '21.
(e) Ibid. Peut-être s'agissait-il de parties déjà visitées par de précédents
explorateurs?
i3
— 198 —
trouvés à l'endroit u" 46 de la pi. u (i), au milieu d'une
couche de charbons el de cendres : ces ossements, soumis
à l'inspection du savant et obligeant professeur Spring, ont
été déclarés, par lui, appartenir à un ruminant conmie le
mouton ou la chèvre, à celui-là plutôt qu'à celle-ci; ces
ossements, au moins la plus grande partie, n'avaient pas
subi l'action directe du feu et ne peuvent donc provenir
que de chairs placées crues ou cuites dans la tombe, soit
de victimes immolées en l'honneur du défunt, soit d'aliments
offerts à ses mânes (2); la dissolution de ces chairs avait
produit autour des os, une sorte de terreau, et d'autres
sépultures ont donné, du reste, des ossements non calcinés
d'animaux (5).
Restent une quantité d'esquilles calcinées et réduites en
fragments si menus qu'il a été inqjossible de les attribuer
avec certitude à un être humain : peut-être quelques-unes
de ces esquilles ont-elles été fournies par les restes d'ani-
maux jetés dans les flammes du bûcher (i) ; mais il est
(i) Dans un coin de la grande caisse de bois, ou peut-êU'e en dehors de cette
caisse.
(2) Les animaux immolés en l'iionneurdu délunt. sont, outre le mouton {Ann.
Soc. arch. de Aamur, IV, p. 5G5, et VII, p. o), le porc, le bœuf, le chevreuil,
les oiseaux (gibier ou volaille) ; cependant la présence de terriers de renards dans
kl plupai t des tumulns fait parfois douter de la destinaticm funéraire des osse-
ments de ces derniers (lbid.,1. cit.; V, p. 188; VII, pp. U et ^5; liuU. Soc. hist.
et litt. de Tournai, I, p. 92). Batissikr, Hisl. de l'art monum., p. 309, cite
même des arêtes de poissons ou des écailles d'unifs (pii semblent plutôt se rap-
porter a une destination alimentaire.
(3) M. H.vuzKUR, Ann. Soc. archéol. de A'am«/-, IV, p. 365.
(4) KmcHMANN, De funeribus, p. -289; Mokestellus, cap. Vil {ap. Gr^ev.,
XII, p. U37 et suiv.); VLK.,Epist. Il,lib. IV, etc. On en voit aussi un exemple
dans Tacite, Mor. Germ., xvii, pour les Germains qui, avec le défunt, brûlaieni
son l'heval.
— 199 —
probable que la plus grande partie vieni du corps du défuiil
livré aux Ilammes.
Quel a été le but de cette désorganisation du corj^s hu-
main [)ar le feu ? A en croire Pline (i), le but de la crémation
a été le désir de soustraire les restes mortels à des outrages
posthumes. Les anciens auraient-ils eu, en même temps,
pour but de transformer le cor|)S en une cendre indestruc-
tible et en un incoiTuptible calcaire (-i)l Mais cette supposi
tion n'est-elle pas un peu recherchée? Ne se baserait-elle pas
uniquement sur le sens du mot calcinatio? Or, ce mot qui
n'est pas de la haute latinité, avait dans le principe le sens
d'oxydation des substances métalliques par le contact de
l'air qui en enlevait ce qu'on nommait phlogistique; seule-
ment depuis les progrès de la chimie, science toute moderne,
le mot calcinalio, plus conforme à son étymologie, signifie
l'opération ayant pour objet de séparer, sans le concours de
l'air et par l'effet unique de la chaleur, les parties volatiles
d'une substance quelconque organique ou minérale, et de
transformer le carbonate calcaire en chaux vive, ]iar le déga-
gement de l'acide carbonique du carbonate (5). Pour
employer le feu, l'élément destructeur par excellence, dans
le but de purifier et de conserver plus longtemps les restes
des morts, il eût fallu que les anciens eussent en fait de chimie
des connaissances bien avancées pour leur époque; en outre,
à la profondeur de la fosse de Fresin, de semblables précau-
tions, en les supposant raisonnées, étaient bien superflues.
(1) A. MURCIER, /. c//., p. 7.
(2) Cochet, A'orm. sont., pp. 16 et 163.
(3) Dict. des arts et manuf., et Dict. de la Conversation, au iiidl (.alchiatwn.
— 200 —
car, à la diiïérence do nos cimetières qui altèrent, assez les
matières organiques pour permettre de creuser de nouvelles
fosses au même endroit tous les cinq ans, la sépulture de
Fresin, à côté d'ossements calcinés, en a fourni d'autres ou
complètement crus, ou seulement cuits avec la viande qui
les entourait, et tout aussi bien conservés que les premiers;
enfin, quelque matérielles que fussent les croyances des an-
ciens, ils ne se faisaient pas illusion sur l'anéantissement
complet de l'organisme humain : corpus i(/ni abolition, ut
romanus mos, disait Tacite dans son langage énergique (i);
cette destruction qui, chose bizarre, était chez eux compa-
tible avec le culte des morts, ils l'exagéraient encore,
s'il est vrai que les esquilles concassées l'aient été à des-
sein comme en d'autres sépultures (2), et si nous, explora-
teurs, ne nous sommes pas trompés, en attribuant à une
intention déterminée plutôt qu'à un accident, le mélange
de cendres et de verre pilé trouvé là où avaient été des
coffrets.
MM. Joly et del Marmol (3) remarquent que jamais les
cendres n'occupent la capacité entière des vases où elles sont
déposées et qu'elles se trouvent jusque dans les vases les
])lus petits (observations confirmées à Fresin, avec la restric-
tion que des cendres de la couche inférieure ont pu s'intro-
duire dans les vases renversés), se demandent si un peu de
(1^ .4mw., XVI, 6. Le chrétitMi Minuties Fki.ix disait (in Octavio): nec inter-
est utrum fera' diripiant , an maria consumant, an humus contegat, an (lamma
aubdncat.
(2) (Cochet, ^orm. sout., p. 1 î ; Sépull. nfiiiL, pp. il et io.
(3) Mess, des scienc. Iiisl., 1819, ji. "201, et 1S;JI, p. .")'(; Ann. Soc. archéol.
(/(' .Vfl/n«r, VII, p. 29.
— 201 —
cendres et d'os, pouvant parfois tenir dans le creux de la
main, est bien exactement tout ce qui reste d'un corps hu-
main soumis à l'action du feu. M. Joly ne se contente pas à
cet égard des explications tirées des méthodes plus ou moins
perfectionnées de crémation, et suppose qu'on j^rcnait seu-
lement des cendres du cadavre, la quantité jugée suflisante
pour la consécration des vases funéraires dédiés aux nirànes
du défunt (i).
L'inhumation n'aurait été de cette manière qu'une céré-
monie symbolique et fictive ; et il cite, à l'appui de sa thèse,
des exemples d'urnes de grande dimension, ne renfermant
qu'une pincée de cendres; il ajoute enfin que si l'on avait
pris soin de rassembler tout ce qui restait du défunt sur le
bûcher, cette quantité devait varier à chaque incinération,
et être parfois assez grande pour remplir complètement
l'urne.
D'autres archéologues, s'appuyant sur les mots ossuaria,
ossilegium, pensent que l'unique souci des anciens était de
recueillir à la main les ossements, abstraction faite des cen-
dres proprement dites, et ils croient que la poussière cendrée
provient des ossements en partie réduits en poudre par le
temps (2).
Quant à cette dernière opinion, elle se réfute par la consi-
(i) « Quelques poignées de cendres étaient recueillies sur le bûcher pour être
déposées dans la tombe, » disent aussi les Ann. Soc. archéol. de Aamtir, VII,
p. 418.
(2) V. sur cette matière: Kirchmann, De fiinerilnts, pp. 509 et suiv.;GuTHERiL-s,
cb. XWU, De reliquaruin co//ec/WHe (ap. Graev., X II, p. 1454), Morestellus,
ap. etimd., p. 1441 ; celui-ci résume la controverse entre Casaubon et autres
sur les moyens employés pour distinguer les cendres humaines des autres résidus
du foyer; v. aussi Sch/epfflinn, Ahatia, p. 314.
— 202 —
dération qu'à Fresiii on n parfaitement discerné des dépôts
de véritables cendres d'une part, et d'ossements de l'autre,
à raison des places distinctes où on les avait placés dans la
sépulture ; l'urne principale ne contenait que des cendres
et pas d'os, et, puisque des os calcinés, qu'ils soient d'hom-
mes ou d'animaux, ont été retrouvés dans la sépulture, il est
impossible que les cendres du bassin n" 1 soient un résidu
d'ossements réduits en poudre par le (emps.
A l'égard de l'opinion de M. Joh , connue à l'égard de
celle qui verrait uniquemciil dans les quatre tas de verre pilé,
auxquelles les cendres auraient été confondues avec inten-
tion, un emblème de la fragilité humaine, il semble que le
symbolisme dont ces opinions sont empreintes sulïit à lui
seul pour les réfuter. Le peuple qui déposait dans les sépul-
tures du lait, du vin, du miel, du pain, du blé, du sel, des
victuailles de toutes sortes pour les ombres matérialisées des
défunts, aurait attaché une idée toute spirilualiste à la sépul-
ture ! Evidemment il ne peut en être ainsi. A quoi bon ce
bûcher colossal de Frcsin ; ce foyer activé pendant des
jours entiers et assez intense pour fondre le fer; cette peine
coûteuse prise pour réduire le corps en cendres ; si tout
devait se résumer en un emploi ])urement tictif de quelques
|)oignées de la poussière humaine? Pourquoi ce soin de cou-
vrir ri/.s7?"m?/»i lui-même de terre? pourquoi ces énormes
couches parallèles des résidus du bûcher, jilacées avec
intention dans la fosse, si l'on n'avait pas été inspiré par
une pensée pieuse ayant pour but de recueillir avec solli-
citude jusipi'aux (h'bris douteux (pii pouvaient contenir
encore quekpies piircelles humaines échaj)|>ées aux re-
cherches ?
— 203 —
Certes, en archéologie, comme on le disait |)liis liant, le
fait doit l'emporter sur la théorie, les fouilles dans le sol sur
les fouilles dans les livres; mais quand, au lieu du fait, on
ne recueille que des apparences, alors commence le rôle
de l'érudition; ce serait une erreur que de prendre celle-ci
pour base; c'en serait une non moins grande do ne pas
l'accepter comme contrôle.
Or, que nous disent les écrivains anciens? « Qu'une même
urne, disait Ovide, si petite qu'elle soit, nous contienne l'un
et l'autre (i). » «Fais, disait-il encore, fais transporter à Rome
mes ossements dans une urne modeste ; au moins après ma
mort, je ne serai plus exilé (2). » Ailleurs, c'est Tacite qui
représente Agrip))ine ramenant d'Antioche les cendres de
Germaiiicus, elles tribuns, ainsi que les centurions, portant
ces cendres sur leurs épaules dans la cérémonie des funé-
railles (3). Ailleurs encore, l'on nous montre Caligula rap-
portant à Rome les cendres de sa mère et de ses frères (4), ou
Plotine et Maltidie revenant de Sélinunte en Gilicie avec les
cendres de Trajan pour les déposer sous la colonne Tra-
jane (5), etc., etc. Or, à quoi bon ces voyages, ces transports,
ces cérémonies, si les vases, au lieu de contenir ce qui restait
(reltquiœ (e)) du défunt, étaient tout simplement des urnes
(ij Urna... nos baboat quainlilii'l arda duos.
{Her..\\, 1-21.)
{«) Ossa tameu facito parva referantur in urna.
Sic ego lion eliaiii moiLutis exsul ero.
{Trist., 111,3,63.)
(3) Ann., II, 75, et III, 2.
(4) Dion , LV; Sueton., /« Cff%. xv.
(5) Cantu, Hist. tmiv., règne de Tiajan, p. 9-i, Spaktian., in Hadrktn., v.
(6) Tacit., Ann. III, 4; Spartian., /. cit.; Jul. Capitol., in M. Anton., vi.
— 204 —
consacrées à ses mânes et contenant seulement une pincée
de ses cendres ?
Non, tout en réduisant à aussi peu que possible l'enve-
loppe terrestre dont l'ombre s'était débarrassée, les Romains
attachaient même à la préservation de ce « presque rien, «
une idée superstitieuse (i) : être privé de sépulture, était,
dans l'antiquité , la peine des grands coupables (2), et
pour empêcher les mânes de ceux dont on n'avait pu
retrouver les corps, de vaguer errantes, on allait jusqu'à
élever en leur honneur des sépulcres vides. Gomment
dès lors eût-on songé, pouvant le contraire, à laisser
hors de la sépulture une partie quelconque des reliquiœ du
défunt?
D'ailleurs, que l'on se re])résenle en imagination des funé-
railles antiques dans une contrée inhabitée, comme l'était
alors sans doute Fresin : le bûcher s'allume, la fosse est
creusée ; déjà les vases destinés à reposer au fond de celle-ci
sont apportés près du bûcher; ces vases sont en grand
nombre , soit qu'on veuille étaler j)lus de pompe, soit parce
qu'à l'avance il est impossible de déterminer de combien de
vases l'on aura besoin pour contenir les résidus variables de
la crémation, et parce que, à raison de l'éloignement de
toute habitation, l'on ne veut pas être pris au dépourvu.
Le bûcher .s'éteint; pour utiliser les vases consaci'és à la
sépulture et qu'on se ferait sans doute scrupule de raj)porter
vides, on dépose dans l'urne principale les cendres qu'on
(i) ScETO.N., in Caiig., lix.
(i) A. Mlrciek, /. cil., p. VI.
— 205 —
croit provenir des parties nobles; dans les vases accessoires,
les cendres des extrémités ou celles dont on doute (i). Voilà
comme nous agirions, si, païens comme les Romains de
Fresin, nous avions à procéder aux mêmes devoirs pour
l'un des nôtres. N'est-ce pas en effet le mode le plus simple
et le plus naturel ?
Enfin, au lieu de supposer un parti pris de ne placer
dans les vases qu'une partie des cendres, n'est-il pas plus
logique d'admettre que les urnes étaient autrefois plus rem-
plies qu'elles ne le sont restées; parfois, quand le temps faisait
défaut ou quand les éléments contrariaient les flammes, par
exemple, si le vent, favorable à la crémation (2), ne faisait pas
sentir son influence , la combustion devait rester plus ou
moins imparfaite (3). Alors, il a dû s'être rencontré des cir-
constances que l'opinion de M. Joly exclut, où les résidus
de la combustion ont été suffisants pour remplir les urnes
à plein bord (4), mais l'évaporation de l'humidité et la volati-
lisation des parties les plus subtiles ont dû sans doute dimi-
nuer le volume du dépôt et réduire le tas des cendres : ne
serait-il pas , en eff'et , téméraire d'affirmer que le contenu
(i) C'est aussi l'opinion de l'auteur d'une ancienne description d'antiquités
rapportée par M. Pinchart {Mém. de l'Acad., savants étrangers, XXII), I^otice
citée, p. 6; M. Schayes, la Belgique, etc., II, p. 5U4 et suiv., analyse également
plusieurs fouilles à Tournai , oii l'on trouva entre autres une petite urne dans
laquelle étaient déposés la phalange d'un doigt et un anneau de bronze brisé.
Autre chose est, on le comprend, la mise à part de certains membres, avant
(V. plus haut, p. 1-44) ou après la crémation; c'est de celle-ci seulement qu'il est
présentement question.
(2) MORESTELLUS, flj>. Graev., XII, p. 1435.
(3) En voir un exemple dans Suéton., in Calig., u\.
(4) V. du reste un exemple de vase rempli d'os et de cendres jusqu'à deux
pouces de leur orifice, dans les Ann. Soc. archéol. de Namur, II, p. 79.
— 206 —
des unies n'a pas varié depuis dix-sept à dix-huit cents
ans ?
La minime quantité de cendres trouvée parfois au fond
des vases n'a jamais donné lieu de la part de l'abbé Cochet,
l'homme du monde qui a peut-être remué le plus de sépul-
tures, à une observation semblable à celle de M. Joly; il
affirme (i) que les vases accessoires ne contiennent jamais
que les cendres qui n'ont pu trouver place dans l'urne prin-
cipale, et qu'on en rencontre tant au fond de tous les vases
à embouchure non étroite , que dans la caisse (unique le plus
souvent) où ces vases avaient été placés. A Fresin, comme
on l'a vu, l'on ne s'était pas même contenté de déposer les
cendres dans le bassin de bronze et dans d'autres vases au
fond desquels on en a trouvé; il semble que l'on ait voulu y
rassembler religieusement jusqu'aux cendres de bois du
bûcher, sans doute parce qu'on les croyait imprégnées du
sang du défunt, et en recueillir une quantité assez consi-
dérable pour en former trois couches parallèles se dessinant
très-netlement dans les parois du caveau.
Toujours est-il que, conséquents avec les })réini.sses posées
ci-dessus dans les observations préliminaires , les explo-
rateurs de Fresin on( cru devoir restituer à la tondje tous les
ossements humains ou douteux, ainsi que toutes les cendres
que les fouilles en avaient exhumées; et pour témoigner
de leur respect pour la sépulture, asile qui doit être inviola-
ble pour tous, païens comme chrétiens, nous avons ajouté
au dépôt la modeste inscription que voici , copiée sur
(t) Norm. xoiit., \). 1()7.
— 207 —
parchemin et placée dans une fiole bouchée de terre et de
poix :
AKNO MILL. OCTIXG. SEXAG. SECUNDO
REGNANTE LEOPOLDO BELGARUM REGE PRIMO
FAUTORE ALPH. VAN DEN PEEREBOOM PUBLIC. INTER. NEGOT. ADMINISTRO.
« Elatos ex juxinposiia fossa, deceni pêclibus deprcssa, cujusdani romani.
» niilit. ducis, cui sœculo post Christ, iiat. secundo incipiente, ad viam hic
« Nivellen^eni inter alios duos tuniulos médius tributus, cineres, vasis solum
» lagenis aliisque ulensilibus copiosis spendidisquc in archœologicœ scientia;
» comniodum retentis, veneranter repositos voluere, »
(Signé) J. Van Hamont, p. t. inagister loci de Fresiii (Vorsseii), amio magistratiis siii xxxviii;
A. Kempexeers, presb.;
1. Gérard, arch. e comit. reg. luonuni. unus ;
H. Scui'ERMANS, procurât, reg. e comit. reg. monuni . uiius
Après l'achèvement des louilles et en même temps que
nous rendions à la terre les cendres et les ossements qu'elle
nous avait prêtés, nous avons veillé avec soin à la restaura-
tion du monument sépulcral lui-même : les terres extraites
ont été replacées et foulées pour empêcher des vides et des
tassements intérieurs; avant quoi, les terres avaient été
préalablement passées par un tamis placé à l'entrée de la
galerie, travail auquel on doit un certain nombre de frag-
ments et quelques menus objets qui ont servi à complétei-
la liste donnée plus haut.
L'auteur a été heureux de saisir l'occasion de mettre en
pratique les recommandations pour la conservation des an-
ciens tumulus, présentées ])ar lui à l'assemblée générale dC'
la Commission des Monuments le 30 septembre 1862 (i).
Il a sollicité et obtenu du Gouvernement un subside, en
(<) V. au compto rendu, p. 51.
— 208 —
l'absence do ressources communales, à l'effet d'établir une
clôture autour des dry tommen; des haies de charmilles et
d'épines, entrelacées à des poteaux par des fils d'archal ont
été établies circulairement autour de la base primitive qu'on
s'est efforcé de reconnaître; ces haies ont été entourées de
fossés ; en outre il a été proposé au Gouvernement , dans le
but de concilier la conservation des haies et les intérêts de
l'agriculture, d'acquérir des propriétaires voisins la zone
de terrain nécessaire pour parfaire un parallélogramme
terminé par des lignes droites (i). Enfin, les administrations
communales de Fresin et de Gorlhys se sont engagées à
entretenir et à surveiller les clôtures nouvellement établies,
précaution sans laquelle toutes les autres pourraient devenir
superflues (2).
Ainsi il y a lieu d'espérer que ces antiques monuments,
souvenirs historiques si intéressants, échapperont à la des-
truction plus ou moins prochaine qui les menaçait, à raison
des envahissements , parfois insensibles mais continus ,
et parfois aussi très -brutaux, de la charrue et de la
bêche
H. SCHUERMANS.
Hasselt, \o avril 1865.
(i) C'est aussi par parallélogramme qu'a procédé le Gouvernement à Omal ;
seulement la haie plantée a la limite du terrain de l'Ëtat nuit à l'effet deslumuius
tandis que les haies circulaires en dessinent plus distinctement les bases.
{i} On peut en trouver la preuve à Waleffes, oii depuis deux ans la haie de
clôture établie autour de la grande Motte, lors de l'acquisition faite par le Gou-
vernement il y a une douzaine d'aimées, se trouve dans le plus déplorable
état, parce que la commune croit ne pas être obligée (un conseiller communal l'a
affirmé à l'auteur) de contribuer a l'entretien d'un monument qui ne lui appailient
plus. L'un des montants en pierre de taille de la porte d'entrée se trouve renversé
depuis deux ans sans que personne ait songé à le relever.
A r
ARRETE ROYAL
UNE INDEMNITE AUX COLLABORATEURS DU BULLETIN.
LÉOPOLD, Roi des Belges,
k tous présents et à venir, Salut.
Vu notre arrêté en date du 23 février 1861, portant qu'il
sera publié, jiar les soins du Ministère de l'Intérieur, un
bulletin des Commissions royales d'art et d'archéologie;
Considérant qu'il est équitable de rémunérer les travaux
des auteurs dont les communications seront admises dans
ce recueil ;
Sur la proposition de notre Ministre de l'Intérieur;
Nous avons arrêté et arrêtons :
Article premier. — Notre Ministre de ITntérieur est
autorisé à accorder une indemnité à raison de cinq francs
par page d'impression (in-8°, petit-romain, interligné), aux
auteurs dont des travaux auront été publiés dans le Bulletin
des Commissions loyales d'Art et d'Archéologie.
14
— 210 —
Art. 2. — Cette rémunération n*est pas applicable à
l'inscrlion, dans ledit recueil, des rapports ou autres pièces
dues à des membres des commissions olïicielles et qui seraient
la conséquence de leurs fonctions.
Ar.T. ù. — Notre Minisire de l'Intérieur est chargé de
l'exécution du présent arrêté.
Donné à Osborne, le 2 janvier 18G2.
LÉOPOLD.
Par le Roi :
Le Ministre de l'Intérieur,
Alp. Vandenpeereboom.
COMMISSION ROYALE DES MONUMENTS.
RÉSUMÉ DES PROCÈS- VERBAUX.
SÉANCES
des 2, 4, 11, U, 18, 21, 25 et 28 avril 1863.
ACTES OFFICIELS, AFFAIRES INTÉRIEURES, OBJETS DIVERS.
M. le Minisire de l'Inlérienr a fait connaître que le Dépar-
tement des travaux publics* ne peut étendre aux membres
correspondants la franchise accordée au président de la
Commission centrale, par la raison « qu'il est admis en
» principe de n'accorder qu'aux présidents des diverses
» Commissions établies la faculté de correspondre, en fran-
» chise de port, avec certains fonctionnaires et avec les
» membres de la Commission qu'ils président. Déroger à ce
— ^212 —
» principe en faveur de la Commission des Monuments,
» serait engager les autres Commissions à réclamer à leur
» tour un privilège qui ne pourrait leur être refusé, le
» précédent étant posé, et qui deviendrait la source d'une
» foule d'abus. » Le Collège insiste de nouveau pour
obtenir la circulation gratuite des dépèches échangées entre
MM. les Gouverneurs, à titre de présidents des comités
provinciaux et les membres correspondants de leurs pro-
vinces respectives. Les comités provinciaux s'assemblent
régulièrement une fois par trimestre et leurs attributions
sont réglées par des dispositions royales. Rien ne semble
donc s'opposer à ce qu'ils soient assimilés aux autres Com-
missions instituées par l'Etat.
M. le Ministre de l'Intérieur a consulté le Collège sur
le vœu émis dans les termes suivants par le comité provincial
de Liège : « Le comité liégeois des membres correspondants
» de la Commission royale des Monuments prie M. le Pré-
» sidcnt de vouloir bien user de sa haute influence auprès
» du Gouvernement et de la Commission centrale pour que
» toutes les affaires concernant la restauration des monu-
» ments historiques de la province soient soumises aux déli-
» bérations du comité précité. Il est en effet à désirer, comme
» cela se pratique dans d'autres provinces , que chaque fois
» qu'il s'agit en principe de la Construction ou de la restau-
» ration d'un édifice, d'un travail d'art, l'instruction des tra-
» vaux se fasse avec la participation du comité des membres
» correspondants et que les plans, devis, etc. soient soumis
» à son avis avant d'être adressés à la Conniiission centrale.
» Dans l'état actuel des choses, il arrive fréquemment (|ue
» les membres correspondants sont appelés à examiner ou
— 215 —
» à surveiller les travaux en pleine voie d'exécution, dont
» ils n'ont pu suivre la marche antérieure et sur le principe
» desquels ils peuvent n'être pas d'accord. Il arrive encore
» que, lors des visites dans les provinces, de MM. les délé-
» gués de la Commission centrale, les membres correspon-
» dants sont appelés à les assister, à donner leur avis sur
» des travaux qui leur sont entièrement inconnus et sur les-
» quels il est, par conséquent, impossible de délibérer avec
» quelque utilité. Actuellement encore, il est notoire qu'il
» s'agit de travaux importants de restauration à entrepren-
» dre dans plusieurs monuments de la province, sans que
» le comité en soit instruit autrement que par la rumeur
» publique. Il importe de ne pas laisser se prolonger une
» situation qui non-seulement tend à nous faire supporter,
» devant l'opinion publique, une partie de la responsabilité
>' d'actes posés sans notre participation, mais qui enlève
» encore aux comités provinciaux l'efficacité d'action que,
» sans doute, le Gouvernement a eu en vue de leur donner
» en les créant. » L'avis de la Commission est que MM. les
Gouverneurs ont toujours le droit de consulter préalable-
ment le comité qu'ils président ou l'un des membres de ce
comité; mais qu'on ne doit pas perdre de vue que ce n'est
qu'à titre consultatif que ces comités sont admis à participer
à l'instruction des affaires, dont l'examen en dernier ressort
appartient exclusivement au Collège central. Cela résulte au
surplus des articles 55 et 5G du règlement royal du 50 juin
18G2. En ce qui concerne les inspections d'édifices publics,
la Commission prie un ou plusieurs membres correspon-
dants de se joindre à ses délégués chaque fois que les ques-
tions à examiner ont une certaine importance.
— 214 -
La Commission pense que la collection spéciale de modèles
originaux ou de copies en plâtre de statues, bas-reliefs, tom-
beaux du moyen âge ou de la renaissance qu'il s'agit d(!
former au Musée royal de peinture et de scul|Uure ne
jiourra comprendre que des ouvrages remarquables et que
ces ouvrages devront représenter, autant que possil)le,
les différentes époques de l'art et les diverses écoles qui ont
existé en Belgique. Quelques beaux spécimens des écoles
allemande et française y figureraient aussi utilement à cause
de l'influence que ces écoles ont exercée sur nos artistes.
En conséquence la Commission adresse à M. le Ministre
de l'Intérieur une première liste divisée en quatre parties :
r les meilleurs statues, bas-reliefs, tombeaux, etc. dus à des
maîtres belges des périodes romane et ogivale; 2" œuvres
de l'école allemande appartenant à la même époque ;
5° œuvres de l'école française ; 4° ouvrages belges de la
renaissance.
ÉDIFICES ET MONUMENTS RELIGIEUX.
ÉGLISES, DÉPENDAKCES, AMEUBLEMENT.
Le dessin des autels latéraux à placer dans l'église de
Bénonchamps, commune de Wardin (Luxembourg), est
approuvé, à la condition que les dimensions du tabernacle
seront légèrement augmentées et que l'auteur fera une
nouvelle étude des proportions de ces autels.
Il a été fait droit aux diverses observations formulées à
l'égard de l'ameublement de l'église de Namècbe (Namur).
(Voir tome i, }). 500). Le nouveau devis, s'élevant à 2,500
francs, est bien établi.
— i>\n —
La Commission persiste à penser que l'ameublement dont
les dessins lui sont soumis pour l'église d'Ueimont (Luxem-
bourg) ne serait pas en rapport avec le st\ie de l'édilice,
et que, dans le cas actuel, des objets d'une grande simpli-
cité conviendraient mieux.
Les dessins des appareils d'éclairage qu'on propose d'éta-
blir dans l'église Notre-Dame du Sablon, à Bruxelles, ne
j)euvent être approuvés, attendu qu'ils ne sont pas en rap-
port avec le style du monument.
Le projet du maître -autel destiné au même édifice
semble devoir faire l'objet de nouvelles études : les détails,
en général, et particulièrement les médaillons, sont trop
compliqués et ne seraient guère vus; l'ornementation des
gradins n'est pas conforme au style de l'église ; les cboux
des rampants du gable sont mal agencés; les animaux fan-
tastiques formant des espèces de gargouilles aux côtés du
gable, sont déplacés, etc., etc.
Le Collège approuve :
1" Le projet de reconstruire le beffroi de l'église de West-
malle (Anvers); devis estimatif : 2,591 francs;
2° Les propositions faites pour la restauration de l'église
d'Ogy (Hainaut) et la construction de dépendances au pres-
bytère de cette commune; devis estimatif : 5,360 francs;
5° Le projet concernant l'établissement d'une sacristie et
l'exécution de diverses réparations à l'église de Péronnes,
lez-Binche, à la condition que les dalles funéraires offrant
de l'intérêt sous le rapport de l'art ou de l'bistoire seront pla-
cées contre les parois intérieures de l'édifice et non dans le
pavement. Une somme de 5,235 francs sera nécessaire pour
exécuter ces travaux;
— 216 —
4° Les plans présentés pour la construction d'une église
à Vaulx lez-Chimay, ainsi que la proposition de donner
quatre travées à l'édilice; devis estimatif : 17,000 francs;
la nouvelle église pourra contenir trois cents personnes
environ ;
5° Divers travaux de restauration projetés par le bureau
des niarguilliers de l'église de Boucliout (Anvers); devis:
7,082 francs;
0° Le projet de restauration de l'église de Braine-le-Comte;
devis estimatif : 15,952 francs. L'attention de l'auteur du
projet est appelée sur le point de savoir si les mesures
proposées pour l'étaiement de certaines parties de l'édifice
seront suffisantes;
7° L'agrandissement de l'église d'Evere (Brabant) , à la
condition qu'on conservera l'édifice dans son état actuel
jusqu'à l'entrée du chœur existant, attendu que l'exhausse-
ment de la nef principale compromettrait la solidité de la
construction, par suite de la poussée des arcs-doubleaux des
nefs latérales. Si l'on adopte cette proposition , le devis
estimatif, dont le total s'élève à 15,000 francs, pourra
être réduit. L'église d'Evere agrandie contiendra sept cents
personnes.
Les délégués qui ont visité récemment l'église de Rhode-
Saint-Genèse (Brabant) ont reconnu que les travaux d'agran-
dissement ont été exécutés avec soin et que, sous tous les
rapi)orts , cet édifice répond aujourd'hui aux exigences de
sa destination. Le devis estimatif, présenté en 1859, s'éle-
vait à 09,000 francs; mais celte somme a été dépassée à
cause des circonstances imprévues qui se sont produites
dans 1(3 cours de l'entreprise et, notamment, du pilotage
— 217 —
important qu'on a dû établir pour remédier à l'inconsistance
du sol. La Commission propose, en résumé, à M. le
Minisde de la Justice d'allouer un subside supplémentaire,
afin de mettre le conseil de labriciue à même de combler
le déficit. Cette église peut actuellement contenir 1 ,400 per-
sonnes.
Tout en approuvant le projet d'agrandir l'église de Des-
schel (Anvers), la Commission engage l'auteur à s'occuper
avec soin de la charpente du chœur et à examiner s'il ne
conviendrait pas de donner aux extrémités des collatéraux ,
vers la façade, la forme rectangulaire au lieu de les con-
struire à pans coupés. Cette église pourra, ajjrès l'exécu-
tion des travaux, contenir 1,400 personnes; devis :
57,008 francs.
Afin de pouvoir donner en pleine connaissance de cause
son avis concernant les propositions faites pour l'agrandis-
sement de l'église de Glons (Liège), la Commission réclame
le plan cadastral de la commune, ainsi qu'une coupe longi-
tudinale de l'église telle qu'elle existe aujourd'hui.
Le Collège, adoptant les conclusions du rapport des
délégués qui se sont rendus à Munte (Flandre orientale),
propose, à titre de moyen transactionnel, d'autoriser la
construction dans cette commune d'une nouvelle église
paroissiale, à la condition que les parties principales de
l'église actuelle, dont l'intérêt archéologique est incontes-
table , seront maintenues et transformées en chapelle.
La Commission, après avoir fait examiner l'église de
Saventhem par des délégués, engage l'auteur des |)lans
présentés pour l'agrandissement de cet édifice à modi-
lier quelques parties de son prqji^t. Comme le style ogival
— 218 —
n'exige nullement une l'égularitc sévère , elle ne peut ad-
mettre qu'on déplace la chapelle des fonts baptismaux , qui
est convenable et solide, dans le seul but de donner une
})Osition régulière à la fenêtre de la travée contre laquelle
ladite chapelle se trouve établie. Il est à remarquer, en
outre, que la construction de la chapelle, proposée par l'ar-
chitecte, nécessiterait l'enlèvement d'un contrefort, et que
cette opération diminuerait la solidité de l'édifice. Les
fenêtres et la rose de la façade projetée appartiennent à une
époque trop ancienne , eu égard à l'édifice actuel , dont la
construction date du xv" siècle. La rose a des proportions
trop exiguës.
La façade de l'église Saint-Pierre, à Ypres, dont la partie
inférieure appartient au style roman , exige d'importantes
restaurations. Le conseil de fabrique reconnaît l'urgence
de ces travaux et désire aussi compléter la tour au moyen
d'une flèche flanquée de quatre tourelles. Après avoir
entendu le rapport des commissaires - inspecteurs qui
se sont rendus à Ypres, la Commission émet le vœu que
ces excellentes intentions puissent se réaliser. Quelques
personnes voudraient voir donner à la partie supérieure de
la tour le style roman, qui est celui de la base. Le Collège,
ne partageant pas celte idée qui nécessiterait des dépenses
plus considérables, propose de laisser intact tout ce qui existe
et de faire les nouveaux travaux dans le style de la transi-
tion. Si cependant on se décidait à rétablir l'ensemble de la
tour en style roman, ce ne serait ])as un motif pour s'op-
poser à la construction des (juatre tourelles, puisque les
tours de l'époque oui j^arfois été couronnées de cette
façon.
— 211) —
D'importun Is travaux sont en voie d'exécution à l'ancienne
église cathédrale de Saint - Martin , à Ypres. Les voûtes
du chevet du chœur, qui se composaient de planches et
de toile, ont été reconstruites en pierres et en hriques.
Ce travail a consolidé le chœur et notahlement diminué les
chances fâcheuses en cas d'incendie de la toiture. La pierre
bleue, composant les nervures, provient des carrières des
Écaussines, tandis qu'autrefois on avait fait usage de la
pierre de Tournay, qui est loin d'offrir les mêmes qualités
que l'autre. La brique a été employée pour le reste du
travail, attendu que la pierre eût été d'un poids trop
considérable, et qu'il importail de ne pas surcharger une
partie du monument qui a subi de nombreuses vicis-
situdes , et a notamment été ébranlée par un tremblement
de terre en 1640. D'autres ouvrages de consolidation ont
été exécutés dans le chœur : les petites colonnes smiulées ,
en fer-blanc, qui figuraient les supports des nervures ont
été reconstruites en pierre bleue; les diverses couches de
chaux qui recouvraient la pierre et cachaient en partie
l'étendue du mal ont été enlevées. Quelques travaux d'une
utilité incontestable ont été faits aussi dans la chapeUe sud.
A l'extérieur, on a complété la restauration de la chapelle
nord ; une partie des matériaux nécessaires pour la répara-
tion de la façade est du transept nord est préparée. Les
commissaires-inspecteurs ont reconnu que les travaux sont
bien conduits et qu'il a été fait un sage emploi des fonds
alloués par l'État; ils approuvent aussi les projets qui leur
ont été soumis quant aux travaux à exécuter prochainement.
Des ouvrages assez considérables restent à faire dans le
chœur; c'est le point dont il importe de s'occuper en prc-
— 220 —
micr lieu. L'aclniinislralion communale et le conseil de
fabrique partagent cet avis , et il est à espérer que les res-
sources financières permettront de terminer, avant la fin
de 1863, cette partie si intéressante de l'entreprise.
Le conseil de fabrique de la môme église désire, à l'occa-
sion des travaux qui s'exécutent dans la cbapelle des Ames,
remplacer le médiocre autel du xvii" siècle, qui est vermoulu
et n'a pas de rapport avec le style du monument. La Com-
mission approuve le dessin présenté et propose de faire des
essais, au moyen d'un simulacre, avant de prendre un
parti définitif sur le point de savoir s'il faut placer le nouvel
autel dans l'axe du collatéral, ou s'il serait préférable de lui
donner une position légèrement oblique.
PIERRES SÉPULCRALES , TOMBEAUX.
Il résulte des documents communiqués par M. le Gouver-
neur de la province de Namiir, (jue la pierre tombale du
xiv" siècle, qui existait dans l'église de Tliynes ( v. p. 15,
2" année), a été brisée et que les fragments en ont été
jetés ou employés pour le pavement d'un trottoir. La
Commission constate avec un vif regret l'indifférence du
desservant de cette église pour la conservation d'objets
qui, sous tous les rapports, méritent le respect. Elle
prie M. le Gouverneur d'informer M. l'évècpie des faits
signalés par M. Bequet, membre correspondant, et d'inviter
l'administration communale de Thynes à veiller avec soin
à la conservation de l'église paroissiale et à rendre comj)te
immédiatement de tout acte contraire aux règlements et
uux instructions du Gouvernement. 11 résulte du rappoi'l
— 221 —
de M. Bcquet que celte église date du xii'' siècle et serait
encore dans son état primitif si on n'en avait altéré le carac-
tère en élargissant les fenêtres.
PRESBYTÈRES.
La restauration et l'agrandissement du presbytère de
Boisschot (Anvers) peuvent être autorisés k la condition
qu'on donnera à la façade un caractère spécial qui dénote
la destination du bcâtiment. Devis estimatif : 7,294 francs.
Le plan présenté pour la construction d'un presbytère
à Radelange, commune de Martelange (Luxembourg), est
approuvé; devis estimatif : 15,500 francs.
ÉDIFICES ET MONUMENTS CIVILS.
MAISONS COMMUNALES, BEFFROIS, HALLES, DONJONS, ETC.
On propose de démolir des ruines qui couronnent un
rocher à Houfifalize (Luxembourg) et de faire aussi dispa-
raître ce rocher afin de faciliter la construction d'une maison
d'école. La commission prie M. le Ministre de l'Intérieur
d'ajourner sa décision à cet égard, afin que les commissaires-
inspecteurs, qui auront à se rendre prochainement dans le
Luxembourg, puissent examiner si l'intérêt archéologique
que ces ruines présentent n'est pas suffisant pour justifier
leur conservation.
Après avoir entendu les délégués qui ont fait récemment
une nouvelle visite de l'hôtel de ville de Hal, la Commission
pense qu'on peut, sans inconvénients, renforcer de dix cen-
timètres les piliers qui soutiennent l'avant-corps de cet
— 222 —
édifice et par conséquent leur donner quarante-cinq centi-
mètres de côté, ainsi que le propose M. l'architecte provin-
cial. Elle maintient l'avis précédemment émis (voir p. 19,
2*^ année) quant à l'opportunité de rétablir l'avant-corps
dans son état primitif. Toutefois, l'agencement des escaliers
et des balustrades devra faire l'objet de nouvelles études
dans le but de diminuer la raideur de la montée.
Une visite minutieuse des travaux en cours d'exécution
au bâtiment des Halles, cà Ypres, viiMit d'être faite par quel-
ques membres de la Commission. Depuis le 51 août 18G0,
date du dernier rapport, on a complété la réparation de la
face nord , renouvelé une partie des poutres du rez-de-
chaussée de la face sud et remplacé la crête en pierre de
cette face. Aujourd'hui il n'est qu'accessoirement donné des
soins à cette entreprise, vu la nécessité de réserver les fonds
pour les ouvrages considérables qui s'exécutent au Nieuic-
Werk et on ne s'occupe guère que du rétablissement des
portes des faces sud et ouest, ainsi que de la taille de la crête
des toitures de l'ouest et du nord. Il restera ensuite :
1" à renouveler les portes des faces sud et ouest; 2" à réparer
la partie inférieure du rez-de-chaussée vers le sud et l'ouest;
5" à compléter la crête des toitures; 4" à établir les portes avec
cloisons vitrées à l'intérieur des salles du rez-de-chaussée,
occupées par des bureaux ; 5^" à faire de nouvelles grilles alin
de remplacer les clôtures provisoires du passage central;
0" et enfin, à compléter la restauration de la base du monu-
ment. Le rapport des délégués est favorable tant en ce qui
concerne les travaux elTectués depuis 18G0 qu'à l'égard des
idées qui leur ont été souuiises pour l'exécution des ouvrages
à entamer dans un avenir plus ou moins prochain.
— ^225 —
La face sud du Nieuio- Werkaéié entièrement renouvelée
et, à partir de cette face jusqu'au centre de l'édifice, la
façade principale est aussi restaurée. De forts approvision-
nements se trouvent sur place et beaucoup de pierres sont
taillées déjà. Si aucune circonstance fâcheuse ne vient
entraver la marche des travaux, toute la restauration exté-
rieure du monument sera terminée le 1" janvier 1864. Des
doutes ayant été soulevés quant au point de savoir si les
grands mascarons, placés à la naissance des arcades, datent
de l'époque de la construction de l'édifice et s'il convient de
les maintenir, la Commission réclame le dessin d'une travée
complète, ainsi que divers renseignements.
L'administration communale de Tournay désire démolir
l'ancien édifice situé sur la Grande Place de cette ville et qui
contient au rez-de-chaussée la grand'garde et au premier
étage le musée et les écoles de dessin, afin d'ériger un palais
de justice sur son emplacement. Consultée quant au point
de savoir si, sous le rapport de l'art et des souvenirs histori-
ques, cette demande peut être accueillie, la Commission,
se référant aux rapports de deux de ses membres corres-
pondants ( voir page 280 ), répond que la démolition de
l'ancienne Bourse de Tournay serait, à ses yeux, un acte
déplorable et qu'elle ne cessera de s'y opposer autant qu'il est
en son pouvoir.
PEINTURE, SCULPTURE, CISELURE, TAPISSERIES, fïc.
OUVRAGES MODERNES.
Il est à désirer que divers changements soient introduits
dans les peintures murales qui décorent le chœur de l'église
— ^nh —
Sainf-Remacle , à Verviers. L'auteur de ce travail recon-
naîtra bientôt, on faisant une étude nouvelle et sérieuse,
quelles sont les modifications que, dans son intérêt même,
il convient d'y apporter.
Après avoir entendu le rapport des délégués qui ont
visité le bâtiment des Halles, à Ypres, la Commission pense
qu'il importe, avant de commencer l'exécution de peintures
murales dans la grande salle de cet édifice : 1" d'établir,
à l'extrémité Est, des arcades semblables à celles qui sou-
tiennent la tour et de ménager ainsi un emplacement pour
l'escalier et pour la communication vers la salle échevinale;
2° de visiter avec soin toute la charpente et de remplacer
les pièces défectueuses; 5° de diminuer d'environ cinquante
centimètres l'élévation du lambris projeté , dans le but
d'augmenter l'espace réservé aux peintures; 4** de mieux
assurer l'écoulement des eaux pluviales et d'étudier les
mesures à prendre pour arrivera la suppression des conduits
placés à l'intérieur des murs et qui ont déjà occasionné
de graves inconvénients. Il restera à examiner plus tard
si la charpente et notamment les maîtresses poutres et
leurs jambes de force ne devraient pas recevoir des teintes
polychromes afin d'établir une certaine harmonie dans
l'ensemble. La disposition des panneaux telle qu'elle a été
proposée semble heureusement combinée. Les peintures
murales découvertes en 1844 sur la paroi Est de la salle
du Magistrat sont assez bien conservées. La Commission
pense qu'il n'est pas impossible de les rétablir dans leur
état |)rimitif. MM. Guffens et Sv^erts, chargés de décorer les
autres faces, parviendront facilement à mettre leur œuvre
en harmonie avec ces peintures. Il importe aussi de main-
— 225 —
tenir la rose qui existe dans le tympan et de la dégager de
nouveau, en adoptant le réseau dont rarcliitecle a soiniiis
le projet. Les mesures proposées pour l'appropriation de
cette salle sont conçues avec intelligence. La Commission
engage l'architecte à donner moins de saillie à la partie
inférieure de la cheminée, afin de faciliter la circulation, et
moins de hauteur et par conséquent plus de surface à l'estrade
destinée au conseil communal. La division projetée des
panneaux ainsi que l'agencement des nouvelles portes ne
donnent lieu à aucune objection et la frise, réservée pour
les peintures, est aussi spacieuse que les proportions du
local le permettent. Rien ne s'oppose actuellement à ce
qu'une grande activité soit imprimée aux intéressants tra-
vaux entrepris par la ville d'Ypres, avec le concours du
gouvernement.
Après avoir examiné la coupe longitudinale de l'église
Saint-Médard , à Jodoigne, la Commission est d'avis que la
chaire de vérité exécutée par MM. les sculpteurs Goyers
(voir p. 22, 2*^ année) n'a pas des proportions trop considé-
rables pour être placée dans cet édifice. Il est à désirer que
l'achat projeté puisse se réaliser, attendu que cet objet d'art
contribuerait à l'embellissement de l'édifice.
Une dépèche de M. le Ministre de l'Intérieur annonce que
le conseil communal de Maeseyck , se ralliant aux conclu-
sions du rapport du 27 février dernier (voir p. 85, 2*^ année)
a décidé que le monument des frères Van Eyck sera placé
au centre du Grand Marché de cette ville.
OUVRAGES ANCIENS.
Les fonds nécessaires pour exécuter au grand triptyque
15
— 226 —
do Quentin Metsys, la vie de sainte Anne, les travaux
supplémentaires de restauration dont le Collège a conslalé
l'ulilité (voir p. 169, V année) étant réalisés, le peintre
restaurateur est invité à s'occuper de ce travail avec toute
l'activité possible et à faire connaître l'époque à laquelle
le dit tableau sera replacé dans l'église Saint - Pierre ,
à Louvain.
La Commission a précédemment exprimé l'avis unanime
qu'à cause de la valeur des deux productions capitales qui
appartiennent à l'église Saint-Augustin, à Anvers, et de
la nature des réparations qu'elles exigent, il importe de
s'adresser au peintre restaurateur dont les antécédents
offrent les plus complètes garanties. Elle maintient cette
opinion et signale de nouveau combien la circonspection est
nécessaire alors qu'il s'agit de toucher à des productions
magistrales de l'école flamande.
Ix Secrétaire de la Commission roijale des Mounmeuls ,
Jules Dugxiolle.
Vu en conformité de l'article 2o du règlement.
Le Vice-Président,
Baron de Roisin.
COMMISSION ROYALE DES MONUMENTS.
RESUME DES PROCÈS-VERBAUX.
SÉANCES
des 1, 2, 5, 8, 9, 12, 10, 21, 23, 29 et 50 mai 1865.
ACTES OFFICIELS, AFFAIRES LNTÉRIEURES, OBJETS DIVERS.
La Commission propose à M. le Ministre de l'Intérieur
d'adresser un exemplaire du Bulletin des Commissions
royales d'art et d'archéologie à chacun des 157 curés-
doyens des neuf provinces. L'utilité de propager les notions
archéologiques parmi le clergé est évidente et une telle
mesure exercerait une heureuse influence sur la conserva-
tion des anciens édilices du culte et des nombreux objets
d'art qu'ils renferment.
Le projet d'instruction rédigé par les soins du comité
provincial de Namur, concernant la conservation des églises,
de leur mobilier, etc., et destiné aux administrations com-
munales et aux bureaux des marguilliers, est sagement conçu.
— 228 —
Toutefois, il serait peut-être utile d'indiquer dans cette in-
struction les dispositions législatives et les règlements en
vertu desquels l'autorité supérieure doit être consultée dans
certains cas. La Commission pense aussi qu'il serait con-
venable de recommander aux bureaux des marguillicrs de
n(; jamais |)erdre do vue le style des édifices lorsqu'ils font
faire des objets mobiliers. Des erreurs déplorables ne se
commettent que trop souvent sous ce dernier rapport.
ÉDIFICES ET MONUMENTS RELIGIEUX.
ÉGLISES, DÉPENDANCES, AMEUBLEMENT.
La Commission se prononce favorablement sur les projets
concernant :
1" Diverses réparations à faire à l'église et au presbytère
de Croix-lcz-Rouveroy (Hainaut); devis estimatif : 4517 fr.;
2" La restauration de la toiture de l'église d'Harchies,
même province; devis estimatif : 1,022 francs;
5" La restauration de la tour de l'église de Lii)peloo
(Anvers); devis estimatif : 2,152 francs;
4° Le placement d'un maître-aulel et de fonts baptis-
maux dans l'église de Doiscbe (Namur); devis estimatif :
5,514 francs. Il faudra toutefois simplilicr les détails et
donner plus d'unité au style de la décoration ;
o" La restauration de la tour et de l'église d'Ocvel (An-
vers); devis estimatif : 5,456 francs;
6° La construction d'une seconde sacristie et le placement
d'un nouveau dallage dans l'église de Meldert (Flandre
orientale). Le devis estimatif s'élève à 5,880 francs, y com-
— 229 —
pris la reconstruction de l'escalier extérieur. La question de
savoir si cet escalier doit être considéré comme une dépen-
dance de l'édifice est résolue afïirmativemenl;
7" La reconstruction de la flèche et la restauration de la
tour de l'église de Russon (Limbourg) ; devis estimatif :
8,200 francs. L'architecte est invité à examiner si, dans
l'intérêt de l'aspect de l'édifice, on ne devrait pas établir
latéralement des portes cintrées et renoncer ainsi h utiliser
la porte actuelle de la façade.
Des modifications devront être introduites dans les dessins
dn nouveau clocher de l'église de Longchamps (Namur);
devis estimatif : 8,100 francs; ce chiffre est insuffisant.
Le projet d'ériger une chai)elle à Fays-Famenne , com-
mune de Sohicr (Luxembourg), est approuvé à la condition
que la tour sera couronnée par une flèche. Il faudra faire
les deux statues du portail en pierre et non en terre cuite;
devis estimatif : 2,300 francs.
Les dessins de l'agrandissement projeté de l'église d'Oor-
deren (Anvers) sont bien conçus; mais il sera diflicile
d'exécuter, pour la somme de 50,411 francs, les travaux
mentionnés dans le devis estimatif. Environ 930 personnes
pourront se réunir dans cet édifice.
Le Collège partage l'avis de M. l'architecte provincial,
quant à l'opportunité d'augmenter légèrement le diamètre
des colonnes intérieures de la nonvelle église de Castre
( Brabant ). L'ordonnance générale du ju'ojet est bien
entendue, mais il est à désirer que la façade soit mise
conq)létement en rapport avec le caractère dn vaisseau
de l'édifice.
Le projet présenté pour l'agrandissement de l'église de
— 250 —
Galloo (Flandre uricnlale), donne lieu aux observations
suivantes : la façade manque d'unité de style; l'ajustement
de la porte et de la fenêtre qui la surmonte n'est pas
heureux; les cordons subdivisent trop l'ensemble de celle
façade ; les encorbellements ne produisent pas un bon
effet ; l'emmanchement de la base de la flèche laisse à
désirer. Une nouvelle étude de celte partie du projet semble
indispensable. L'auteur devra également simplifier la déco-
ration du chœur el élargir les portes des sacristies.
La Commission approuve les dessins de l'église à ériger
au hameau de Moiendorp , commune de Breedene (Flandre
occidentale), tout en engageant l'auteur à ne pas perdre de
vue les observations suivantes : les pinacles de la façade
sont trop grêles; les parties simulées des fenêtres de la
nef principale doivenl être modiliées; il convient d'établir
des meneaux dans toutes les fenêtres. L'église projetée
pourra contenir environ 1 ,000 personnes; devis estimatif :
65,021 francs.
La nouvelle combinaison proposée par le conseil de fa-
brique de la paroisse des SS. Jean et Nicolas, au faubourg
de Cologne, à Bruxelles, semble aussi bien entendue que
les circonstances locales ainsi que l'édilicc actuel le permet-
tent, et les explications verbales de ce conseil ont démontré
la nécessité d'agrandir l'église et l'impossibilité d'en éj'iger
aujourd'hui une seconde dans la même paroisse. Quant à la
décoration architcctonique des constructions nouvelles, elle
est le corollaire du système adopté primitivement et sur
lc(piel le Collège n'a pas été appelé à émettre un avis. L'uti-
lité de transformer en fausses portes les niches de la façade
ne parait pas démontrée. Il semble diflicile d'éviter, pour
— 251 —
les toitures, un agencement fâcheux ; la Commission insiste
sur la nécessité d'étudier ces (oilures avec le soin le plus
scrupuleux, spécialement en ce qui concerne l'abside inté-
l'ieure des collatéraux, à laquelle on pourrait peut-être
adapter une couverture conique semblable à celle des
hémicycles. L'édifice actuel peut contenir environ 850
]iersonnes. Ce chiffre sera plus que doublé par suite de
l'exécution des travaux projetés.
Depuis l'année 1846 jusqu'au 1'" janvier 1862, on a
dépensé 4'4o,000 francs pour la construction de l'église
Sainte-Marie, à Schaerbeek. En ce moment on termine la
construction du chœur et on commence à édifier le portail.
Cette marche semble rationnelle et la Commission ne peut
que l'approuver.
Après avoir mûrement examiné les dessins concernant
l'achèvement de la façade et des tours de l'église Saint-
Georges, à Anvers, et pris connaissance des explications
récemment données par l'architecte, la Commission pro-
pose d'autoriser l'exécution des travaux projetés. Elle
conseille toutefois de renforcer, vers leur naissance, les
crochets des rampants du gable central, afin de mieux
assurer la durée de ces ornements. Il est entendu aussi qu'on
donnera plus d'ampleur aux croix supérieures.
L'utilité de consacrer une somme de 10,240 francs
aux travaux urgents que l'église d'Overyssche (Brabant)
réclame, est reconnue. Ces travaux sont les seuls dont on
puisse s'occuper actuellement. L'architecte évalue à 32,000
francs la somme nécessaire pour restaurer complètement
l'édifice.
La Commission pense qu'avant de s'occuper des autres
— 252 —
réparations que l'église de Vilvorde exige, il importe de ter-
miner les travaux qui sont en voie d'exécution aux parements
extérieurs et à la base de cet édifice.
Les états des travaux de restauration exécutés à l'église
Saint-Michel, à Louvain, s'élevant ensemble à 6,549 francs
pour l'année 1862, ne soulèvent aucune objection. La Com-
mission rapi)elle que déjà, à différentes reprises, elle a de-
mandé que des fonds plus im|)ortanls soient affectés à cette
entreprise, afin de pouvoir inqirimer une certaine activité
aux travaux.
Le Collège partage l'avis du comité jjrovincial d(.'s mem-
bres correspondants et de l'administration communale, qui
est favorable à l'emploi de la pierre bleue, pour la restau-
ration de la façade de l'église Saint-Loup, à Namur, attendu
qu'il est de son devoir de respecter, autant que possilile ,
les combinaisons adoptées par les constructeurs des anciens
monuments. Il est facile, du reste, de se procurer aujour-
d'hui des j)ierres excellentes n'ayant aucun des défauts qui
ont causé la ruine de la façade actuelle. Rien ne s'opj)Osc
même à l'exécution en pierre bleue des meneaux. II impor-
tera surtout de reproduire, avec la plus scrupuleuse exac-
titude, tous les ornements sculptés; de simples ouvriers ne
peuvent être chargés de ce soin et il semble opportun
d'organiser un atelier sous la direction d'un artiste orne-
maniste. Il n'a guère été fait usage en Belgi(jue de la ])ierre
blanche citée par M. l'architecte de la ville, et il sera sage
de .ne faire un choix définitif (|u'a))rès avoir approfondi
1,1 (pieslion. Qiimit ;iii point de savoir s'il convient d'avancer
plus ou moins la façade sur la voie publique, la Commis-
sion désire, avant d'émettre un avis, recevoir : I" le plan
— 253 —
des fondations do la façade accompagné d'une note expli-
cative; 2" un dessin en élévation, indiquant le raccord
de la façade avec les faces latérales ; 5" le dessin de la porte
principale et des marches, telles que l'architecte compte les
établir si la suppression du perron est admise.
La Commission eût désiré voir recouvrir de cuivre le
dôme de l'église cathédrale de Namur; mais, après un nouvel
examen de la question, elle pense qu'il faut renoncer à cette
idée , attendu qu'une semblable entreprise nécessiterait des
dépenses considérables, que les ressources sont très-res-
treintes et qu'on aura à faire, dans un avenir prochain, des
réparations coûteuses à diverses autres parties de l'édiiice.
Il suffirait, à son avis, de garnir les côtes de ce dôme, de
zinc d'un échantillon spécial et les fonds, d'ardoises de pre-
mier choix. Ce travail, toutefois, ne pourrait faire l'objet
d'une adjudication publique et devrait être garanti par l'en-
trepreneur pour un grand nombre d'années.
La partie de l'église de Munte (Flandre orientale), dont
la Commission a demandé la conservation, offre un intérêt
archéologique évident et l'administration supérieure s'expo-
serait à de légitimes reproches, en consentant à sa destruc-
tion. Il est donc à désirer que le Gouvernement facilite
par un subside l'arrangement transactionnel proposé par le
Collège. D'après ce qui a été dit lors de la conférence qui
a eu lieu à Munte le 5 mars dernier, il y a lieu d'espérer
que l'administration communale et le bureau des marguilliers
feront de leur côté tout ce qui sera possible pour seconder
ces vues.
La Commission transmet à M. le Ministre de la Justice,
en la recommandant à son attention toute particulière, une
— ^254- —
lettre par laquelle MM. Goulon et Moreau, membres corres-
pondants, font valoir les diverses considérations qui exigent
qu'une toiture soit immédiatement établie sur la flèche métal-
lique de l'église Sainte-Gertrude, à Nivelles.
La Commission considère comme suffisantes les disposi-
tions que le conseil de fabrique de l'église Saints Michel et
Gudule compte prendre jiour assurer le contrôle financier
et la surveillance des travaux en cours d'exécution à ce
monument.
PIERRES SÉPULCRALES, TOMBEAUX.
Se ralliant à l'avis de l'administration communale de la
ville de Bruxelles, la Commission pense qu'il y a lieu d'en-
lever la grille qui entoure le mausolée du comte Frédéric
de Mérode, à l'église Saints Michel et Gudule. Il est convenu
(pi'on ne touchera à cette grille qu'après avoir obtenu l'as-
sentiment de la famille, aux frais do laquelle le monument
a été érigé.
En réponse à la connnunication cpie le Collège lui a faite
au sujet des dispositions à prendre pour assurer la conser-
vation de l'église deThyneset des objets inléressants qu'elle
possède encore, M. le Gouverneur de la province de Namur
communique la lettre suivante qu'il a adressée au chef dio-
césain dès le 2G mars dernier :
« Informé, par la Commission royale des Monuments,
(pi'il (existait, dans l'église deThynes,une pierre tombale du
commencement du xiv'' siècle, représentant un chevalier de
la maison de Thynes, je priai M. Bequet, membre-secrétaire
— 2Ô0 —
de la Commission provinciale des monuments, de me don-
ner des renseignements et son avis sur les moyens à
employer pour la conservation de cet antique monument
funéraire. J'ai appris avec regret, par le rapport de
M. IkHjuet, ci-joint en copie, que cette tombe a été brisée,
(|u'une partie de ses débris a été employée au pavement
d'un trottoir ou jetée dans le cimetière et que le reste a
disparu. C'est là, M. l'Évèque, une perte extrêmement déplo-
rable au point de vue de l'art et de l'archéologie, et cette
perte, réunie à celle d'autres pierres semblables , arra-
chées de l'église en 1844-, prouve que, loin de mettre du
zèle à la conservation des. objets de l'espèce, le desservant
et la fabrique de cette église dédaignent d'en prendre le
moindre soin ou les considèrent môme comme indignes
de leur attention. Votre sollicitude éclairée pour la conserva-
tion des édifices du culte et des œuvres d'art ou d'antiquité
qu'ils contiennent, vous portera, je l'espère, M. l'Évèque,
à adressera MM. les curés et desservants les recommanda-
tions les plus pressantes, dans le but de prévenir le renou-
vellement des actes de vandalisme qui se sont passés à
Thynes, et de les inviter à se conformer strictement à l'art. 5
de l'arrêté royal du 16 août IS'ii {Journal officiel, n"xLv).
L'instruction de M. l'évéque de Langres, dont vous trouve-
l'cz ci-joints quatre exemplaires, et qui a été adressée en 1856
aux administrations des fabriques d'églises et descomnumes,
contient sur ce point et sur d'autres objets d'une égale
importance, des conseils que je souhaiterais vivement voir
partout mettre en pratique. Il me serait agréable, M. l'Évè-
que, de connaître la suite que vous aurez jugé à propos de
donner à la présente dépèche. »
— 256 —
Des délégués ont constaté que les deux statues qui
existent dans l'église paroissiale de Watou (Flandre occi-
dentale) sont loin d'être dénuées de mérite, sous le rapport
de l'art, et qu'elles présentent, en outre, un certain intérêt
historique. Le monument dont elles faisaient partie a été
érigé à la mémoire de messire Charles d'Ideghem, cheva-
lier, seigneur de Boesbeke, comte de Watou, etc., qui fut,
en 1620, commissaire au renouvellement des lois en Flandre
et grand-bailli de la ville, salle et chàtellenie d'Ypres ;
et de sa femme, Marie de Gortewyle, fille du grand-hailli
de la ville et chàtellenie d'Audenarde. Ces statues sont
placées dans une niche latérale du chœur, mais l'adminis-
tration communale et le conseil de fabrique, désirant établir
une salle de dépôt contre cette partie de l'abside, voudraient
les voir transférer dans un édicule à établir dans le collatéral
dont la construction est projetée. La Commission approuve
cette proposition. Les frais à faire pour la réparation des
deux statues ainsi que les autres travaux accessoires peu-
vent être évalués h 4,000 francs. M. le Ministre de l'Inté-
rieur sera prié de concourir à la dépense de concert avec
la province, la commune et la fabrique de; l'église.
l'IîESliVTERES.
La (Commission approuve :
1° Le plan présenté pour la consiruclion de (l('"|i('n(lances
au pr(!sbytére(lc Lillo (Anvers); devis estiui;ilif : 857 francs;
2'' Les répar.'iljdiis ((u'on propose d'exécuter au presbytère
(le Gierle , même pi-ovincc; devis esliiu;ilif : 2,187 francs;
— t257 —
5° La restauration projetée du presbytère de Neder-over-
Heembeek (Brabant); devis estimatif : 4-, 000 francs;
A" Le j)rojct relatif à l'agrandissement du presbytère de
Denderbelle (Flandre orientale) , à la condition que la porte
sera modifiée; devis estimatif : 4,029 francs;
5° Les plans pour la construction d'un presbytère à Petit-
Waret (Liège), à la condition qu'on donne à la façade un
caractère en rapport avec la destination du bâtiment; devis
estimatif : 8,200 francs.
Diverses améliorations doivent être apportées au projet
de reconstruction du presbytère de la paroisse de Saint-
Pierre, à Ypres; devis estimatif : H, 752 francs.
Les plans et devis (15,109 francs) présentés pour la
construction d'un presbytère à Dinez, commune de Mont
(Luxembourg), ne donnent lieu à aucune observation.
La disposition intérieure du presbytère qu'il s'agit de
construire à Audenhove-Sainte-Marie (Flandre orientale)
est vicieuse. L'auteur devra faire une nouvelle étude de son
projet. La Commission désire recevoir la communication du
plan cadastral indiquant le terrain sur lequel se trouve le
presbytère actuel et l'emplacement destiné au nouveau
bâtiment.
ÉDIFICES ET MONUMENTS CIVILS.
ÉTABLISSEMENTS DE BIENFAISANCE.
La Commission approuve les propositions faites pour
l'agrandissement de l'hospice civil de Saint-Nicolas ainsi
que le devis estimatif, dont le total s'élève à 4,701 francs.
Le plan de l'hospice projeté h Couckelaere (Flandre occi-
— 258 —
dentale) est approuve''. Il serait utile toutefois d'augmenter
de cinquante centimètr(;s la hauteur du rez-de-chaussée et
de l'étage. Le devis estimatif, qui s'élève à 51,187 francs,
devra être augmenté de quelques centaines de francs.
MAISONS COMMUNALES, BEFFROIS, HALLES, DONJONS, etc.
Il est impossible de se prononcer sur le dessin de la pompe
monumentale qu'il s'agit d'établir sur la Grand 'Place de
Philippeville, sans avoir sous les yeux le croquis cadastral
de cette place, avec l'indication de l'emplacement dont il
s'agit de faire choix.
La somme qu'on propose d'affecter à la construction d'un
bâtiment destiné à la justice de paix d'Andenne (Namur),
ainsi qu'aux réunions publiques, est suffisante pour ériger
un éditice convenable et assez complet sous le rapport de
l'art pour contribuera l'embellissement de la commune;
mais les dessins présentés n'étant pas satisfaisants, un nou-
veau projet est indispensable.
Après avoir examiné les dessins détaillés, dressés d'après
son invitation , la Commission émet l'avis qu'il y a lieu de
maintenir les mascarons qui existent à la naissance des
arcades de l'hôtel de ville d'Ypres (le Nieuw-Werkj.
PEINTURE, SCULPTURE, CISELURE, TAPISSERIE, etc.
OUVRAGES MODERNES.
llu conformité du contrat pour l'exécution des peintures
murales de régli.se Sainte -Anne, à Gand, M. Cannée! ,
directeur de l'académie de cette ville , demande l'avis
— ^259 —
du Collège au sujet du })roeédé à la cire ou encaustique
qu'il (3ompte mettre en usage. Gomme ce procédé est
employé par plusieurs des artistes principaux qui s'occupent
aujourd'hui de peintures murales en Allemagne et en
France, la Commission ne croit pas devoir s'opposer à la
proposition de M. Canneel, bien qu'il soit reconnu qu'en
général le wnsserglass est préférable , attendu que sa com-
position chimique offre des garanties plus complètes de
solidité.
Le nouveau dessin de la verrière à placer dans l'église
Saint-Germain, à Tirlemont, peut être adopté aux condi-
tions suivantes : A Le système de meneaux et de réseaux
du dessin primitif sera maintenu ; B on augmentera la
force des tons de l'ordre inférieur alin de donner pour ainsi
dire un soubassement aux figures en pied; G l'auteur
s'attachera à rej^roduire le dessin et le coloris des verrières
du xvf siècle.
L'exécution en pierre du bas-relief qui occupe le tympan
de la porte principale de l'église Saint-Boniface, à Ixelles,
est assez satisfaisante. Divers changements devront cepen-
dant être introduits dans ce travail : les deux saints placés
aux côtés du christ ne peuvent être couronnés du nimbe
crucifère, vu que ce caractère spécial n'est attribué qu'aux
trois personnes divines. Le bras de saint Pierre est trop
rond ; la calvitie de ('e saint est exagérée ; les mains ,
en général, manquent de caractère. Il existe un défaut
d'harmonie entre la pierre du bas-relief et le ton de la
façade, qui date d'une dizaine d'années, mais le temps aura
bientôt fait disparaître ce défaut apparent (]ui choque au
premier abord.
— 240 —
Des perfectionnements récents ayant été introduits dans
les procédés employés en Bavière pour l'exécution des pein-
tures murales, la Commission demande qu'un artiste belge
expérimenté reçoive la mission de faire une enquête à ce
sujet et d'en consigner le résultat dans un rapport détaillé
à publier dans le Bulletin.
OUVRAGES ANCIENS.
La réparation des peintures qui décorent la voûte du
cliœur de l'église Saint-Jacques, à Liège, est terminée.
Ce travail étant satisfaisant, la Commission propose de
remettre aux artistes le prix de cette première partie de leur
entreprise. Elle rappelle que des propositions motivées,
accompagnées de dessins, devront préalablement lui être
soumises chaque fois qu'il s'agira de rétablir des ligures
ou des ornements qui n'existent plus, ou qui sont endom-
magés au point d'exiger pour ainsi dire une composition
nouvelle.
Le Secrétaire de In Commission roifule des Moiiumeuts,
Jules Dugmolle.
Vu en conformité de l'article 25 du règlement.
Le Vice-Président,
Baron de Roisin.
COMMISSION ROYALE DES MONUMENTS.
'XWo^-
RÉSUMÉ DES PROCÈS-VERBAUX.
SÉANCES
des 3, 6, 11, 15, 18, 25, 27 et 50 juin 1863.
ACTES OFFICrCLS, AFFAIRES INTÉRIEURES, OBJETS DIVERS.
M. le Ministre de riiitérieur, adoptaulla proposition de la
Commission, a, sous la date du 20 du mois de juin, adressé
la circulaire suivante à MM. les Gouverneurs des provinces,
afin de tracer la marche que désormais MM. les membres
correspondants auront à suivre lorsqu'ils croiront utile
d'entreprendre des voyages en dehors des limites de leurs
provinces respectives :
« Il arrive parfois que des membres correspondants de
la Commission royale des Monuments se trouvent dans
l'occasion défaire, dans l'intérêt général, des excursions
archéologiques hors de la province qui leur est assignée.
16
— 2/1-2 —
*
La rî'gularilé adminisirative exige qu'une marche uniforme
soit adoptée pour les cas de l'espèce. J'ai l'honneur de vous
informer en conséquence, M. le Gouverneur, que pour tous
les voyages que MM. les membres correspondants de la
Commission royale des Monuments croiront utile, à l'avenir,
d'entreprendre en dehors des limites de leurs provinces
respectives, ceux-ci devront au préalable en référer à mon
dé))artemenl , qui jugera s'il y a lieu d'autoriser ces excur-
sions exceptionnelles. Dans rallirn^ative , ces excursions
seront considérées comme des missions j)articulières et
donneront lieu à des indemnités spéciales. Vous voudrez
bien, M. lo (iouvenniur, adresser des instructions dans ce
sens aux membres corrf'spondants pour voire province.»
ÉDIFICES ET MONUMENTS RELIGIEUX.
ÉGLISES, DÉPEXDANGKS, .\.M EL ELEMENT.
La Commission approuve :
1° Le dessin du mailre-autel (pi'on |)ropose de placer
dans l'église de Gomery, commune de lileid (Luxembourg);
devis estimatif : 2,7o0 francs ;
T Lo maître-autel à placer dans l'église de Bellefontaine
(Luxembourg), à la condition que divers détails seront
modifiés; devis estimatif : 7,455 francs;
3" Moyennant certaines restrictions, lautel principal de
l'église de Meix - devant -Virton (Luxembourg); devis
estimalif : 7,665 francs.
La Commission ayant appris que divers objets d'ameuble-
ment destinés à l'église Sainte-Croix, à Liège, ont été
f'ornmandés sans rinlerv<'iili()t) de l'aulorilé supéi'ieure.
— 243 —
réclame dos explications ot la communication dos dessins
de ces objets.
L'utilité des réparations qu'on propose de faire à l'église
et au presbytère de Molles (Hainaut) est reconnue; devis
estimatif: 1,100 francs.
Le projet concernant l'agrandissement de l'église de
Hermalle-sous-Huy (Liège) est admis; mais l'attention de
l'autour est appelée sur l'inclinaison de la toiture des bas
côtés, qui n'est pas suffisante et ne se trouve pas en rapport
avec celle de la toiture principale; devis estimatif : 15,004-
francs; l'église pourra, après l'exécution desdits travaux,
contenir OoO personnes.
Il semble impossible de construire, d'après les dessins
présentés, une église et un presbytère à Kerkhove (Flandre
occidentale), sans dépasser les sommes de 52,300 et de
10,000 francs. La Commission réclame un devis estimatif
détaillé, ainsi que le plan cadastral du terrain sur lequel ces
bâtiments doivent être établis.
Le Collège fait parvenir à M. le Gouverneur du Brabant
un dessin résumant son avis concernant la façade de la
nouvelle église de Castre. Rien ne s'oppose actuellement
à ce qu'il soit donné une suite immédiate au projet. L'église
de Castre pourra contenir 970 personnes environ ; le devis
estimatif s'élève à 08,923 francs.
La Commission est d'avis qu'il y a lieu d'engager le con-
seil de fabrique de l'église Saint-Boniface, à Lxelles, à
faire placer un pai'atonnerre sur cet édifice. Comme la
proximité de propriétés particulières constitue un danger
permanent d'incendie, il serait, prudent, en outre, de
faire garantir l'édifice par une compagnie d'assurances.
— VvK —
Lo projet présonlt' pour l;i l'ccunslruclion de l'église
d'Overmeire (Flandre orientale) est approuvé à la condition
que fauteur y apportera les modifications que le Collège
indique dans l'intérêt de la solidité et du style du bâtiment.
Le devis estimatif s'élève à 1 24,8o0 francs ; 1 ,400 personnes
pourront se placer dans cette église.
M. le Ministre de la Justice annonce qu'un subside de
8,87d francs, payable en trois ans , sera accordé au conseil
de fabrique de l'église de Celles (Namur), afin de compléter
la somme nécessaire pour l'exécution des travaux urgents
qu'exige cet intéressani moniiincnl de style roman. (Voir
p. 586, l"' année.)
La tour de l'église d'Oostcamp (Flandre occidentale) est
une construction massive qui, à diverses é})oques, a été
réparée ou modifiée, mais dont la partie primitive date du
xii" siècle. Bien que l'ensemble de la construction soit
solide encore , on remarque en divers endroits de légères
lissures, ainsi que d'autres dégradations. La Commission,
après avoir fait visiter l'édifice, est d'avis qu'on ne pourrait,
sans s'exposer à des chances fâcheuses, ouvrir les deux
arcades latérales et isoler, par suite, les (piatre piliers qui
portent cette tour, ainsi (|ue le propose le conseil de
fabrique.
.\près avoir entendu M. l'ingénieur en chef directeur
des ponts et chaussées dans la Flandre orientale, et s'être
mis d'accord avec lui, le Collège adresse à M. le Ministre de
la Justice le dessin (jui semble devoir être suivi pour la
restauration des (|uatre loui-ellcs siq^érieures de la tour de
Saint-liavon , à Gand, afin de rétablir autant (pic possible
les choses dans leur état primitif.
-- 24o —
L(! coinple des travaux do reslaui"ili(jii (.'xécutés dans
W. cours de 1862, à réglise de Dinant, ne soulève aucune
objection. La Commission propose d'allouer de nouveaux
subsides sur le budget de l'État, attendu (pi'il s'agit d'un
monument digne d'intérêt dont diverses parties se trouvent
dans un état déplorable, vu l'iiisulïisance des ressources
locales.
La Commission réclame des explications au sujet de
modifications cju'il s'agit d'introduire dans la l'orme de l'un
des contre-lbrts du transept sud de l'église Saint-Martin,
à Liège, et demande aussi la communication de dessins
à l'appui de ces explications.
Le Collège approuve les propositions faites pour la restau-
ration de l'église Saint-Quentin, à Tournay. Il croit fiéan-
jnoins qu'on pourrait rendre la rose du transept plus opaque
et suivre, quant aux clochetons de la tour, la disposition que
présenlent les tourelles de la façade.
PIEr.RES SÉPULCRALES, TOMBEAUX.
La Commission insiste i)0ur que, conformément à ce qui
a été convenu lors d'une conférence avec les diverses admi-
nistrations intéressées, à l'église Saint-Jacques, à Bruges,
il soit fait immédiatement une grande photographie du tom-
heau de la famille de Gros, tombeau dont la restauration
doit être commencée sans retard. Ehe rappelle de nouveau
combien il importe que l'artiste restaurateur se pénètre du
caractèi'e de ce chef-d'œuvre de la renaissance et s'acquitte
de sa délicate mission avec un soin consciencieux,
l'ne dépèche de M. le Ministre de l'intérieui- est conçue
— 24C —
dans les termes suivants : « Les restes mortels de feu M. le
baron Surlet de Chokier, régent de la Belgique, en 1831,
reposent au cimetière du village de Gingelom. La presse
ayant appelé dans ces derniers temps l'atlentiuii du Gou-
vernement sur le dénùment de cette sépulture, j'ai ci-u
devoii' m'enquérir de l'état des choses. Il résulte des rcn-
seignenicnts qui me sont parvenus, que les feuilles publi-
ques étaient inexactement informées en avançant que
cette sépulture était demeurée privée de tout soin pieux.
Si la reconnaissance publique n'a effectivement rien fait
jusqu'à présent pour rappeler la mémoire du défunt et
les services qu'il a rendus au pays, un monument lui
a toutefois été élevé dans le cimetière même de Gingelom,
par l'initiative privée de M. Victor llennequin, bourg-
mestre de la commune. Quoiqu'il en soit, le monument
que M. llennequin, nu^i par un senlinjcnl qui l'honore ,
a fait ériger au régent ne dispense pas le Gouvernement
d'acquitter envers la mémoire de ce grand citoyen la
dette de gratitude du pays. J'ai l'homieur de vous prier,
en conséquence, Messieurs, de vouloir bien examiner
si le monument existant déjà est susceptible , i)ar sa
forme actuelle, de reeevoii- un conqilément dont une
inscription expliquerait l'origine et la portée. » La Com-
mission répond 1" que le monument existant sur la tombe
du baron Siirlel de Chokier ne sendjle pas pouvoir être
embelli et complété; 2" qu'il n'existe pas de place pul)liqu<-
à Gingelom ; 5" qu'elle ne considère pas comme convenable
l'emplacement qui lui a été désigné, et (jui est situé aux
confins de la commune, à quelques mètres de la station
du chemin de fer.
— 247 —
PRESBYTÈRES.
Des avis favorables sont donnés concernant les répara-
lions j)rojetéés aux presbytères de :
r Oppuers (Anvers); devis estimatif : 1,418 francs;
2" Oevel (Anvers) ; devis estimatif: 1,545 francs;
3" Wnestwezel (Anvers); devis estimatif: 2,701 francs.
La Commission approuve les projets présentés pour la
construction de presbytères :
A Voftem (Liège), à la condition qu'on modifiera la façade
de manière à donner au bâtiment le caractère de sa destina-
tion. Le devis estimatif s'élève à 6,920 francs;
A Okegem (Flandre orientale), il faudra construire la
plintbe en pierre afin de préserver la base du bâtiment de
riiumidilé; devis estimatif : 1 1 ,687 francs;
A Élouges (Hainaut); devis estimatif : 15,250 francs.
Le plan du })resbytère de Sulsique (Flandre orientale)
])résente des défauts qui ne permettent pas de l'approuver.
La Commission désire qu'un architecte soit chargé de
s'occuper de la construction d'un presbytère à laXhavée,
commune de Wandre (Liège); le plan qu'elle a sous les
yeux est dû à un homme étranger à l'art des construc-
tions.
Un avis favorable est émis sur le projet d'hospice-hôpital
qu'il s'agit de construire à Wachtebeke (Flandre orientale),
à la condition que diverses parties accessoires seront amélio-
rées; devis estimatif : 57,580 francs.
CONSTRUCTIONS CIVILES.
Les plans des constructions rurales que la ville de Spa
— us —
compte dever j)rès dos fontaines de Barisart et de la Géron-
stèrc ne peuvent èlre admis. Il est à désirer en effet que
toutes les constructions que cette ville élève donnent une
idée heureuse du progrès des arts en Belgique, et des bâti-
ments consirnils d'après les dessins proposés ne seraient
nullement à la liauteur des li'avaux analogues exécutés par
les administrations publiques , dans les pays voisins et
notamment sur les bords du Bhin.
PEINTURE, SCULPTURE, CISELURE, TAPISSERIES, ktc.
OUVRAGES MODERNES.
Le Collège considère l'échantillon de bronze que M. Du-
trieux se propose d'employer pour la fonte de la statue de
la princesse d'Épinoy à ériger sur une des ])laces de Tournay,
comme réunissant toutes les conditions désirables.
M. le Ministre d(> l'Intérieur répond comme suit à une
proposition récente de la Commission : « Si des perlèction-
» nements importants ont été réellement introduits dans
» les procédés employés en Bavière, pour l'exécution des
» peintures murales, il est à désirer, ainsi (ju(> vous le
» faites remarquer, que nos artistes soient mis à même, au
» moyen d'une enquête, de profiter de ces améliorations
» matérielles. La proposition contenue dans votre rapport
» du 29 mars dernier ne pouvait manquer, ]iar consé-
» (picnt, d'rli'e, de la |iart de iixin administration, l'objet
» d'un examen allcnliret bienveillanl. Mais si les procédés
» techniques de la peinture touchent de j)rès au progi-ès
)) de l'art, je ne ])()uvais jK'rdre de vue, non plus, (pie pai-
— ^249 —
» certains côtés ils intéressent la science et, sous ce rap-
» port, il m'a paru que le premier corps savant du pays
» devait être entendu d'abord. J'ai donc soumis la question
» à la classe des sciences de l'Académie royale de Belgique.
» Toutefois, Messieurs, cette question étant complexe en ce
» sens qu'aux procédés considérés scientifiquement se rat-
» tache intimement l'application de ceux-ci par le peintre,
» j'ai invité la classe des sciences à se mettre en rapport
» avec celle des beaux-arts, pour la rédaction d'une série
» d'instructions qui emprunteront nécessairement à ce
» double concours l'utilité pratique et l'autorité qu'elles
» doivent avoir pour être fructueuses. »
OUVRAGES ANCIENS.
Sans méconnaître la valeur des explications justificatives
concernant la restauration du vitrail r/es deux SS. Jean^
appartenant à la cathédrale d'Anvers, la Commission ne
peut considérer ce travail comme aussi satisfaisant que la
|)lu])art des restaurations exécutées récemment par le même
|)eintre verrier. Elle pense aussi qu'il eût été possible d'uti-
liser certains fragments qui ont été remplacés. Afin d'éviter
le retour de critiques semblables à celles qui se sont pro-
duites en cette circonstance, la Commission propose à
M. le Ministre de l'Intérieur de décider, en règle générale,
qu'aucun vitrail ne sera restauré à l'avenir avant qu'un
calque exact n'ait été fait et que des délégués du Collège, de
concert avec un représentant du conseil de fabrique inté-
ressé, aient, après avoir vérifié ce calque et les verrières,
indiqué les parties à remplacer.
— 250 —
La somme de 7,500 francs demandée pour restaurer les
ornements sacerdotaux de l'église Saint-Brice, à ïournay
(voir p. 97, 2" année), semble trop élevée à M. le Ministre
de l'Intérieur. De son côté, la Commission croit d'autant
moins pouvoii* actuellement appuyer la demande d'un sub-
side sur le trésor de l'État , qu'elle verrait avec regret
exécuter toutes les y;n'/ewc/we.s' restaurations qui sont proje-
tées et dont quelques-unes sont de nature à altérer le carac-
tère desdits ornements et à leur donner l'aspect d'objets
neufs.
Le Secu'liiiri' de la (iomnthsiuii roijali' (1rs Mointiucnli ,
JL'LES DUGXIOLLE.
Vu en conformité de l'article 25 du règlement.
Le vice-Président ,
Baron de Roisin.
COMMISSION ROYALE DES MONUMENTS.
RESUME DES PROCÈS-VERBAUX,
SÉANCES
des 3, 4, 8, 11, li, ±2, 23, 25, 28 et 50 juillet 1863.
ACTES OFFiCŒLS, AFFAIRES ENTÉRIFURES, OBJETS DIVERS.
Le Collège accuse la réception du compte- rendu des
travaux de la Commission impériale archéologique russe
dans le cours des années 1859, 1860 et 1861 , que
cette Commission lui a fait parvenir. Cette remarquable
publication renferme notamment rexj)osé historique des
fouilles exécutées près de Kertch ( Panticapée ) , dans
le district d'Ekaterinoslav (au pays des Gherres), et sur
la presqu'île de Taman, près de la station de Sennaïa (ville
de Phanagorie).
— "202 —
M. le Ministre do la Justice fait parvenir iinr copie de
la circulaire suivante qu'il a adressée à MM. les Gouverneurs
provinciaux sous la date du 7 juillet courant : « Ce n'est
généralement qu'au printemps, c'est-à-dire à l'époque où
les travaux doivent commencer, (pie me |)arvieiiiieiit,
afin d'approbation, les projets de constiudidn ou de
restauration d'églises et de presbytères. Outre les retards
qui peuvent résulter du grand nombre d'affaires qui
sont adressées à la fois à mon département, cette marche
présente de sérieux inconvénients : c'est ainsi (pi'avanl
qu'il n'ait été procédé à l'adjudication publique, prescrite
par l'art. 42 du décret du 50 décembre 1809, et que le
Roi ail été mis à même d'approuver le plan, une i)artie
de la bonne saison s'est écoulée. D'un autre côté, l'entre-
preneur est toujours plus exigeant au moment où, de
toutes parts, l'on mol la main ;i l'œuvre (pi'à l'entrée
de l'hiver, alors qu'il a toute cette saison pour préparer
les matériaux dont il a besoin et dont à cette époque
le prix est moins élevé. Désirant donc hâter la déci-
sion de ces affaires, je vous prie, M. le Gouverneur,
d'inviter les administrations que; cela concerne à vous
faire ))arvenir leurs demandes assez à lem|)s pour
être à même, de votre côté, de les instruire et de
me les soumettre, autan! que possible, avant la lin
de l'année. »
La Commission propose à M. le Ministre de l'Intérieur
d'autoriser M. Al|). Wauters, membre correspondant, à faire
un voyage archéologique à Tongres et dans les environs, à
la condition (pi'il en consignera le résullal dans un rappoi-t
à |)id)lier dans le Bullelin.
— 2oo —
M. le Ministre do riiitéricur adresse une anipliation de
sa eircidaire ci-aprùs, en dale du 2o de ce mois :
« M. le Gouverneur,
» De fréquents subsides sont accordés sur les fonds de
» l'État pour des restaurations d'anciens vitraux peints. Le
« but que le gouvernement se propose en s'imposant des
» sacrifices pour la conservation de ces œuvres d'art n'est
» pas atteint lors(ju'il arrive aux artistes cjiargés de ces
» restaurations de su instituer à des parties de verrières
» détériorées, mais pouvant encore être utilisées, des frag-
» ments entièrement nouveaux. Cette manière de procéder,
» quel que puisse être le talent qu'y apporte l'artiste, pré-
» sente un grave inconvénient , puisqu'elle altère le carac-
» tère des œuvres à restaurer, en leur enlevant de leur
» authenticité. Voulant à cet égard garantir dans l'avenir
» la responsabilité de l'administration supérieure contre
» toute éventualité de l'espèce, il m'a paru utile d'adopter
» quelques dispositions qui, désormais, serviront de règle
» pour l'instruction des affaires de la nature de celles dont
» il s'agit. Avant toute chose, il devra être pris un calque
» des vitraux peints dont la restauration aura été reconnue
» nécessaire. Des délégués de la Commission royale des
» monuments se transporteront ensuite sur les lieux, afin de
» constater, en présence des représentants des fabriques
f> des églises intéressées, l'exactitude du calque et d'indi-
» quer, s'il y a lieu, à l'artiste restaurateur les parties pri-
» mitives des verrières que ce dernier aura la faculté de
» remplacer. Je vous prie, M. le Gouverneur, de porter ces
» dispositions nouvelles à la connaissance des conseils de
— 1U —
» fabriquf! de votro province et de donner à la présente
» communication In puMicilé dont votre administration
» dispose. »
ÉDIFICES ET MONUMENTS RELIGIEUX.
ÉGLISES, DÉPENDANCES, AMEUBLEMENT.
Le collège approuve :
Les réparations projetées à l'anKîublement de l'église
de Pondrôme (Namur) ; devis : 1,411 francs;
Le nouveau dessin du jubé à établir dans la cliapelle de
Seviscourl, commune de Bras (Luxembourg); devis:
1,584 francs ;
Les réparations projetées ;i la toiture et au cloclier de
l'église de Warquignies (Hainaut); devis: 1,002 francs;
Ainsi qu'à l'église de Jurbise (même pi-ovince); devis :
1 ,900 francs;
Divers travaux d'entretien à exécuter à l'église et au
presbytère de Stoumont (Liège); devis : 3,000 francs;
La reconstruction de l'escalier extérieur de l'église ainsi
que du mur de clôture du cimetière d'Obourg (Hainaut) ;
devis : 3,261 francs;
Le dessin d'un portail pour l'église d'Oygbem (Flandre
occidentale), et l'établissement d'une voûte en plaibnnage;
devis : o,90G francs;
Le plan relatif à la construction d'une tour en maçonnerie
en remplacement de la petite flèche qui se trouve sur l'église
de Zammel (Anvers); devis : 7,923 francs.
La Commission est d'avis qu'il y a lieu de faire divers
travaux d'entretien au temple prolestant de Dour (llainaulj,
— ^orj —
sous la surveillance spéciale de M. l'architecte provincial;
devis : 1,608 francs.
Les ressources locales étant très-minimes, la Commis-
sion ne croit pas devoir insister pour que les changements
qu'elle a indiqués soient exécutés à la tour de l'église de
Russon (Limbourg). La reconstruction de la flèche et les
travaux d'appropriation de la tour, tels (ju'ils ont été conçus
primitivement, coûteront 8,200 francs.
L'agrandissement de l'église de Freux (Luxembourg) ne
peut se réaliser ainsi qu'il est projeté. Le' devis actuel s'élève
à 19,500 francs.
Le plan présenté poui* la construction d'une église à Mar-
tilly, commune de Straimont (Luxembourg), donne lieu aux
observations suivantes : le couronnement des j)ilastrcs et des
angles de la façade est trop lourd; la corniclie de la tour
n'est pas en rapport avec le style adopté ; une disproportion
choquante existe entre la hauteur et la largeur du vaisseau
de l'édifice; la charpente n'offre pas toutes les garanties
désirables de solidité.
La Commission approuve les dessins de l'église qu'on
propose d'ériger à Biesmes,sousThuin (Hainaut), ainsi que
le devis, qui s'élève à i2o,D20 francs. Cette église pourra
contenir 350 personnes.
Après s'être livré à un mûr examen de la question et avoir
entendu le rapport des commissaires-inspecteurs qui ont
visité la paroisse de Prayon, commune de Foret (Liège),
le Collège pense, unanimement, qu'il y a lieu d'ériger la nou-
velle église sur le terrain offert par M. Ancion-Laloux. Les
considérations sur lesquelles cet avis est fondé sont les sui-
vantes : 1" la population de la paroisse dépasse 1,500 âmes
— 250 —
t'I, s'accroif, chaque année d'environ oO personnes. L'empla-
cement de la chapelle actuelle n'est pas suffisant pour per-
mettre de construh'e une église proportionnée à l'importance
d'une telle paroisse. L'achat de deux maisons et de leurs
dépendances permettrait, il est vrai, de disposer d'un terrain
d'une certaine étendue ; mais MM. les bourgmestre et éche-
vins déclarent que cet achat coûterait au moins 10,000 francs.
Il ne serait pas impossible d'exhausser le sol sur lequel se
trouve aujourd'hui la chapelle, de manière à le préserver
des inondations, mais cette opération nécessiterait une
dépense assez grande; 2° à Prayon, comme partout,
on établit de préférence les nouvelles constructions à proxi-
mité de la station du chemin de fer et, par là, le centre
tend à se déplacer; 5" le hameau de la Brouck, qui est
le i)lus éloigné du terrain de M. Ancion-Laloux, est pres-
que entièrement habité par des ouvriers. Mais ces ouvriers
évitent de faire usage du })ont qui conduit directement à
Prayon, afin de se soustraire au péage. Dès lors ce terrain
est plus avantageux pour eux que l'emplacement actuel. Afin
de combattre cet argument on fait valoir le mauvais état du
chemin cpii longe la Vesdre, mais c'est là un motif de peu
de valeur, car une dépense minime suffirait pour rendre ledit
chemin praticable en toutes saisons; 4" les souscriptions
particulières auront une im])ortance réelle, indépendamment
du dun du terrain, si l'église est érigée à jiroximité de la
station, tandis que cette ressource sera insigniliante si l'em-
placement actuel est maintenu. Or, il est à désirer qu'on
puisse construire immédiatement une église assez vaste pour
ne pas devoir l'agrandir d'ici à (pielques années. Quant à
la chapelle actuelle, il semble impossible d'en tirer j)arli. Du
— 257 —
reste, même en se bornant à un agrandissement, on ne pour-
rait ménager une place jjublique convenable devant le por-
/ail qu'en faisant, au prix de 10,000 francs, l'acbat des deux
maisons citées précédemment.
La Commission engage l'auteur des plans présentés pour
la reconstruction de l'église de Moustier (Namur), à faire
une nouvelle étude de l'ordonnance de son projet. Les
absides de la façade ne produisent pas un beureux effet; le
gable qui surmonte la porte principale est lourd; les [(repor-
tions des fenêtres des bas côtés sont trop restreintes; le
rapport entre les bas côtés et la nef centrale n'est pas conve-
nablement combiné; les colonnes intérieures devraient avoir
des bases en pierre. Enfin, il semble impossible d'exécuter
les travaux projetés pour moins de 70 francs par mètre
carré de superficie.
Les dessins de la nouvelle église de Bracquegnies, com-
mune de Strepy (Hainaut), sont approuvés, à la condition
qu'on donnera moins d'importance aux croix qui couronnent
les pignons. Le devis, s'élevant à 81,000 francs, parait
insuflisant. Cette église pourra contenir 870 personnes.
L'emplacement sur lequel il s'agit d'ériger la nouvelle
église de Meirelbeke (Flandre orientale) est plus convenable
et plus central que le terrain occupé par l'église actuelle.
La Commission reconnaît aussi qu'on ne pourrait obtenir
un résultat satisfaisant en agrandissant l'édifice actuel. Après
avoir examiné les dessins de l'église projetée, elle conseille
d'adopter complètement le style roman, afin de diminuer
les dépenses, vu que ce style permet de simplifier le sys-
tème de décoration architecturale.
Des explications sont nécessaires au sujet de l'église qu'il
— TM —
s'ai2rit lIc construire à Moerkerke ( Flaïuin* oecideiitalt' ) :
l'cdifico projeté pourrait contenir 2,500 personnes; ce chiffre
parait exagéré, eu égard à la population de la paroisse;
il semble d'autant plus impossible d'établir une construction
aussi importante (1,075 mètres carrés de superficie), pour
la somme de 96,898 francs, cpie la décoration intérieure est
compliquée et coûteuse; les dessins ne sont pas suflisam-
ment arrêtés pour permettre d'ai)précier les détails, et le
devis n'indique pas la qualité des matériaux qu'il s'agit
de mettre en œuvre pour certaines parties de l'éditice.
Les propositions laites pour la reconstruction totale de
l'église d'Eecloo donnent lieu à de graves objections. Il est
fâcheux, du reste, qu'on ne se soit pas borné à proposer
l'agrandissement de l'église actuelle, conformément à l'avis
du Collège. La tour de cette église date du xiii" siècle et
n'est nullement dénuée d'intérêt. Si les administrations
locales se prononçaient définitivement en faveur du dernier
projet, la Commission regretterait de voir élever la nouvelle
construction sur un emplacement qui manque de commu-
nications suffisantes et ne permet pas de ménager un j)arvis
convenable. Dans ce dernier cas, on devrait absolument
faire l'achat des maisons qui existent entre l'église actuelle
el la place du Marché et tourner la façade vers cette place.
La Commission, se conformant aux instructions formelles
de M. le Ministre de la Justice, fait connaître à ce haut
fonctionnaire, qu'écartant la (juestion de savoir si dans le
cas actuel tel style doit être préféré à tel autre, elle pense
qu'il faut faire choix du projet présenté par M. Van der Rit,
pour la construction d'une nouvelle église à Saint-Josse-ten-
Noode. D'après les pro])ositions de cet architecte , le vais-
— >2o9 —
seau de l'édilice coûlorait. 100,000 francs, la façade el la
(OUI- 82,000 francs. Toulefois le Collège n'a pas l'intention
d'approuver délinilivement le plan mis sous ses yeux, et
il se propose d'indiquer ultérieurement les modilications
à introduire encore dans ce travail. Les réserves formulées
quant à l'emplacement sont aussi maintenues. ( Voir
page 482, première année.)
L'entrepreneur de la nouvelle église de Wettcren se trou-
vant dans l'impossibilité de remplir ses obligations, la Com-
mission , se référant à l'avis des diverses administrations
intéressées, pense qu'afin de ne pas perdre de temps, il y a
lieu d'autoriser le conseil de fabrique à continuer les travaux
en régie.
Elle émet une opinion semblable en ce qui concerne la
restauration et l'agrandissement de l'église de Braine-l'Al-
leud, le conseil de fabrique ayant démontré qu'il se trouve
dans des conditions particulièrement favorables pour faire
exécuter les travaux aux prix les plus bas.
Se conformant à l'invitation de M. le Ministre de la
Justice, la Commission adresse à ce haut fonctionnaire
l'indication graphique des changements qu'elle désire voir
introduire dans le dessin de la nouvelle façade de l'église
de Saventhem (Brabant). Elle persiste à réclamer le main-
tien de la chapelle actuelle des fonts baptismaux.
La Commission, partageant l'avis du comité des membres
correspondants de la province d'Anvers, le prie de faire
des démarches près de l'administration des hospices de la
ville d'Anvers, afin qu'aucune construction ne soit de nou-
veau élevée contre l'élégante chapelle dédiée à saint Nicolas,
qui date de 1422, et que les belles fenêtres ogivales, qui
— ^200 —
aujourd'hui sont partiellement murées, soient rétablies dans
leur état primitif. L'administration des hosj)ices, proprié-
taire de la chapelle, a lait récemment abattre les échoppes
élevées il y a un siècle , et qui cachaient la vue de
l'édifice.
Les propositions faites par M. le sous-architecte provincial
pour la restauration de l'église romane de Berg(Limbourg)
sont admises, mais, vu l'impossibilité où l'on se trouve de
dépenser pour le moment plus de 6,000 francs, il faudra se
borner à exécuter les travaux les plus urgents, tels que le
renouvellement total de la couverture en ardoises et la recon-
struction partielle de la charpente.
La Commission est d'avis qu'il y a lieu d'agrandir l'église
de Glons (Liège), sans tenir compte de la protestation d'un
certain nombre d'habitants; mais elle n'approuve pas le
projet qui lui est soumis, et désire voir adopter le style
roman, tant pour l'appropriation des constructions anciennes
que pour les parties nouvelles.
Consulté au sujet du parti à prendre pour la restauration
d'une fenêtre des bas côtés (chapelle du Saint-Sacrement),
à la cathédrale d'Anvers, le Collège répond qu'il s'en réfère
à la proposition que font MM. les membres correspondants
de reproduire fidèlement les détails qui ont existé autrefois,
et de rétablir par conséquent les meneaux, conformément
à une gravure datant du xviir siècle.
Les délégués qui récemment ont visité la grande et belle
tour de l'église d'IIoogstraeten (Anvers) déclarent que cet
édifice exige les travaux suivants : A, le renouvellement
d'une partie de la couverture en ardoises ; B, l'établissement
de meneaux en pierre (diverses baies sont aujourd'hui ornées
— 261 —
(le meneaux provisoires en bois); C, la réparation do tous
les cordons en pierre blanche et le remplacement des pierres
de jietit appareil qui recouvrent les pinacles et les cloche-
tons ; D, la réparation en recherche des diverses faces et la
reconstruction de quelques parties en brique. L'état fâcheux
du monument doit, en grande partie du moins, être attribué
aux joints nombreux qui existent dans les pierres; il est à
désirer ({ue des pierres dures de grandes dimensions soient
seules mises dorénavant en usage. Afin de faciliter la bonne
exécution des réparations projetées, il sera utile de lever les
plans complets de cette tour. La grande arcade qui existe
entre le vaisseau de l'église et la tour est bouchée au moyen
d'une cloison ; le Collège demande que cette cloison soit
enlevée, et que l'étendue intérieure de l'édifice cesse ainsi
d'être inutilement restreinte. Il est à désirer aussi que
la grande fenêtre de la façade soit entièrement démasquée,
et qu'on enlève les couches de chaux appliquées sur les cha-
])iteaux des colonnes des nefs, qui sont en pierre et fouillés
d'une façon remarquable. La dépense à faire j^our ces diffé-
rents ouvrages sera assez considérable, mais rien n'empêche
de la répartir sur six ou huit exercices successifs. Il existe,
dans un coin du jubé, deux petites statues en albâtre et un
busl(^ qui ne sont nullement dépourvus de mérite et qu'il
importo de placer dans un endroit ])lus convenable.
Des commissaires-inspecteurs ont récemment visité les
églises Saint-Jean, Notre-Dame et Saint-Bertin, à Pope-
ringhe.
Les travaux de restauration marchent convenablement
à l'église Saint-Jean , mais les fonds disponibles ne suffisent
pas pour imprimer à cette entreprise l'activité désirable.
— 262 —
Quelques ouvrages peu importants ont |iu seuls être faits
depuis deux ans et demi , à la façade principale ainsi qu'à
l'extérieur du chœur. Les premiers travaux dont il impor-
tera de s'occuper sont l'achèvement de la façade et la répa-
ration de la face latérale vers le Sud. Le conseil de fahrique
se verra obligé de suspendre les travaux, si la province
et l'Etat ne viennent sans relard à son aide : ce serait là
un fait regrettable, car les ouvriers, qui déjà ont acquis
une certaine expérience spéciale, seraient bientôt dispersés
et l'on éjtrouverait ensuite de nouvelles difficultés pour la
réorganisation d'un bon atelier.
Les travaux exécutés pendant les trois dernières années
à l'église Notre-Dame sont : l'organisation des ateliers; la
restauration d'une partie de la face latérale vers le Sud;
la réparation de la partie supérieure de la face Nord, com-
prise entre le transept et l'angle de la face Est. Le reste
de l'année sera employé à : 1" compléter la restauration de
la ])artie de la face Nord comprise entre le transept Nord et
l'angle de la face Est ; 2" restaurer la face du transept Nord;
ô" n^construire la voûte inférieure de la tour qui s'est écrou-
lée il y a quelques années. La face Sud de l'édifice sera
entamée en 1864.
Les derniers ouvrages dont on se soit occupé à l'église
Saint-Bertin sont : .1, l'établissement des ateliers et des
échafaudages ; li, la restauration partielle de l'extérieur de
l'abside; C, la réparation d'une partie des faces de la nef laté-
rale vers le Sud ; I), la construction de la nouvelle sacristie.
Une certnine quantité de matériaux se trouve en outre à
pied-d'œuvre. La lin de l'année sera consacrée : 1"à l'acliè-
vemont (h) rcxtéricur de l'abside; 2" aux travaux complé-
mentaires (jue les faces de la nef Sud exigent; 5" à la mise
sous toit de la nouvelle sacristie.
Les conseils de fabrique de ces trois églises s'imposent
tous les sacrifices possibles, mais il est à regretter que l'ad-
ministration communale de Poperinghe se m.ontre, à l'égard
doses monuments, d'une indifférence déplorable alors que
l'exemple de localités bien moins importantes devrait la
stimuler et l'engager à adopter les idées généreuses qui
partout se manifestent dans le pays. La Commission est
d'avis que l'État ne devrait intervenir que si la ville,
qui est la première intéressée, se décidait enfin à faire
un certain sacrifice en faveur de ses trois églises monumen-
tales.
Après un nouvel examen des pièces et des plans relatifs à
la restauration de la façade de l'église Saint-Loup, à Namur,
le Collège croit devoir se rallier à la proposition que fait
l'architecte de la ville, de démolir entièrement cette façade.
L'entreprise offrira de nombreuses difficultés, et il faudra
j)rendre les précautions les plus minutieuses afin d'assurer
la bonne exécution des travaux. Le devis estimatif, s'élevant
il 140,565 francs, n'est pas exagéré. La question de savoir
s'il faut supprimer le perron, peut, sans inconvénient, être
ajournée.
PRESBYTÈRES.
La Commission est d'avis qu'il y a lieu d'approuver :
1" Les réparations projetées au presbytère de Bois-
d'Haine (Hainaut); devis : 1 ,500 francs ;
!2" La demande de subside formée par r;i(iiiiinislration
- 204 -
communale do Glioy (Hainaiit), afin de couvrir les frais des
travaux exécutés d'urgence au presbytère de cette com-
mune;
5" Les propositions faites pour la reconstruction des
dépendances du presbytère de Sommièrc (Namiir); devis :
G, 006 francs ;
4" La construction de presbytères à Bébange, commune
de Habergy (Luxembourg); devis : 12,545 francs;
5° A Courcelles (Hainaut); devis : 16,044 francs;
6" Les dessins et devis (16,765 francs) du presbytère
projeté à Masbourg (Luxembourg) , à la condition que l'au-
teur fera une nouvelle étude de divers j)oints accessoires.
Le Collège ne peut admettre les dessins présentés pour
la construction d'un presbytère à Walermael-Boitsfort
et demande qu'on donne à ce bâtiment un caractère spécial
en rapport avec sa destination.
ÉDIFICES ET MONUMENTS CIVILS.
ÉTABLISSEMENTS DE BIE>iFAISAISCE.
Le projet de reconstruire l'Iiospice des pauvres veuves à
Lessines (Hainaut) est appi-ouvé; on ferait bien, toutefois,
dans l'intérêt de la salubrité, d'éloigner la citerne de ce bâti-
ment. Il sera difficile d'exécuter avec tout le soin convena-
ble les travaux projetés, sans dépasser la somme de 16,560
francs, qui l'ornio le total du devis estimatif.
Le département de la guerre se propose, dit-on, de modi-
fier le plan de la façade de l'ancien bùtel Van Liere, qui
aujourd'])ui sert d'bùpital militaire à Anvers. Cet édifice
— 26ri —
figure au nombre des constructions civiles remarquables
du XVI* siècle. Albert Durer, qui le visita en 1529, assure
qu'à cette époque rAllemagnc ne possédait aucun hôtel
qui pût lui être comparé. La Commission, se ralliant à
la proposition du comité provincial d'Anvers , prie M. le
Ministre de l'Intérieur de vouloir bien interposer ses bons
olïices près du département de la guerre, afin d'obtenir
que le caractère de l'ancien édifice soit respecté. MM. les
membres correspondants ont l'ail une étude spéciale de
la question et seraient heureux d'offrir leur concours à
l'officier du génie chargé de la direction des travaux
de restauration. Dans le but de justifier sa proposition, le
Collège joint à son rapport quatre planches photographiées.
MAISONS COMMUNALES, BEFFROIS. HALLES, DONJONS, etc.
Un avis favorable est donné sur : 1° le dessin de la
cheminée à établir dans la salle cchevinale du bâtiment
des Halles , à Ypres ; 2" les propositions détaillées soumises
par l'architecte, quant aux portes, lambris et carrelage de la
même salle; 3° les épures des boiseries de la salle principale
du monument.
Consultée par M. le Ministre de l'Intérieur au sujet du
désir exprimé par l'Académie royale des lettres , des
sciences et des beaux-arts et par l'Académie royale de
médecine, d'approprier la rotonde du Musée de Bruxelles
à leur usage, le Collège répond : La rotonde du Musée est
enclavée dans les différentes salles affectées au service des
académies et n'est utile qu'à ces deux corps savants ; il
semble donc rationnel de la mettre définitivement à leur
— 260 —
disposilion exclusive. Cette rotonde est particulièrement
bien disposée pour le placement des bustes assez nombreux
que les Académies possèdent déjà. Quelques centaines de
francs suffiraient pour les travaux urgents d'appropriation;
le prix des consoles ou piédestaux serait prélevé sur l'allo-
cation particulière destinée à l'exécution des bustes. Plus
tard, et lorsque des fonds seront disponibles, il sera facile
d'embellir cette rotonde, qui déjà est remarquable sous
le rapport de ses dispositions arcliilecturales. Indépendam-
ment de (pielques peintures décoratives, on pourra alors
placer deux tableaux historiques sur les cheminées et rem-
placer la médiocre composition qui occupe le plafond.
L'administration communale de Spa a donné au rapport
du 5 juin dernier (v. p. 248), une interprétation erronée :
La Commission ne désire pas faire transformer en monu-
ments de simples constructions rurales, mais elle persiste
à dire que, sans augmenter la dépense, on peut donner au
plus modeste bâtiment un cachet spécial et un caractère
artistique. Du reste, il n'est pas nécessaire, comme semble
le croire l'administration communahV de Spa, de visiter
les villes des bords du Rhin pour y étudier des constructions
dont de nombreuses publications donnent une juste idée.
PEINTURE, SCULPTURE, CISELURE, TAPISSERIES, ktc.
OUVRAGES MODERNES.
La Commission, se référant à l'avis du coniité des mem-
bres correspondants, pense qu'il y a lieu d'autoriser le
bureau des marguilliers de l'église^ Saint-Georges, à Anvers,
à faire murer les deux fcnt-lrcs (\\i\ surmonlcnf les autels
- 267 —
latéraux, afin de les remplacer par deux compositions se
rattachant à la décoration générale exécutée par MM. Guft'ens
et Swerts.
Le projet présenté pour la décoration du chœur de l'église
Saint-Pholien, à Liège, est combiné de façon à respecter les
grandes lignes architecturales et à faire valoir les vitraux
peints. La sobriété des détails semble toutefois poussée trop
loin en ce qui concerne le soubassement derrière l'autel et la
voûte. Le ton est aussi trop froid à ces endroits, et on
pourrait adopter là une richesse plus grande sans craindre
de nuire à l'effet des verrières. La disposition des vitraux
est bien entendue, mais l'auteur devra donner plus d'in-
tensité de couleur au verre, afin d'éviter une transparence
exagérée. Le dessin des objets mobiliers semble convenable,
mais les pinacles des stalles devront être mieux combinés
avec les arcatures des fenêtres du chœur. La somme de
42,000 francs, qui forme le total du devis, n'est pas exagérée.
La Commission ne croit pas pouvoir se prononcer favora-
i)lement sur les propositions qui récemment lui ont été sou-
mises pour l'exécution des vitraux peints du chœur de
l'église Notre-Dame du Sablon, à Bruxelles.
Elle ne pense pas non plus que les verrières qu'elle vient
(le faire examiner par des délégués puissent, sous le rapport
(lu style et de la composition, être j)lacées dans la remar-
quable église de Léau.
OUVRAGES ANCIENS.
Il résulte du rapport de membres du Collège qui récem-
ment ont fait un voyage d'inspection dans la Campine anver-
soise, que deux volets, provenant d'un monument élevé vers
— 268 —
le commencement du xvi'' siècle à la mémoire d(î Corncill
Van der Nootet de sa femme Jeanne Van denWyngaerdcn,
servent actuellement de portes aux côtés de l'autel de la
chapelle d'Overbroeck, commune de Brecht (Anvers). Ces
volets représentent notamment des épisodes de la vie de
saint Georges, et la peinture n'en est nullement dénuée de
mérite. Il importe de les déplacer sans aucun retard, attendu
(|ue le mouvement leur est très- nuisible, et ensuite de les
réparer. Une somme de GOO francs suffirait pour remettre
ces objets d'art en bon état.
Un tableau représentant le Jugement dernier, et qui sem-
ble dater du milieu du xv'^ siècle, se trouve dans l'une des
salles du rez-de-chaussée, à l'hôtel de ville de Diest. Cet
ouvrage, qui est remarquable sous divers rapports, a beau-
coup souffert des injures du temps et de la négligence des
hommes : le panneau est disjoint et vermoulu ; la couleur se
détache par écailles ; enfin la crasse qui le recouvre a une
épaisseur telle qu'on distingue difficilement certaines parties
du travail. Ce tableau a 1 m. 80 c. de largeur sur 2 m. 20 c.
de hauteur; le nombre des j)ersonnages des premiers plans
s'élève à plus de soixante. En considération du fâcheux état
de cette œuvre importante, on ne peut guère estimer sa
valeur vénale à plus de GOO francs, tandis (pi'une somme
de 1,250 francs est indispensable i)our la remettre en bon
état. Le Collège propose à M. le Ministre de l'Intérieur
d'inviter l'administration communale de Diest à déclarer :
1" si elle est disposée à céder ledit ouvrage à l'État; 2" si elle
préfère pourvoir, avec l'aide de la province et du gouver-
nement, aux frais d'une restauration complète exécutée par
un peintre restaurateur de j)i-emier mérite.
— ^200 —
L'église de Noire -Dame, à Acrschol, jtossède plusieurs
tableaux remarquables , et notamment des œuvres de
Crayer, Maes et Verliaglien , qui presque tous sont plus
ou moins détériorés. Un tableau gothique, de l'école de
Quentin Metsys, exige surtout des réparations urgentes ; le
panneau se sépare et de nombreuses écailles de couleur ont
disparu déjà. Ce tableau représente sainte Barbe et com-
prend 25 figures. La Commission demande qu'une somme
de 1 ,550 francs soit consacrée à réparer ces diverses pro-
ductions de l'école flamande.
Des vestiges de peintures murales ont été récemment dé-
couverts dans deux chapelles de l'église Saint-Sulpice, à
Diest. Les parties mises au jour représentent un arbre sym-
bolique, des arabesques et contiennent des inscriptions; il
y a lieu de croire que de nouvelles recherches feraient bien-
tôt reconnaître l'existence de personnages et de compositions
complètes. Comme le conseil de fabrique est obligé de
consacrer toutes ses ressources aux importants travaux
de consolidation qui s'exécutent en ce moment à l'édifice,
le Collège prie M. le Ministre de l'Intérieur d'allouer
un léger subside afin de permettre la continuation desdites
recherches.
Deux des fenêtres du chœur de l'église de Loenhout (An-
vers) sont ornées de vitraux qui portent la date 1537. Mal-
heureusement ces intéressants objets d'art sont dans un
état déplorable, et, pour les sauver d'une destruction totale,
il importe de s'en occuper sans nul retard. Ces vitraux se
composent de 12 panneaux ayant chacun 56 c. sur 52. Afin
de les réparer et de remplacer la base et le couronnement,
qui ont disparu, une somme de 1,250 francs serait néces-
— ^270 —
saire, y com|)ris le prix du treillis extérieur en ter. Mais,
outre cette dépense, on aura à s'occuper de la réparation
des fenêtres du chœur, qui sont très-endominagées et se
trouvent bouchées en partie. (Ces vitraux sont cités à la
page 38 du compte rendu de la séance générale de 1861.)
L'État vient d'allouer un subside pour la restauration du
retable provenant d'une chapelle qui appartient au conseil
de fabrique de Loenhout ; il conviendrait de placer ce
retable sur le maître-autel de l'église paroissiale.
Les fragments de vitraux [ieints de la renaissance, qui se
trouvent dans l'église de Vlimmeren (Anvers), proviennent
de deux fenêtres et sont trop incomplets pour permetti-e d'en
proposer la restauration. Dans l'état actuel des choses, le
seul parti à prendre est d'engager le conseil de fabrique
à céder ces fragments au Musée archéologique d'Anvers.
Un magnifique jubé sculpté en pierre existe à l'entrée du
chœur de l'église primaire d'Aerschot. Cette œuvre, qui
date du commencement du xvi'' siècle, est ornée de dix-sept
groupes représentant des sujets tirés de l'histoire sainte.
Six figures et quatre groupes ont disparu depuis un grand
nombre d'années. Il est à regretter que plusieurs couches
de couleur grossière soient venues altérer la finesse de ce
travail magistral. La Commission propose à M. le Ministre
de l'Intérieur d'allouer un subside pour restaurer ce jubé
et lui rendre toute sa splendeur primitive. Provisoirement
il inqiorle d'interdire au conseil de fabrique d'aggraver le
mal en faisant appliquer de nouvelles couches de couleur. On
pourrait aussi ouvrir les deux arcades latérales, et par suite
dé[)lacer l'escalier, afin de permettre aux fidèles de voir le
maitre-autel, ce qui est difficile dans l'étal actuel des choses.
— 1271 —
Les délégués qui se sont rendus récenimenl à Hruges oui
constaté que le modèle de la statue du comte d'Egmont ,
exécuté par Calloignc et pour lecjuel ses héritiers réclament
deux mille francs indépendamment des sommes payées
avant 1850, ne peut être classé au nombre des meilleures
productions de ce célèbre statuaire. Ce modèle a 2 m. 43 c.
de hauteur, la plinthe non comprise. La fonte en bronze
coûterait environ i 0,000 francs. En ajoutant un millier
de francs pour les frais de transport, etc., il faudrait donc
une somme totale de 15,000 francs pour donner suite, sans
modification aucune, à ce projet. Dans ces conjonctures,
la Commission pense qu'il serait préférable de faire exécuter
par l'un de nos artistes les plus recommandables une statue
en pierre à placer sur le piédestal qui depuis nombre d'an-
nées existe au centre de la commune de Sottegem. Ce
dernier parti permettrait de réduire la dépense totale à
7,500 francs environ.
Le Secrélaire de lu Coimnission royale des Monuments.
Jules Dugisiollk.
Vu en conformité de l'article 23 du règlement.
Le vice-Président ,
Baron de Roisin.
RECHERCHES
CONCERNANT LA DATE DE LA CONSTRUCTION
L'ÉGLISE NOTRE-DAME,
A SAINT-TROND.
Appelé à examiner, avec M. Décurie, membre de la Com-
mission royale des monuments , le projet de restauration
de cette église, présenté par M. l'architecte Gérard, j'ai fait,
au sujet des dates de sa construction , des recherches
afin de m'expliquer les différents styles qui y furent
employés.
Ces recherches ont mis au jour quelques détails incon-
nus, puisés en majeure partie dans des documents inédits,
et qui m'ont paru assez intéressants pour les publier.
La ville de Saint-Trond, qu'il ne faut pas confondre avec
18
— 274- —
l'ancien Sarchinium, siège de l'abbaye de ce nom, possédait
une église dédiée à la Vierge et dont la construction était
due à l'abbé Adelard, qui occupa le siège abbatial entre les
années 1055 à 1082 (i).
L'église fut détruite, en 1180, par un incendie, qui
dévora la ville entière (2).
Gomment et quand fut-elle rétablie? C'est ce que les
documents ne disent pas; mais un acte du mois de mai
1205 nous apprend que l'abbé de Sainl-Trond autorisa
l'établissement d'une association, dite de Notre-Dame, dont
l'autel se trouvait dans le transept de l'église (3). Par un
autre acte, daté du 17 mars 1599, l'église fut érigée en
collégiale d).
La nouvelle église semble donc avoir été bâtie en croix,
forme qu'elle n'a plus aujourd'hui et qui, indépendamment
du style, permet de supposer qu'elle a été reconstruite
postérieurement à 1205 d'après un plan nouveau.
Les travaux de l'église actuelle étaient déjà en activité
pendant l'année 1 421 , comme le constate le testament d'An-
(1) Gesla abb. Sancti Trudonis, dans Pertz, Monuments, XII, 23o. Outre
l'église de Saint-Trond, ce prélat, auquel on a donné à juste titre la qualilication
de prélat-artiste, éleva encore relies de S. Gangoulphe, dans la niônie ville,
li'Aalburg, de Weyi'lunacl , de Peer, de Scliafîen, de Webheconi , d'Orey et de
Jiuneppo. A propos de Jenieppe, M. Koepke, l'éditeur de la elironiqiie de Sainl-
Trond, publiée par Pertz, a confondu cette localité avec Gemappes , petite ville
(jui appartenait aux ducs de Urabant, et dans hujm'Ue les abbés de Saint-Trond
n'ont exercé aucun droit.
(2) Ibid.
(3) Ad opus precipue illiux uliaris, quvd vocal iw inferius allare bealœ MaruP,
quod siib criice in predicta ecclesia sitiun liabeliir (Acte transcrit au fol, I du reg.
87 des arcbives de l'abbaye de Saint-Trond, au dép(d des Archives générales du
royaume, à Bruxelles).
\i) Ibid. fol. 7.
— 273 —
loiiie Van'Dycko, qui lui légua, le 50 oclobre delà même
année, une rente dont le revenu devait servir à la construc-
tion (i). De celte époque datent probablement une partie
des nefs et peut-être le chœur.
La tour étant tombée en ruines, l'abbé de Saint-Trond
et la ville firent, pour la réédifier, une transaction par
laquelle ils convinrent, le 8 juin 1512, que le magistrat
se chargerait exclusivement de la rétablir (2). Ensuite de
cette convention, Henri Van Jueck, architecte, se chargea
de la reconstruire et y travailla pendant les années I0I0
à 1518. L'abbé autorisa de son côté le magistrat à établir
une loterie dont le produit devait couvrir les dépenses des
travaux (â).
Enfin, le prélat la lit surmonter, en 1557, d'un toit en
forme de pyramide (4).
Cette tour, dont les formes étaient très-élégantes au dire
des chroniqueurs, tomba en 1668(5).
Quant à l'église, elle fut agrandie en partie au moyen des
(i) Item beset dese voorschreve testateur tôt de bouwmeesterschap ende
wercke Uer kercke van Orner Vrouweu, twee vaten rogge. (Ibid. fol. lU.)
(2) Ttirris œdificiiim ciim illiusappendiciis ad pnedictum oppidum SU Trudonis
et illius communitntem, minime ad nos [abbatem et conventum) spectant et per-
tinent quodque arcus conjiciendus a testitudine navis prœdictœ ecclesiœ
versus et ad lurrim prœdictum se reflecteiis et ille ammitens erit de gracia et
minime de jure. Nos vero burgimagistri, consules etjuratipro Jiobis totaquecom-
munitate et successoribus nostris prœsentium tenore attestamur. (.Ibid. lui. 155.J
(3) Ibid. loi. 156. Acte du :24jiui) 151«. — Los comptes de rarcliilecle (/;y««-
meesler) sont insérés dans le même volume.
(4) Chronique manuscrite de l'abbaye de Saint-ïrond aux Archives du
royaume. — Henri Van Herckenrode avait fait, en faveur de l'entretien de la
tour, un legs de i"! muids de bled par an, par son testament du 21 novembre
1314.
(5) Ibid.,anno 1668.
— 276 —
IM'odiiils (runc lotorip que rablx- de Saiiit-Trond autorisa
])aracte du lo janvier 1:349 (i).
L'ensGinble de ces documenls prouve que l'église actuelle
l'ut en toutou en partie construite vers li^I ; que, parsuile
de la récdification de la tour pendant les années l;rl5 à
1518, une partie du temple, celle (jui louchait à l'arc de la
lour, l'ut reconstruite; qu'elle fut agrandie en 1549 et que
la chapelle des SS. Roch et Sébastien, ainsi que celle des
SS. Job et Quirin, y furent ajoutées en même temps.
Ces dates se rapportent parfaitement au style de l'édifice
qui, conçu en grande partie dans le goût ogival tertiaire,
offre à la partie supérieure de la grande nef des motifs
appartenant à la dernière période de l'épocpie ogivale.
Les fenêtres de la grande nef et les arcadeltes du Irifo-
rium accusent, par les détails, une construction de la pre-
mière moitié du xvf siècle.
L'ancien portail, avec ses vases de genre rocaille, et les
deux arcades de la grande nef près de la tour, sont des
constructions du xvii" siècle, qui ont été faites à la suite de
la chute du clocher. Ce portail a été remplacé, il y a quel-
(jues années, par un autre de style ogival moderne.
Ces données historiques pourront peut-être servir à la
monographie de cette église, si toutefois on la ])ublie un
jour.
(^H. PlOT.
(i) Tôlier amplialie eiide vermeerdering der voorschreve kerke , ende toi
ereclie van Iwee cappellen die iiii bi'nonsl syn : die eene van St.-Sebasliaen ende
Ht.-Iiochiis indr d'nndere van Si. -Job ende St.-Qnirin. (lliid. IVil. 81.1
LE DONJON DE SICHEM.
La commune de Sichem , province de Brabant, possède,
entre le Dénier et l'ancien emplacement du château sei-
gneurial , un monument très-remarquable de l'architecture
militaire du moyen âge en Belgique. C'est un donjon de
l'orme circulaire, nommé vulgairement Vliiclit-Toren (Tour
(le refuge ) ou Maria-Toren (Tour de Marie) à cause d'une
niche qui, pratiquée à l'extérieur près de la porte d'entrée,
renfermait anciennement une image de la Vierge. La con-
struction se compose d'un souterrain, actuellement à fleur
de terre, et dont la voûte est défoncée, d'un premier étage,
couvert d'une voûte très-élégante de style ogival et ornée
de peintures, et d'un second étage qui était entièrement
à découvert, mais dont la voûte vient d'être rétablie (i;.
(1) Anteurbcm, dit Gramaye, proixilùlc eut hoc loco (ifjricolaruin perfugia
arcein fuisse, sive hirrim, qiiœ liodie conspicilur, a Deipara ( ciijiis iconcm con-
spicilur) noinen obtinens, miiro altissimo pœne inexpugmbilem el sœpe castra
perdilo profugisasylum faclinn bis iniqu/slemporibus. (Sichem, p. 01.)
— 278 —
Les archéologues qui se sont occupés de ce donjon n'ont
pu fixer la date de sa conslruction. Je me trouverais peut-
être dans un embarras semblable si, pour déterminer son
âge, je devais m'en rapporter exclusivement aux formes
de l'édifice, qui est percé d'ouvertures voûtées en anse de
panier, comme le sont la plupart des constructions mili-
taires du moyen âge. Celte forme de voussure, dont les
époques d'apparition et de disparition n'ont pu être déter-
minées pour constater l'âge des bâtiments militaires, ne
permet pas de fixer, même d'une manière approximative, la
date du monument auquel elle a été appliquée.
Selon Gramaye, le château seigneurial avec ses dépen-
dances a été construit en 1300, par Renier de Schoonvorst,
seigneur de Sichem. C'est une erreur manifeste en ce qui
concerne la date. La famille de Schoonvorst posséda ce
domaine par suite de l'acquisition qu'elle en fit en 1385;
seulement elle ne le conserva que jusqu'en 1430. Par con-
séquent. Renier ne peut y avoir élevé des constructions en
1300, lorsque la seigneurie apparlenail encore à Godefroi
de Vierson, frère de Jean II, duc de Brabant.
Je pense donc qu'au lieu de 1300, il faut lire 1400, erreur
typographique, dont l'ouvrage de l'historiographe belge
offre plus d'un exemple.
Ce qui mieux encore me porte à (-roire que le donjon est
delà fin du xiv'' siècle ou du commencement du suivant,
et qu'il a été élevé par la fann'lle de Schoonvorst en même
temps que le château dont il était une dépendance, c'est
l'écusson de la clef de la voûte du jireniier étage. Cet
écusson est parti d'un lion, cpii est de Sichem, et de
neuf besants, qui sont de Schoonvorst. Comme les voûtes
— 279 —
et les murs sont d'un seul jet, je ne doute aucunement
que la construction entière ne soit, ainsi que je le disais
tantôt, de la fin du xiv'' siècle ou du commencement du
suivant, et qu'il faut lire dans Gramaye 1400 et non 1300.
Des vues du donjon ont été publiées :
V Dans la Descriptioîi et figures des Pays-Bas, p. 287 ;
2° Dans le Polygraphe belge, 1836 ;
5° Dans le Recueil Héraldique du baron de Reiffenbcrg;
4° Dans les Monuments de Hainaut, Luxembourg et
Namur , du même auteur ;
5° Dans Y Histoire de l'architecture en Belgique, de Schayes.
Le gouvernement, dans l'intention de conserver cette
belle ruine, en a fait l'acquisition et a ordonné des travaux
alin de la consolider.
Ch. Piot.
-«x>o^§<cx>«>-
ANCIENNE HALLE AUX DRAPS
DE TOURNAT.
Totiniay, le ii) mars 18()3.
« Messieurs ,
» Vous m'avez fait i'Iiomieur de me communiquer, le 10
de ce mois, une lettre de M. l'ingénieur Maus, en date du 9,
par laquelle il vous prie de lui faire connaitre si l'éditice, qui
occupe le centre de la Grande Place à Tournay, dont le rez-
de-chaussée est occupé par la grand'garde, pourrait être
démoli sans inconvénient, sous le rapport de l'art et des
souvenirs; et vous me demandez mon avis sur cette grave
question.
» Je vais lâcher de satisfaire à votre désir.
SOUVENIRS HISTORIQUES.
» L'historien Cousin prétend que l'idole des Tournai-
siens, dont parle la légende de saint Eleuthère, était placée
BULLETIN DES COrtM^ROYALES D'ART ET D'ARCHÉOLOGIE
ANCIENNE HALLE AUX DRAPS
de Tournay
— 281 ^
en cet endroit. Cest esprit maling, dit-il, s'appelait Ebron
ou Ebroin, son repaire et logis estoit au grand marche , au
lieu ou a esté depuis la maison al treille ou la halle au
DRAP, autrement dit le corps de garde, qui fut abattue par
la tempesle des vens, le lendemain de Pasques, l'an 1G06,
et fust commencée à estre rebastie à la moderiie ces te
année 1610.
» Quoi qu'en dise Cousin, il ne parait pas qu'on puisse
faire remonter la date de ce monument au delà de 1228;
car avant cette époque il n'y avait, en cet endroit, qu'une
maison particulière. C'est ce que nous apprend une charte
du 29 août 1228, par laquelle la commune de Tournay et le
chapitre font les stipulations qui suivent :
» On convient que la commune disposera d'une maison
située sur la Grand 'Place, ayant appartenu autrefois à maî-
tre Havet et qui portait alors le nom de Maison à le Treille,
pour en faire une halle convenahie et propre à la vente des
draps, par étal distinct, et où l'on poui'ra peser les laines.
On devra aussi pouvoir y vendre et y mesurer le blé et les
autres marchandises. A cette fin, on fait choix de deux
bourgeois qui sont Henri à le Tache et Jean Castagne, et
de deux chanoines, Syger l'hospitalier et Jean fabbé, aux-
quels on confie l'exécution de ce projet. En cas de diver-
gence d'opinion, le chapitre devra nommer une cinquième
personne, mais à prendre parmi les laïques.
» Le chapitre donne à la commune, pour couvrir une par-
tie des dépenses que devra occasionner la construction de
cette halle, la moitié du droit de tonlieu sur les draps, et la
moitié du produit du droit de pesage, j)lus d'autres revenus
spécifiés dans la charte.
— 282 —
» Movcnnaiil quoi, la commune cède au chapitre la moitié
tant (lu fonds de l'emplacement (jue de 1 édifice lui-même,
et la moitié de ce (pii proviendra de la location des étaux
et de ce qui sera perçu dans la halle.
» Lorsque l'édifice aura été construit aux frais de la ville,
il sera, par la suite, enlj-etenu et réparé à frais communs avec
le chapitre. Il en sera de même si on agrandissait la halle,
en faisant pour cela l'acquisition d'un terrain conligu.
» Enfin les parties s'engagent respectivement à ne pas
aliéner leurs droits, mais aies exercer j)erpétuellement par
elles-mêmes. Ce contrat si solennel n'avait cependant pour
objet qu'un vaste édifice en bois, qui n'avait, dit Philippe
de Hurges, dans ses mémoires (Ceschcriii, ni greniers, ni
chambres, mais estait tout de charpcntuijc.
>) Il demeuni néanmoins debout presque quatre cents
ans.
» Comme nous l'avons déjà dit, cette immense grange
fut renversée |)ar une tempête le lendemain de Pâques
en 160(i. On s'occupa aussitôt de sa reconstruction, mais il
y eut beaucoup de pourparlers et de longues hésitations.
On ne sait trop ce qui en serait résulté, si le gouverneur de
la ville, 1(^ comte de Solre, ne fût venu mettre un poids
dans la balance. Il visita l'enqilacement où l'on devait asseoir
la nouvelle construction et se fit exhibei" le plan (|u'on avait
fait faire. Il ne fut content ni de l'un ni de l'autre. Il fut
d'avis (pie l'on devait acheter une maison contigué à l'nn-
cienne halle pour faire un édifice de forme carrée (;t il lit
adopter d'autant plus facilement sa manière de voir, qu'il
avait obtenu du iirincc une remise de 10,000 florins sur la
c<jnli'ibuli(»n ;innii('llc (|U(' |)ay;iit l;i viJN; sous le nom d'.4?/</e.
— 283 --
» L'architecte Quiiitiii Rate, auteur du plan, obliiil le
9 mars 1610 l'entreprise de l'édifice pour le prix de 22,000
florins, et la maison achetée pour agrandir le terrain, qui
avait pour enseigne : La toison d'or, fut payée plus de
6,000 florins.
» On voit dans cette délibération du 9 mars que la ville
voulait se procurer une halle comparable aux halles de
Gand, de Mons,de Valenciennes, d'Arras, d'Ypres, d'Aude-
narde, de Courtrai, de Lille.
» Le magistrat veut qu'il y ait à Tournay, comme dans
chacune de ces villes, une brétèqiœ (une tribune), au milieu
de la façade.
» Vingt jours après, on mettait la main à l'œuvre et quatre
délégués des consaux posaient les quatre premières pierres
armoyées de leurs eûmes avec la date, dans l'ordre suivant :
1° Pierre Louis de Lannoy,' chevalier, sieur du Haut-Pont;
2" Jean de Cordes, chevalier, sieur de Gisignies; 3° Gérard
Liébart, chevalier, sieur de Merlin ; 4" Michel de Gambry,
conseiller des prévôts et jurés.
» L'ouvrage se poursuivait avec beaucoup d'activité, lors-
(pie lout à COU]) une grosse difficulté le fit stater. Michel de
Gambry, en l'absence des autres membres délégués pour
surveiller l'exécution des travaux, avait pris sur lui de faire
avancer la construction six pieds hors de l'alignement des
maisons de la Grande Place, pour donner à la halle la forme
d'un carré parfait, même à l'extérieur. De là, grande rumeur,
vifs débats ; fallait-il laisser continuer le travail, ou devait-on
démolir ce qui était déjà construit? Pour s'éclairer sur la
solution à doimer à ces questions, on décida qu'il serait écrit
à Bruxelles, à Anvers et à Lille jwur mander trois archi-
— 284 —
tectes,iiii de chacune de ces villes, au jugement desquels on
s'en rapporterait. La décision qu'il s'agissait (U' prendre
avait une grande importance, car on avait travaillé jusqu'au
18 octobre et la muraille de la façade étail achevée jus(|u'à
la frise. Deux architectes seulement se rendirent à l'appel du
magistrat : ce furent Matlieus Van Herle, <r.\nvers, et
Augustin Leleu , de Lille. Avant de se metire ;i l'ieuvi-c,
ils durent prêter serment de remplir consciencieusement la
mission qui leur était confiée, et ils tirent leur rap])ort à
l'assemblée des consaux du 10 avril 1611. Jls dirent avoir
reconnu que le bâtiment estait trh-parfail en ce quil conte-
nait, bien inventé et fort durable, n'y ayant (/ue reprendre
et corriger; mais quant à son plan et assiete, que v estait
une difformité trop grande sur le marché que de voir avan-
cer de six pieds ce grand corps d'édifice oultre l'autre coing
du réduit, etc. Ils proposèrent de démolir tout ce qui était
fait de la façade et de fîiire rentrer l'alignement du côté
opposé au beffroi, de trois pieds et demi; ce qui fut exécuté.
Aucun autre incident ne |tarait avoii- retardé l'achèvement
de la halle.
STYLE DE L'ÉDIFICE.
» Quel((ue imposante que soit la façade de la halle, on ne
peut cependant pas se faire une idée complète de l'impor-
tance de ce monument en le voyant de la Grande Place.
»Le front de rue !ie présentant de ce côté qu'un développe-
ment de vingt-cinq mètres environ, l'architecte a dû mettre
la hauteur (le l'édifice en harmonie avec; sa lai-geur et adop-
ter nécessairenieiil |)Our celte l'iiison des proportions beau-
— 285 —
coup plus restreintes. Mais il a su compléter soti œuvre
dans la profondeur du terrain, en entouraiil un préau de
^8 mètres environ de longueur sur la mètres de largeur,
d'une très-belle galerie, formée par des arcades reposant
sur des colonnes monolithes, de l'ordre dorique, avec archi-
voltes du même style. L'intérieur de chaque travée est voûté
sur nei'vures en pierre bleue, parfaitement bien conservées.
Un étage fort élégant règne au-dessus de cette galerie
éclairé par des fenêtres croisillonées, deux correspondant
à chaque arcade; et séparées par des trumeaux de l'ordre
ionique.
» Quant à la façade, elle offre, comme les quatre ailes inté-
rieures, les deux ordres dorique et ionique superposés, sur-
montés d'un attique. Elle est couronnée par une balustrade
qui règne maintenant d'un bout à l'autre, mais qui autrefois
était coupée par trois grandes fenêtres pratiquées dans la
toiture.
» Les colonnes des deux ordres sont engagées et reposent
sur des piédestaux fort saillants ; ce qui donne beaucoup de
mouvement à l'architecture de l'édifice.
«L'entrée est formée par trois arcades : celle du milieu en
cintre fort surbaissé, et les deux autres en ogive et plus
petites.
«Au-dessus de l'entrée principale est une tribune en pierre
du plus bel effet. On y entre de plain pied de l'étage et elle
est protégée par un abat-voix, plat en dessous, soutenu par
quatre pilastres en bois et bordé, à la partie supérieure, par
un véritable treillis en pierre, qui rappelle celui qui entoure
iu statue de la sainte Vierge à Lille, à laquelle on a donné le
nom û(t Notre-Dame à 1(1 treille, et qu'une pieuse confrérie de
— 286 —
Tournny allait vénérer ('ha{jue année. Nul doiile qu'on n'ait
ado])té cet ornement pour rappeler le vieux souvenir de la
maison al treille, qui était la propriété de maître Havel,
avant de devenir celle de la commune.
» Tous les détails architectoniques de la halle de Tournay
portent bien le cachet des constructions de notre pays de la
lin du wf et du commencement du xvir siècle, et nous en
avons une garantie dans le lémoiunaoe des deux architectes
d'Anvers et de Lille qui sont venus faire l'éloge de l'œuvre
de leur confrère de Tournay.
» Il est inutile d'entrer ici dans de plus grands développe-
ments : des dessins seront mis sous vos yeux et notre hono-
rable collègue M. l'architecte Bruyenne vous fera, beaucoup
mieux que je ne le pourrais faire, la descrij)tion de toutes
les parties de la halle.
ÉTAT ACTUEL DU MONUMENT.
» Rien n'est j^lus à redouter pour la conservation d'un
édifice que de perdre sa destination primitive. Il en résulte
qu'on ne s'en occupe plus, qu'on l'oublie, qu'on le laisse se
détéi'iorer; parfois on le inutile, et ce qui est pis, sous un
prétexte plus ou moins futile ou économique, on le démolit.
La halle de Tournay était destinée au commerce. En bas,
sans doute, se trouvaient les balances pour peser les laines.
Chaque travée de la galerie formait une échoppe, et l'étage,
auquel on arrivait de l'extérieur, du côté du midi, par un
perron à deux rampes latérales, placé au-dessus de la porte,
était, au temps de foire surtout, occupé par des marchands,
qui y étalaient ce qu'ils avaient à vendre. La pièce de
— 287 —
l'étage, sur le devant, servait aussi probablement au même
usage, qui s'est i)er])étué à l'hôfel de ville d'Ypres jusqu'à
nos jours. Mais ici, au commencement de ce siècle , tout
cela a changé : les marchands ont quitté leurs anciennes
échoppes pour aller s'installer sur la Grande Place, et la halle
est demeurée vide.
» La conséquence de cet abandon a été que toutes les parties
cachées de cet édifice ont cessé d'être réparées, H qu'après
de longues années, on a fini par douter de sa solidité. On a
craint que les colonnes monolithes ne soient pas assez fortes
et on a muré en briques toutes les belles arcades autour du
préau.
» On ne peut pas se dissimuler que les façades des quatre
ailes intérieures ne soient en assez mauvais état et ne
demandent de grandes réparations; mais il est certain que
le mal n'est pas sans remède et qu'avec une dépense moin-
dre, peut-être, que celle qu'on a faite pour le beffroi, on
pourrait restaurer très-facilement l'intérieur de la halle. C'est
ce que M. l'architecte Bruyenne démontrera facilement.
CONCLUSION.
«Sous le double rapport de l'histoire locale et de l'art, il est
évident qu'il importe de conserver la vieille maison al treille
de Tournay, la halle aux draps, le corps de garde, la Bré-
tèque, où ont été publiés les lois et les règlements de la cité.
Aussi ne puis-je croire qu'il soit sérieusement question de
faire disparaître le monument civil qui fait l'ornement de la
Grande Place, le seul qui nous reste avec la tour du beffroi.
Sa démolition causerait un regret universel dans la ville et
— 288 —
avant deux ans d'ici on jcticrait la pierre aux auteurs d'un
tel acte de vandalisme.
» Il est une autre considération qu'il ne m'appartient pas
d'émettre, mais qui a bien aussi sa valeur, c'est que la
démolition de la halle occasionnerait à la commune une
perte sèche qui n'aurait aucune compensation. En choisis-
sant cet emplacement pour un palais de justice, on se met
dans la nécessité de bâtir : 1° un corps de garde, 2" des
classes de dessin, 3" un atelier pour le directeur de l'aca-
démie et 4° un musée de tableaux. Or, la construction de
ces locaux coûterait plus à la ville que l'acquisition d'un
des sept ou huit terrains qu'on pourrait trouver ailleurs.
Ajoutons encore que l'emplacement de la halle est trop petit
pour un palais de justice et que sa position près d'un champ
de foire, où l'on fait parfois des tapages épouvantables, ne
serait pas sans inconvénient.
» Agréez, Messieurs, l'assurance de mes sentiments les
plus distingués.
» {Signé) Voisin,
» Vicaire générai. »
BULLETIN DES COMM* ROYALES D'ART ET D'ARCHÉOLO&IE
Vue perspective
de la Cour intérieure et des Galeries.
de l'ancienne Halle aux Draps à Tournay
ANCIENNE HALLE AUX DRAPS
."^
DE TOURNAI.
L'édifice dont le rez-de-chaussée est aujourd'hui occupé
par la grand'garde a été construit, en 1610, pour une
halle aux draps, sur l'emplacement du Vieux-Marché,
d'après les plans d'un architecte tournaisien, qui en dirigea
liii-mcme l'exécution. Les différentes parties de ce monu-
ment servent aux usages les plus divers. Le bas en est
affecté à des bureaux , des salles, des magasins et des
remises; l'étage est occupé par l'Académie de dessin, de
peinture, de sculpture, d'architecture, et par le musée
de peinture.
La construction, de style renaissance, atout le cachet
de l'architecture de notre pays à cette époque. C'est la
seule construction civile de ce style, d'une certaine impor-
tance, que possède la ville de Tournay.
La façade principale, donnant sur la Grande Place, a
25 mètres de longueur. Le centre de cette façade comprend
i9
— ^290 —
cinq arcades à jour éclairant un porciic voûli', lequel donne
accès au corps de garde et à ses dépendances, à un ve.stiJ)ule
voûté conduisant ;i la cour et à un escalier.
Chacune de ses extrémités est formée par trois entre-
colonnemenls, garnis de lenètres avec montants et linteaux
de pierre, à moulures, éclainnit deux grandes pièces, l'une
à l'usage de l'officier et l'autre à celui des soldats de garde.
Cette façade, sur sa hauteur, comprend deux ordres diffé-
rents : le rez-de-chaussée, d'ordre dorique, est composé
d'arcades et d'entre-colonnements, formés par des colonnes
extrêmement engagées, avec souhassement à panneaux dia-
mantés et entahlement à ressaut, dont la frise est garnie de
triglyphes à gouttes, et de métopes ornés de rosaces et de
tètes de bélier garnies de guirlandes de fleurs.
La différence existant dans la largeur des arcades a pro-
duit dans cette façade le mélange d'arcs surbaissés avec
d'autres, de forme ogivale, tous ornés d'archivoltes en style
de la renaissance, construits en aj)pareils de la même épo-
(jue, mélange qu'on remarque dyns bien des constructions
de cette date.
L'étage supérieur, d'ordre ionique, est composé de onze
entre-colonnements formés par des demi-colonnes adossées à
des trumeaux, séparant des fenêtres garnies, comme celles
du rez-de-chaussée, de linte;iux et de montants en ])ierre
moulurée. Au centre de eel étage une trij)une à pans cou-
pés, en saillie, supportée par une console formant la clef
de l'arcade centrale. On arrive à cette bretéche, dont le
dallage est de niveau avec celui du premier intérieur, par
une petite porte doiin.'iiit (l;ins l;i pièce principale de cet
étage. La p;irlie iiilV'i'icnre de celle Iriliiiiic liretèche est
— 291 —
coiisti'uilc en picMTc jusqu'à son a|)|»ui. Son couronnornenf,
supporté par quatre pilastres gainés , en bois , d'ordre
ionique, représente à l'extérieur une balustrade ajourée.
Du centre de ce couronnement s'élève une statue dont la
tète est surmontée d'un chapiteau ionique en tout semblable
à ceux des colonnes de la façade. A en juger par le glaive
qu'elle tient de la main droite et le livre que porte la main
gauche, cette ligure représente la Justice. A droite et à
gauche de cette statue sont des panneaux à bossage diainanté
avec encadrement orné. La forme intérieure de ce couron-
nement abat-voix est celle d'une écaille garnie de rayons.
Les colonnes de l'étage de celte façade supportent un
entablement dont la frise est ornée de cercles et de panneaux
à moulures; au-dessus de cet entablement est un attique
divisé par des panneaux aussi à moulures, ornés de motifs
divers , tels que arabesques , découpures et écussons.
Cet attique est couronné d'une corniche supportant une
balustrade à claire-voie, aujourd'hui continuée sur toute la
longueur de la façade et qui primitivement était divisée
par plusieurs fenêtres ornées. Cette façade est construite
toute en pierre. L'une des façades latérales de cet édifice,
la seule visible, comprenant toute la largeur de la pièce
principale de l'étage, également construite en pierre de
taille, est terminée par un beau pignon de la même époque
que le reste. On doit regretter qu'on ait fait disparaître son
couronnement, qu'il sera du reste facile de refaire, et que
la nécessité ait forcé d'y pratiquer à la hauteur de l'étage
deux baies de fenêtres. Ces deux façades sont d'une très-
belle conservation.
La cour de cet édifice est de forme rectangulaire. Elle
— 292 —
mesure en largeur 15 mètres, divisés au rez-de-chaussée
en cinq arcades, et en longueur 28 mètres 90 centimètres,
comprenant neuf arcades. Elle est entourée des quatre
côtés d'une galerie voûtée de 4- mètres 40 centimètres de
l)rofondeur; ces voûtes d'arêtes comme celles du porche
sont garnies de nervures et de clefs moulurées.
L'architecture de cette cour est la môme que celle de la
façade principale. Le rez-de-chaussée, d'ordre dorique, est
composé de colonnes cylindriques à base attique supportant
les cintres des vingt-huit arcades, tous oniés d'archivoltes
renaissance, les uns surbaissés, les autres de fomn; ogivale
comme à la façade principale.
L'entablement de cet ordre, un peu lourd, est composé de
trigiyphes à six gouttes posés d'aplomb sur chacune des
colonnes, ainsi que sur la clef de chaque cintre et séparés
entre eux par des métopes panneautés en relief.
L'étage supérieur est d'ordre ionicpie, composé de pilas-
tres formant trumeau, séparant les croisées. Le nombre de
ces fcïiètres est double de celui des arcades. Comme à la
façade principale, elles sont gai'nies de nioiitanls cl de lin-
teaux en pierre moulurés.
L'entablement a sa frise garnie de panneaux à moulures,
les uns ornés d'arabesques et les autres de biseaux diaman-
tés; ces derniers font suite aux |)ilastres.
Au centre de chacune des j)eliles façades de celte cour,
il y a, de niveau avec l'ajtpui de l'élage, une jietite
niche supportée pai- une console saillante et couroimée
par un dais ayant la forme d'une demi-sphère allongée.
Les façades extérieures, construites en moellons, n'olTrenI
aucun intérêt p;ir letii' i\v\'u{\\ de caractère. A la façade
— 295 —
postérieure, donnant sur une petite place, il existait ancien-
nement un escalier droit à deux rampes avec palier condui-
sant à une porte dont la baie est encore apparente et donnant
accès aux galeries de l'étage.
Depuis la suppression de cet escalier, on a pratiqué dans
celte façade une grande porte au rez-de-chaussée et divers
châssis à l'étage.
Quoique les façades de cette cour soient entièrement
construites en pierre et que l'état des gîtages soit excel-
lent, la poussée des galeries et le poids des murs ont
ébranlé les colonnes des galeries, lesquelles sont monolithes
de 30 centimètres de diamètre sur deux mètres 34 centi-
mètres de hauteur. L'ancrage, très-vicieux par en bas et
qui fait complètement défaut dans la partie supérieure , n'a
pas peu contribué à laisser opérer un désordre très-sérieux.
Plusieurs colonnes ont perdu leur aplomb en tout sens,
d'autres ont leur chapiteau cas.sé et en partie écrasé, la
plupart des tailloirs sont brisés, et plusieurs pierres sont
éclatées et fendues, etc Une courbe très-prononcée a rem-
placé la ligne droite sur toute la longueur des façades; il
en est de même sur leur hauteur, dont le centre accuse un
hors-d'aplomb extraordinaire.
On a cherché à arrêter ce niouvement, d'abord en
doublant pour ainsi dire l'ancrage des voûtes, en ))laçant
des tirants de fer entre les voûtes et le dallage des galeries
de l'étage, en garnissant de collets en fer la partie unie des
chapiteaux des colonnes qui étaient le plus endommagés,
ensuite en bouchant par de la maçonnerie presque toutes les
arcades de cette cour el en construisant, dans l'intérieur des
galeries du rez-de-chaussée, des murs de refend en briques.
— 294 —
H est à regretter que la nécessité et les besoins de
l'administration communale aient fait dénaturer complète-
ment d'aussi belles galeries, en les employant à tout autre
usage qu'à celui de leur destination primitive, car ces
galeries ouvertes sont indispensables à la beauté de la cour
de cet édifice. Il est fâcheux aussi que l'on ait enterré
presque toutes les bases des colonnes.
La conservation de cette partie de l'édifice devra être l'ob-
jet d'études sérieuses ; elle exigera beaucoup de soins et
l'emploi des meilleurs modes de restauration.
Je joins au présent rap|)ort le dessin de la façade princi-
pale et celui de la cour, le tout dans l'état primitif de cet
édifice (i).
Tournay, 20 mars 1863.
(^Siyné) Justix Bruvenne.
(0 C'csl |>ai' (M'ivur qu'à la façade |iriiifii):ile on a fait passer la lialiisliai
(•(itiroiiriyiit l'attique en face des fenêtres siii' tuil.
QUELQUES NOTES
CONCERNANT DES
BRODEURS BELGES DU W SIÈCLE
ET DU SIECLE SUIVANT.
La Commission royale des monuments voulut bien nous
déléguer dernièrement, afin d'examiner les ornements
sacerdotaux que le conseil de fabrique de l'église Saint-
Martin, à Chièvres, avait décidé de faire restaurer. Ces
objets consistent en une chasuble et deux dalmatiques,
ornées d'orfrois d'or et de soie, figurant des rinceaux avec
fleurs, style du milieu du xvif siècle. Au centre de la croix
de la chasuble est un médaillon, orné d'une image de la Vierge,
assise sur un croissant.
Au bas des vêtements sont brodées les armoiries du
— 296 —
doua leur, fjui ne sont pas d'Egruoiit, comme on l'a supposé,
mais d'Arenberg. Elles sont de gueules à trois quintefcuijles
d'or, l)outonnées de même et sommées d'une couronne
ducale, tandis que si elles étaient d'Egmont, elles seraient
chevronnées d'or et de gueules de douze pièces (i).
Ces ornements présentent d'autant plus d'intérêt qu'ils
proviennent d'une famille qui a joué un rôle important
dans l'histoire du pays, et (ju'ils sont peut-être les derniers
produits de l'école des broderies historiées, si célèbre en
Belgique pendant le moyen âge.
En rendant compte à la Commission de notre examen,
nous lui avons communiqué verbalement, au sujet de plu-
sieurs brodeurs belges, des renseignements qui, sans avoir
la prétention d'être complets, lui parurent assez intéressants
pour nous engager à les publier.
On comprend l'importance que la Commission attache
à l'histoire de la broderie, qui, en Belgique, tient intimement
à celle de l'art plastique et de l'induslrio.
Les artistes les plus célèbres fournissaient parfois aux
brodeurs des cartons remarquables. Gérard Horenbout, qui
devint peintre de Henri VIII, roi d'Angleterre, fit pour
l'abbaye de Saint-Bavon, àOand, les cartons destinés aux
broderies d'une chape qui existe encore aujourd'hui dans
la cathédrale de cette ville (2). Les tisserands les plus
habiles, et dont les produits jouissaient en Europe d'une
(1) Charles 1, conile d'Areiiberj,' et du Saint-Empire, épousa, en 1587, Aune
de Croui, duchesse d'Arschot, princesse de Chiniai, etc., dont les ancêtres
possédaient la seigneurie de (^hiévres.
(î) Van \.OKKnL's, llislojj-c de rabbni^e (le Sainr-Ilnro}i,p. 1G8.
— 297 ~
juste célébrité, roiiriiissiiionl los étoffes (i). Les pMssemcii-
liers les plus adroits |)ré|)araient les soies, les ornements e(
los tissus les plus riches (2).
La ])lupartdes cités belges possédaient anciennement des
brodeurs célèbres, dont nous pouvons encore admirer
aujourd'hui les produits dans l'église SS. Michel et Cudule
à Bruxelles, dans celle de Saint-Jacques sur Caudenberg en
la même ville, dans les églises Saint-Pierre et Saint-Jacques,
à Louvain, Notre-Dame, à Tongres, Saint-Léonard, <à Léau,
d'Everbode, de Nieuwmunster, de Lapscheure, Saint-Sau-
veur, Notre-Dame et Saint-Basile, à Bruges, de Marche,
de Londerzeel (3), etc., etc.
Partout nous trouvons encore des épaves, des œuvres
dues au génie et à l'industrie de nos brodeurs qui , nés,
comme tous les Belges, avec le sentiment des couleurs,
savaient, au moyen de leur aiguille, produire des effets
surprenants. Partout nous trouvons encore, malgré les
destructions des iconoclastes et des vandales , des œuvres
qui rappellent une époque pendant laquelle le beau et le
bon étaient préférés au clinquant et aux procédés aussi
mesquins qu'économiques de nos jours.
Bruges, la ville de luxe par excellence, se distingua de
très-bonne heure par son goût pour les broderies. Les
princes de la maison de Bourgogne s'y faisaient faire,
(i) Les satins de Bruges étaient, pendant le moyen âge, très-recherciiés en
Angleterre et en France. (V. The privy parte exp. of king Henry VIII,
p. i±2. L'inventaire des oi'nements de la cathédrale d'Auxerre.)
(2) M. de Labordc cite des documents dans lesquels figurent des passemen-
tiers et des brodeurs qui étaient valets de chambre des ducs de Bourgogne,
comme l'était Jean Van Eyck.
(3) Les ornements sacerdotaux de Londerzeel sont surtout remarquables et
offrent des dessins défigures dignes d'un Memlinc.
— 298 —
en 1416, des robes brodées par Georges de Coriiewaille (i ).
Déjà antérieuremeiil, en 1412, un certain Henri Vanden
Leenbrucghe y avait brodé des bannières pour la ville (2), et
en 1435 plusieurs maîtres brodeurs travaillaient, avec leurs
compagnons, aux vêtements du duc de Bourgogne, qui
étaient conservés dans son palais h Bruges (3).
La ville de Tournay possédait, en 1444, un brodeur du
nom de Thierri Dnchastcl, qui y confectionna pour l'évèque
« huit images de brodure, assises sur les chasubles, tunique,
» dalmatique de drap de damas blanc, que mondit seigneur
» a l'ait faire (4). »
Une autre ville, non moins importante dans l'histoire de
l'art et de l'industrie, Audenarde, si renommé par ses tapis-
series, avait aussi son école de brodeurs. Entre autres, un
artiste du nom de Vander Porten y broda différents orne-
ments sacerdotaux destinés à l'hôpital Notre-Dame en
cette ville, et le magistrat, en distribuant annuellement les
jetons de présence, les présentait dans des bourses riche-
ment brodées (5).
A Louvain, la ville aux drapiers et aux tapissiers, habitait,
(i) De Labokde, Les ducs de Bourgogne; preuves.
(2) Item (jhegheven Henricke Vanden Leenbrucghe, deu borduerwerkere, van
IX banieren voor den heer van Sindale vorscreve te maken, te snidene ende van
den fringen zide ende werke der toe te lever en., de viere van der wapenen
van yiaenderen, viere vnn der wapenen van der stad ende een van der wapenen
van Sinle Joris, etc. {Compte de liniyes, liôo.)
(3) Item ghegheven , bi bevelle van buergrnieesters , den meesters ende
gliexeUen bordiierwerkers, die wrochleu van borduere in mgns heeren hof an de
juweelen ende verwapcninghe van onzen glicdnchten heere, de welcke de wet
bethooclit waren ende dit in honjfschedcn . xii x. gros, (dompte de lirnges, I VSo J
(4) dompte fil' l't^oqiic de I i4 I .
(s) Vandkh Sthaktkn, dans les [iinalcs dr l'Àrodcmic d'airliéologie, t. xi,
p. 235.
— 299 -
au coinineiicemenl, du wT' sièclo, un brodeur nommé Josso
Van Ovcrbokc, (jui lit pour l'église de Léau différentes bro-
deries, dont ell(^ conserve encore des spécimens si remar-
(piables (i).
Malines, autre ville où les arts et l'industrie ne furent pas
moins en honneur, possédait également des brodeurs (2).
Rombaut Vanden Hoye, qui habitait cette ville, est cité
pour ses broderies dans les comptes de la fabrique de l'é-
glise de Léau de 1505 à 1506 (3).
Félix Ariaen,fils de Tack, établi également à Malines, fut
employé, en 1510, par l'abbaye d'Everbode aux répara-
tions et modifications des ornements sacerdotaux brodés de
ce monastère, moyennant la nourriture, le logement et un
vêtement de drap ])ar an, sans autre salaire (i). Ce brodeur
était-il de la famille de Pierre Tack, sculpteur du maître-
autel qui, pendant le xv' siècle, fut placé dans l'église de
Notre-Dame à x\nvers? Nous n'osons pas répondi'e affirma-
tivement à cette question ; mais nous ferons observer qu'en
Belgique le goût des arts était très-souvent héréditaire dans
les familles , et que l'organisation des corps de métiers
ne contribuait pas peu à engager le fils à succéder à son
père, dans le métier ou dans la profession qu'il exerçait.
(i) Notre, notice sur la ville de Léau, p. 83.
(2) Bock, Gescfiichte der Ulurgischen Gewander des MUtelalters, t. 1, p. 291.
(3) Voir notre notice citée plus haut, p. S.l.
(i) Félix Ariaen, Taxsoen, borduerwercker van Mechelen om te repa-
reren, te reformeren, te versien, te sloppeti, te lappen, le versetten, wel eiide
lofbaerlyche te onderhouden aile cappen, casuleîi, dienrocken, stolen, mani-
piileii, altaerclederen eride aile andere misgewadeu ende ornamenten die der
kerckcn van Everbode locbclworen... mils loyijs ende montcost. Ende over die
(lachucren ende arbei/t sal de ruorsclireve Félix jairlicx van den al>t liebben
vyfellen (jeverwl laken lot cenen tnbbuert. (Accoixl nis. du 9 sept. 151(1.)
— 300 —
Nous aurons du roste ciicoro l'occasion do tairo remarquer
des analogies de noms de famille de brodeurs avec ceux
d'artistes déjà connus.
La rémunération que l'abbé d'Everbode accordait à Félix
Ariaen était sans doute bien maigre en compensation de ses
travaux, auxquels il était obligé de va(|uei' Ions les jours,
sauf pendant les fêtes. Mais, à cette époque, la |)hipart des
artistes, tels que les brodeurs, les architectes, les sculpteurs
et même les musiciens, n'étaient guère considérés que
comme des artisans. Ainsi, lorsque Jean Boonen et Jean
Nopper, sculpteurs de Louvain, arrivèrent, en 1o47, à
l'abbaye d'Everbode pour y sculpler deux })ierres tombales
destinées à rappeler la mémoire de (pialrc abbés de ce
monastère, ils ét^nent obligés, aux lermes d(^ leur contrai,
d'aller prendre leurs repas à la table commune avec les
autres serviteurs et ouvriers (i). L'organiste qui fut engagé
par l'abbé d'Everbode, en 1549, devait non-seulement pren-
dre ses repas avec les ouvriers, mais il fut encore astreint à
servir la table des moines.
(0 Jan Boonen, toi Loven wooncnde aen de Swertc. Zusteren, ende Jaii
yopper, lot Loven op Sinte-Quintens straete woonende, stcenhonwers, hehbeii
op daliim onderfjesrhreven aengenoiiien tegen den eerw. vader in Code Inereii
Mallieens van Relfti , abt cndc prelael des Godsliui/s van Everbode, te rer-
liouwen twee blriuts sercUsteenen , den eenen van herren Glieraet ende Dionys
Vander Scaift, ubdten, ende den anderen voer heeren Pamveh ende Jlieroninuix,
abten saliger memorie, naer iiytwysen den patroen by lienliedens tôt Everbode
gemaict... op de voirwaerden hiernae volgende :... Item die tirée personnagieu
op eicken zerchsleen, te lueeten d'abten met Imnne eoimippen, myteren, staven,
luintschoenen, ringen ende andere behoirlyclie liabyten, .^^iillen .s// groeven ende
hoHivvn eenen dngni diep, met lelleren ende geschriflen bcneden sliiende, liet xy
romeynscbe, ilaliaenscbe oft andere ielteren, alsoe nien lien die geren sal, met
oicii palroenen op de vier lioecken van elclien .steen, gelyeÀ lien dal geneel sal
irurdex .
— ÔOI —
Que (liraient nos artistes si, par amoui' du jtassé, le pro-
priétaire (jui a recours à leurs talents se permettait de les
traiter aujourd'hui comme ral)bé d'Everbodc traitait jadis
leurs prédécesseurs? Autre temps, autres mœurs.
A Anvers, où les brodeurs faisaient partie de la gilde de
Saint-Luc, nous voyons figurer Jean Krock, qui, en 1479,
représenta la confrérie dans les contestations qu'elle eut avec
les dominicains. Jean Vanden Broecke, domicilié dans la
même ville, travailla pour l'église de Léau en lolO (i).
S'il nous est permis d'en juger parles travaux que plu-
sieurs brodeurs de Lierre exécutèrent pour le compte de
l'abbaye d'Everbode, cette ville devait posséder, pendant
le XVI'' siècle, une école très-remarquable. François Van
llegliem ou Van Ytegem s'engagea, par acte du i 5 juin 1 lîlW ,
à faire, pour l'abbaye d'Everbode, une croix à cinq médail-
lons, destinée à une chasuble et portant au milieu un autre
grand médaillon, orné de scènes empruntées à la vie de
saint Matthieu, apôtre et saint patron de l'abbé. Le reste
<le la croix était orné de rinceaux et de l'écusson du prélat.
Au-devant il devait répéter les mêmes rinceaux avec trois
autres médaillons (2). La quittance de Van Ytegem, datée
(1) Notice sur Léau, |>. 83.
(2) El'u criiys lot eenen kascl of kasiircl voir de kercke vaii Ewiimle, op r/c
conditien hier nae vohjheude :
Item in deii iersten nioet 7 voiisc. ennjs ucitter laiick weesen Iweeelleiiende alsoe.
breet alu den bort vander besten oappen toi Ererbode, die Iteer Dioni/.s, abt sdUrjer,
lieeft doen macken; eiide daer inue^al hy moeten inaiken vyf rondeu , eiide in
'/ vtidden eeii groote ronde, in de ivelcke ml liy nioeteit maiken de leyende van
ulule Matlieo, apostel, wel gestoffeert met (joeden goude ende zye rtiii den selven
coleuren ende fatschoen gelyk die voir se. cap is ende gelyck hem den palroen van
den selven ronden geleverl is. Ende tusschen de ronden sal Iiy maiketi schoen
loever trerck ende daer inné niyns heercn wapenen voir.sc ; ende de lyslen sal hy
uiaiken ijelyck die lyslcn vander voirsc. besler rappen gcmaicl zyn. — Item den
— Ô02 —
(lu jour de SaiiU-Klienno 1551, porte son monogramme,
composé des lettres V. Y. T. et dont nous donnons ici
le fac-similé, afin que l'on puisse reconnaître les autres
travaux exécutés par cet artiste.
^
Ce vêtement sacerdotal est encore conservé aujourd'hui
dans l'abbaye d'Everbode et porte également le mono-
gramme que nous venons de reproduire. C'est une œuvre
somptueuse, exécutée avec goût et dont le dessin rappelle
l'ancienne école flamande.
Le beau-frère de François Van Ytea:em est désiené dans une
auln^ convention, du 18 janvier 1562, sous le nom d'Obetb.
Il était également brodeur à Lierre et travaillait avec lui.
Par cet acte, Antoine Van Roesbroeck et son frère Pierre
s'engagèrent à broder, pour i'abbaye d'Everbode, une dal-
matique historiée d'après un carton que l'abbé devait leur
fournir. Aux termes de la convention , l'œuvre ne pouvait être
inférieure à celle de Van Ytegem et de son beau-frère (i).
bortvoirsc. sal langh moelen weesen zeven vierendeel ende alsoebreet als 't voirsc.
achterste; ende daer inné salhy moeten mnicken drie ronden ghelyck, hem den
patroen daer aff qelevert is, ende gelyst fielyck '/ voirsc. achterste.
(i) llehhen aenyenomcn teghen heer Mathcusen van liethy, abt endeprelaet des
goidsliiiys van Everhode, Antlionis Van Rooesbroech ende Peter Van Rooesbroeck,
gebriiers, boerdurwerckers tut Lyere wonende, een boert met zipider toebehoirten
te maken toi eenen subdiaken rocke , van zoe réel stucken ende ronden daer toe
dienende, nae de patroen Inin gegheven ende namaels noch tegltevenen; van welcke
stucken ofle boerden voirsc. den gront sal wesen van fynvn goiide daer aldcrbest
toe dienende, wel wast (sic) bij een geleel ende met alsiilcken diversche coleu-
ren vander beesler zyden alsdal behoirl ende dit boert nwet al zoe costelyck
wesen endenyet argermaer bêler als dat boert is l'auwels Van Ytegem ende Obeth,
zyn swager... zy zullen d'witt ojft naecken dat tôt desen boerde belioirt gemaickt
le zyne, bel tzy de aensiclitenjiaiiden.voeten ende aiider.iins, zullen doen maken
op hunnin kosl.
— Ô05 —
L'abbé qui |)assait. cet. acte était Mattbiou Volclers, de
Rcthy, prélat remarquable par son goût pour les arts et
dont Sanderiis fait le ])lus grand éloge. 11 atteste que
Mattbieu Volders fit exécuter, de 154G au 26 novembre
'156o, jour de sa mort, divers ornem(>nts précieux destinés
à son église (i).
Outre les ornements qu'il fit faire j)ar Van Ytegem et son
l)eau-frère, par Antoine Van Roesbroôck et par Pierre, son
frère, il confia encore à Jean Schernyers, aliàs Scherniers,
(le Lierre, la confection des broderies de cinq cliapes
historiées et ornées chacune de six médaillons, selon le
modèle qu'il devait fournir ensuite d'une convention du
20 novembre 1564. Ces œuvres devaient avoir les mêmes
dimensions que celles de Barthélemi Vanden Kerckhove,
brodeur de Bruxelles, dont nous dirons un mot plus
loin (2). Jean Scherniers s'engagea encore, par un autre
contrat daté du même jour, à restaurer, endéans deux ans,
tous les ornements sacerdotaux de l'abbaye, moyennant
le logement, la nourriture et un vêtement par an, plus un
léger salaire. On le voit, la générosité avait fait des progrès
depuis l'époque où Félix Ariaen, fils de Tack, avait été
employé.
(1) Sanderus, Cltotviira])liia sacra, t. 1, p. 2U8.
Cet auteur indique par erreur le 20 novembre 1556 eoninie étant celui de la
mort de Matthieu Volders.
(2) Te maken op zi/nen kost eiule last , metten patroen daer toe dieneiule, eeit
boordt met vytl'scliildcn offcapruynen,tuaen>an liet boordl zal hebben Yldiversclie
patroonen off ronden oni op eene cappe le zetten vander historien , alzoo den
selven Jannen op datum a]s boven te keimen gegeven is; welck boord sal alzoo
breedt etide lanck tteesen als het boordt is d'tveick Barthelemeeus Vanden Kerck-
hove, boriliicncercker lot Brussel wooneude, voere den voirsc. prelaet (lemaickl
heeft.
— 504 —
Après l'achèvemenl de ce travail, il fut chargé, lo 9 mars
15613, de faire une image de la Vierge, dont nous faisons
suivre la description à cause de l'intérêt qu'elle offre sous
le rapport de l'iconographie. D'après le contrat, la Vierge
devait monter au ciel , porter une couronne au-dessus de
laquelle seraient placées un grand nomhre d'étoiles; adroite
et à gauche un ange et sous les pieds un croissant ; entre les
figures des anges devait apparaître un soleil rayonnant (i).
L'abhé lui confia aussi les broderies de fleurs d'or, de dal-
matiques et de chasubles, dont les cartons lui furent pré-
sentés, mais qu'il nous est impossible d'indiquer, à défaut
de détails.
Plusieurs ou du moins quelques-unes des œuvres de Scher-
niers sont encore conservées aujourd'hui, nous assure-t-on,
dans l'abbaye d'Everbode. Nous regrettons d'autant plus de
ne les avoir jamais vues, que nous ne pouvons en donner ici
au moins une description.
Le nom de Scherniers rappelle celui d'une famille d'ar-
tistes célèbres, appelés Scherniers, dite Conincksloo. Jean
Scherniers appartenait-il à cette famille? Il y a lieu de le
supposer, mais nous n'osons rien alïirmer à ce sujet.
iNous avons parlé plus haut de Barthélemi Vanden Kerck-
hove, brodeur de Bru.xelles. Cet artiste e.xécuta, pour l'église
SS. Michel et Gudule de cette ville, des vêtements sacer-
dotaux, ornés de scènes tirées de l'histoire du S. Sacrement
(j) Te makeîi een figure van onsser LieverVrouwen, hoe dat zi/ opwaerts nae
den fiemel voer : te weteii dat de lUjure sal Iicbbeu op liair hoeft eene croeite, met
veel stenrn.daer bovcit geniaichl , eiide op elcU zi/de, zoo aeii de rechle als aen de
slijncke zijde , tivee fujureii van riifielen, ciidr onder liairen voet de mune; item
tKXHclien de fuiuren van de eiifielen sal coemen île snnae met liair straleti
— 505 —
de l'autel, qui fut profané à Bruxelles pendant le xiv" siècle
par des juifs. La chape bi'odée par Vanden Kerckhove existe
encore dans le trésor de l'église SS. Michel el Gudule,
ainsi (ju'un grand nombre d'autres vêtements d'une magni-
licenc*^ et d'une exécution remarquables. Le style des figures
appartient à l'école flamande, tani en ce (|ui concerne les
couleurs que le dessin , tandis que l'ornementation a été
empruntée en partie à la dernière époque du style ogival et
au goût nouveau de la renaissance.
La belle exécution de ce travail porta sa renommée jusqu'à
Everbode, où il exécuta, en 1564, deux médaillons destinés
à une chape el représentant des scènes tirées de la vie
de la Vierge. Les bords devaient être ornés de quatre mé-
daillons (i).
La ville d'Ypres, qui, pendant le moyen âge, jouissait
d'une grande réputation à cause de ses draps, possédait aussi
plusieurs brodeurs dont nous ne sommes pas parvenu à
retrouver les œuvres. En 1556, Louis Vander Dursl y con-
fectionna une chasuble destinée à la chapelle de la Chàtel-
(i) Anno XVC LXll, martii quarto, slilo leodiense, heeft Barthlemeeus Vanden
Kerckhove, borduenvercker lot Brtiessel bij Cantersteen woenende, teghen heeren
Mattheeus.... aengenomen te maken een boerdt met twee schUden oft capruynen
om op een cappe le .tetten vander historien... van onser Liever Vronwen, alzoe
fjoet ende duedelyck met oyck de lengde ende breyde ende 7 selve faitsoen van
lysten als dut boertinder kercken van Sinter Goelen tôt Brnessel voirxc. is vander
historien van den heyligen Sacremente, te weeten den grondt van jynen cleynen
goude, alzoe dichi te bedevken als dat zal moegelyckwesen, endevoirts aile zier-
ragieendebequuemheyt melten naicten daerop te maken, naed'uuytivysen van den
werckevoirsc. Des zal devoirsc. Barthelmeens selten in elcken boerdt vier divcr-
sctie patroenen , daer nochtans in de voirsc. cappe van Sinter Goelen niaer drie
patroenen en staen op elck zyde; voere welcke voirsc. cost ende arbeyt zal de voirsr.
Burihelmeem hebben \00 Philippns daelders
— 506 —
leuie (i); Jean Malle, dii Van Hciickén. fit, on lo57, imc
bannière {-2).
Ces détails, (}aelque iiiconiplels qu'ils suienl, lonl connaître
les auteurs de différentes œuvres qui existent encore aujour-
d'hui, l'époque vers laquelle elles ont été confectionnées, et
ils donnent une idée de la richesse et de l'importance artis-
tique des ornements sacerdotaux du xvf siècle. A cette
époque, une révolution (complète se manifesta dans l'art du
l)ro{leur par l'emploi plus fréquent de l'or, que la découverte
du nouveau monde venait d'amener en abondance en
Europe, et par l'introduction du style de la renaissance.
Un élément tout nouveau se lit jour alors, fournit à l'ai-tiste
des motifs encore inconnus, l'inspira et se prêta merveil-
leusement aux ca|)rices de son imagination et aux combinai-
sons des ornements Dès ce moment les broderies historiées
destinées aux vêtements sacerdotaux se développèrent sur
un pied plus grand et j>lus riche; dès ce moment il fallut
aussi modifier les formes de ces vêtements, autrefois si
grands et si amples. Ils prirent, par suite de l'introduction
des grandes broderies en oj-, les formes modernes, si raides
(i) Uetaelt Lodewych Valider Utirst , bordnerwerckere , u'ooiieiidc hiiuieii der
stede rail Vpii', de somme raii neglien poiiden twaclf soelliniieii parisis, te wetene
de IX pondeii parisis orer deii coup eiide leverinijhe ran eeiider casule dienende
ter ouUaere van der cappeUe ran der zeleer Casselrie,ende de twaelf svelliiighcu
parisis voor zyn remboursement van belaelt 7 hebben dezelve van tivieden van
de selre casule; aldits hier als V bli/r.t, etc. IX p. XII scli. par. (Compte de la
iliàtellenie d'Ypres de 1336.)
(2) lietaelt Jan Malte, dit Van lîetnken, pasmentier, ivoonende inder stede van
Ypren, de somme van XXVIII st. VIII il. ende dal orer de lieilf van II liv.
XV st. V den. bij hem verdient in 7 malien ende stojj'eeren van een vanelyne, die-
nende omme jonckcre .Jacob Viin Ileileicein, heere van Unesiniili. (Compte de k
cliàt. d'Ypres, loôT, |i. il \".)
— 507 —
ol si peu i>raeieuses. Los belles dniperies des vèleinciils
sacerdotaux firent j)lace à des bi'oderies souvent remar-
quables sous le rapport de l'exécution et de la composi-
tion, toujours riches et d'une grande magnificence; mais
si ces vêtements gagnèrent en richesse, ils perdirent en
ce qui concerne la beauté des formes.
Lorsque la révolution religieuse du xvi'' siècle eut porté
ses coups les plus rudes aux arts en général , la broderie
tomba dans une décadence complète. La broderie historiée
devint de plus en plus rare et tomba, j)Our ainsi dire, exclu-
sivement entre les mains des religieuses, qui se bornèrent
à produire des fleurs et des rinceaux , auxquels manque
souvent l'énergie des tons et de la composition qui distin-
gue les brodei'ies anciennes.
Ch. Piot.
LES MUSEES ARCHEOLOGIQUES
D'ALL EMAGNE.
PEEMIER EAPPORT.
A M. LE MINISTRE DE L INTERIEUR.
briixelles, le 14 septembre 1863.
Monsieur le Ministre,
Pour me conformer à voire dépéclie du 12 mars dernier,
je vais avoir l'honneur de vous faire connaître les musées
arcliéologiques que j'ai pu visiter réccmnieiit.
Ces musées sont principalement ceux de Munich , de
Vienne, de Prague et de Dresde. Je passerai successivement
en revue toutes les collections importantes, faisant de chacun
de ces musées l'objet d'une monographie spéciale. Il me
— 510 —
senihlc (juc c'csl le meilleur moyen de mellre en relief la
valeur des divers élablissemenls archéologiques.
Bien que j'aie examiné, avec grand soin aussi, les inslilu-
lions consacrées à la haute antiquité, je me bornerai à les
mentionner dans ce rapport, pour donner toute mon attention
aux musées historiques proprement dits et aux musées natio-
naux. J)écrirc ces derniers, même d'une manière succincte,
est dt-jà une lâche assez diflicile.
Je réserverai les considérations générales ])Our le moment
où ma mission sera entièrement remplie. Avant de formuler
des conclusions, je dois avoir sous la main tous les éléments
nécessaires : une élude complète est donc indispensable.
Ce rapport partiel ne peut encore donner qu'une idée
impai'faite des richesses arcliéologiques de l'Allemagne et
de l'oi-ganisation de ses musées, qui sont très-nombreux.
Tout en reconnaissant rim})orlance capitale de plusieui-s
des établissements décrits dans ce rap[)ort, je me })ermettrai
de regretter quelquefois <pie le classement ne soit point
sans reproche. Les Allemands n'ontpas, comme les Français,
l'art de faire valoir leurs richesses. Mais je ne hasarde
cette réOexioii ({u'avcc ime cei'laine hésitation. J'ai remar-
qué, çà et là, une mélliode jilus sûre , plus d'ordre, plus
de goût.
La |)hqtai'l des musées d'au delà du Rhin ont le tort aussi
de ne pas être journellement accessibles, comni(> ceux de
Paris et de liruxelles, où les visiteurs ne sont tejius à aucune
réti-ibulion. N'ayantpointle dessein de m'éi'iger en censeur,
je ne voudi-ais pas cependant condanmer cette coutume
fiscale, sans savoir si elle n'est i»as justiliée i>ar des raisons
ipie j'ignore.
— ô\\ —
C(î que je ])roclaiiie bien haut, e'esl que les Allemands ne
le cèdent à aucini peuple en patriotisme. Les musées natio-
naux, dc'yà fondés ou projetés dans les capitales des divers
États, sont un témoignage remarquable de cet amour ardent
de la patrie.
WURTEMBERG. — STUTTGART.
Je ne puis encore rien dire des collections archéologiques
de la capitale du Wurtemberg. Elles n'étaient pas accessibles
loi'S(pie je me trouvai à Stuttgart. Au surplus, ce n'est que
depuis mon retour, et tout récemment encore, qu'on a
ouvert dans cette ville un cabinet d'antiquités nationales.
BAVIÈRE. — MUNICH.
LE MUSÉE BAVAROIS,
Dans la belle rue de Maximilien, création du successeur
du l'oi Louis I", un vaste édilice, richement décoré, attire
immédiatement l'attention. Il se compose d'un pavillon cen-
tral à deux étages et de deux ailes, qui n'ont qu'un étage.
La Bavaria, avec le lion emblématique, domine l'édilice;
puis , au-dessous des armes royales , on lit l'inscription
suivante :
Meincm volk ;k
Elir wul vorlùhl.
Le roi Maximilien II a donc lait élever ce monument»
— 512 —
iioii-SL'ulemoiit pour honorer hi gloire des Bavarois, mais
aussi pour exciter leur émulalion.
Érigé d'après les plans d'Edouard Riedel, architecte cl
insi)ecteur des bâtiments royaux, le Musée bavarois a été
commencé dans l'arrière-saison de 1858, et aujourd'hui il
est presque entièrement achevé. II a 500 pieds de longueur;
la hauteur du pavillon du milieu est de 100 pieds, et celle
des ailes adjacentes de 80. La suj)erlicie est de 45,000 pieds
carrés. On n'a rien négligé ])our approprier l'édifice à sa desti-
nation, pour lui donner un caractère à la fois monumental
et national, h^ Bavaria est au sommet; plus bas, sur les
façades latérales, on remarque quatre statues allégoriques,
représentant les quatre parties du royaume : Bavière, Pala-
tinat, Franconie et Souabe. Ces statues ont été coulées en
zinc comme la Bavaria. Dix cariatides tiennent lieu de
colonnes, et huit statues, également emblématiques, décorent
la façade principale. Elles représentent les huit vertus
cardinales du peuple bavarois, à savoir : l'amour de la patrie,
l'activité, la piété, la fidélité, la sagesse, la justice, la géné-
rosité et la bravoure. Nous passons sous silence d'autres
figures symboliques.
Si cet édifice n'est point un chef-d'œuvre d'architecture,
il faut le considérer, en tctut cas, comme un témoignage
imposant de patriotisme.
Le rez-de-chaussée du Musée contiendra vingt-huit salles;
le premier élage du bâtiment central vingt-neuf et le second
étage quatorze. Ces dernières, ainsi que celles du rez-de-
chaussée, sont destinées à recevoir les objets romains, ger-
iiiani(iues et byzantins. L'architecture de ces salles est en
liariiionic avec leur deslinaliun.
— 515 -
Les ving't-nouf salles du premier étage seront eonsnerées
à l'histoire de la Bavière. Elles seront décorées do vingt-cinq
statues et les murs ornés de cent quarante-cinq fresques.
Non-seulement le peupleaura sous les yeux les chefs-d'œuvre
de Tindustrie de ses pères, mais, en outre, il pourra
faire un cours d'histoire nationale. Les statues seront
consacrées aux principales célébrités de la Bavière et les
peintures murales représenteront les épisodes les ])lus inté-
ressants et les plus caractéristiques des annales des quatre
])rovinces, depuis les temps les plus reculés jus({u'à la fin
du règne de Maximilien-Joseph \"\ mort en \S%).
On ne peut disconvenir que cette conception ne soit grande
et, disons-le encore, vraiment patriotique.
C'est le roi Maximilien II qui est le vrai fondateur du
Musée bavarois; mais il faut ajouter qu'il a été bien secondé
par un homme d'un mérite réel , M. le baron d'Aretin,
intendant de la maison royale, conseiller privé, etc., etc.
Dès 1854, ce savant archéologue avait publié, parles ordres
du Roi, une œuvre qui pouvait servir comme de prospectus
au Musée national; il s'agit du livre intitulé : Antiquités et
œuvres d'art de la maison souveraine de Bavière.
Mais ce n'était pas tout d'avoir un premier fonds; il fallait
faire en sorte que le monument, décrété par le Roi, ne
demeurât point à moitié vide. Nous croyons que les espé-
rances du savant et zélé direcleur du Musée bavarois ont
été dépassées.
En attendant leur translation dans le vaste édilice d(» la
rue Maximilien, les objets nationaux ont été provisoirement
déposés et classés, autant que possible, dans le Maxburg
(château du duc Max, bàtimeni de l'iTO). Ils v occuixmiI le
— Ô14 —
rez-de-cliausséc et lo premier étage, c'est-à-dire une série
})rosque interminable de chambres, de salles et de corridors.
Ces richesses sont immenses. Je crois même qu'elles
dépassent la collection, pourtant si considérable, de riiôtel
do Cluny, à Paris, Il est à ])eine croyable que l'on ait pu
réunir en si ])eu de temps une si grande variété d'objets.
Le premier fonds, comme je l'ai dit, provenait des
résidences royales. Il s'est accru ensuite i)ar de nombreuses
acipiisitions et par des dons également considérables. Les
églises ont aussi fourni un précieux contingent.
M. le baron d'Aretin a eu l'obligeance de me guider lui-
même dans le Maxburg. En l'absence d'un catalogue, ses
explications ont été infiniment intéressantes. Je ne puis
cependant donner qu'un aperru de celte immense collection.
En deux mots, elle renferme toutes les antiquités, toutes les
œuvres d'art, tous les objets qui sont de nature à faire
connaître la vie nationale des Bavarois, depuis les temps les
))ius reculés jusqu'à l'avènement du roi Louis. Spécimens
de toutes les industries, chefs-d'œuvre d'orfèvrerie de
tous les siècles, anciens manuscrits enrichis de miniatures,
empreintes des sceaux les plus curieux, portraits histori-
ques, peintures du xv" et du xvi'" siècle ; ivoires ( il y en a de
Duquesnoy); tapis (quelques-unes des plus belles pièces ont
été faites à Arras ou en Flandre); armes, armures, drapeaux,
étendards; pierres sépulcrales d'une forme particulière à
l'Allemagne, etc., etc. Tel est, en l'ésumé, le pi-écieux dépôt
(lu Alaxburg. Il révèle tous les secrets, toutes les curiosités,
toutes les splendeurs de l'ameublement religieux et de
l'ameublement civil du moyen ;'ige et de la Renaissance.
Ouel sc|-;i r;u'i"angemenl d(''liiii(ir , lorsque loules ces
— 5i:) —
richesses auront été transportées dans le nouvel édillce? On
commencera par classer les objets romains et, i>,ennan1-
ques, el l'on poursuivra ainsi le travail chronologiquement,
jusqu'au commencemeuL du xi\'' siècle. On possède assez
d'objets pour lormer, à j^arlir du xv'" siècle, des ai>partements
complets.
Je n'hésite pas à prédire que le Musi-e bavarois deviendra
une des institutions les plus intéressantes et les plus instruc-
tives de Munich, si riche pourtant en collections précieuses.
J*eut-éln> un jour sera-t-il digne de servir dt^ modèle. « Ce
Musée, a-l-on dit avec vérité, sera un des plus considérables
de l'Europe, car on pourrait s(^ l'aire diflicilement une idée
du nombre et de la grande ricliesse des objets d'art que
M. d'Aretin a su faire sortir de l'oubli des châteaux et rési-
dences royales. » Au surplus, des sommes considérables
ont dû être allouées pour accroître encore, pour com|)lé-
ter les diverses séries. Le roi Maximilien II achève ainsi
l'ieuvro de son père. Louis I''' s'était principalement attaché
à rassembler, dans la Glyptothèque et la Pinacothèque, les
monuments de l'antiquité. Le roi actuel, pour honorer et
instruire son peuple, ajoute à ces grandes créations un musée
bavarois, un musée national.
COLLECTIONS RÉUNIES (Verct'nùjle samudiinijnn).
L'entrée de ce Musée se trouve .sous les arcades du Jardin
royal (Hofyarten). Goiiune l'indiipie la dénomination do
colloctinus réunies, (tu y trouve une graixle variété (robj(Us.
— 516 —
Le Musée contient non -seulement des antiquités égyp-
tiennes, grecques, étrusques et romaines, mais, en outre,
des curiosilés de la Cliine et du Japon, des antiquités des
Indes orientales, des objets provenant du Brésil et du
Mexique, même du Kamsehatka. On y remarque aussi
quelques curiosités historiques d'origine allemande.
Ces collections réunies occupent sept salles de moyenne
grandeur.
On a tiré de ces salles, assez jnesquines d'ailleurs, je veux
dire sans aucun caractère, tout le parti qu'on a pu. Les objets
sont classés dans des armoires vitrées, le long des murs. Au
milieu des salles se trouvent des tables sur lesquelles sont,
déposés des modèles en liège de quelques-uns des plus
célèbres monuments de l'Italie ancienne. On remarque la
maison de Salluste à Pompéi, le temple de Neptune à
Pœstum, le temple de Vesta à Rome, l'arc de triomphe de
Titus, le tombeau de Plante entre Tivoli et Rome, l'arc de
triomphe de Constantin, le tombeau des Horaces et des
Curiaces , le Colysée. On trouve également des modèles
du cliâleau de Heidelberg et de l'abbaye de Paulinzelle, en
Thuringe.
Parcourons les sept salles. Dans une espèce d'antichambre,
au milieu des terres cuites, on remarque la table de travail
de Schiller. Sur cette table sont déposées deux plumes qui
ont servi au grand poète allemand.
La première salle est consacrée aux antiquités de l'Egypte
et de l'Étrurie. On y trouve aussi un assez grand nojnbre
d'objets recueillis à Pompéi et rapportés par le roi Louis I"
de ses voyages en Italie. Dans la seconde salle, également
consacrée à l'Egypte et à l'Italie, l'attention est appelée
— 517 ~
sur uno grande vitrino où brillent des bijoux antiques. Il
faut admirer surtout une couronne d'or , trouvée dans
un tombeau grec, près d'Armenti, comme l'atteste une
notice écrite par le roi Louis lui-même. Les salles suivantes
(m", iv% v") forment une curieuse galerie etbnologifiue. Mais
on s'arrête peut-être avec autant d'intérêt dans la vi'' salle,
({ni est consacrée aux sculptures et autres ouvrages d'art
en ivoire, en bois, en pierre et en métal. Ces ivoires
du xvif siècle, venus, les uns de la Flandre, les autres
de diverses contrées de l'Allemagne, forment une collection
assez remarquable. On trouve aussi de très-beaux émaux.
Pour justifier à tous égards son nom de collections réunies,
ce Musée nous montre dans sa dernière salle des armes
turques et autres du xvif et du XYiif siècle. Mais on y
remarque principalement quelques objets qui ont appartenu
à des souverains célèbres à divers titres. Tels sont l'babit, la
canne, la selle et les pistolets de Frédéric II, roi de Prusse ;
la selle et l'épée dont Napoléon I" fit usage à la bataille
d'Iéna; enfin la plume avec laquelle Louis r*", roi de Bavière,
rédigea son abdication, le 20 mars 184-8. C'est ce qu'atteste
d'ailleurs une note écrite par l'ex-roi.
VASES PEINTS A LA PINACOTHÈQUE. — LA GLYPTOTHÈQUE. —
l'aNTIQUARIUM et LES APPARTEMENTS DE CHARLES VII DANS
l'ancienne résidence. — LA CHAPELLE RICHE.
Bien que je ne doive point m'occnpor spécialement des
monuments de la haute antiquité, je ne puis passer tout à
— r,i8 —
fait sous silenco los riches colleclions formées par le roi
Louis. Il convient tout au moins de mentionner les vases
grecs et étrusques, qui remplissent cinq salles de la Pina-
cothèque. Parmi ces vases de Vulci, de Girgenti (;t d'autres
endroits renommiîs se Irouvenl des chefs-d'œuvre de la
céramique ;mti(jue. A la rilypt()(hè(|ue, l'antiquité se révèle
!ive(; encore plus de ricluisse et plus d'éclat. De la salle
(•(jijjdienne, (pii contient des monuments intéressants, on
passe dans la salle étrusque ou des incunables , ce qui
veut dire de l'art au berceau. Plus loin, dans les salles
d'Apollon et de Bacchus, on a sous les yeux des ouvrages
qui se rattachent à l'époque de la j)Ius grande splendeur
de l'art grec. Mais il ne faut pas oublier ces marbres
d'Éginesi bien décrits et commentés par IL Fortoul, dans
son ouvrage : De Varl en Allemagne. La salle des héros
el la salle romaine contiennent l'une et l'autre des statues et
{\v-^ bustes qui méritent d'èln; soigneusement étudiés.
L'archéologue doit également visiter le palais construit
])ar le duc-électeur Maximilien I''', au commencement du
xviii'' siècle. Là se trouve Wmiiquarium, qui se compose
d'une collection d'antiquités égyptiennes : momies, sarco-
phages, j)ierres tumulaires et votives, elc; et, en outre,
d'antiquités grecques, romaines, germaniqucset Scandinaves.
L'ancienne résidence des électeurs de Bavière est j)liis
renommée encore pour les richesses accumulées dans l(>s
appartements de l'empereur Charles YII, It; rival malheu-
reux d(,' Marie-Thérèse. Ces aj)part(Mnents peuvent éti'c
considérés comme un ajtpendice du Musée bavai'ois. On
les trouve m(,'ublés, décorés et ornés comme s'ils étaient
ciicon' liabih's pai- le (asliieuv ciiipcrcui-. Le wiiT' siècle
~ r,i9 —
revil là loiit (Mitier ol, on présenco de tant de belles choses,
de ces ivoires, de ces porcelaines, de ces bijoux, de ces
miniatures, on doute que les appartonienls de Louis XV à
Versailles fussent aussi splendides.
De ces appartemenis inii)ériaux, il faut passer dans la
chapelle riche (Reiche capelle). Elle mérile ce nom par la
splendeur de ses ornements et la valeur des objols d'ai-t qui
y sont réunis. On y remarque des ciselures de BtMivenuto
Cellini et une Descente de croix, relief en cire, attribuée à
Michel-Ange. On y voit aussi le petit autel portatif devant
lequel s'agenouillait MarieStuart durant sa longue captivité.
AUTRICHE.
MUSEE DE SALZBOURG.
Ce Musée, trop peu connu, est un des plus intéressants
des villes secondaires de TAutriche. Il a été formé ))rincipa-
lement d'antiquités nationales, romaines et germaniques, et
do nond)reux objets provenant des anciens archevêques-
princes de Salzbourg.
Il est établi dans les salles voûtées de l'ancien magasin à
blé. C'est un bâtiment, sans grande apparence extérieure,
mais assez bien approprié à sa destination actuelle.
J'ai examiné ce Musée avec un véritable intérêt, et j'ai pris
note de quelques objets dignes d'attention. Il m'a été im])os-
sible, cependant, de suppléer au catalogue qui n'existe pas.
On remarque en ]>remi(M' lirMi les antiquités i-omaines :
— o20 —
statuettes, autels, urnes, mosaïques, etc. La plupart ont été
recueillies sur la place Mozart, dans les excavations qui ont
été faites pour placer le piédestal de la statue érigée au
grand compositeur. On trouve aussi des armes romaines
d'une grande valeur. Il faut citer, entre autres, un casque,
que l'on dit unique en Allemagne.
Quelques objets du moyen âge sont également très-pré-
cieux. Je signalerai, entre autres, des crucifix remontant au
XI" ou au XII'' siècle et des reliquaires d'une époque aussi
reculée. On peut mentionner, parmi les objets curieux, le
chapeau de cardinal, les sandales, la croix épiscopalc, etc.,
du fameux Mathias Lang, archevêque de Salzbourg et légat
du Pape, mort en io40.
Je passe sous silence une très-l)elle collection d'instruments
de musique, de même qu'un certain nombre de tableaux
dus au pinceau de maîtres salzbourgeois.
VIENNE.
LA GALE RI F d'AMBRAS.
Dans le Belvédère inférieur se trouve un Musée d'une
importance capitale.
Pour les raisons déjà dites, je ne m'occuperai pas des
monuments antiques (statues, bustes, bas-reliefs, mosaï-
ques, etc., etc.) qui remplissentla salle d'entrée et trois autres
])ièces. Quelque précieuse que soit cette collection , qui se
rattache au cabinet des antiques et des médailles, elle est
éclipsée, sous plusieurs rapports, par les autres galeries
aMX(|uelles je veux consacrer une notice spéciale.
— 521 —
Ces coUecUoDs provicniiont du plus ancien musée de
rAllemagne. On ne peut, en effet, donner un autre nom au
riche caljiiiet que l'archiduc Ferdinand, comte de Tyrol (i),
avait créé dans son château d' Ambras, près d'inspruck.
Ai)rès avoir combattu les protestants et les Turcs, après
avoir été régent de Bohème, l'archiduc Ferdinand voulut
se livrer plus complètement à ses penchants de collcctïon-
neur. Vers 1567, il alla habiter le Tyrol, et, d'accord avec
sa femme, la belle Philippine Welser, il fit du château
d'Ambras une des plus spleiidides résidences de l'Alle-
magne.
Là fut créé mi Musée, qui , au xvi'' siècle, était sans doute
unique. Il contenait plus de 150 armures qui, pour la plu-
part, avaient été portées sur les champs de bataille par des
jirinces ou des capitaines célèbres, presque tous contempo-
rains de l'archiduc Ferdinand. On y voyait aussi, au nombre
de plus de 900, les portraits des principaux personnages du
XV" et du xvf siècle. Puis venaient des meubles du moyen
âge, des ciselures de Benvenuto Cellini, des vases d'or et
d'argent, des joyaux, etc., etc. Ce riche Musée était
complété par une bibliothèque qui contenait plus de 500
manuscrits, 4,000 ouvrages imprimés et des milliers de
gravures en taille-douce.
L'archiduc Ferdinand de Tyrol, mort en 1o9j, avait laissé
le château d'Ambras et ses collections à son second fils , le
margrave Charles de Burgau. Celui-ci les vendit en IGOG
à l'empereur Rodolphe ainsi qu'aux autres archiducs.
(j) Né a Liiiz, le 1 i janviei' 13:29, il clait le bccoiid lils de remiiereiir Ferdi-
naiid I'^'', frèi'e de Cliarles-Quiiit.
— .V22 —
Les colleclions forniûcs i)ar Ferdinand de T\ roi denieu-
rèronl au château d'Ambras jus(iu'au commencement de ce
siècle. Lorsque, })ar la paix de Presbourg, le Tvrol eut été
cédé à la Bavière, les collections dont il s'agit, considérées
comme propriété de la lamille impériale, furent transportées
à Vieime et, en 1814, placées dans le local où elles sont
encore. Aux armures d'abord rassemblées ])ar le créateur
de la galerie d'Ambras, les archiducs de la branche cadette
de Tyrol en avaient joint quckpies autres, très-intéressantes
aussi.
Du reste, l'authenticité des armures qui proviennent de
l'archiduc Ferdinand est hors de doute. Lui-même avait
voulu consacrer cette authenticité i)ar un document irrécu-
sable. Il chargea son secrétaire Jacques Schrenk deNotzing
d'éci'ire la vie des héros dont les armures liguraient dans
la galerie d'Ambras, et ces armures elles-mêmes furent
gravées sur cuivi'o. En IGOI, l'ouvrage, en latin, ])arut à
Inspruck ; bientôt traduit, on en lit également paraître une
édition en allemand.
J'ai rappelé succinctement l'origine delà galerie d'Ambras.
Je vais maintenant mentionner les diverses salles et signaler
les objets (|ui me semblent mériter une attention j)articulière.
Si l'on désire une description complète, on peul i-ecourir
aux ouvrages spéciaux publiés par l'ancien conservateur et
par son digne et savant successeur (i).
(i) DicK. K. Anil)ra.SL'i-Saiiimliiiig Iiosclirii'lnMi voii ]V Kdiiard fcoilicirii voii
.Saeken, luistos ain K. K. iiiiiii/.- mul antikemahiiiotlc (Wieii, ISiio, 2 vol. iii-8°).
— Die vorziii-'Hclistcn Riistimgcn uiul waflVii dci' K. K. Ai!il)ra.sci'-Samiii-
liliii; in orii-'iiiai-pliotograiiliicn Iioi'ausjicj^clicii iiiid I)csciiricl)cn, iiel)st I)ioi;ra-
|iiiibciioii tiki/zcn, \oii W Kd. Iicilifri-ii \nii Sjckoii , K. K. Cii!>lus. -=- DiC
— 525 —
Le |)iTiiiioi' cal)iiio(, oti la pn.'iiiiùi'e salle, csl coiisaci'i'' aux
princes aulricliions et à quelques chefs étrangers. Une bar-
rière en bois sépare la salle en doux i)arlies : dans l'une se
Irouvent l(?s armures ; dans l'autre, du cùté des fcnèlres, des
armes ayant appartenu à des personnages célèbres. On
remarque tout d'abord, derrièi'e la bari-ière, deux cavaliers
en i)lein harnais, sur des chevaux bardés : l'un représente
l'empei-eur Maximilicn I" ; l'autre l'archiduc Ferdinand, le
créateur de cette bcUecollection. Ils sontentourés d'armures,
dont quelques-unes sont des chefs-d'œuvre. Je signalerai
])articulièrement l'armure de Philippe le Beau sur laquelle
sont gravés les insignes de l'ordre de la Toison d'or. Un juge
conq)étent regarde l'armure de Philippe le Beau comme un
chef-d'œuvre unique. L'armure damasquinée de don Juan
d'iVutriche est aussi de la plus gi'ande élégance : les orne-
ments révèlent un art adnn'rable. L'armure, plus ancienne,
de Ferdinand le Catholique, roi d'Aragon, est au contraire
de la plus grande simplicité. Indépendamment des trente-
neuf armures ou demi-armures ex})Osées dans cette première
salle, on y trouve encore quatorze pièces intéressantes. On
peut signaler, entre autres, la barde du cheval de Phili})pe
le Bon, duc de Bourgogne ; le bâton de commandement du
mai'éclial Trivulee ; le casque et la rondache du fameux
coniiélable de Bourbon, etc.
La seconde salle est consacrée aux princes cl aux sei-
gneursd'Allemagneetcontientcnmème tenqis une collection
pholograpliieii von A. Groll (Wien, 1859, "i vol. iii-i"). — Ucbcrsidit dcr
Kaiseiiich-Koniglicticii Amhraser-Saminliiiig iiacli ilirer (iciiiiali^en aul'stolluiig
von Josepli Ucrginann, K. K. Uallic und Custus ((i^ édition), Wicii, 18G">, 1 vol.
iii-li\
— 5!24 —
d'armes orientales. Les armures sont au nombre de (juarante-
iieuf. Onrcmarquccellesquiont aj^partenu aux fameux chefs
delalig'uo proleslanle : JeanFrcdcric, électeur de Saxe; Phi-
lippe le Magnanime, landgrave de Hesse ; Maurice, duc,
puis électeur de Saxe. J'avais vu au Musée de Salzbourg le
chapeau de cardinal de Mathias Lang : ici, j'ai trouvé son
casque et sa cuirasse. Deux de ces armures de la 2'"'' salle
ont appartenu à des personnages célèbres dans l'histoire des
Pays-Bas : Pierre-Ernest de Mansfeldt, mort en 1C04, et
Maurice de Nassau, l'illustre stathouder de la république des
Provinces-Unies. L'armure de ce dernier est noire et sans
ornements.
Les murs et les trémcaux des fenêtres sont couverts de
panoplies et de drapeaux. Parmi les pièces historiques, il
faut mentionner l'épée et le casque du fameux Scanderberg,
prince d'Albanie, mort en 14GG ; le carquois et l'arc de
Kara-Mustapha, qui assiégea Yiemie en 1G85 ; le tomahawk
ou la hache en silex de Montezuma, le dernier empereur
ou chef indépendant du Mexique. Le Musée de Bruxelles
possède le manteau, fait de plumes d'oiseaux rares, ainsi que
l'arc et les flèches du prince dont la puissance fut anéantie
par Fernand Gorlez.
De la seconde salle on passe dans un cabinet rempli
d'armes allemandes, hongroises et orientales, arcs, llèches,
épées, arquebuses, mousquels, etc. Là se trouvent réi)ée de
reini)ereur Maximilicn 1"', celle de Mathias Corvin, roi de
llongi'ic, mort en 1490, et celle d'Olivier Croniwell, protec-
teur de la réj)ublique d'Angleterre.
La troisième salle, consacrée aux princes, comtes, géné-
raux, duTyrol, d'Italie et d'Espagne, est })eut-ètre la plus
— 525 —
i'i'iiuu'<[iuil)Ii' , [lar la perfeclioii des armures. 11 y a là deux
clicls-d'œuvre : l'aruiure milanaise du fondateur de la galerie
et l'éblouissante armure de ])arade d'Alexandre Farnèse ,
prince de Parme. Les deux personnages sont représentés à
cheval.
Je dois encore signaler, dans cette salle, quelques armures
historiques qui ont un certain intérêt pour nous. Elles ont
appartenu à Philibert-Emmanuel, duc de Savoie, capitaine
général des Pays-Bas de 1556 k lo59 ; au duc d'Albe et à
l'un de ses meilleurs lieutenants, Christophe Mondragon.
La quatrième salle contient 141 portraits à l'huile ou en
détrempe. Authentiques pour la plupart, ils représentent les
personnages les plus célèbres, depuis le xv" jusqu'au xviii"
siècle. J'ai pris note des numéros suivants :
N^G/k Philippe, iils de France, dit le Hardi (i).
N" Go. L(; duc Jean de Bourgogne (Jean sans Peur).
N" GG. Jacquehne de Bavière.
■N"G7. Philippe le Bon.
N" 47. Charles le Hardi.
N" G8. Maximilién et Marie de Bourgogne.
N° G9; Maximilién, plus âgé.
N" 70. Philippe le Beau.
N" 71. Jeanne de Castille (mère de Charles-Quint),
N" 72. Charles-Quint.
N"80. Don Juan d'Autriche.
Grâce à l'obligeance de M. le conservateur , j'ai pu voir
()) Au-dessus de ce portrait, on lit : Plie filz . de . France - di . le . hardi
fPliilippe fils de France, dit le Hardi). Le portrait du lils de Philippe est sur-
monté tic riiiscripliou suivante Le duc JcJi. de Iwurgongne.
ai
— Ô20 —
dans Sun ciibiiicL une cullccliun non inuins inU'ressauU'. Ce
sont égalenienl, des portraits de jx-rsonnagcs célèbres, mais
dans de plus petites dimensions. La plupart se ratlachent à
l'histoire d'Autrielie. Il m'a été permis aussi de feuilleter
quelques [irécieux manuscrits provenant du château d'Am-
bras. Enrichis de miniatures, ils sont consacrés à l'histoire
de la chevalerie et donnent l'idée la jtius exacte des costumes
et de l'ameublement de la lin du xV siècle.
Mais je n'ai pas terminé la description de la galerie
d'Ambras. Elle contient encore trois salles et plusieurs
cabinets formant un pèle-mèle assez bizarre. Il y ^ l;i des
objets d'histoire naturelle , des tableaux (assez médiocres ,
pour la])lupart), des antiquités, des meubles, des objets
d'art du moyen âge , des armes, des objets péruviens et
orientaux, etc., etc. Cet arrangement peu méthodique fatigue
l'attention, et l'attention fatiguée, on passe trop rapidement
devant un très-grand nombre d'objets précieux ou intéres-
sants. Ici est la coupe de la maison de Bourgogne ; là sont
les armes de Charles-Quint ; plus loin , les ouvrages si
délicats, les lines sculptures d'Alexandre, Colyns , de Ma-
lines, etc., etc. Pour émnnérer seulement les objets les plus
remarquables, à l'exclusion des autres, il faudrait un vo-
lume. J'aime mieux conclure en disant (pie la riche galerie
d'Ambras contient, à certains égards, les éléments d'un
urand musée national, d'un musée autrichien.
I. AP.SKNAL [MI'i:iilAL.
Non loin du IJcIvédère se trouve un des plus vastes et des
lu> impoiiants établissements de TcMnpii-e d'.Vulrichc. C'est
— 327 —
lo nuiivL'l arsenal im|)éi'ial, coininencc on 184*.) cL achevé
en 185o. Je n'ai point à décrire ce; magnifique élablisse-
nioiU ni à parler de la fonderie de canons et de la
nianiiracture d'armes. Je dois seulement mentionner le
Musée liistori(iue qui est digne, à tous égards, d'une attention
sérieuse.
Le ]\Iusée d'armes, dans lequel on a rassemblé les
objets historiques provenant de l'ancien arsenal et d'au-
tres collections , est établi dans des salles ou galeries
qui, par leur style, sont parfaitement appropriées à celte
destination.
Un classement méthodique a été introduit dans ce Musée
très-riche et très- intéressant, mais moins vaste jiourtant que
la Galerie d'Ambras.
Dans la première salle on remarque les unifornies et les
ordres des derniers empereurs et des plus célèbres généi-aux
de l'Autriche, depuis Eugène de Savoie jusqu'à liadetzky.
L'habillement militaire d'Eugène de Savoie était d'une
grande simplicité. Il portait une fine cotte de mailles et par-
dessus une peau de buflle.
La galerie, où se trouvent quelques célèbres armures
historiques, est imposante. J'ai surtout remarqué l'empereur
Maximilien I" à cheval ; deux belles armures de Philij)pe II,
mais principalement l'armure de parade de Charles-Quint,
damasquinée, dorée, étincelante.
Je pense que ces dernières proviennent de l'ancien arse-
nal royal de Bruxelles. La liste officielle des objets qui se
trouvaient dans le Musée des souverains des Pays-Bas
mentionne du moins « l'armure de parade damasquinée
d'or » de l'empereur Charles.
— 52H
L.\i;SENAL CIVIL.
Lu (liilcric (VAuibnis cl rAr.xjiial iuiiiéiial nr soiil poiiil
les seuls élablissements île Vienne (jiii eonlieiinent di'S ai'nies
anciennes el des arniui-es. Il laul encore visiler l'anemd
civil, siu' la place (jui poi'lc le nom de cour (aui Hof).
Cet élai)lissenient esl égalcmenl considéraiile. On pi-élend
qn'il renferme 10,000 armes el ai-inures de dilïcrenles épo-
(pies. Ce chilTre ne siirjjrend plus lorsqu'on voit d'immenses
galei'ies dont les murs disparaissent sous des panoplies ,
tandis (pi(; le sol est couvert de caisses regorgeant de l'usils.
Mais ceux-ci sont modernes et ])roviennenl, m'a-t-on dil,
de la garde nationale de Vienne.
Dans les galeries dont je viens de parler, un double rang
de mannequins repi'ésente des clievaliers autricliiens , polo-
nais, bolièmes, cic Ils porleiit les anciens dra})eaux de la
garde nationale ou ôcs étendards pris sur les Turcs.
Quelques anaclironismes peuvent ciioqner, sans diminucj-
toutefois la valeur ou l'importance d'une collection qui
contient des spécimens très-rares ou même uniques.
On remanpui plusieurs souvenirs inléi'essants ou curieux
du l'anK.'ux siégt! de Vienne. Le vétéran, (pii me ser\ait de
cicérone, appela pai'ticulièrement mon altention sur le crâne
du grand vizir Kara-Mustaplia et sur le lacet avec lequel ce
mirjisln; fut étranglé loj'S(]ue, après a\oir assiégé Viemie
du lijuillel au 12 septend)re KiS."), il fut obligé de j'ejti-eli-
dre la l'oule de lielgrade. !)u lesle, les armes orientales,
(jiii sont iiond)reuses dans l'arsenal civil, méritent un
examen alleiitif.
— 529 —
D'aulros Iropliéos doivent ("g-alomonl flallor lo palriofismn
(les\iili'i('liioiis.,)<' (*iferai,rn(iTnu(n's,Io hiisie do rarcliidiie
Charles siirmoulr de drapcanx français ; eolni du comie
Wrhiia ri celui du IVId-iiinirclial j.aiidoii vih'ukiiiU's à droid;
de drapeaux lurcs et à ii'auclie de dra]tc;iu\ prussiens. Kiilin
je ne puis oniellr(> de nieiilioiiner un Beiue, car dans celle
vasl(»et. inléressanle iiaiiM'ie, Tépée du feld-inaréclialCIorravI
(tceupe une place (riionneiir.
LE TKKSdU niPKIllAL.
Dans une {\v> dépendances du liinr/ ou palais impérial
se trouve le Trésor, rpi'on pourrait a])peler le Musée des
empereurs d'Autriche. Il se compose d'une dizaine de
salles, où sont exposés, dans des armoires vitrées, des ()hj(Ms
iimomhrahles et du ])lus grand prix soit par leur ancienneté,
soit par leur valeur inlrin.sèque. Telle est Timportance de
celte colleclion qu'un examen, même su))erliciel , exige
|)lus «l'une heure. ()r, on ne permet guère aux visiteurs
de dépasser ce laps de temps, car l'admission au Trésor
est nécessairement suhordonnée à certaines formalités et à
certaines conditiiuis.
II est assez malaisé de décrire cette grande et riche col-
l«*ction. l)'al)ord lesohjets ne sont pas classés dans un ordi'e
chronologicpie, et, en second lieu, aucun catalogue m- guide
le visiteur. Les gardiens se hornenl à ajipeler soit ;itlenlion
sur les ))ièces l(\s plus iniportantes.
Aussi, dans cell(> grande ((uanlilé de joyaux de divers(S
— 530 —
époques, de chefs-d'œuvre en toutes matières, de souvenirs
Jiistoriques, ne puis-je que signaler rapidement quelques-uns
de ceux qui méritent une mention spéciale.
En premier lieu, il faut citer la couronne, le sceptre,
l'épée, le globe, la dalmatique, etc., de Cliarlemagnc. Ces
grandes reliques , qui se trouvaient dans son tombeau
à Aix-la-Chapelle, en furent retirées par l'empereur
Frédéric-Barberousse , en H 05. L'authenlicilé des Joyaux
carlovingiens , qui S(! trouvent maintenant au Trésor
impérial, est hors de doute. Avant d'être déposés à Vienne,
ils étaient conservés à Nuremberg.
Je cite également la couronne, le sceptre et les ornements
qui servaient au couronnement des empereurs d'Allemagne,
à Francfort. Ils remontent au règne de Rodolphe II.
Je ne dis rien des objets provenant de Napoléon l" et du
duc de Reichstadt. Je passe également sous silence le sabre
de Timour et le talisman de Wallenstein. J'aime mieux évo-
quer le souvenir de Phili])pe le Bon, duc de Bourgogne, et
deCharles le Téméraire, son fils. Le Trésor impérial possède
la robe que revêtait Philippe le Bon lorsqu'il assistait aux
cérémonies religieuses de l'ordre de la Toison d'or. Celte
robe est ornée de broderies admirables et dignes du pinceau
de Van Eyck. Le Trésor impérial ))os.sède aussi le fameux
diamant qui, après la défaite de Charles le Téméraire à
Granson, tomba entre les mains d'un goujat suisse el fut
vendu par celui-ci à un marchand (h; lîerne pour 1;) lloi'ins.
On est d'ailleurs ébloui par les diamants et les pierres
pi'écieusesqui étincellenl dans les diverses armoires.
Mais il faut réserver une grande attention jiour tous
ces chefs-d'œuvre de l'art du moyen âge H de la Renaissance
— 531 —
(rnliqiiaircs, vases d'or ot d'argent, seiilplures, etc.) con-
servés dans la maison dos Habsbonrcr depuis plusieurs
siècles.
Dans le parc du cliàteau impérial de Laxenburg , près de
Vieime, rem])ereur François T' fit ériger, vers 1801, un
manoir féodal, qui est la reproduction d'un château tyrolien
du xv*" siècle. Ce manoir, qui porte le nom de Franzenshimj
est, à certains égards, un musée extrêmement intéressant.
C'est ])Ourquoi j'en dirai quelques mots ici. On y trouve une
salie d'armes qui est décorée de très-belles armures du xv"
et du xvf siècle : on y montre, entre autres, le cha])eau
de bataille de Gharles-Quint. Les salles intérieures ou d'ha-
bitation ne sont pas moins remarquables. Elles sont décorées
et irieublées, selon le goût du moyen âge et avec des meubles
remontant, pour la plupart, à l'époque de Maximilien T'
ou de son petit-lils Charles-Quint. L'illusion est d'autant
plus comj)lète que les verrières des lenétres et les boiseries
du plafond et des murs proviennent d'anciens châteaux
ou d'anciens couvents. La chapelle est un édifice de l'an 1222,
enlevé à KIoster-Neubourg et transporté à Laxenburg
pierre par pierre.
Je trouve cette rejiroduction d'un ancien château féodal
extrêmement instructive. Tout ce cpi'on voit rappelle le
passé : tentures, meubles, bustes, portraits, vaisselle, verres
de Bohême ou de Venise, poêles allemands du xvi" siècle
en faïence , crédences, bancs, fauteuils, tout enfin. Cette
résurrection du xvi'' siècle est réellement intéressante, e( ,
à mon sens, certaines parties du Franzensburg peiivcnl
— 532 —
rivalisoravcc les Musées Instoriqiies losplns célèbres ou les
plus curieux.
AvanI de quiller la capitale de FAud'iche, je dois men-
tionner une mesure importante duc à l'initiative de IVmpe-
l'cnr François-Jose])li. En Aulriclic, connue dans les autres
pays où l'industrie teiul à se jjerfcclionner , on cIk^'cIio à
tirer parti de l'archéologie. L'empereur a donc ordonné la
fondation d'un « Musée autrichien d'art et d'industrie », sur
le modèle du Rensinglon Muséum. Ce sera une nouvelle o[
grande application de l'art à l'industrie.
Le « Musée autrichien d'art et d'industrie » doit être pro-
visoirement établi au palais. On ajoute qu'il sera inauguré
avant le commencement de l'hiver.
BOHÊME. — PRAGUE.
MUSÉE NATIOISAL.
Ce Musée a été établi dans l'ancien palais de Nostilz.
La salle réservée à l'archéologie est di-corée des busies
des hommes célèbres de la Bohème.
Le Musée de Prague, sans être très-vaste, contient des
objets intéressants. Peut-èlre exisic-l-il wu catalogue en
langue l{'liè(|ii('; en lout cas, je ne l'ai pas vu, cl je dois
encore me seivii- de mes noies.
Les antirpiilés de la Bohème oITient jilusieuis spc-cimens
cui"ieux cl qui se rallachcnt à diverses ('porpics, pierres.
l)ronzes, olc. Mais l'atlonlion osl surloiit appelée sur les
souvenirs de la grande in Ile religieuse. Dans une vilrinc
se trouvent les autograplies d<^ Jean Huss Inndé à Constanee,
U) ('» juillet 141"), et de Jean Ziska, le reduiitahie clicr
des Tal)orit(is. On monlre aussi le lae-siinile de la sen-
tence (jui eondannia Jean Huss et souleva les populations
de la Bohème. ]*lus loin, dans les panoplies rpii décorent
les murs, on peut loucher les armures (^t les armes (entre
antres de grands et lourds lléaux), dont les hussites se
servirent dans leur longue et terrihic lui le.
On remarque ailleurs des objets cpii ne se ra Hachent
])oint à riiisloirc de la Bohème. Tel est le glaive de
(lustavo-Adolphe (le nom du Boi est gi'avé sur la lame) ;
t(^lle est aussi l'épée de Christophe Golomh, amiral, avec la
date de 1491.
]\Iais qu'est ce Musée, si on le compare à la célèbre cathé-
drale de Saint- Vcir? L'intérieur de cette grande église,
construite au xiv- siècle, est d'une richesse extraordinaire.
Je ne fois pas seulement allusion au tombeau de saint Jean-
Népomucène, entièrement d'argent. Ce monument ne ^latc
que de 173G. Or, l'église de Saint-Veit contient, au point
de vue archéologique, des monuments plus précieux. Citons,
dans la chapelle de Saint-Venceslas, le casque, la cotte de
mailles et le harnais de ce saint : ils datent de l'an 900;
dans la chapelle de Sainle-Ludmille une croix duxiii'' siècle;
enfin, dans celle de Sainte-Anne, un chandelier dont la
partie inférieure (travail byzantin) est très-ancienne, sans
provenir cependant du len)ple de Salomoii, selon la su|»po-
silion naïve et ollicielle des marguilliers.
La chambre du trésor est aussi d'une urandc richesse.
— 554 —
Là se trouvent des reliquaires, des couronnes royales,
dos dalmatiqucs et d'autres ornements d'édisc de la plus
lirande valeur comme œuvres d'art et comme souvenirs
historiques.
Parmi les anciens (ombeaux qui sont disséminés çà et Là
dans la grande cathédrale, on remarque fout d'abord le
mausolée des rois de Bohème. Il est en marbre de Carrare
et il a été exécuté en 1589 par Alexandre Colyns, de Malines,
celui-là même qui acheva Ui fanieux tombeau de l'empe-
reur Maximilien V , à Inspruck (i). Le grand mausolée
de la cathédrale de Prague renferme les cendres des rois
de Bohème, depuis Ferdinand ï"', frèn^ de Charles-Quint,
jusqu'à Rodolphe IL On remarque sur le monument les
elïigies de Ferdinand L'', de sa femme et de leur 111s,
l'empereur Maximilien IL
SAXE ROYALE. — DRESDE.
LE MUSÉF. HISTOUIQLIE.
La plupart des riches colleclions artisti(pies et archéolo-
giques de Dresde sont réparties entre le Musée ]u-o])rement
dit (galerie de tableaux), le Musée japonais et h; Zwinger,
vaste bâtiment dans le slyle du wiir sièch;. Cette réparti-
lion n'csl |)as ('xlrèinriiiciit li('iii'(,'U.se. Les locaux soni, en
(i) Alexandre Colin mi Colyns, m- ;i Malinos, en \'iiC>, niorl ii Insprink ,
le 17 :infif HÎJS.
— 535 —
général, insufiisants ou pou diiïncs des œuvres précieuses
(ju'ils renferment.
Le Musée historique occupe une des ailes du Zwinger,
Ce Musée est un des plus riches cl des phis iirécieux de
l'Europe. Quoique les ol)jct.s se rattachant à l'Iiisloire de la
Saxe y soient en très-grand nombre et y dominent même à
certains égards, les autres parties de l'Allemagne y sont
également représentées. D'un autre côté, la France, la
Pologne, l'Orient, l'Amérique ont aussi fourni leur contin-
gent. Musée historique est donc la meilleure dénomination
qui puisse être donnée à cette grande collection.
Pour la décrire, même rapidement, il faudrait un
volume (i). Je dois me borner ici à un simple aperçu.
Le Musée est divisé en neuf galeries , partagées elles-
mêmes en divers compartiments. L'ordre chronologique
n'est point rigoureusement observé dans le classement des
objets ; mais autant que possible, on les a groupés par caté-
gories. Des meubles du xv" et du xvi" siècle remplissent la
première salle. On y trouve le gobelet de Luther, sa petite
armoire, présent de l'électeur Frédéric le Sage, et son épée.
La deuxième chambre contient les armes et équipages de
chasse des anciens Électeurs : arquebuses, fusils, cou-
teaux, etc. Il faut mentionner, en outre, des cors en ivoire
du XIV'' et du xv'' siècle.
La troisième et la quatrième salle sont les plus impor-
tantes. Elles peuvent rivaliser, à certains égards, avec la
galerie d'Ambras. L'une est la salle dite des tournois; l'autre
(i) Cft voliinio ;i cti- publié sous le titre de : J)er Fiihrer durch <las historhche
Miixeiini zii Drrsûrn , son F. -A. Fronzol. I.oipzif;, hoj Woiiîol, i8"0.
— 550 —
esl la salle dos batailles. Elles coiiliennent runo ol l'autre
une grande et riclie colloetion d'annes olïensives et défeii-
sives, arrangées avec hcancoup de goût. L'aspect de ces
galeries est imposant : les arnuires e! les bardes sont sur
{\v<: clievanx de carlon-pieiTe, an nonihi-ç d'une soixantaine;
les murs sont couverts, de lias en haut, d(! glaives,
de rondaches., etc. Les armes liisloricpies al)ond<Mil. On
remarque, dans la salle des tournois, la magnirKpK; armure
de parade de rélecleiir Chrétien II, mort en KnSt). (Test
un travail ilidien qui, dit -un, vaudrai! anjonrd'liui
100,000 llialers. Dans la salle des batailles, on montre,
entre autres, l'armure que l'électeur Jean-Frédéric portait à
la bataille de Miihlberg (L'j/p7j; rariiun-e qni ne put ))rolé-
ger l'électeur Maui'ice lorsqu'il l'ut mortellement blessé jirès
de Sieversliausen (15y5); la cuirasse de Gustave- Adolphe;
les bâtons de conunandement de Tilly et de l*apenheim ;
la colle de mailles, le bâton de commandement et le sabre
que Jean Sobieski, roi d(î iNtlogni', porlait devant Vienne
en 1085.
Dans la salle qui suil, on trouve! une précieuse collection
d'armes à feu, depuis leui- invention jusqu'aujourd'hui. J'y
ai vu, enli'e autres, des canons se chargeant par la culasse»
et porliuil les d;iles de LSIO el de L'ilG. Je traverserai
assez ra])idement la sixième chanibr(\ (pii contient les objets
de parade employés sous le règne d'Auguste il, pour
signaler la galerie suivanle, dont les Saxons sont liers à
jusie lili'e. On s;iit (pu' réiecleiir ,le;m-(leoi"ge !II étnit
accouru, comme Sobieski, au secours de Vicmie, assi(''g(''e
par les Turcs en 1(')(S5. Ceux-ci ayant ('h' v;iincus dans la
HK'morabN' balaillc du !':2 sepleiiibri', ri''Jecl*Mn' eiil, pour
.)-)/
sa pai'l, ilii Ijuliii, la loiilf du uraïul vi/ir Kara-Altisla|tlia,
sans parli'i' (rai'incs j)n''('i(Mis(\s cl. iVaud'cs objets. Ces
Iropliécs (11' la bravoure sa\i»nu(3 sonl encore c.\|ioscs au
Musée hislorique.
Je Iraversei'ai rapideiiieii! aussi la chaïubre indicintc, (|ui
reureruic des armes el des iisleiisilcs de Bonico el d'aulres
contrées transatlantiques. Pour terminer eet. a|)ei'ru , je
signalerai })lulùl la neuvième eliambre ou salle de j)arade
(jui rappelle surtout, par diver.s objets de la ])lus grHnd(^
i-icliesse, le règne do l'électeur Auguste II conunc roi de
Pologne. On y trouve, en outre, réj)ée de Pierre le Grand,
celle de Charles XIÎ et, le manteau impérial de Napoléon l'''.
En résunié, ce Musée donne la plus haute idée du goût
des anciens électeurs de Saxe, de la s]>lendeur de leur Cour,
et de la sollicitude patrioti(iue avec laquelle sont conservés
tant de souvenirs si honorables ou si glorieux pour le pays.
MUSEE DES l'OUCELAir^ES.
Sur la rive droite de l'Elbe, dans la Neustadt, on trouve
\c palais du Japon, appelé d'abord palais hollandais. L'inscrij)-
liou suivante est gravée sur la façade :
^fuseiDii uhui pnblico pulviis et
Trcs Aitijusii comlidcruuL
Ces trois Auguste sont : Krédéric-Augu^lc [" \ (pii acheta
le ])alais et qui en lit sa résidence d'été; Frédéric-Auguste II,
qui le coiujtléta, et Frédéric-Auguste III, qui lui domia sa
destination actuelle. On prétend (pie l'intention de ce der-
— 538 —
nier ctail de faire décurer i-l reiuplir eiilièi'euieiil de pureu-
laiiies toutes les pièces du vaste édilicc; mais il n'eut i)as le
temps de réaliser ce ]irojel.
Actuellement le palais japonais contient plusieurs collec-
tions différentes. Le Musée des anticiues est au rez-de-
chaussée ; la Bibliothèque royale au ])remier et au deuxième
étage, et la coUeclion des j)orcelaines dans le suutei-rain.
Ce n'est point là un local convenal)le i)Our une des plus
riches collections de l'Europe. En effet, les dix-neuf salles
du souterrain dont il s'agit renferment 600,000 i)ièces.
L'inventaire manuscrit se compose, dit-on, de cinq volumes
in-folio. Il est impossible de décrire ici une collection aussi
considérable. Bornons-nous à dire qu'elle contient les plus
beaux spécimens de la céramique, depuis les premiers essais
de porcelaine saxonne par Boettiger jusqu'aux magnifiques
l)roductions de la fabrique nationale de Meissen. Puis
viennent les porcelaines de Sèvres, et, dans des salles
distinctes, les chefs-d'œuvre de la Chine et du Ja])on. Le
classement laisse peu de cliosc à désirer : il a pour base
l'ordre chronologique.
« Ce Musée, unique dans son genre, dit un juge compé-
lent, renferme, outre ses porcelaines de la Chine et du
Ja|)on, une colleclion nombreuse de toutes sortes de ])ote-
ries, faïences et porcelaines européennes, formant pour ainsi
dire un cours hisloi-ique de toute la céramique. Le Musée de
Sèvres seul peut rivaliser pour cette bi-anche de sa collec-
tion avec celui de Dresde. »
Le [lalais japonais contient aussi le Musée des antiques,
Anlih.'ii-Scuninluiif/ ou Ani/uslfum. Ces colleclions diverses
— 059 —
remplissent douze salles du i-cz-dc-chaussée, doiil ucul soiil
eonsaerées aux chels-d'œuvrc de la staluainî. La dixième
salle contient des spécimens très-intéressants des antiquités
de l'Egypte et de Rome. Les vases grecs et étrusques
enriciiisscnt la salle suivante. Viennent enlin des antiquités
allemandes, au nombre de plus de sept cents pièces : vases,
glaives, haches, lampes, statuettes de bronze, ornements
divers, tibules, etc. La plupart de ces objets ont été trouvés
dans les limites du royaume actuel de Saxe. Quelques-uns
sont précieux. J'ai remarqué, entre autres, plusieurs urnes
d'une forme très-rare.
LE TRESOR DES ROIS DE SAXE.
( 1. E (i II U E N E G E W OE I. U E. )
Cette collection d'objets d'art et de raretés forme cerlai-
nement la partie la plus intéressante de l'antique château des
rois de Saxe. Elle attire, avec raison, les étrangers. C'est un
spectacle féerique , à certains égards, que ces huit salles
remplies de joyaux, de bijoux, de vaisselle d'or, de cristaux,
de bronzes , d'ivoires , enlin de tous les objets rares et pré-
cieux qui, pendant trois siècles, se sont accumulés dans le
Trésor de l'ancienne maison électorale. Aussi considérable
peut-être, quoique moins remarquable sous le rapport
archéologique, cpic le trésor impérial de Vienne, la collec-
tion de Dresde justifie son renom européen de richesse et
de splendeur.
— r>4() —
l)\)ù \i{'iil et' iHtiH de Gruiic (jeirol//e'! l*oiil-ùlrc do lu
coulfMir vcrlc des aniioirios de la S;k\(î ; pcut-ùd'c ;ui.ssi d(j
la couleur priniilivc des ehainbirs où le Irésor étail déposé.
Eli (eut cas, celle déuominalion esl eu usage depuis 1010.
Quaul au cabinet lui-même, il dut son exislence à l'élec-
tcui' Auguste, qui gouverna la Saxe' de 1").")3 à lo8G. Ce
cabinet s'accrut sous les successeurs d'Auguste, nolanniient
sous Jean-George I" (IG! l-liKiC)) et sous Jean-George III,
l'auxiliaire de Jean Sobieski devant Vienne, lient, je l'ai
déjà rappelé, une grande part aux dépouilles des Turcs. J'ai
signalé les trophées conservés au Musée historique; mais les
armes les plus riches sont déposées au Trésor royal.
Frédéric-Auguste II, élecleur de Saxe et roi de Pologne
(1004-1755), ('ntj'('j)rit de donner i)liis d'imj)orlançe encore
h la collection qu'il tenait de ses aïeux. Il l'enrichit de vases
en vermeil et en cristal de roche, sans parler d'une inlinilé
de curiosités ; il acipiil de mènic les ceuvres prnicij)ales de
Dinulinuer, orfèvre et émailleiir célèbre du xvin' siècle.
Frédéric-Auguste II lit ensuite classer les o!)j(3ts de sa col-
lection dans liuit salles différentes, qui furent décorées avec
le j)lus grand luxe. Or, ces salles sont encore aujourd'hui
ce qu'elles étaient sous Auguste le Fort.
Bien (jue les armoires viti'ées du Crime (îeiculùe renfer-
ment des spécimens de la Kenaissanc(3, ce n'est |)oi]il celte
épot|ue (pii prédomine. Les diverses séries d'objets donneiil
plutôt ime haute idée du luxe (pii caractérisait le siècle de
liouis XIV; elles témoignent aussi de la décad<Miee de l'ai'l
et du giHÏl au xviU'' siècle.
ComiiK! je r;ii (lit, le Crinte (îcicol/jc s(! conq)Ose de
huit s;illes, dans l'ordre suivant : i. lii'onzes. H. Ivoires.
— 541 —
m. Mosai(|ucs, éiiiuux, etc. iv. Vaisselle d'or, d'argeiil et
de vermeil, cle. v. Vases de pierres dures el de cristal
déroche; i)ierres gravées, vi. Perles et bijoux, vu. Insignes
du sacre des rois de Pologne, électeurs de Saxe ; sculptures
en bois. viii. Salle du trésor; chefs-d'œuvre d'orfèvrerie
de Dinglinger ; armes précieuses; ordres de chevalerie et
décorations de famille, etc.
Tous ces objets ont été décrits dans un ouvrage spécial
auijuel je puis me référer (i).
La collection du Griine Geioolùe est un fidéicommis de
la famille royale et doit rester dans le pays, selon le texte
delà constitution. On évalue à trois millions de thalers la
valeur réelle de la collection; mais on a raison d'ajouter
qu'une appréciation, même approximative, est difiicile.
MUSEE SAXO^.
Dresde possède aussi un « Musée d'objets d'art national
du moyen âge. » Il a été fondé sous les auspices du roi
Jean I''", lorsque ce prince, zélé protecteur des études
historiques et archéologiques, était encore héritier présomptif
de la couronne. Le Musée saxon est même établi dans un
des palais royaux. Il occupe le rez-de-chaussée du palais
du Grand-Jardin.
(i) Le Griine GewOlbe a Dresde, ou trésor royal d'objets précieux par
A. B. de Laudsber;,', direetcur au trésor. G' édition. Dresde, 1801, iii-8" do
92 pages.
Peut-ùlre ii'esl-cu là qu'un local provisoirt' ; car la collcc-
liou, très-incomplète encore, doil nécessairement s'accroilre.
Du reste, elle est imparfaitement classée et dépourvue de
catalogue.
Les objets sont ranaés, un peu pèle-mèle, dans sept
chambres assez arandcs. Ils consistent en antiquités romai-
nes et germani(iues, trouvées dans la Saxe, mais surtout en
meubles ou ornements d'église.
Parmi les monuments germaniques, on j'emarque une
espèce de pyramide décorée d'un bas-relief très-grossier.
Quelques objets du moyen âge sont également dignes d'at-
tention. Il faut signaler, entre autres, des fonts baptismaux,
en pierre, du xi", du xii' et du xiv'' siècle ; deux dalmatiques,
l'une de la fin du xT siècle et l'autre du xiii''; plusieurs beaux
retables du xiv" et du xv' siècle; des portraits historiques;
un sépulcre en bois, fort curieux, de l'année 1480, etc., etc.
Une des vitrines mérite une attention spéciale. Elle ren-
ferme les em])reintes des sceaux les plus remarquables qui
ont appartenu aux villes et aux monastères de la Saxe,
depuis Louis le Germani(|ue. Elle contient aussi des diplô-
mes, des missels, d'anciens documents historiques, et, entre
autres, une indulgence signée Tetzel.
En résumé, on peut considérer les objets rassemblés dans
le palais du Grand-Jardin comme les premiers éléments d'un
Musée saxon.
Il n'est pas inutile de constater (pie, dans toute l'Allema-
gne, les portraits historiiiues proprement dits et les monu-
ments les plus intéressants de la sigillogra])hic font jiarlie
des Musées nationaux. Les premiers sont comme rillus"
tration de ces musées, les autres sont des monuments
— 343 —
aivhcolugiqucb (lui jcllciil le plus grand jour suj- lo moyen
îliïO.
Je lorniincrai ici ce premier rapport, sans mo dissimuler
les lacunes cl les im))erfectionsdc mon travail. Mais, quelles
(jue soient ces imperfections, je crois pouvoir attribuer à cet
exposé une certaine valeur comme document à consulter.
Je n'ai point d'autre prétention. J'ai seulement essayé de
grouper, pour la première l'ois , et de décrire brièvement
(pielques-unes des principales institutions archéologiques
de l'Allemagne.
Le eonscrvaleui' du Musée royal d'aiiliquités,
crannures et d'artilloiie,
Th. Juste.
NOTICE IIISTORIOUE
SUR
L'ORIGINE ET LES ACCROISSEMENTS
MUSEE DE BRUXELLES,
»oî»;c
C'est une oi)inion généralement accréditée que le Musée
de Bruxelles doit son existence à l'arrêté du 14 fruclidor
an VIII, qui décréta la formation de quinze collections de
tableaux dé|)artemen taies dans les villes de Lyon, Bordeaux,
Slrasboui'u', Bruxelles, Marseille, Rouen, Nantes, Dijon,
Toulouse, Genève, Caen, Lille, Mayence, Rennes et Nancy.
Cette opinion est cependant en contradiction manifeste avec
les faits, ainsi qu'il nous sera facile de le démontrer. L'ad-
niiiiislralion hicalc de Bruxelles avail |)ris, loniilenips avant
— un —
la publication de cet arrêté, l'initiative de la création d'une
galerie publique dont elle possédait les éléments , ce qui
était fort heureux pourelle, attendu que la part qui lui échut
dans la distribution des tableaux tirés des magasins du
Louvre et de Versailles était loin de suffire, comme on le
verra plus loin, à former une collection qu'on pût décorer
(lu nom de musée.
Lors de l'invasion de la Belgique par les armées fran-
çaises, en 1794, les commissaires républicains enlevèrent
des couvents supprimés et des églises tout ce qui s'y trou-
vait d'objets d'art. Les œuvres des grands maîtres de notre
école furent expédiées par eux à Paris; celles qu'un nom
célèbre n'avait point signalées à leur attention furent lais-
sées à Bruxelles, où la totalité des tableaux et des morceaux
de sculpture enlevés aux différentes localités de nos pro-
vinces avait été transportée. Des dépôts de ces tristes débris
avaient été établis en plusieurs endroits , notamment à la
Chambre des comptes et dans une partie des bâtiments de
l'Orangerie. Dès l'année suivante, en 1795, l'idée vint à
l'administration locale de Bruxelles de se servir des tableaux
dédaignés par les commissaires républicains, pour former
une collection dans laquelle les jeunes artistes trouvassent
(les moyens d'instruction et qui put offrir quelque attrait aux
étrangers. Le promoteur de cette idée fut La Serna Santan-
der, homme instruit, actif, plein de zèle pour le progrès des
sciences, des lettres et d(3s arts, qui fut le véritable fonda-
teur de la bibliothèque publique de Bruxelles et qui donna
le plan d'un musée national. Ce fut à cet homme distingué,
dont on ne saurait trop honorer la mémoire, qu'on dut de
ne pas voir périr, dans les magasins où ils étaient accu-
— ÔK) —
mules, les livres et les tableaux abandonnés par les com-
missaires français. Voici en quels termes s'exprimait
M. Malaise, un des conservateurs du Musée, dont il sera
parlé plus loin, dans un rapport adressé à l'autorilé admi-
nistrative sur l'origine du dépôt dont la direction lui était
confiée :
« M. de La Serna ne se borna point à organiser la Biblio-
llièque ; secondé par qu(;lques amis des arts et des sciences,
il proposa successivement la création du Musée, du Jardin
des plantes et du Cabinet d'histoire nalurello. Les tableaux
qui existaient dans les bâtiments de I;i Cbandjrc des comptes
et dans les locaux de l'Orangerie de la cour composèrent
le fond de la collection. Ils avaient été réunis par les soins
de M. Janssens, Tous provenaient des anciens couvents des
Pays-Bas et des cabinets des personnes réputées émigrées.
La suppression des corporations et des corps de métiers en
augmenta le nombre. Les agents de l'administration supé-
rieure expédièrent sur Bruxelles environ sept cents tableaux,
plus quebpies statuts et d'autres objets d'art. »
La Serna avait donc conçu le plan de la création du Musée;
mais, absorbé ])ar les soins que réclamait l'organisation de la
Bibliothèque, il ne pouvait pas s'occuper du soin de sa réa-
lisation. C'est une mission qui échut à Bosschaert. Il nous
semble convenable de consacrer ici quelques lignes à cet
homme distingué, dont N.' nom se lie intiineineiil ;i l'histoire
(l(î la fondation du Musée de Bruxelles.
Né à Bruxelles, en 17.')7, et appartiMianl à un(î fiunille
honorable, Bosschaert lit de boinies éludes et obtint le
diplôme de licencié en droit, i.e coiiile de Cobenzl , aïKjiiel
il (Ml! rocciisjoii (r(''lre ])r(''S(Mil<'', le prit jjoiir s(>er(''l;iire et lui
— 547 —
fît visitnr siiroossivomonl la Franco, l'Anglolcrrc el l'AIIe-
mao-no, en vue d'inlrodiiiro dans dilTérents scrvicos publics
do la Bolgiquo les amôlioralions que ])our'i'aient suggérer les
renseignements recueillis par ses soins à l'étranger. On vit,
en elïet, plus lard, appliquer les idées do Bosschaert sur la
liberté du commerce des grains, ainsi que ses plans pour
l'encouragemenl de l'industrie.
A la mort de Gobenzl, Bosscbaert quitta les affaires publi-
ques. Porté par instinct vers la culture des beaux-arts, il
étudia la peinture sous la direction d'André Lens et fit des
))rogrès assez rapides pour devenir, en assez peu de temps,
capable d'exécuter des copies de tableaux de Rubens des-
tinées à des églises. Il passe pour avoir aidé Lens dans la
rédaction de son Traité sur le costume des peuples de
rantiquité.
La compétence de Bosschaert en matière d'art était assez
bien établie pour qu'en 1782 M. d'Angevillers, surintendant
d(^s bâtiments de France, avec qui il était en correspon-
dance, le chargeât de faire à Munich des acquisitions de
tableaux pour la galerie de Versailles. Sous Joseph II, Bos-
schaert reçut une mission qui le préparait, en quelque sorte,
à celle qu'il devait être appelé à remplir plus tard comme
organisateur du Musée de Bruxelles. Il l'ut chargé de clas-
ser les tableaux des couvents supprimés et de vendre ceux
qu'il considérerait comme indignes de figurer dans les col-
lections de l'Etat. Malheureusement Bruxelles n'avait pas ,
à cette époque, de galerie; ce qu'on appelait les collections
de l'Elat, c'était le musée de Vienne, et bien des chefs-d'œu-
vre qui faisaient la gloire de l'école flamande nous furent
enlevés pour enrichir, à nos dépens, la galerie du Belv('>-
— 548 —
dère. En 1791, Bosscliaert visita l'Italio; il séjourna à Flo-
rence, à Rome, à Venise, et ce voyage fut en quelque sorte
le complément de son éducation d'artiste.
Tel était l'homme à qui l'autorité locale confia le soin de
présider à l'organisation du Musée. Il précise lui-même
l'époque à laquelle la création de ce dépôt fut résolue, dans
une note qui se trouve parmi les nombreux écrits de sa main
conservés aux archives de la ville et qui est ainsi conçue :
a L'administration centrale s'est occupée, dès l'an iv (179o),
de faire rassembler, dans le local de l'Ecole centrale, les
tableaux restants des maisons religieuses supprimées. Son
but était de procurer aux amis de l'art un faible dédomma-
gement des pertes que l'enlèvement , sans exception , des
objets les plus précieux, à l'entrée des armées républicaines,
avait fait subir à la Belgique. »
Bosscliaert se mit activement h l'œuvre, mais le premier
travail qu'il avait à faire était long et délicat. Tous les
tableaux entassés dans les locaux de la Chambre des comptes
et de l'Orangerie n'étaient i)as des chefs-d'œuvre; il s'en
trouvait beaucoup de médiocres (;t beaucoup aussi d'abso-
lument mauvais, auxquels on ne pouvait i)as accorder l'hon-
neur de figurer dans un Musée. Il fallait, avant tout, faire
un triage, procéder par voie d'élimination, pour former le
fond d'une collection respectable. Peut-être Bosscliaert ne
se souciait-il pas de prendre seul la responsabilité de celte
opération. Quoi qu'il en soit, l'administration centrale
nomma un Jury pour le seconder dans le tra\ail de classe-
ment.
« Considérant, était-il dit dans l'arrêté, (jue dans le
grand nombre d(^ tableaux il s'en trouve qui ne mérileitl ))as
— ô/(.0 —
d'étro consorvés pour lo Miiséo, cl qiio le moyen 1(^ pins pro-
pre de s'assurer qu'aucun bon tableau ne soit mis au rebut
est de confier cette opération à un jury composé d'artistes
et d'amateurs, arrête :
» Article 1". Un jury composé de neuf membres fera le
triage des tableaux déposés à l'Ecole centrale. Ses Ibnclions
seront gratuites.
» Art. 2. Sont nommés membres de ce jury les citoyens :
Lens aîné, peintre ; François, peintre, professeur à l'École
centrale; Janssens, sculpteur, membre du jury des arts;
Foteyil, rentier; Debiefve père, rentier; Le Roy, peinire;
Marneffe, marchand de tableaux; Thys, restaurateur de
tableaux; Bosschaert, peintre,
» Art. 5. Le jury mettra au rebut les tableaux indignes
d'être placés dans le Musée et qui, sous aucun rapport, ne
peuvent servir à l'instruction ou à la curiosité publique, soit
comme monument d'antiquité ou d'histoire.
» Art. 4. Un tableau ne pourra être rebuté que par
décision du jury , composé de la moitié phis un de ses
membres.
» Art. 5. Il sera fait un inventaire des tableaux jugés
dignes d'être conservés. Ils y seront classés suivant leurs
genres distinctifs, que le jury pourra, s'il le juge convenable,
subdiviser en plusieurs classes , pour distinguer le mérite
relatif des tableaux.
» Il sera ftiit également un inventaire des tableaux mis
au rebut. »
Dans la lettre adressée aux membres du jury pour leur
faire part de leur nomination, il était dit : « La formation
d'un musée près de l'École cenlrab^ est désirée depuis long-
— r,5o —
lomps par les amis des arts, et nous sommes persuadés qu'à
ce titre vous remplirez avec plaisir une tàehe qui doit en
préparer rétablissement. Des ])roiirès ))lus rapides dans
l'instruclion et une nouvelle jouissance i)rocurée à vos
concitoyens sont la douce récompense qui couronnera vos
travaux, »
Les membres du jury acceptèrent tous le mandai qui leur
était donné. Comme détail des mœurs du temps, nous con-
signerons ce fait qu'ils adressèrent une pétition à l'autorilé,
à cette fin d'èlre exemptés du logement militaire, pour pou-
voir se livrer activement à leurs travaux , et que ce qu'ils
demandaient leur fut accordé, parce que leurs fonctions
étaient gratuites. C'est que c'était, à cette époque, une
lourde charge pour les habitants que celle des logements
militaires!
L'arrêté que nous venons de citer, et qui porte la date
de 1797, établit bien nettement (pie la foi'mation d'un Musée
à Bruxelles était décidée longtemps avant que l'institution
des galeries départementales ïùl décrétée par le |)remier
consul, sur la proposition du ministre Chaptal. Peu de
temps après, Bosschaert fut nommé conservateur de ce
Musée.
Le jury institué par l'administration locale se mit en de-
voir d(M'emplir la lâche qui lui avait été confiée. Il s'v con-
sacra avec zèle; mais nous n'oserions pas allirmer qu'il ait
toujours pris ses décisions avec disc(>rnement et en pleine
connaissance de cause. Nous avons, au contraire, de fortes
raisons de croire qu'il subit involontairement l'inlluence des
prijugés de son teni|)s et que ces préjugés lui firent com-
niclln' des erreur-; don! jec; miiles fiii-etil des ])lii>^ funestes
— ôol —
pour le Muséo. L'admiiiislralion avait été inspirée par une
juste appréciation dos clioses, on disant dans son arrêté (pio
les tabl(^aux mis au rebut seraient ceux qui ne pourraient
pas servir à l'instruction ou à la curiosilé publique, ou qui
ne seraient pas considérés comme des monuments d'anti-
quité ou d'bistoire. L'idée exprimée dans ce dernier membre
de pbrase semble loute naturelle de notre temps; mais il
est extraordinaire de la rencontrer dans un document admi-
nislratif de cotte époque. Celui qui songeait à consacrer, il
y a soixanle-dix ans, la valeur liistorique des objets d'art,
était en avance sur ses contemporains. La preuve, c'est qu'il
ne fut pas compris des artistes mômes auxquels il s'adressait
et qui n'observèrent que médiocrement ses sages recomman-
dations.
On ne comprenait pas, à la lin du siècle dernier, qu'une
reuvre d'art pût être précieuse à d'autres titres que ceux qui
résultent de l'application de certaines règles considérées
comme les meilleures à un moment donné; on ne compre-
nait pas qu'il y eût pour un tableau, pour une statue deux
sortes de mérite, l'un absolu, l'autre relatif cà l'état général
des connaissances techniques dans le temps où vivait l'ar-
tiste auteur de ce tableau ou de cette statue. Il est vrai que
de nos jours c'est le mérite absolu que de certaines personnes
contestent, en méconnaissant, en niant même les lois fonda-
mentales du beau. Chaque époque a ses travers. Quoi qu'il
en soit, les maîtres primitifs n'étaient point en crédit à la fin
du siècle dernier. Mensart et Descamps, dans les descrip-
tions qu'ils ont données des objets d'art que possédaient en
si grand nombre les églises et les monastères de nos pro-
vinces, daignent à peine ciler quelques-unes des (ouvres
— 5o2 —
capitales des maîtres de l'ancienne école. Bossehaert et ses
collègues lémoignèrent également, comme nous en fourni-
rons bientôt la preuve, peu d'estime pour les curieux monu-
ments des premiers âges de la peinture llamando. En même
temps qu'il était conservateur du futur Musée, Bossehaert
remplissait les Ibnclioiis de directeur de l'Association de
peinture, sculpture et architecture ; en faisant le choix des
tableaux destinés à former la galerie i)ublique, il n'avait
qu'une pensée, ainsi qu'on le voit dans une foule de passages
de ses rapports ofliciels et de sa correspondance : c'était de
conserver des tableaux (jui lussent de nature à ])ouvoir
servir à l'instruction des élèves. Il semblait ignorer qu'un
Musée doit, autant que possible, présenter dans son ensem-
ble l'histoire de la peinture représentée par des œuvres
caractéristiques de toutes les époques. Son erreur à cet égard
n'est pas une supposition ; des faits consignés dans la suite
de cette notice le démontreront d'une manière irrécusable.
Il est de toute évidence pour nous que la collection des
tableaux de l'école primitive que possède le Musée de
Bruxelles, bien que déjà fort intéressante, aurait pu être
beaucoup plus riche encore, si le jury chargé d'opérer le
triage des objets d'art provenant des maisons religieuses sup-
primées avait rempli sa tâche avec j)lus de discernement
et se fût conformé aux recommandations contenues dans
l'arrêté de l'administration locale.
Vers la lin de 171)7, le jury avait tcnniné ses opéj'ations,
et Bossehaert avait rédigé un inventaire général des objets
d'art contenus dans les dépôts où ils étaient entassés d(*puis
leur arrivée à lîruxelles. Nous avons eu entre les mains une
copie (le cet inventaire, qui nous a (''t('; d'une grande nlilil(''
— -roo —
|)(»ur cuiislalci' la i»ro\ ciiaïux' iruii ciu'laiii nombre tic
tableaux. Toules les fois iiiie iiosscbéierl a )>u se procurer
un reiiseii;iieiiieiil jH-écis sur l'origine de l'un des ol)jels d'art
qui passaient entre ses mains, il l'a soigneusement consigné;
mais il eu est beaucoup, mallieureusemenl, sur lesquels il
n'a j)as obtenu et n'a i>u nous transmettre d'indications de
ce genre. L'inventaire général des tableaux comprend treize
cent et un numéros. Plusieurs tableaux étant souvent réunis
sous le même numéro, on peut |iortcr à environ quinze cents
le nombre total des toiles et des panneaux que renlérmaiimt
les magasins dont le contenu avait été examiné par le jury
et inventorié par Bosschaert.
L'administration locale avait fait transporter dans les bâti-
ments de l'Ancienne Conr les tableaux déposés d'abord à la
Chambre des comptes et à l'Orangerie, et c'était là que devait
s'ouvrir le; Musée. Bosschaert se plaignit de l'insulïisance des
locaux assignés au dépôt considérable ((ui lui était confié.
Ce dépôt avait reçu de nouveaux accroissements. L'autorité
avait fait faire de nouvelles perquisitions dans les maisons
religieuses supprimées, afin d'en retirer les objets d'art que
les commissaires républicains pouvaient y avoir laissés lors
de leur première tournée. Ainsi que l'écrivait Bosschaert à
l'administration : « On s'est assuré que tous les tableaux des
grands maîtres avaient disparu ; mais ceux de la deuxième
et de la troisième classe se sont trouvés en grand nombre ,
et comme la plupart sont de grandes compositions exécutées
pour des églises, la nécessité d'avoir un vaste local est
deveime impérieuse. »
Ce local, Bosschaert crut l'avoir trouvé dans l'église des
Jésuites. Il proposa de faire enlever de cet édifice les é(iui-
peniciils inililaircs <iui y cUiiciil déposés, pour y Iransporter
les ol)jc(s d'art accuniulcs dans les salles derAncienne Cour.
Il élail d'aulaiil plus indispensable, ajoutait-il, de prendre la
mesure (pi'il sollicilail, (pic la vente du mobilier des paroisses
de la conniiune allait avoir lieu, et que, les tableaux , les
statues, les bas-reliefs, etc., de ces éiiliscs ayant été accordés
,'iu Musée, il fallait avoir un emplacement propre à les
recevoir.
La demand(î de Bosscbaert fut prise en considération. Il
fut autorisé à aller avec un arcbitecte visiter réglise des
Jésuites, pour s'assurer du parti (|u'on en pourrait tirer.
Toutefois il paraît rpie la combinaison rencontra des dilll-
cultés. Elle fut abandonnée, et, peu de temps après, Bos-
schaerl, a]»puyé par La Serna et i)ar les membres du jury des
arts, demanda l'église des Minimes en remplacement de celle
des Jésuites. Il ne fut pas plus heureux dans cette seconde
négociation que dans la première. Bon gré mal gré, il fallut
(pi'il se contentât des bâtiments de l'Ancienne Cour et qu'il
trouvât le moyen d'y organiser le Musée, tout en conservant
le dépôt des tableaux considérés comme indignes de ligurer
dans la collection publique. Il i)arait que la pénurie des locaux
est à Bi'uxelles un mal cbronicpie; on a même été quelque-
fois t('nl(' de croire (ju'il était incurable.
Le résultat des pi'cmières o|térations du jujy avait été un
choix d'environ cent tableaux jugés dignes de ligurer dans
l<; Musée. Toutefois Bosscbaert convint, dans le l'appoi'tcpi'il
adressa à l'autorité, que des œuvres de mérite pouvaient
avoir échappé aux rcclierches de ses collègues, attendu que,
les toiles étant entassées les unes sur les autres, on n'avait
pu |irocéder que très-dillicilement à leur examen. «Il n'a
.)0.)
été l'ait aucune luontiou des antiiiucs , ajoutait Bosschacrl,
par la raison que la plupart do cos tableaux sont très-médio-
cros el ne rempliraient pas même le l)u(, qui serait de rap-
peler le eommenc(Miient et les })rogrès de l'art. » Ce que le
conservateur du futur Musée appelait les antiques, c'étaient
les tableaux des peintres antérieurs à la seconde moitié
du \\f siècle. L'expression , tout impro])re qu'elle lut,
resta, et l'on s'en servait encore naguère pour désigner
les œuvres de nos vieux peintres. Cette phrase trahit les
pré^'ugés de Bosschaert; elle atteste que, tandis qu'il se
montrait, d'une part, plein de zèle pour les intérêts de
rétablissement dont les destinées avaient été remises entre
ses mains, il le desservait, d'un autre côté, par esprit de
système.
Ces antiques, dont il avait cru ne devoir faire aucune
mention, forment une des parties les plus intéressantes du
Musée. A la vérité, des acquisitions récentes ont beaucoup
accru l'importance de notre collection de tableaux des an-
ciens maîtres ; mais, si l'on veut accorder quelque attention
aux indications de provenance données dans le catalogue,
on verra que la série des productions de notre vieille école
llamande s'est trouvée très-riche et très-intéressante, le jour
où l'on a bien voulu les tirer de l'obscurité à laquelle les
avaient condamnées d'injustes préventions.
A}U'ès avoir dit que ce qui restait de tableaux dans les
magasins ne pouvait, à l'exception d'un très-petit nombre,
servir à la formation du Musée, Bosschaert ajoutait qu'on
réaliserait, en les vendant, une assez grosse somme qu'on
emploierait utilement à faire restaurer et encadrer ceux
qui avaient été choisis. Celte proposition ne fut point
— ôoC) —
accueillie, Jieureuseiiieiil ; mais nous verrous plus larcl ([ue
l'aulorilé ne suL pas toujours résister à des ouvertures de ce
liciire.
Non-seulement l'autorité locale avait pris l'initiative de la
création du 31usée de Bruxelles longtemps avant qu'il lut
question, à Paris, de former des collections départementales;
mais encore des sollicilations fui-ent adressées au gouverne-
ment, àl'elîet d'en obtenir ce que Chaptal accorda plus tard
à quinze grandes villes. Il est permis de supposer que les
demandes que ce ministre reçut de Bruxelles ne furent pas
sans influence sur la conception du plan des collections
départementales. En 1798, Bosschaert faisait parvenir à l'ad-
ministration la copie d'une lettre adressée au ministre par
le jury du déi)artement de la Dyle, touchant diftërentes (jues-
tions de son ressort, et dans laquelle la cause du Musée de
Bruxelles était plaidée chaleureusement. Le jury commen-
çait i)ar rappeler qu'à l'entrée des armées réi)ublicaincs en
Belgique, des commissaires nommés pour la recherche des
objets d'art et de science avaient enlevé tout ce qui se trou-
vait dans ce pays. « L'école flamande, jadis si célèbre, est
dépouillée des productions de ses meilleurs maîtres. 11 ne
reste plus, pour servir à l'instruction publique, un seul
tableau deRubensnideVan Dyck. Daignez, citoyen, donner
à notre sol les productions (pii lui sont nécessaires. La
iKiture, de tout temps, l'avait destiné à la culture des arts.
Vous ne j>crmettrez pas que l'abandon et la stérilité prennent
la ])lacc des moissons abondantes (|ue cette terre, vivifiée
par 1(; génie bienfaisant de l'enseignement, peut ])roduire
encore. » Ainsi s'exprimait le jury dans sa lettni au minis-
tre. Mettant à part l'emphase du style, qui était un travers de
— 357 —
l'époque, on no pciiL nier qu'il n'ait dit des choses fort justes
et fort bonnes.
Au mois de frimaire an vin (1799), La Serna Santander
écrivait au représentant de l'autorité départementale , au
nom du conseil d'administration de l'École centrale : « Nous
vous prions de vouloir faire tous vos efforts auprès du minisire
de l'intérieur, afin de l'engager à seconder l'établissement
du Musée, si nécessaire aux progrès des arts. Cet établisse-
ment ajoutera certainement un nouvel éclat à notre École
centrale et servira d'encouragement aux jeunes artistes, »
Au même moment (26 frimaire), Bosschaert adressait
à l'administration, au nom du jury des arts, la note des
tableaux destinés à former un Musée dans le local de la
ci-devant Cour. « Le comité de salut public, disait-il, a fait
enlever ce que nous avions de plus précieux; mais si, aux
objets que nous avons eu le bonheur de conserver, le gou-
vernement permettait d'ajouter une quarantaine de tableaux
à prendre parmi ceux qui n'ont pas été choisis pour le Musée
de Paris, nous ne doutons pas que celui de Bruxelles ne pût
s'ouvrir avec distinction. »
Nous pensons avoir démontré que l'initiative de la créa-
tion d'un Musée à Bruxelles appartient h La Serna et à
Bosschaert, secondés par l'administration locale. Les der-
niers documents dont nous venons de citer des extraits
sont du mois de frimaire an viii, et c'est seulement le
14 fructidor, plus de huit mois après, que paraissait le décret
relatif à l'organisation des collections départementales.
Le Musée de Bruxelles allait s'ouvrir; en attendant qu'on
fit droit à ses réclamations, Bosschaert avait rédigé un cata-
logue, dont nous avons le manuscrit sous les yeux, quand
i23
— 558 —
parut le déercl, du 14 fructidor qui instituait, dans les quinze
iirandes villes que nous avons mentionnées plus liaul, des
collections de tableaux dont les éléments devaient être
fournis par le Musée d(! Paris, qui regorgeait d'objets d'art
enlevés à tous les pays conquis par les armées françaises.
Il fut décidé que l'inauguration de l'élablisscmenl fondé par
la commune serait retardée jusqu'à ce que Bruxelles eût
oblenu le lot qui lui était destiné.
A peine le décret avait-il paru, que Bosschaert écrivait
à l'administration locale et l'engageait à faire de vives
instances auprès du gouvernement pour obtenir, en faveur
de Bruxelles, une large part dans la distribution des objels
d'art qui devait avoir lieu entre les quinze grandes villes :
« Comment excuser, disait-il, le zèle de ces artistes étran-
gers qui, regardant la Belgique comme un pays de conquête,
sollicitèrent auprès du comité de salut ])ublic l'autorisation
de nous dépouiller sans réserve et sans ménagement? S'il est
juste que Paris, comme centre commun, réunisse les meil-
leures choses, il l'est également qu'après avoir fixé son
choix, il accorde, en restitution ou en remplacement aux
départements réunis, la surabondance de ses richesses. Et
(juci département a ])lus de droits ([uv le nôtre à ces
i-icliesses? N'est-ce point à nos artistes que le Musée de la
capitale doit son pi'incij)al éclat? »
Bosschaert écrivit dans le même sens au j)réfetdu dépar-
tement, et voici la i'é|)ouse ({u il reçut : « J'ai transmis au
ministre de l'intérieur la réclamation (jue vous m'avez
adressée pour obtenir que le Gouvernement rende à la ville
de Bruxelles quelques-uns des tableaux qui lui furent en-
levés à une éj)oque où la Belgique dut être traitée en pays
— 559 —
coïKjuis. J'ai insiste sur les rcgi'cls des artistes et des amis
des arls de ne plus trouver, dans la patrie de Rubens et de
Van Dyck, un seul monument de leur gloire, une seule trace
de l'existence de ces grands Iionmics... »
Il ne suflisait pas que le décret du 14 fructidor fût rendu,
il fallait encore qu'on le mît à exécution ; or on sait qu'il faut
s'armer de patience, quand on est aux prises avec les len-
teurs administratives. Les mois s'écoulaient et l'on n'enten-
dait parler de rien. Une occasion parut se ])résenter ])our
faire parvenir au gouvernement une réclamation qui eût
chance d'être écoutée. Un délégué du département de la
Dyle allait se rendre à Paris pour assister à la fête nationale
du 1" vendémiaire an ix. Le conseil d'administration de
l'école centrale eut l'idée de faire plaider de vive voix la
cause du Musée de Bruxelles. Nous trouvons dans les
archives du Musée un curieux document relatif à cette
inission. Il est intitulé : « Note remise par le conseil d'ad-
ministration de l'École centrale au citoyen de la Puente,
président du conseil général du département de la Dyle et
député à Paris pour assister à la fétc du 1" vendémiaire
an IX. » Cette note est un véritable mémoire; nous ne la
transcrirons pas entièrement, à cause de son étendue; mais
nous en citerons quelques passages, soit parce qu'ils ren-
ferment des faits intéressants pour l'histoire du Musée, soit
parce qu'ils attestent les vues justes et élevées des hommes
qui avaient entrepris la noble tâche de faire refleurir en
Be]gi(iue la culture des bcaux-arls.
Les auteurs de la note commençaient par rappeler com-
ment, la Belgique ayant été dépouillée par les commissaires
républicains de toutes les productions des maîtres qui avaient
— 5G0 —
clé jadis la gloire de l'école flamande, radniinistralion cen-
trale , « pour remplir autant que possible un vide aussi
funeste, avait fait rassembler dans le local de la ci-devant
Cour les tableaux restants des maisons supprimées. » Ils ajou-
taient : « Si un grand nombre de tableaux pouvaient fonder
la réputation d'un Musée, celui de Bruxelles n'aurait rien à
désirer; mais, dans ce (pi'il possédait, la qualité était loin
d'égaler la r(uantité. Bruxelles avait des droits à invoquer
pour obtenir qu'on lui laissât faire un choix parmi les tableaux
restés sans destination dans les dépôts de Paris ; mais les
instances du jury des arts, celles du conseil général du
département et du préfet sont restées sans effet. »
Il ressort des termes de la note que non-seulement ou ne
se presse pas de donner suite au décret du 14 fructidor,
mais qu'on cherche même à en éluder l'exécution. On n'a
obtenu du ministre qu'une réponse évasive; il a renvoyé à
des moments plus favorables l'envoi des tableaux demandés
par le Musée de Bruxelles , à cause de la dépense qui en
résulterait. Le conseil d'administration estime que cette
dépense ne s'élèverait pas au-dessus de deux mille francs et
dit qu'au besoin on y ferait face par une souscription. « On
peut affirmer, ajoute-t-il, que si l'on veut conserver parmi les
Belges un talent qui leur est particulier, il est indispensable
de leur restituer les tableaux dont on les a dépouillés. En
effet, il n'en est pas de la ])einlure comme des autres sciences,
dont les éléments se reproduisent à l'aide de l'inqiression.
Chaque bon tableau n'existe qu'en lui-même. Il faut que
l'artiste le voie, l'étudié en personne, si l'on peut s'exprimer
ainsi. Dira-t-on (pie les modèles puisés dans la nature
suffisent à l'artiste intelligent ? Non : l'art d'imiter la nature
— 561 —
est le fruit d'une longue expérience. Cette expérience
s'acquiert en copiant, en méditant profondément les ouvrages
des grands peintres. C'est donc d'abord l'intérêt des artistes
qui veut qu'on donne de l'importance au Musée de Bruxelles ;
c'est aussi l'intérêt de la ville, où les voyageurs ne trouvent
plus rien qui les retienne. » — « Le gouvernement, disent
encore les rédacteurs de la note, en accédant à notre
demande, se souviendra que le charme des arts est l'attrait
le plus puissant qu'on puisse offrir aux étrangers. »
C'étaient là d'excellentes idées, des vérités qni n'ont mal-
heureusement pas été toujours reconnues et à l'évidence
desquelles il y a encore des personnes qui refusent de se
rendre. Les auteurs de la pièce dont nous venons de citer
quelques passages terminaient en exprimant le vœu que le
conservateur du Musée de Bruxelles fût bientôt autorisé à se
rendre à Paris, pour recevoir les tableaux accordés par le
ministre et pour présider à leur expédition. Au bas de celte
pièce se trouvent les signatures de La Serna, Heuscliling
et Roffin.
Un peintre nommé Le Monnier, Belge de naissance et fixé
à Paris, avait été chargé par Bosschaert de le prévenir du
moment où sa présence semblerait nécessaire pour hâter ,
par ses démarches personnelles , l'octroi de la faveur que
Bruxelles sollicitait avec une constance digne d'un meilleur
succès. Il reçut de son correspondant l'avis que plusieurs
délégués des autres villes appelées à recueillir le bénéfice de
l'arrêté du 14 fructidor, se trouvaient déjà à Paris. On le
pressait d'arriver au plus vite, s'il voulait obtenir, dans la
distribution des tableaux, une part proportionnée aux justes
prétentions de Bruxelles et que des compétiteurs actifs
— 562 —
allaient lui disputer. Il partit muni de recommandations des
autorités de la ville et du département pour le ministre, ainsi
que pour des personnages dont on supposait que l'influence
pouvait lui être utile.
Dès son arrivée à Paris, Bosscliaerl se met en devoir de
remplir ses fonctions de solliciteur ; il voit les autorilés, il
multiplie les visites oflicielles et officieuses. Il ne tarde |">as
à donner de ses nouvelles au maire de Bruxelles, (pii les
attend avec im|iatience, car le Musée est une affaire impor-
tante pour les magistrats de la commune, aussi bien que
pour les amis des arts. Bosschaert annonce, avec bonheur,
qu'il a obtenu du ministre la promesse d'une collection nom-
breuse et bien choisie. Il s'est occupé aussi d(^ bien disposer
en faveur de Bruxelles la commission chargée de faire la
répartition des lots qui devaient échoir aux quinze villes dési-
gnées dans le décret du 14 fructidor. Il a, du reste, éprouvé
déjà certaines diflicultés auxquelles il fallait s'attendre. Le
préfet d'Anvers, mécontent que sa ville n'eût pas été com-
prise parmi celles qui devaient jouir de l'avantage de posséder
un Musée, a employé tous les moyens en son pouvoir pour
prouver qu'Anvers, la patrie de Rubens et de Van Dyck,
avait, parle mérite de ses anciens artistes, des droits à la
préféi'ence accordée à Bruxelles. Pour appuyer sa réclama-
tion, il avait rappelé le grand nombre de tableaux précieux
dont le Musée de l^aris était redevable à la ville d'Anvers.
Bosschaert a cru devoir ne pas combattre les réclamations
du préfet d'Anvers, M. d'Erbouvillc, mnis plutôt se liguer
avec lui. Il a seulement fait observer que Bruxelles : « vantée
jadis comme les f/c//V'c.s' de la lît^lgitpie , privée m.'iiutenant
de tous ses anciens avantages, ne jtouvnit reii;iîlre (|ue jinr
— 563 —
la culture dos beaux-arts. » Il a cité aussi les artistes remar-
quables auxquels Bruxelles avait donné le jour.
L'adininislration du Musée de Paris est occupée depuis
plusieurs mois, suivant ce que Bosschacrt fait connaître, à
))asser en revue les tableaux déposés dans ses magasins;
mais ces tableaux sont au nombre de quinze cents; il faudra
du temps pour acbover un pareil travail. Du reste, il y a
jiromesse formelle que Bruxelles et Anvers seront traitées
jilus favorablement que d'autres villes auxquelles on ne peut
reconnailre ni les mêmes avantages de situation, ni le même
amour pour les arts. Bosscliaert annonce qu'il a formé une
demande tendante à obtenir par anticipation le tableau
(le Saint Martin) peint jiar Van Dyck pour Saventbem. A
l'appui de sa demande, il a invoqué cette circonstance que
le citoyen d'Erbouville, préfet d'Anvers, venait d'obtenir,
également par anticipation , deux beaux tableaux. « Cette
faveur ne manquera pas de faire beaucoup de bruit, dit le
zélé conservateur du Musée de Bruxelles, etje crains que nos
babitants n'en soient jaloux, qu'ils n'imputent à ma mala-
dresse de n'avoir pas pu obtenir un don semblable; mais
comment aurais-je pu balancer le crédit d'un liomme lié
d'ancienne amitié avec le consul Lebrun et jouissant d'un
facile accès auprès du ministre de l'intérieur? »
Le maire répondit à Bosschaert qu'il s'était empressé
d'écrire au préfet pour l'engager à appuyer, auprès du
ministre, la demande de la restitution du Saint Martin de
Van Dyck. Seulement, on peut conclure du passage suivant
di; sa lettre que c'est au Musée de Bruxelles, et non à l'église
de Saventhcm, qu'était destiné le tableau de Van Dyck , si
l'on en avait obtenu la restitution : « Vous apprécierez corn-
— 364 —
bien il importe, pour la prospérité de cette ville, d'enrichir
son dépôt d'objets de peinture de ce qu'il y a de plus
remarquable. »
Deux mois se passent, et Bosschaerl n'a pas vu le plus
mince succès couronner ses efforts. Découragé, il écrit au
maire": « Il faut avoir sollicité à Paris pour apprécier, je
ne dis pas le bonheur de réussir, mais seulement celui d'ob-
tenir une décision. » Il attendait avec impatience la réponse
du ministre à la lettre du préfet. Elle arrive enfin; mais il
n'y aurait pas lieu de se féliciter de son contenu, car le
tableau de Saventhem est refusé, si l'on ne recevait en même
temps l'assurance que Bruxelles jouira d'une belle et nom-
breuse collection, Bosschaert arevu les commissaires charQ;és
de la distribution des tableaux et il a eu soin de leur faire
remarquer, dit-il : « que Bruxelles, placée au centre des
communications, entre l'Allemagne, l'Angleterre, la France
et la Hollande, doit pouvoir offrir à la curiosité des voya-
geurs des objets intéressants. » C'était bien comprendre le
rôle dévolu à la ville de Bruxelles par sa situation géogra-
j)hique. On ne s'exprimerait pas mieux, à cet égard, en 1803,
que ne le faisait Bosschaert, le G brumaire an x (1802) ,
dans la lettre dont nous venons de citer un extrait.
Pendant que Bosschaert veillait activement aux intérêts
du Musée, lui-même n'était pas oublié par l'administration
de Bruxelles. Elle avait écrit au ministre pour solliciter sa
bienveillance et sa justice en faveur de ce zélé fonctionnaire.
Le conseillerd'ÉtatRegnault de Saint-Jean d'Angely envoya
au maire de Bruxelles, M. Rouppe, la copie d'une lettre du
ministre de l'intérieur où il était dit que , « d'après l'arrêté
des consuls établissant un Musée à Bruxelles, il était à peu
— 565 —
près certain qno le conservateur actuel ne serait pas changé
et qu'il recevrait un traitement. »
On en était toujours aux promesses d'une part, aux espé-
rances mêlées de craintes et de découragements de l'autre.
La corres})ondance de Bosschaert enregistre jour par jour,
en quelque sorte, les péripéties d'une mission qui semblait
ne devoir aboutir jamais. Du reste, les obstacles ne faisaient
qu'ajouter à l'énergie et à la ténacité du délégué de l'admi-
nistration de Bruxelles. Nous trouvons des preuves de
l'activité déployée par Bosschaert, non-seulement dans ses
lettres, mais encore dans celles d'une foule de personnes avec
lesquelles il s'était trouvé en relation, qu'il avait intéressées
au succès de son entreprise et qui lui rendaient compte du
résultat de leurs démarches. Ces lettres, qui furent sans doute
envoyées à Bruxelles par Bosschaert comme pièces à l'appui
de ses rapports ofticiels, existent dans les archives du Musée.
Le général Eblé, inspecteur de l'artillerie, qui était au nombre
des protecteurs de Bosschaert, avait écrit au général Duroc
])0ur le prier de solliciter le premier consul en faveur du
Musée de Bruxelles. Il reçut cette réponse :
« Je n'ai pas oublié , mon cher général , ce que vous
m'avez dit au sujet des tableaux de Bruxelles. Il n'est pas
encore venu à ma connaissance que le premier consul ait
donné des ordres comme vous le désirez. Je lui rappellerai
volontiers la demande que vous lui avez faite; mais je crois
qu'il serait nécessaire aussi que vous voulussiez bien en
parler au ministre de l'intérieur. »
On ne se doutait pas que le maréchal Duroc se fût jamais
occupé du Musée de Bruxelles. Le général Eblé écrivit lui-
mèni!' (juokjues jours après à notre obstiné solliciteur :
— oGC —
« Quoique je sois très-occupé, mon cher monsieur Bos-
seliaert , il faut que je vous annonce que le premier consul
va donner l'ordre aux commissaires chargés de la répartition
des tableaux, de l'aire un bon choix pour Bruxelles et d'en
faire l'envoi sans délai. Bonaparte m'a accordé cette faveur
de la meilleure grâce du monde. J'ai préféré m'adresser à
lui qu'à tout autre ; vous voyez que j'ai l)icn fait. » Au lieu
d'aller trouver le ministre, comme le lui avait conseillé Duroc,
le général Ehlé avait donc été porter directement au premier
consul la réclamation du Musée de Bruxelles, sans doute en
vertu de cet axiome, qu'il vaut mieux avoir affaire à Dieu
qu'à ses saints.
Bosschaert frappait à toutes les portes, se faisait des amis
el des protecteurs dans toutes les classes. Nous venons de
voir qu'il avait fait agir en sa faveur l'influence d'un oflicier
très en crédit auprès du premier consul; il obtint égahMiient
l'appui du médecin de celui-ci. Nous avons sous les yeux une
lettre de Corvisart, qui annonce au conservateur du Musée
de Bruxelles la prochaine réalisation de ses espérances. Une
autre, du curé de Saint-Sulpice, est conçue dans les mêmes
termes. L'armée, la Faculté et l'Église se liguaient pour faire
triomplier la cause que Bosschaert s'était chargé de défendre.
Lui-même, voyant que les choses traînaient en longueur,
était revenu à Bruxelles, laissant aux amis, qu'il avait eu l'art
de se faire en peu de temps, le soin d'agir pour lui. Le motif
de son retour, comme nous le voyons dans une de ses lettres,
était une délicatesse très-rare. Il ne voulait pas, écrivait-il
à radiiiinistratioii , être à charge à la cominime et lui faire
faire des dépenses inutiles.
De rolour :i lîrnxollo^. ])eiidan( qii" ^e^ fondé.-; (]o pouvoirs
— 5G7 —
agissaient pour lui à Paris, Bosschacrt s'occupa activement
(lo faire terminer les travaux d'appropriation des locaux des-
tinés au Musée; car il élait dit dans l'arrêté du 14 fructidor
rpie : « les tableaux ne seraient envoyés aux villes désignées
(pi'après qu'il aurait été disposé, aux frais de la commune,
une galerie pour les recevoir. » Déjà, précédemment, Bos-
schaei'l avait adressé à la commune un rapport sur les
mesures qu'il avait prises pour placer la collection que
Bruxelles possédait, indépendamment de ce qui pouvait lui
venir de Paris. Ce rapport nous apprend qu'outre les églises
des Jésuites et des Minimes dont il avait été question pour
y établir le Musée, celles du Grand-Béguinage et de la Gba-
pelle avaient été proposées, mais qu'on avait renoncé à se
servir de ces édifices, à cause du froid liumide qui y régnait
et qui eût compromis la conservation des tableaux. Bos-
schacrt annonça à l'autorité qu'il avait fait disposer dans le
local de l'Ancienne Cour :
« 1" Cinq salles de vingt pieds de haut et de trente pieds
de profondeur : ensemble cent quarante-cinq pieds de
développement;
» 2" Cinq autres belles salles ;
» 5" Quatre autres, dont une en forme de galerie ;
» 4" Une salle souterraine de deux cent trente pieds de
longueur. » — Celle-ci plus particulièrement destinée, sans
doute, à recevoir les objets de sculpture.
Bosschacrt a présidé aux derniers préparatifs d'organi-
sation. Le local est prêt; viennent les tableaux attendus de
Paris et le Musée pourra s'ouvrir; mais quand viendront-ils?
lîosschaert apprend qu'il y a chance de voir terminer l'inter-
minable affaire- de la répartition ; on lui dit que sa présence
— 368 —
est nécessaire : il part. Ses premières lettres , adressées au
maire, prouvent que les choses étaient moins avancées qu'on
ne le lui avait foit espérer II annonce que les trois artistes,
chargés par le gouvernement de présider à la distribution
des tableaux entre les quinze villes dotées des collections
départementales, procèdent avec lenteur à leurs opérations,
d'al)ord à cause des difficultés qu'elles présentent, et puis par
suite de certaines circonstances particulières : ils ont dû
quitter les logements qu'ils occupaient au Louvre et sont
absorbés par les soins de leur déménagement. Ils s'occupent
de leurs affaires, plutôt que d'une mission non réiribuée.
Dans le nombre des huit cents tableaux qu'ils ont à distribuer,
deux tiers au moins sont endommagés au point de ne pas
pouvoir être transportés sans restauration. Or, comme la
restauration est une opération délicate et lente, il se passera
des années avant qu'un seul des musées qu'il s'agit de fonder
ne soit complet. Le gouvernement a décidé qu'il ne so char-
gerait pas des frais de la remise en état des tableaux ; ils
seront supportés par chaque commune , pour les toiles qui
tomberont dans leur lot. Bosschaert espère que Bruxelles
ne se refusera pas à prendre ces frais à sa charge, pour
ce qui la concerne, et qu'elle ne renoncera pas, dans des
vues d'économie , aux objets précieux qui pourraient
lui être offerts. Il invite le maire à écrire de nouveau
au ministre. «Il serait trop juste, dit-il, qu'après l'enlè-
vement de nos meilleurs tableaux , on songeât à nous
dédommager de huil années de privation. Les villes de
l'intérieur , qui n'ont pas les mêmes réclamations à
faire valoir, ne sauraieni regarder comme un préjudice
porté à leurs droits le remplacemenl d'une vingtaine
— 369 —
de tableaux accordés sans aulrc délai au Musée de
Bruxelles. »
Pour expli(iuer les retards dont se plaint Bosscliaert ,
radniiuislratiou du Musée de Paris lui fait remarquer qu'on
ne peut pas presser les artistes qui se sont chargés gratui-
tement d'inventorier huit cents tableaux. Il aurait pu répon-
dre qu'il fallait payer ces artistes et les mettre en demeure
de remplir leur tâche. Il se contente de dire qu'il y a déjà
quatre cents tableaux inventoriés et que rien n'empêche de
les distribuer, en commençant par les villes qui ont un local
prêt pour leur Musée. Sa proposition n'est pas accueillie. Il
faut attendre. « L'attente est longue, écrit-il; mais à Paris
on est obligé de se soumettre à la contrariété des lenteurs,
et s'estimer heureux de réussir enlin. » Il n'a pas manqué
de faire observer que Bruxelles possède des restaurateurs
capables ; mais il y a des toiles qui tombent en lambeaux
et qu'il est absolument impossible de transporter. Gomme
il se trouve dans le nombre d'excellents tableaux italiens, il
faudra bien prendre son parti sur l'inconvénient d'une res-
tauration à Paris. « Du reste, la commune ne devra pas sup-
porter seule les frais qui en résulteront , puisque le Musée
est pour l'ensemble du département. »
Dans la lettre suivante, Bosschaert écrit qu'il est au déses-
poir : les commissaires ont ajourné indédniment la continua-
tion de leur travail. Autre contre-temps, le Sénat a demandé
les tableaux de Rubens qui ornaient la ci-devant galerie du
Luxembourg et dont une partie est actuellement au Musée.
Ils seront remplacés par d'autres que l'on doit choisir parmi
les meilleurs destinés aux villes. » Si, comme on me l'a fait
entendre, dit-il, les ministres et les autres magistrats supé-
~ 370 —
rieurs veulent .s'entourer de tableaux, que restcra-t-il i)uur
les Musées? »
Fatigué d'uiK! nouvelle attente, Bosschaert repart pour
Bruxelles au mois de germinal an x. Le 11 thermidor,
quatre mois après, il reeoit de Renaut, peintre et commis-
saire près le Musée de Paris, la nouvelle que les lots sont
formés enfin et l'invitation d'aller recevoir celui qui est des-
tiné à la ville de Bruxelles. Il demande au maire l'autorisa-
tion de se rendre immédiatement à Paris pour cet objet. Le
maire lui éci'it (pi'il l'autorise à faire ce voyage « à l'effet
d'aller recevoir les tableaux accordés au Musée de Bruxelles
par le gouvernement, le chargeant d'en délivrer récépissé,
ainsi que d'assurer leur transport par tous les moyens qu'il
jugera utiles. »
Dans sa ])remière lettre datée du 24 thermidor, Bosschaert
annonce qu'il a reçu du citoyen lîarbier-Neuvillc, chef de la
division des beaux-arts, l'assurance positive qu'avant huit
jours il sera en possession des t;djleaux échus au Musée de
Bruxelles. Il s'était i)résenté des obstacles au sujet de tableaux
d'une grande valeur, mais considérablement endommagés.
Le gouvernement, effrayé de la déj)ense des restaurations ,
d'une part, et de l'autre, craignant d'en confier le soin aux
villes, Jic décidait rien. Bosschaert rédigea uih! note ({u'il
adressa aux commissaires, et dans laquelle il leur indiquait
les moyens de lever les difticultés. D'après les idées qu'il
Icursoiniietlait, on l'oriucrait trois catégories : P'ics tableaux
intacts ; 2" ceux (|ui n'avaient (juc niédioci-enient .souffert;
5" ceux qui étaient tellement endommagés, (\h"i\s ne pou-
vaient être transportés avant d'avoir été restaurés. Bos-
schaert proposait de délivrer innnédiatement les tableaux
— 571 —
tics deux premières calégorics. Quant à ceux de la troisième,
les villes attendraient qu'ils eussent subi les restaurations
jugées indispensables. « La conmume de Bruxelles, disait-il,
se voyant en possession d'un certain nombre de beaux
tableaux, seprètera volontiers à supporter les frais qu'il fau-
dra faire pour réparer successivement les tableaux endom-
magés qui formeront le supplément de son lot, au lieu que
ne recevant rien et ne pouvant point, par conséquent, fixer
son idée sur le mérite des œuvres qu'on lui destine, elle ne
contractera aucun engagement pour les restaurations, d'où
il ré'sulterait que la promesse d'un Musée ne serait pour elle
qu'une promesse illusoire. »
En voyant ces détails sur l'état où se trouvaient près de
huit cents tableaux dont beaucoup étaient des premiers maî-
tres et d'un prix inestimable, on ne peut s'empêcher de faire
de tristes réflexions sur les conséquences de ce qu'on appe-
lait jadis le droit de la guerre, droit qui consistait à détruire
les plus précieux monuments des beaux-arts, plutôt que de
les laisser intacts à leurs légitimes possesseurs. Tous ces
tableaux qui se trouvaient dans les magasins du Louvre,
délabrés au point de ne pouvoir pas être transportés, étaient
vierges de toute altération, purs de toute souillure, quand
on les enleva aux églises et aux musées d'Italie, d'Allemagne,
de Belgi(pic. Arrachés de leurs cadres et de leurs châssis,
roulés par douzaines, ou, si c'étaient des panneaux, empilés
dans des caisses, sans précaution, sans ménagement, sans
respect pour la mémoire des maîtres, on les dirigeait par
fourgons sur Paris, où ils arrivaient frottés, froissés, écaillés,
fendus ou déchirés même, comme on le verra plus loin par
des détails précis. Une fois à Paris, ils étaient remis aux
— 572 —
liiuiiis d'iioiiiuios capal)los de les a|)])r6cicr uL de les traiter
comme ils le méritaient ; mais il était trop tard, le mal était
fait ; on peut dire qu'il était iiTéparable; car personne n'ignore
quelle distance sépare la j)einture i)riinitive, telle qu'elU; est
sortie des mains du maître, de celle sur laquelle s'est exercée
la ])ratiqae du restaurateur chargé de masquer de graves
détériorations. On a aujourd'hui d'autres idées sur les droits
de la guerre : un sentiment unanime a soustrait les monu-
ments des arts à l'action de son pouvoir destructeur.
« Je ne suis pas encore en possession de nos tableaux ,
écrivait Bosschaert, le 4 fructidor. Comme le ministre ne
donne sa signature qu'une fois })ar semaine pour les affaires
courantes, il en résulte des relards inévitables; mais je serai
trop heureux si, aj)rès avoir éprouvé les angoisses d'une
cruelle attente, je parviens à renq)Iir, comme je le désire ,
l'objet de ma mission, » ;,v -„<•
Le ministre ayant donne sa signature, Bosschaert n'avait
plus qu'à prendre livraison des lahleaux dont se composait
le lot échu à la ville de Bruxelles. Ce lot formait deux listes.
La première, conq)renant douze tableaux , était conçue
comme il suit :
VouET, Saint Charles Borroniée.
lU'itENS, Chasse aux tigres.
Philippe de Champagne, la Présentation an Temple.
(jDEHCHiN, la Vierge el l'Knl'ant Jésus clans une gloire, aceompagnés de deux
anges; au bas quatre saints et un adolescent.
Uapuaei,, la Vierge cl l'Enfant Jésus, des anges et plusieurs saints.
15ASSAN, Cuisine.
GuiDo Ueni, Fuite en Egypte.
Ferdinand Bol, un Philosophe à son bureau.
RuitENs, Christ à la Croix.
I>ALMA IL Vecchio, Joseph d'Arimathie emportant le Christ au toinltcau.
JoLVENET, Elévation en croix.
CoL'iiiiN, le Christ mort sur les genoux de la Vierge.
-- 375 —
Lu seconde lisle se composait des tableaux suivants :
CoxciE, le Coiiromicnieiit d'épines.
Blanciiet de Lyon, le Baptême de roiiimque.
Carl Van Loo, la Visitation de la Vierge.
Id. la Naissance do Jésus.
Id. la Salutation angéliquc.
Id. la Présentation au Temple.
Paul Vérokèse, Adoration des hery;ers.
Inconnu, Saint Sébastien pansé par des femmes.
Philippe de Champagne, Saint Joseph.
Fd. Sainte Geneviève.
RuBENS, Entrée de Jésus dans Jérusalem.
Otto Venius, la Sainte Famille.
RuBENS, Lavement des pieds.
Rose d'Italie, Berger et Animaux.
Brauwer, Tabagie et Dispute de joueurs.
D'après Léonard de Vinci, la Vierge, rEnfant Jésus et saint Jean.
D'après Raphaël, la Vierge, l'Enlanl Jésus et le petit saint Jean.
LivENS, Mars et Vénus.
Inconnu, Saint Pierre pénitent.
)) Portrait vénitien, ovale.
» Portrait vénitien, ovale.
Restout, Saint François Xavier.
JouvENET, Apollon et Thétis.
Inconnu., Diane endormie.
Vélasquez, Portraits de deux enfants.
Écolevénitienne, la Madeleine aux pieds du Christ, à table avec des personnages
dans un jardin.
Carlo Mauatti, Apollon, Daphné et autres figures.
École vénitienne, le Christ mort en croix, la Madeleine au pied de la ci'oix et
saint Jean.
D'après le Poussin, la Mort de la Vierge.
Tel était, en deux parties, l'ensemble du lot échu à la
ville de Bruxelles, plus un Jordaens (Adoralion des rois) et
un J.-F. HalIé (Salutation angélique) que Bosscliaert mi
porte pas sur sa liste, mais qui figurent sur l'état du Louvre :
en tout quarante-trois tableaux.
Bosschaert fut cruellement désappointé, lorsqu'il vit les
24
— 374 —
tableaux dont on gratiliail le Musée de Bruxelles, auquel on
avait lait espérer un lot particulièrement important, ]iour
dédonnnager la Belgique de la ])ertc de tant de chefs-d'œu-
vre enlevés par les commissaires réjmblicains. Il n'était ])as
homme à se contenter de ce don dérisoire et à reprendre le
chemin de Bruxelles sans faire de nouveaux efforts pour
qu'on réparât une criante injustice. Ilrecommcnceses visites,
ses sollicitations, frappe à toutes les portes, écrit lui-même
au premier consul et lui fait parler par des personnes en
crédit. Il charge Lambrechts de présenter au ministre une
note dans laquelle il expose ses plaintes et indique nettement
ce qu'il faut faire pour donner satisfaction aux légitimes
désirs de la ville dont il a mission de défendre les intérêts.
Un lui a promis des Rubens; il faut qu'on lui en donne; il ne
peut retournera Bruxelles sans en emporlcr. Si l'on ne veut
pas augmenter le nombre des tableaux qui lui son! dévolus
en partage, que l'on fasse des échanges. Ce n'est pas à la
(piantité qu'il tient; c'est à la qualité. Quelques jours après,
il reçoit cette lettre de Lambrechts, son conqiatriote : « Mon
cher Bosschaert, je viens de ])arler au ministre de l'inté-
rieur. Je vous annonce avec ]>laisir (ju'il a reconnu que le
Musée de Bruxelles était mal jiarlagé et qu'il m'a jiromis
qu'on allait lui procurer des Rubens et des Yan Dyck par le
moyen que vous avez indiqué dans votre mémoire. » Ce
moyen, c'était l'échange avec d'autres villes qui n'avaient i)as
les mêmes raisons que Bruxelles de tenir à la possession des
œuvres des grands maîlres de l'école llaiiiaiide. Tendant (jue
Bosschaert négocie, il lui lombe sous les yeux un journal de
Bruxelles dans lequel on fait une description pompeuse des
quarante-trois tableaux accordés au Musée de celte ville. Il
— ô7ô —
écrit au maire quccctarliclo lui cause le plus vil' chat'rin,
parce qu'il craint qu'on n'en conclue que Bruxelles est satis-
fait de son lot et que ses réclamalions ne manquent, en con-
séquence, tout Icui- effet. Heureusement il n'en est point
ainsi. Ce n'est plus à la commission des artistes non rétri-
bués qu'il a affaire. Le ministre a donné des ordres, et ils
sont exécutés. Bosschaert s'entend avec la direction du
Musée de Paris j)our les échanges qu'il a proposés et qui sont
admis.
La prétendue Chasse aux tigres de Rubens n'était qu'une
copie. On la remplace par la Vocation de saint Pierre de
Baroccio. Bosschaert abandonne un petit Christ en croix de
Rubens, tableau douteux, un Blanchet de Lyon, un Carie
Vanloo, Y Entrée de Jésus dans Jérusalem et le Lavement
des pieds de Rubens, œuvres secondaires du maître, un
Rcstout, un Jouvenet, la Salutation anfjélique de Ilallé. En
échange de ce qu'il abandonne, on lui remet les grandes
compositions suivantes de Rubens : Y Adoration des rois,
Saint François préservant le monde, le Couronnement de la
Vierge, le Martyre de saint Liévin; et de Van Dyck : Y Élé-
vation en croix et Y Adoration des bergers. Ces six tableaux,
donnés en manière de su])plément, valaient à eux seuls dix
fois autant que tous ceux qui étaient portés sur les premières
listes.
Bosschaert triomphe. Il écrit au maire, le 26 vendémiaire
an XI : « Tout est fini. Depuis deux jours, nous emballons
nos tableaux. Je ne ])uis exprimer assez la satisfaction {(uc
j'éprouve d'avoir terminé une négociation aussi contrariée. »
Il annonce qu'il restera jusqu'à ce qu'il ait vu les caisses sur
le chariot qui doit les transportera Bruxelles.
— 57G —
Il va sans dire que l'administration locale de Bruxelles
félicita Bossciiacrt de la manière dont il avait rempli sa mis-
sion. Il eût été diflicile d'y employer plus de zèle, d'activité
et d'énergie. Nous lui avons déjà reproché, nous lui repro-
cherons encore de certains prtsjugés, qui ne lui ont pas
permis d'apprécier l'intérêt offert ])ar une catégorie de
tableaux auxquels on attache aujourd'hui, avec raison, une
grande importance et dont il ne tenait qu'à lui de former une
galerie précieuse ; mais il ne faut pas oublier que c'est à lui
que nous devons de posséder les grandes pages de Rubens
(pii sont la gloire de notre Musée. Les services qu'il a rendus
■étaient tombés dans l'oubli; nous sommes heureux d'en
réveiller le souvenir.
Bosschaert revint donc à Bruxelles avec ses Rubens, ses
Van Dyck et la j)lupart des autres tableaux portés sur la
liste que nous avons donnée plus haut. Quelques-uns avaient
dû être laissés à Paris pour être restaurés. Dans le nombre
se trouvait le Raphaijl. Ce jjauvre tableau, pris par les com-
missaires français à Florence, dans la galerie Pitti où il était,
sans doute, dans le meilleur état de conservation, comme
toutes les peintures de cette célèbre collection, souffrit cruel-
lement durant son transport à Paris. Voici la note dans
laquelle Bosschaert a constaté sa condition, lorsfpi'il en reçut
livraison : « Ce tableau , sur bois , a été restauré à Paris. II
(îst couvert de repeints, jauni, et, pour tout dire en deux
mots, entièrement délabré. Le panneau est fendu dans toute
la hauteur du t(djleau. » Plusieurs des tableaux rapportés
par Bosschaert étaient aussi fort délabrés et avaient dû être
restaurés. De ce nombre était X Ex-volo du Guerchin. Voici
la note qui le concerne dans la liste dressée par Bosschaert :
— 377 —
« Nous avons reçu ce tableau dans un état pitoyable, déchiré
en plusieurs endroits. Il a été rentoilé et restauré ;i Bruxelles
par le peintre Thys. » On attendit, pour inaugurer le Musée,
que ces restaurations fussent achevées. Enfin tous les pré-
paratifs se trouvèrent terminés vers la fin de messidor an xi,
et les portes de la galerie de tableaux purent être ouvertes
au public.
Le premier catalogue comprenait deux cent cinquante et
un numéros. La moitié seulement des tableaux qui s'y trou-
vaient décrits étaient visibles au moment de l'inauguration
du Musée; l'arrangement des salles qui devaient contenir les
autres n'étant pas entièrement terminé, l'ouverture en fat-
ajournée, ainsi que l'annonce un avertissement de la pre-
mière édition du catalogue : elle eut lieu, en effet, quelque
temps après. Un astérisque était placé, dans la notice
imprimée, devant les titres des tableaux venus de Paris, afin
de signaler les dons du gouvernement à la reconnaissance
des amis des arts. Après avoir donné, dans l'avertissement,
l'explication du signe dont ils étaient marqués, on exprimait
l'espoir d'obtenir bientôt du ministre la faveur d'un nouvel
envoi. Le Musée était ouvert au public le jeudi et le samedi
de chaque semaine. Des cartes d'entrée devaient être accor-
dées, pour les autres jours, aux artistes qui auraient l'inten-
tion d'y venir travailler.
Bosschaert allait pouvoir reprendre à loisir la révision de
l'énorme quantité de tableaux qui se trouvaient entassés dans
les magasins de l'Ancienne Cour, et parmi lesquels il devait,
avec un peu d'attention, en découvrir un bon nombre qui,
non-seulement, ne dépareraient pas le Musée, mais encore
seraient un jour classés parmi les plus précieux morceaux
— 578 —
(le la colloclion. Nous avons dit qncBosscliaort n'avait aucun
penchant pour les œuvres des peintres de notre ancienne
école. Il admit à figurer dans le Musée quelrpies-uns des
tableaux désignés sous le nom (\ antiques ; mais il crut devoir
s'en excuser dans une note du catalogue où il s'exprimait
en ces termes : « Quelques tableaux, dignes à peine d'être
exposés, figurent ici comme les premières données d'un art
lent et diflicile. Insensiblement la ])einture se perfectionna.
On aperçut des plans mieux raisonnes, des intentions plus
clairement expliquées. Cependant l'estime qu'on avait portée
jusque-là aux anciennes peintures cessa presque entière-
ment à l'époque où la brillante Ilalie donna le jour à des
artistes mieux inspirés. »
Le dédain de Bosschaert pour les productions des anciens
maîtres tenait à ce qu'il ne les avait pas étudiées et à ce qu'il
était, par conséquent, incapable de les juger. Pour se rendre
compte de la valeur des œuvres appartenant à l'une des
formes que l'art a revêtues en passant par les phases succes-
sives de son développement, il faut se pénétrer des idées du
temps où cette forme a pris naissance; il faut se faire, par
la pensée, le contemporain des artistes (jui l'ont euiployée;
autrement la vue des monuments d'un autre âge serait
comme la lecture d'un texte écrit dans une langue dont on
ne connaîtrait ni les mots ni la grammaire. Quand Bos-
schaert introduisit quelques tableaux, dits antiques, dans les
galeries du Musée, ce fut uniqu<Mnent pour faire nombre ,
et encore fût-ce d'après le conseil que lui donna Malaise,
ainsi que nous l'apprend celui-ci, qui devait lui succéder un
jour, dans un ra])port adressé au conseil communal. Du
reste, il les prit un peu au hasard, car plusieurs de ceux
— 579 —
qu'on rnngo aujoiircriiui parmi les joyaux do la collection
man(|uai{'nl au prcniior caUiloguo, quoiqu'ils fussent, dès
l'oi-igine, dans les magasins. La comparaison des premières
notices imprimées avec l'inventaire et avec la liste des rares
acquisitions laites ))ar la commune dans les années qui sui-
virent l'installation du Musée démontre avec quelle légèreté
avait été faite l'opération du triage des tableaux rassemblés
dans les dépôts de la ville ])our former une galerie publique.
On voit successivement apparaître des pages négligées ou
dédaignées à un premier examen et dont K; mérite aurait
dû sauter aux yeux des conniiissaires.
Diverses circonstances amenèrent Bosschaert à fair(^ une
nouvelle révision des tal)leaux en magasin. Nous avons dit
que les églises avaient été complètement dépouillées par les
commissaires républicains des objets d'art de tout genre
qu'elles possédaient. Ayant appris qu'il existait, dans les
greniers de l'Ancienne Cour, une masse considérable de
tableaux qui ne devaient point trouver place dans le Musée,
les fabriques de plusieurs églises de Bruxelles et des envi-
rons adressèrent au préfet des demandes à l'effet d'obtenir
qu'un certain nombre de ces tableaux leur fussent accordés,
pour rendre quelques ornements aux temples dont l'an-
cienne ricbesse avait été remplacée par une indigence qui
répondait mal aux besoins des cérémonies pompeuses du
culte catliolique. Avant de statuer sur l'objet de leurs solli-
citations, le préfet consulta Bosschaert. Ce dernier com-
mença par établir qu'il ne pouvait èlre question, pour les
églises, de faire valoir des droits et que toute idée de restitu-
tion devait être écartée, attendu que le Musée était légale-
ment ])ossesseur de lous les objets d'art rpii se trouvaient
— 380 —
dans SCS magasins. Ces réserves faites, il déclara ne pas voir
d'inconvénient à prêter aux églises les tableaux qu'on ne
jugerait pas, pour le moment, à propos de placer dans la
galerie publique. C'est dans ces termes que les demandes
des fabriques d'église furent accueillies. Chaque faveur de
ce genre, qui fut octroyée, donna lieu à un arrêté du préfet
ainsi conçu :
« Le préfet, vu la i)élition des receveur et régisseurs de
l'église de , tendante à obtenir le placement dans ladite
église de quelques tableaux déposés au Musée de l'École cen-
trale; vu l'avis du citoyen Bosschaert, conservateur du
Musée; considérant que, dans le nombre de ces tableaux, il
en est plusieurs qui se trouvent placés dans la sixième classe
et ne peuvent en aucune manière contribuer aux progrès de
l'art ou à l'ornement du Musée, et désirant accéder au vœu
des pétitionnaires autant que le ))ermet le vœu de la loi
qui déclare acquis à la république tous les objets d'art et
de science qui ont appartenu ci-devant aux établissements
religieux ,
» Arrête que les tableaux ci-dessous désignés seront con-
fiés aux pétitionnaires, à charge par eux d'être personnelle-
ment responsables de leur conservation, ainsi que de leur
restitution au Musée, à la ])remière réquisition qui leur en
sera faite. »
Voici quelle fut la forme des reçus donnés par les per-
sonnes auxquelles des tableaux furent confiés en vertu de cet
arrêté :
« Les soussignés, receveur et régisseur de l'église de ,
reconnaissent avoir reçu du citoyen Bosschaert, conserva-
teur du Musée, les tableaux suivants Les soussignés
— 381 —
s'engagent à conserver ces tableanx sous leur responsabilité
et à les restituer au dépôt du Musée lorsqu'ils, en seront
requis. »
Les emprunts faits ]iar ])lusieurs églises aux magasins
du Musée furent considérables. Sainte-Gudule obtint cent
vingt-cinq tableaux ; la Chapelle, cent cinquante-six; Notre-
Dame des Victoires au Sablon , cinquante-trois; les Augus-
tins, cinquante-huit; la Madeleine, quarante-trois; les lots
des autres furent plus modestes.
Indépendamment des tableaux , on accorda des statues et
des bas-reliefs en marbre, en pierre ou en bois à ces mêmes
églises, car les greniers du Musée étaient encombrés d'objets
d'art de tout genre.
Ce ne sont pas seulement les églises qui obtinrent de
pouvoir emprunter des tableaux aux dépôts du Musée. Les
administrateurs des hospices sollicitèrent la même faveur,
et elle leur fut accordée. Un grand nombre de peintures de
tout genre, sujets religieux, portraits, paysages, etc., furent
donc encore extraites de la réserve et distribuées entre les
hospices de Sainte-Gertrude, des Alexiens, des Ursulines et
de Saint-Jean. La remise en fut faite également à titre provi-
soire et à charge de les réintégrer à la première réquisition.
Leur destination était de servir à la décoration des réfectoires
et autres salles des hospices en question.
Bosschaert était consulté sur toutes les demandes de ce
genre, et c'est lui-même qui désignait les tableaux accordés
aux églises et aux hospices, comme n'étant pas dignes d'entrer
dans les galeries du Musée. Cette déclaration , qui accom-
pagne tous les arrêtés de concession, ne nous rassure en
aucune façon sur les résultats que dut avoir, ])0ur le Musée
— 582 —
de Bruxelles, la dispersion d'une partie notable des œuvres
d'art qui étaient accumulées depuis la suppression des com-
munautés religieuses et des corporations civiles. Les listes
qui accompagnent les reçus délivrés par les pétitionnaires
auxquels l'aulorité avait accordé rol)jel de leur demande
sont malheureusement très-sommaires ; les tableaux y sont
le plus souvent inscrits sans noms de ))eintres; mais en les
comparant avec l'inventaire, nous avons acquis la certitude
que bien des productions de notre ancienne école avaient été
distraites ainsi, sous prétexte d'indignité, de la collection où
elles auraient pu figurer avec honneur. Nous en citerons un
exemple qui prouvera en même temps comment les fabriques
d'église usaient des dép(Ms qui leur avaient été conliés et
comment elles exécutaient l'engagement qu'elles avaient
pris, par écrit, d'être toujours en position de les restituer,
si elles en étaient requises. Peu de temps après la mise à
exécution des arrêtés par lesquels les églises de Bruxelles et
des environs avaient reçu en prêt des objets d'art tirés des
magasins du Musée, le maire apprit que deux des tableaux
accordés à l'église de Sainle-Gudule étaient jtubliquement
exposés en vente dans la salle d'un crieur nommé lîombaul,
demeurant sur la Grand'Place. Il lit signilier immédiate-
ment à ce crieur la défense de })rocéder à l'adjudication des
tabh'aux en question, qui, par une disjmsition postérieure de
l'autorité départementale, furent reportés au Musée. Or l'un
de ces tableaux était la Ccnc de Michel Coxcie, que Bos-
scliaert avait jugé indigne de la collection formée par ses
soins et qui ])ourtaut ne déshonore pas, nous semble-t-il,
notr(» galerie nationale. Il ])arait (|U(i les fabriciens deSainte-
Guduh; ne furent pas les seuls ([ui se; montrèrent dépositaires
— • 585 —
iiifidèl(^s, car, pou do fomps après lu déeouvortf! du fait que
nous venons do rapporter, lo pré^H prit un arrêté conçu
dans cos torinos : « Informé que jilusieurs paroisses ne sont
pas à l'abri du soupçon d'avoir vendu des tableaux prove-
nant du Musée de cette ville, qui hun- avaient été confiés pour
orn(>r l'intérieur de leurs églises; considérant que, parmi les
tableaux dont il s'agit, deux, ])einls par le Goxcie, qui se
trouvaient du nombre de ceux accordés à la paroisse de
Sainte-Gudule, ont été soustraits de celte église pendant le
courant de l'été dernier, pour être exposés en vente publique
cbez le crieur Rombaut, d'où ils ont été enlevés et reportés
au Musée, le préfet arrête qu'il sera fait un récolement des
tableaux du Musée qui ont été confiés aux différentes
paroisses. » En exécution de cet arrêté, le maire désigna
Bosscliaert pour procéder, avec son adjoint, au récolement
ordonné par l'autorité.
Le penchant du clergé et des fidjriques d'église à se défaire,
à prix d'argent, de leurs objets d'art, était un mal ancien,
qui avait attiré déjà l'attention du gouvernement autrichien
et dont le prince Charles de Lorraine s'était attaché, en 1777,
à empêcher les elïels désastreux. De nos jours encore, il a
fallu que l'administration supérieure prit des mesures pour
])révenir l'aliénation de ce qui restait, dans les églises, de
précieux témoignages du génie de nos anciens artistes, car
on y faisait argent de tout.
Quoi qu'il en soit, il ressort de ce qui vient d'être dit que
Bosscliaert avait compris la Cène de Michel Goxcie parmi
les tableaux provisoirement cédés à l'église de Sainte-Gudule,
parce qu'il ne la trouvait pas digne d'être placé dans les
galeries du Musée, Ce fait prouve combien les |)réjugés de
— 384 —
son époque inflnaionl sur ses jugements et nous autorise à
supposer que l)onucoup d'reuvres, qu'on serait heureux de
voir ligurer dans noire collection publique, en furent dis-
traites en vertu des mêmes préjugés et des mêmes erreurs
d'appréciation.
Le Musée prêtait des tableaux aux églises : il n'en donnait
pas. Le principe de la restitution invoqué contre cet établis-
sement n'était pas admis. L'évèque de Gand réclama, au
nom de la ville de Courtrai, VElêvaUon en croix de Van
Dyck qui provenait de sa cathédrale et qui se trouvait parmi
les tableaux envoyés de Paris au Musée de Bruxelles. Il l'ut
répondu k cette réclamation qu'en décrétant la formation d'un
Musée à Bruxelles, on s'était proposé d'y réunir le plus
grand nombre possible d'obj(!ls d'art, sans avoir égard aux
prétentions que différentes localités auraient à faire valoir
sur leur propriété. Si ce principe n'était pas maintenu ,
ajoutait-on, le Musée serait bientôt dépouillé au détriment
de l'intérêt ymblic.
Pareille réponse» fut faite à l'église de la commune do
Lennick-Sainl-Quentin, qui réclamait un tableau de Crayer
représentant le Martyre de saint Quentin. On lui accorda
seulement une copie de ce tableau par Verhaegen, que pos-
sédait également le Musée. Le Saint Guidon de Crayer fut
rendu à l'église d'Anderlecht, parce qu'il se trouvait, au
Musée, des œuvres du maître supérieures k celle-là; mais
on déclara qu'il était confié au maire de la commune sous sa
responsabilité, c'est-à-dire à titre de dépôt.
Des réclamations étaient faites également par des particu-
liers qui avaient émigré et dont les tableaux, saisis en même
tr-mps que leurs autres biens, avaient été transportés au
— 385 —
Musée. C'est ainsi ([u'uii rendit ù un sieur llugs, de Bois-
Saint-Jcan, une Cliassc aux ours, une Chasse au sanglier et
une Chasse au cerf de Sneyders. Toutefois on ne se croyait
pas obUgc d'accueillir toutes les réclamations de ce genre.
Une dame Del Marmol Blacrthem adressa à l'autorité une
pétition à l'effet d'obtenir qu'on lui restituât des tableaux qui
avaient été enlevés de chez elle à l'époque de l'émigration.
Les tableaux en question lui furent restitués , parce qu'il
résultait du rapport du conservateur « qu'ils n'étaient pas
d'une assez grande valeur pour contribuer au progrès des
arts et à l'ornement du Musée. »
Parmi les réclamations de ce genre que des particuliers
adressèrent à l'administration locale, il yen eut de plaisantes
et d'autres, au contraire , de nature à faire naître de tristes
pensées. On ne peut s'empêcher de sourire en lisant la péti-
tion d'un sieur de Catoire qui prie qu'on lui permette de
reprendre, dans les magasins de l'Ancienne Cour, son por-
trait qui doit s'y trouver déposé. « Ce portrait, qu'on dit
très-ressemblant, écrit-il, est réclamé par mon épouse. Le
prix qu'elle y attache est trop flatteur pour moi, pour que je
me refuse à ses instances. » Il va sans dire que l'adminis-
tration accorda au naïf pétitionnaire l'objet de sa demande.
En revanche, ({uelle impression pénible ne fait pas éprouver
la lecture de la supplique dans laquelle sont exposés les faits
que voici : « Le sieur Clops et la demoiselle de Pape
demandent à être remis en possession de quatre figures en
marbre blanc et de deux bustes qui faisaient partie des
mausolées de leur famille, vendus avec le mobilier de l'église
des Dominicains. Ils se sont rendus acquéreurs de ces mau-
solées. Le préposé à l'adjudication leur a dit, au moment de
— 580 —
la vente, que loul, ce qui en avait fait partie et pourrait s'en
trouver détaché serait remis aux acquéreurs. Gei)endant
on ne leur a pas restitué les figures en question , car elles
sont dans les magasins du Musée. » Il est foit droit à cette
requête, à la condition que les postulants feront rétablir les
mausolées dans une édise de Bruxelles. La condition était
de trop; il fallait s'empresser d'accueillir une demande si
légitime. Ainsi donc, des tombeaux ont été arrachés du })ieux
asile delà mort, on les a vendus à l'encan sur la place
publique ; aux familles qui les ont rachetés, on a promis de
leur en remedre les débris dispersés, et les agents préposés
à ces immorales exécutions n'ont pas même tenu leur enga-
gement ; ils ont manqué aux conditions de la vente et frustré
les acheteurs. Triste et caractéristique é])isodc des mœurs
du temps!
On voit que les magasins du Musée contenaient bien des
objets différents. Pour nous l'apjirendre, il n'était pas besoin
des |)élitions que nous venons de citer. L'inventaire nous
fournit des renseignements précis sur l'étrange amalgame
de ce dépôt. Les tableaux sont au nombre d'environ quinze
ct'iils, ainsi (jue nous l'avons dit|>lus haut. Viennent ensuite
des scul])tures en mar])re, en })icrre et en bois: statues,
groupes, bas-reliefs, retables, fragments de mausolées,
l)ierres tombales. Puis ce sont des boiseries sculptées pro-
venant de jtlusieurs maisons religieuses et cpi'on a déposées
dans les greniers de l'Ancienne Cour, en attendant qu'on en
fasse usage. Il y a, entre autres, les boiseries de la biblio-
thèque de l'abbaye d'Evcrbode, celles de la bibliothèque
et de l'église de Villers , celles des abbayes de Bois-
Seigneur-Isaac et d'Auderghem. De ces mêmes maisons
— o»/ —
viennent des vilj-aux peints et des arilles en fer d'un heau
travail.
Ce n'est pas tout : l'inventaire conlicnt encore une longue
liste des objets réservés pour le Musée de Bruxelles, mais
(jui n'y ont point encore été transporlés. Les statues de
Jésus-Christ, de la Vit^-ge et des apôtres, lixées contre les
piliers de la grande nef de l'église fw/er«)i/ Sainte-Gudule;
la chaire de vérité, l'autel de la chapelle de la Vierge, les
mausolées de cette même chapelle et de celle du Saint-
Sacrement figurent en tète de cette liste. D'autres églises de
Bruxelles, les églises de Louvain, de Diest, de Nivelles ont
fourni à l'inventaire des objets réservés au Musée, des lots
également importants, également variés. Aux statues, aux
groupes, aux bas-reliefs, s'ajoutent les tabernacles, fonts
baptismaux, stalles, confessionnaux, etc. Tout objet façonné,
en ({iielque matière et de quelcpie dimension (pi'il soit, est
porté à l'inventaire pour être donné, jtlus tard, au Musée,
qui en fera ce qu'il pourra. Si le transport en a été ajourrié,
c'est que les fonds ont manqué, comme nous ra})prend une
note mise au bas de la liste en question. Pour le même
motif; sans doute, des tableaux inscrits dans l'inventaire sont
restés en place ou bien ont été déposés en divers endroits,
pour être transportés par la suite à Bruxelles. Nous trouvons
les mentions suivantes : un cylindre cacheté contenant cinq
tableaux, déposé à la municipalité de Wavre; un cylindre
contenant huit tableaux, provenant deFabbaye d'Everbode,
déposé entre les mains du concieige de la munici})alité de
Louvain; un autre cylindre de treize tableaux, même dépôt.
Quand on voit comment s'y prenaient les commissaires répu-
blicains, on ne s'étonne pas que la plupart des tableaux
— 588 —
enlevés par eux en Belgi(|ue , en Allemagne , en Italie, et
expédiés par leurs soins, soient arrivés à l*aris dans le déplo-
ral)Ie état où ils se trouvaient lorsqu'on en fit la remise aux
villes désignées pour recevoir descoliectionsdépartementales.
On s'explique encore la disparition de beaucoup de tableaux,
dont on a perdu la trace depuis leur enlèvement. Plus d'un
de ces cylindres, contenant des douzaines de toiles, n'aura
pas été retiré de l'endroit où on l'avait déposé; plus d'un git
encore , peut-être, dans une cave ou dans un grenier et ne
renferme plus , sous son enveloppe cachetée, que des frag-
ments de peintures décomposées. Des tableaux en bois
étaient aussi restés déposés chez le concierge de la munici-
palité de Louvain , et bien que , d'après la liste qui en est
donnée, plusieurs fussent des œuvres de prix, aucune mesure
ne parait avoir été prise pour leur conservation. Il en est
que nous retrouvons au Musée; donc tous ne se sont jias
égarés en route; mais on ignore le destin de beaucoui)
d'autres.
La commune dut songer à doter le Musée de Bruxelles.
D'après un état de dépenses dressé par Bosschaert pour l'an
XIII, nous voyons que le budget de cet établissement fut
originairement de six mille francs. Dans le rapport qu'il joint
à cet état en l'adressant à. l'autorité locale, Bosschaert se
félicite d'avoir pu faire dix-sept cents francs d'économies. Il
annonce que l'année suivante, les frais de réparations devant
èlre moins considérables, le crédit alloué au Musée pourra
être réduit de six mill(3 francs à quatre mille. Singulière
façon d'agir de la part du directeur d'une collection nais-
sante ! Le conservateur d'un dépôt public doit dépenser au
moins les crédits qui lui sont accordés ; il ne remplit pas des
roiiclioiisd'i'coiiomc ; sa iiiissioiic^l (rciiricliir le i)lusj)().ssibl(;
sa collcelioii. Au lieu du l'aire des écoiiuiiiics, poiiniiioi lios-
schaerl u'ajoiilail-il pas ({iicl<nios bons (abicaux au Musée. ?
Les occasions d'en acheter n'étaienl pas rares alors, el les
meilleurs élaienl à vil prix.
En 1804, environ deux ans après l'ouverlni-e du Musée,
le luaire do Bruxelles, (jui élail alors M. de ÎMérode, écril à
Bosscliaerl relalivemcnl à la direclion du Musée, et, ajti'ès
l'avoir félicité de son zèh.', il ajoute : « Je désire (pie vous
vous occupiez, dans vos momenls de loisii', d'un niénioii'e
au ministre do l'intérieur, à l'elfet d'en obtenir des tableaux
pour le Musée de Bruxelles, car vous savez que le loi de notre
ville, bien (pie renfermant des tableaux de prix, n'a point
été îivautageux. Le moment est peut-être venu où, par des
demandes réitérées, on parvieiidraà nous faire indemniser. »
Bos>5eliaert était tout ])rèt à solliciter \o, iiouvernement en
faveur du Musée; il l'avait déjà fait, sans attendre l'invitation
du maire. Il wud compte à. celui-ci du peu de succès de ses
instances. « Depuis (piehpie temps, écrit-il, je m'abstiens,
parce que la guerre préoccii})e tous les esprits. Le directeur
général du ]\ïusée Napoléon ayant demandé à èli'e einj^loyé
à l'armée, son absence aurait rendu inutiles les démarches
(ju'on aurait pu faire. Son retour, annoncé depuis peu, donne
plus de chance de réussir. »
Bosschaert avait eu une idée assez originale, pour solaire
envoyer au moins un tableau de Paris : « J'avais été chargé,
écrit-il à M. doMérode, d'acheter à la vente du brasseur
l'auwelsun beauel grand Berchem |)our S. M. l'impéralrice.
Ma commission s'étendait jus(prà douze mille francs. L(3
tableau me fut îuljugé pour sepl mille. Je l'envovai à Paris,
— 590 —
soiuiu'usc'iiicni i-uuk' .sur un do nuscyiindiivs, (juc je priai i\c
nous ronvoycr avec un tableau pour le Musée. M. Denon s'y
est refusé, sous le préle.xle <|ue li- 3lusée de Paris n'esl pas
au complet. »
Bosscliaert terminait sa lettre au maire de Bruxelles en
rengageant à écrire au minislr(> et h faire eu sorte que le
préfet du département tentât, de son côté, une démarclie
auprès du gouvernement. AI. de Mérode adresse , en effet,
une demande pressante au ministre de l'intérieur. Les motifs
qu'il invoque pour obtenir de nouveaux tableaux sont ceux
qu'avaient déjà fait valoir ses prédécesseurs, lors([u'il s'était
agi du premier envoi. Il est inutile de les reproduire ici. Nous
citerons seulement le passage où, en j»arlantde Bosscliaert,
le maire dit : « C'est à son zèle, à ses connaissances , à son
amour pour l'art que la ville de jiruxelles doit le rétablisse-
ment de son antique Académie de peinture et de sculpture,
ainsi que la conservation des lableaux provenant des abbay<'S
et couvents supj)rimés , (pii forment la majeure ])artie de la
collection du Musée. » Ces lignes s'accordent parfaitement
avec ce que nous disions plus Iiaul de l'origine du Mu.sée de
lîruxelles.
Bosscliaei't a jugé eniin le momeni laNorable : il ot paili
l)Our Paris. Il écrit à M. de Mérode (|u'il a larde à lui doimei-
des nouvelles de sa mission, j)ar('e (pi'il aurail eraiiil, ]>ar
trop d'empressement, de faire regarder connue exagérées les
espérances qu'il est fondé à expriiiier. .MM. d'Arenberg et
J^and)reclits l'ont conduit à l'audience du minisire le lende-
main même de son arrivée. L(* ministre se montra bien
disposé ; mais il lit observer que rien ne ])Ouvait se faire en
l'absence du di)'(;cteur général du Musé<.', alors éloiané de
— 5«)1 —
l'aris. Bosscliacrl avait prévu cette réponse et ne s'en est
pas laissé décourager. Il sait que M. Denou a remis, en
partant, l'adminislralion entre les mains d'une personne dont
il a déjà reçu des services il y a quatre ans et sur les bons
olïices de laquelle il croit jjouvoir encore compter. En effet ,
un musée de département, celui de Rennes, se trouve,
depuis trois ans, en relard de payer la restauration de douze
tableaux qui lui étaient écbus. L'administrateur ad intérim
propose à Bosscliaert de prendre pour le Musée de Bruxelles
les douze tableaux au prix de deux mille quatre cents francs,
lixé pour les restaurations. Bosschaert annonce à M. de
Mérode qu'il a accepté, à la condition de voir préalablement
les tableaux et de faire ratifier ensuite le marcbé par la
commune de Bruxelles. Cinq jours après (20 octobre 1806),
Bosscliaert écrit ((u'il a eu occasion de voir les tableaux
destinés à la ville de Rennes et qu'il serait à souhaiter qu'elle
renonçât définitivement à en prendre livraison. Il en est un
<{ui, à la vente des tableaux provenant des couvents suppri-
més sous Joseph II , fut acheté à Bruxelles , pour le roi de
France, au prix de trois mille six cents francs, c'est-à-dire
douze cents francs de ])lus qu'on ne demande pour la restau-
ration et l'encaissement des douze dont se compose la liste
(lu lot de Rennes. N'ayant pas, pour le moment, autre chose
à faire à Paris, Bosschaert annonce qu'il va partir, non sans
s'être assuré que les intérêts du Musée de Bruxelles seront
chaudement défendus auprès du directeur général.
Un an se passe sans qu'il vienne de Paris une bonne
nouvelle ]»our le Musée. L'affaire des tableaux de Rennes
reste elle-même assoupie. Au mois d'octobre 1807, Bos-
schaert retourne tenter de nouveau la fortune des sollicita-
lions. Au iiioiULMiL où il ari'iva h Paris, on ouvrait IV-xposilion
dos ol)jels d'arl rapporlés ci'AUcmaguc , à la suite de la
campagne de Prusse. Bosschaert lémoigne à M. de Mérode,
avec lequel il coi"r('sj)ond au sujet de sa mission, radmii-aliou
(pie lui cause la vue des nouveaux cliefs-d'ieiivre dont s'i^st
accru le Musée Nai)oiéon ; mais ce qui le charme surtout
dans la vue de ces i-ichesses, c'est que les salles du Louvre
ne peuvent jtlus suffire à contenir les nouveaux tableaux
îijoulés aux anciens et qu'on a dû éliminer un certain nombre
de ceux-ci, dont on fera vraisendilablement une distribution
entre les musées de province. Cet espoir se change en cer-
titude dans une audience que Bosschaert obtient du directeur
général. Grâce à l'abondance d'univrcs capitales cpi'il a
maintenant, le Louvre pourra se défaire des tableaux d'un
moindre mérite, bien (|ue dv grands niititres, et Bruxelles en
aura sa part. Fort de cette promesse, Bosschaert reprend la
route de la Belgi({ue.
L'idée fixe de Bosschaert était d'oblenii' des tableaux de
Paris. Il néglig(.'ail trop les autres moyens d'enrichir le
Musée. Au lieu de faire des économies sur son budget, il
aurait dû le déclarer irisuflisant, faire com]>i'endre ;t l'admi-
nistration locale (pie créer une collection pnblifpie dont on
s'est d'ailleurs efforcé de démontrer l'ulilité, c'est prendre
l'engagement de lui fournir les moyens de s'accroître, de
répondn^ à sa destination. On restaurait les tableaux endom-
magés , mais on faisait jx'U (rac(piisitions, et la manière dont
liosschacrl formule ses j^i'oposilions à l'aulorilé, les précau-
tions (ju'il |)rend pour aborder la question d'mie déi)cnsc
n)énie insignifiante, prouvent qu'on avait des idées très-
fausscs et très-étroites sur l'administration des établissements
- âî).-,
(l'ulililé piibliijiK'. i}ii('I(Hios oxlrails do la coiTCspondanco
do Bosschaort eu feront juger.
Voyons d'abord la lettre où il est {|uestion de l'achat d'un
tableau de Ruysdaol. Bosschaert écrit que le peintre-restau-
rateur Thys lui a montré un paysage de ci; maître, du prix
(le (rente à quarante louis, qu'il laisserait au Musée jiendant
un an et reprendrait ensuite avec un léger dédommagement,
si l'on n'en était pas content. « Je pense, ajoutait Bosscliaerl,
que cette mesure de précaution préviendrait les propos que
la jalousie des marchands pourrait opposer à mes acquisi-
tions. » La proposition fut apj)rouvée et l'achat du Ruysdael
eut lieu, en même temps que celui d'une Chasse au Cerf, de
Devries. Les deux tableaux furent payés huit cent vingt-
neuf francs soixante-deux centimes. Assurément, ce n'était
l^as ruineux.
Une autre fois, c'est d'un tableau de Jordaens qu'il s'agil.
Bosschaert annonce, dans son i'a])})ort, qu'un artiste distin-
gué de Paris, ancien membre de l'Académie, M. Lemonnier,
lui a écrit que des circonslances parliculières le décident à
vendre, en faisant un sacrifice, une grande esquisse de Jor-
daens, représentant l'entrée triomphah» du prince d'Orange
à La Haye. « Le Musée de Bruxelles ne possède rien de ce
peintre, émule de Rubens comme coloriste. Il y a quelques
années que, le voyant à Paris, Bosschaert avait ]mr
M. Lemonnier de lui céder ce tableau pour le Musée; mais
il ne voulait pas alors s'en défaire. La nécessité l'oblige à
revenir sur cette détermination, et il l'offre pour le ju'ix qu'il
le paya, il y a trente ans. » Quel était ce prix? Six cents
francs. Il n'était pas nécessaire de faire de grands frais
d'éloquence pour démon! rer l'avanlage d'un pareil marché.
— 59/i. —
Du reste, ce prix de six cenis frai)cs, si inférieur à la valeur
réelle de la belle esquisse de Jordaens, paraissait alors très-
respectable. Il n'avait pas encore été fait d'acrpiisition aussi
importante pour le Musée de Bruxelles. On croit l'èver lors-
qu'on parcourt les comptes de cette époque (de 1802 à 1810)
et lorsqu'on voit payer trois cent cinquante-cinq francs la
grande Noce flamande de Van Tbulden; cent quatre-vingt-
dix francs la Da^ne lioUandaise à sa toilelle, attribuée à
J.-B. Weeninx et dans tous les cas une des perles du Musée;
deux cent quarante-deux francs un paysage d'Artliois avec
des figures de Teniers le Vieux, etc. Encore, dans le rapport
où il fait mention de ce dernier tableau, Bosscbaert s'en
excuse-t-il comme d'une folie en disant : « Le Musée n'ayant
rien de ce maitre, dont les tableaux sont très-cbers, je me
suis décidé à cette acquisition, » Quelle collection n'aurions-
nous ]tas, si la commune avait lixé dès lors à vingt mille
francs l'allocation annuelle accordée au Musée j^our ses
acbats et si cette somme avait été dépensée par un bommc
de goût!
Par lettre du l*"'' avril 181 1 , le préfet fit connaître au maire
(jii'il venait d'être officiellement informé que trente et un
tableaux ])rovenant de la collection du Louvre venaient
d'être accordés au Musée de Bruxelles et que le cbevalier
Denon était autorisé à les mettre à sa disposition.
Il ne restait plus, d'a|)rès la déi)êcbe du ])réfet, (pi'à les
faire preiulre à Paris i)ar \\m\ personne possédant assez de
(■()miaissances pour en soigner renibnilauc et !<> li-ansjxjrl.
Cette personne ne pouvait être que liosscbaert : il fut,
en effet, chargé par le maire d'aller à Paris recevoir les
tableaux dont le Musée de Jiruxcllcs venait d'être gralilié
— 595 —
inopinc'menl. Après avoir viv(Miioiil sollicité pour les ol)lonir,
ciiKi ans atiparavanl, il s'était sans doute lassé d'attendre et
d'espérer, car il non était plus question depuis longtemps, ni
dans ses rapports, ni dans sa correspondance.
Le corps municipal de Bruxelles adressa au ministre de
l'intérieur une lettre de remercimenls pour l'octroi des
trente et un tableaux : « C'est à la patrie de Rubens et de
Van Dyck, écrivait-il, rpi'il appartient de s'enorgueillir des
cbels-d'œuvn^ de la |)einture. Nulle part on n'en sentira
mieux le prix. »
Voici la liste i\o^ tableaux accordés au Musée de Bruxelles
par le décret du la février 1811, ordonnant une nouvelle
disti'ibution des l'icbesses sural)ondanles du Louvre entre
les villes de Lyon, Dijon, l^iruxelles, Grenoble, Caen et
Toulouse
Ecole ilii .SciiiAvoNE, Siiiiit Séhaslioii.
TiNTORET, 1111 Martyre, esquisse.
Sam.aert, une Procession.
Iil. antre Procession.
(Aipie (le Jlkes Romain, nue r)alaill('.
École (In (;arava(".e, le Clirisl mort.
Titien, Portrait en pied iriiii i^uerrier.
Michel Coxcie, le D(3luge.
Rur.ENs, Saint Bavon.
Jordaexs, Saint Martin guérissant un possiuk'.
Vandermeulen, la Vue de Tournay.
J.-C. Procaccini, Saint Sébastien secouru par les anges.
Paui. Véronèse, Junon versant ses trésors sur Venise.
Dit du Soyaro, le Christ au tond)eaii.
Paul Véronèse, la Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Catherine.
(iAUDEN/io Eerrari, Jésus a(UM'é par les anges et un cardinal.
Albane, Adam et Eve.
P. iiE CiiAMPAC.NE, Saint Etienne.
Id. Saint Ambroise.
CiiuF,. Saint .térùme, saint Thomas el la Vierge,
id. une Sibvllc.
Ô^C.
I.F.AMmo Bassan, rAssomption.
TtNTOFtET, un Sonateur vihîition.
FRANf. P'lorts, trois tt'tos sur un pannoan.
Kcol(> llorentino, Yulcain dénonçant aux dieux rinliJélité de S(in (■pouse.
Cif.NANi, la Vierge, Jésus et les Auges.
Sass Fekâta (Sasso Fcrrato), une Tète de Vierge.
Cru de Faxolus, la Vierge, Jésus et un Ange
Maria Tiktorlt, un Repas.
Canaletti, rintérieur de Saint-Marc,
Id, une Vue de Venise.
Nous avons transcrit cotlc liste d'après Tl'ImI original do
transmission accompaixnanl renv(ud(ï 181 1 ; mais ilcstnécos-
s.'iiro d'y joindre (|nel(jues explications ]X)nr les ))ersonnos
(pii, ne retrouvant plus au Musée plusieurs des tableaux
portés sur la liste, se demanderaient ce qu'ils ont pu devenir,
car il n'y a pas eu, comme en 1802, dix tableaux retenus
ou écliangés. Les (renie et une toiles annoncées sont bien
effectivement arrivées, et lîosscliaert en délivra un reçu en
règle. Il reste à dire ce qui est advenu d(^ (piebpies-unes
depuis leur réception.
Le Saint Sébaslioi, de l'écoN,' de Sclii;i\oiie, a élé placé,
depuis longtemps, parmi les productions d'aulcurs inconnus;
{aDéliifje, de Micbel Coxcie, a été resliliié à Cossiers, son
véril;ible, ;iiileni'; le Kaxoliis ( F;i/olo) est devenu mi (ligoli ;
les deux Canaletti ont élé, ;i juste litre, déb;iplisés pour
deNcnii', l'ini ini (luardi, r;iiilre ini Bellolo.
Ouniit ;!ii Jicpa.s , de Maria Tinlor(!t, nous renvoyons,
polir ce qui le concerne, aux Xofcs de (Àuia d'Andréa de
Micliieli. Lo S('ii(((('in' vriiilirii. de Tinlorel; le Polirait en
jned (l'an f/iicrricr, de Titien; le ,SV///// Jvmmc et saint
Thomas, du (luide; la Xicnic, l'Iùifaiit J<'.siis et tes anges,
de Cignani, ont él('' rendus, ;ivec le j^'ipliai'l provennni de
renvoi do 1802, au Papo, au grand-duc do Toscane et au roi
ih Prusse, qui les firent réclamer di])lomnti(|uement en 181(5,
ainsi qu'on le verra ])lus loin. Le Saint Bavon, de Paibens,
est retourné à Oand, comme la Nativité, de Van Dyck, et
y Elévation en croi.r. du UKMno maître, sont relournés,
après 1815, l'un à Termondo et l'autre à Courtrai.
Les taljleaux arrivés, il fallut les mettre en état d'ètn;
exposés, et il parait que ce ne fut pas une petite affaire.
Bosschaert informa l'adminislration (jue tous avaient du
subir des réparations, sans lesquelles il eût été impossihhï
de les placer dans les galeries du Musée. Les frais faits pour
leur restauration s'élevèrent à la som^me de 1 ,477 francs. Un
nouveau catalogue fut imprimé, à l'occasion des nouveaux
accroissements du Musée. C'était le quatrième publié depuis
l'inauguration de la collection. Los précédents avaient |)aru
en 1802, 180G et 1809. Le catalogue de 1811 comprenait
224 numéros pour les tableaux des écoles modernes et
81 numéros pour les tableaux aniériours à la seconde moili*'
du xvi'' siècle et qualifiés d'anciens.
Il y a, vers cette époque, stagnation dans les accroisse-
ments du Musée. Bosscbaort paraît être satisfait de l'état de
la collection : les acquisitions s'arrêtent. Il n'est fait dcî
déjjenscs que pour les restaurations. En fouillant dans les
magasins, on Irouve encore des toiles très-dignes de lîgunM*
dans le Musée et qui avniont écbappé à de i)récédenles
recbercbes. De là vient que plusieurs tableaux dont l'ac(iui-
sition n'est menlionnée dans aucun compte, apparaissent
(ont à coup dans de nouvelles éditions du catalogU(\ Nous
on avons reconnu ainsi, au moyen do l'inventaire, un corlain
nond)re qui venaient des couvents siq^primés. Cela explifjuo
— 508 —
(îoiiimcnl il se fail que dos lal)leaux sont indiqués ])lns loin
conniK' provenant de l'ancien fonds, tandis (juils lie sont
])oint renseignés dans les premières éditions du catalogue.
Si Ton n'achète plus de tableaux, on continue à en donner.
A|)rès les églises et les hospices, vient le Jardin botain'que
qui sollicite la faveur de puiser dans les magasins du Musée.
On se demande probablement quel besoin le Jardin bota-
nique pouvait avoir de tableaux. Une lettre du siein- Delliin,
directeur de cet établissement, le fait connaître : « Il existe
au dépôt du Musée, écrit-il au maire, quelques vieux et mau-
vais tableaux qui ne peuvent pas servir à enrichir la collec-
tion, mais qui pourraient être avantageusement utilisés pour
garnir les châssis destinés à couvrir les seri'es du Jardin
botanique. » En conséquence le sieur Delliin demande que
Bosschaerl soit autorisé à lui délivrer ces tableaux, ainsi que
quelques fragments de verre coloré qu'il jugera ne pouvoir
))as être utiles au Musée.
Tout étrange qu'elle est, cette demande est favorablement
accueillie, Bosschaert ayant été consulté. Nous ne mettons
j)as en doute que les tableaux appelés à l'honneur de couvrir
les cbàssis du Jardin botanique ne fussent trop médiocres
pour être placés au Musée; nous voulons croire qu'on a
clioisi les plus mauvais; mais encore pouvait-on en faire un
meilleur usage. Ne fût-ce que pour les princi|)es et par res-
])ect pour la dignité de l'art, il ne fallait par leur iiiHiger
cette deslinîilion vulgaire. Nous ne pouvons toutefois nous
défendre de (puïlque arrière-pensée sur la qualité des tableaux
en (piestiou. L'autorisation de les délivrej- porte qu'ils sont
inscrits sous le n" 12()4 de l'inventaire général. Si nous con-
sultons ce! invenlairi!, nous voyons (igurei- au n" I^<I4 :
— 599 —
« Ti'cnlG et un (iihleaiix nyanl sorvi de cinlros, roprésenlanl
dos... » le reste de la phrase resta malheureusement dans la
plume du rédacteur. 11 s'agissait évidemment des comparli-
meiils d'un plafond; or, comme on n'a jamais chargé de
travaux de ce genre des artistes sans aucun mérite, il y a
lieu de supposer que les tableaux accordés légèrement par
Bosschaert à son confrère du Jardin botanique auraient pu
recevoir une meilleure destination. Et les fragments de verre
colorés? C'étaient des vitraux arrachés aux fenêtres d'une
église, très-précieux peut-être? On ne faisait alors aucun cas
(le ces débris d'un art flétri de l'épithète de gothùiuc, car ce
Jiiol (pii est devenu l'équivalent d'un éloge, en servant à
désigner un style remis en honneur, était une flétrissure au
commencement de ce siècle. Les fragments de verrières
déposés, avec tant d'autres objets d'art, dans les greniers
du Musée ont disparu sans qu'on sache ce qu'ils sont deve-
nus. On les a donnés ou jetés; cela ne valait pas la peine
d'être vendu. Un employé de l'administration du Musée de
Paris qui avait rendu quelques services à Bosschaert, à
l'époque de ses démarches de solliciteur, exprima le désir
d'obtenir de ces vitraux peints dont il se plaisait à orner sa
demeure, ainsi que nous l'apprend une lettre conservée dans
un des dossiers des archives du Musée. Bosschaert demanda
à l'autorité locale et obtint de pouvoir lui en expédier. Il n'y
a pas de trace d'aucun autre emploi des verrières qui exis-
taient dans les magasins de l'Ancienne Cour.
Le Musée vivotait sous une administration pleine de bonne
volonté, mais dépourvue d'initiative. La chute de l'enqiire
français et la constitution du royaume des Pays-Bas vim-enl
lui imprimer, comme à toutes choses dans l'Rtat, une vio-
— 100 —
lonlo secousso. il lil ik'spnrios, (.rime pari, des aeqiiisilions,
de l'autre; il eul de^* craintes, des espérances et liiialeinenl
il se retrouva, après une vive agitation, dans une situation
peu différente de cell(,' où il était aiii)aravant.
Dès 1<; milieu du mois d'août 181."), on s'occupa des
mesures à prendre, concurremment avec les puissanc(\s
îdliées, pour rentrer en possession des œuvres d'art enle-
vées à la B(!lgi(pie par les commissaires républicains. Le
18 août, le baron d'Anctlian, intendant départ(Mnental de la
Dyle, écrivit au chef du bur(?au des arcliives générales pour
lui demander « des renseignements propres à former un étal
des objets d'art, sciences et documents nationaux ])ris par
les armées étrangères dej)uis leur première invasion. » —
« J'ai l'honneur de vous informer, répondit le fonctionnaire
auquel s'adressait M. d'Anetlian, (pie les arcliives du gou-
vernement (pii me sont eonliéi^s i"eiiferment peu de notions
à cet égard, par la raison que les repi'ésentanls du ))eiiple
et les commissaires français ont enlevé de nos églises et
édilices publics, de nos bibliollièqu(\s et des abbayes, les
tableaux, statues, nK'daiiles, maiiusei-ils, livres des plus pi'é-
cieux, sans en dresser inventaire ou en laisser des récépissés
détaillés aux persomuis qui en avaient la garde. » En
l'absence des renseignements que n'avait pu fournir le dé|)ôt
(\Q!i archives, on avait formé, en s'adi-essant aux autorités
locales, une liste des objets d'ai-l (pi'avail pcM'dus la Belgi(jue
à I;i siiile de finvasioii. Cetlii liste était sans doute bien
ineoiiiplète ; mais il s'agissait moins de saNoir exaelenieiit ci;
(pii avail éh' enlevé de nos provinces, (pi(^ de (toniiailre ce
(|ui se trouvait dans les colieclions publi(pies de France
d'objets d'arl (pie la Belgi(|iie élail en droit de revendiipier.
— iOI —
C'est ce i|a'oi) s'allachu à l'iiiro. L'iic coiiiiuissioii coiiiitosiki
tic MM. Odcvacre, A[)oslool, Omnicganu-, Yan liai, Vaii
Rcgemorlor , Stier cl Gainhici' l'ut chargée d'aliiu' recoii-
naitrc les objets réclamés diplomaliqueinent par MM. de
Fagel cl de Gaucrn cl de présider à leur oilcAeineiil, aiiisi
qu'à leur rée.\))édilioii. Nous n'avons i)as à nous occuper ici
de la manière doid lui remplie celle mission ni des diffi-
cu.llés qu'elle rencontra. Ses résultats, relativement au
Musée de Bruxelles, sont seids actuellemcnl de noire
compétence.
Les négociations suivies ii I*aris par les conmn'ssaires ont
abouti à la restitution de ceux des tableaux enlevés à la
Belgique qui liguraient au Louvre. Nous dirons i)lus tard
comment leur mission échoua en partie, en très-grande
partie, el ce qui résulta ])0ur \q Musée de Bruxelles de cet
insuccès. Les tableaux repris au Louvre ont été emballés
cl dirigés sur la Belgique. Ils l'oianent un convoi de quatre
chariots lourdement chargés, dont deux ont Bruxelles i)oui'
destination, tandis que les deux autres doivent continuer
leur voyage vers les provinces septentrionales. Le trajet se
l'ail l(Mitement et diflicilement. La saison est avancée, on
louche à l'hiver, les roules sont mauvaises, et la dimension
des caisses ne ]>ermettant pas de fj-anchir les portes des
villes fortiliées, les chariots sont souvent obligés de faire de
longs détours. Enfin ils touchent au terme du voyage. Le
18 novembre le commandant de ])lace de Mons informe son
collègue de Bruxelles de l'envoi de dix voitures chargées
d'objets d'art, sous une escorte de (juinzc carabiniers du
régiment n° 2, commandés par un officier.
Par la même dépêche le comuiandant d(^ ])lace de
— U)"! —
liru.xi'llL's cUiil iiivilù à prescrire eu (jui devrait être l'iiil des
voitures destinées à cette ville, desquelles il donnerait
décharge, et à l'aire placer les autres à la Grand'Placc,
devant la garde des pompiers, où elles stationneraient
jusqu'à leur départ, qui aurait lieu dans un court délai. Le
pi'écicux convoi lit son entrée à Bruxelles, le 20 novembre
et les disposition^ indiquées furent prises.
Les voitures chargées des tableaux atti-ibués aux |)j-o-
vinces méridionales furent conduites au Musée et les autres
restèrent sur la place de l'Hôtel de Ville, ainsi que l'avait
])rescr.it l'autorité militaire à laquelle était confié le soin de
les faire parvenir à leur destination et qui les oubliait un
peu, connue le prouve une dépêche du maire de Bruxelles,
M. Vanderlinden d'Hoouhvorst, au comte de Mercy-Argen-
teau, gouverneur du BrabanI, en date du 26 novembre.
Le magistrat municij)al invite l'administration compétente,
« à faire en sorte que les chariots qui stationnent sur la
Grand'Place soient mis en lieu de sûreté avant l'entrée des
troupes étrangères, attendu qu'alors il n'en pourrai! i)lus
répondre, les ponq)iers qui gardent ces chariots ne jiouvant
résister à des troupes qui vont se répandre en grand nombre
sur la ])lace. » Ces troiq)es étrangères étaient celles des
puissances alliées qui traversaient la Belgique en regagnant
le Nord.
L'administration municipale de Bruxelles avait pris des
mesures pour recevoir les tableaux dont le dépôt allait lui
être confié. Son premier soin avait été de nommer, à cet
effet, une commission dont la présidence revenait de droit à
Bosschaert; mais le conservateur du Musée de Bruxelles ne
(leviiit pas cire témoin des cliang(,'meiits (pii .illaiciil avoir
— 405 —
lieu dans Iclablissonicnt qu'il dirigeait depuis sa création.
Il mourut au moment où l'adminislration municipale le
chargeait des soins à prendre pour la réce])tion des tableaux
arrivés de France. Son successeur fut le sieur Malaise aîné,
chef de division à la Ville, (jui avait eu longt(Mn])s la surveil-
lance du Musée dans ses attributions administratives et qui
remplaçait Bosschaert dcjniis sa maladie. Nous ti'ouvons
dans les archives, relativement au décès do ce dernier, une
indication assez curieuse et qu'il ne nous a pas été possible
de compléter à l'aide d'autres documents. Le bourgmestre
de Bruxelles éci'it que : « les tableaux appartenant à feu
M. Bosschaert seront expertisés et le montant de l'expertise
sera versé enlrc les mains du représentant des héritiers du
défunt. » liosschîiert avait donc déposé au Musée des
lableaux (jui luia])i>arteiiaieut? La lettre du bourgmestre ne
saurait s'expli(iuer autremenl. Qu(.'ls étaient ces tableaux?
C'est ce qu'il ne nous a pas été donné de découvrir.
Les lenteurs administratives ont parfois de graves incon-
vénients. Elles eurent des résultats funestes dans le cas dont
il va être question. Les lableaux arrivés de France avaient
été déposés, le 20 novembre 181o, dans la cour du Musée.
Un mois après, le 21 décembre, l'autorité locale en infoi-me
le gouverneur de la province, en demandant l'autorisation
de faire procéder à l'ouverture des caisses. Le gouverneui'
en rélere au commissaire général de l'instruction, des arts
et des sciences à La Haye, et c'est seulement le o janvier 1810
(fu'il transmet au maire de Bruxelles la décision prise par
ce dernier. Voici les termes de la lettre : « M. le commis-
saire général de l'instruction, etc., à qui j'ai cru devoir sou-
mettre la demande que vous m'en avez faite le 21 décembre
— i04 —
(leriiiiT, lie s'oppose point it ce (juc j(; lasse di'eaisser les
lal)leau\ recouvrés de France et ajiparlcnanl au ]ii'abant
nuTidioual qui se lrouv(;nl niainiiniaiil sons ma surveillance
au Musée de Bruxelles, si la conservai ion de ces lablcaux
exige celle opération. » Il était un jieu tard po m* songer à lu
conservation des laljle;iux (pii de])uis cinq semaines étaient
exjiosés aux intempéries de la mauvaise saison, dans des
caisses mal jointes.
Le ') janvier h; maire écrit à Malaise, le nouveau conser-
vateur du Musée, pour (pi'il ait à l'aire ouvrir les caisses.
.Malaise, qui ne se soucie pas de prendre seul la responsa-
liililéde celte opération, se doutant bien sans doute de l'étal
dans lequel vont se trouver les tableaux, demande la nomi-
nation d'une commission. Le maire prend, le'J, un arrêté qui
désigne, pour faire partie de celte commission, les sieurs Gode-
cliarles, Paelinck et Tliys. 11 est décidé qu'un procès-verbal
(tonstalant l'étal dans le(piel auront été trouvés les tableaux,
sera tenu, par le conservateur du Musée. Le lendemain, 10,
les caisses sont ouvertes en présence des commissaires délé-
gués ]>ar la ville, et Malaise constate soigmnisemeiil dans
son procès-vei'bal toiiîes les eirconslanees de l'opéralion.
Ce (pie nous avons de mieux ii faire est de citer (juehjues
passages de ce document.
La première caisse ouverte conleiiail la (îméahxjk' de la
Vierge, de Quentin Metsys : « .Nous avons constaté, disent
les commissaires, que l'eau a pénétré dans la caisse, a coulé
sur les peintures et y a formé différentes lâches blanches.
J'ji outre rpielques jointures des panneaux ont travaillé jiar
riiumidité. »
fja deuxième caisse contenait le SaiiU Martin , d(} Van
— W) —
l)yck,ctla Mort île la Vien/e, de Coxcie. Lesdcux lal)leaux
élaiciit sans cadres. En parlant du Saint Marlin, les com-
missaires consiiïnùnMil l'observation suivante : « Ce tableau
a suulTerl |)ar riiuniiditc, et son impression à la craie a été
soulevée en trois endroits différents. »
Dans la troisième caisse se trouvaient les Ermites nourris
par le corbeau, de C rayer, et les Doyens du serment de l' ar-
balète, du même maître; ces deux tableaux également sans
cadres. Le })remier était endommagé : « L'eau a pénétré
dans la caisse, dit le procès-verbal, et une grande partie de
la peinture est tachée. »
L'ouverture des caisses , la constatation de l'état des
tableaux, leur mise en lieu sûr exigeaient des précautions
et du temps. On fut obligé de suspendre après l'ouver-
ture de la troisième caisse et de remettre au lendemain
la reprise de l'opération accomplie avec les mêmes soins
et les mêmes formalités. La quatrième caisse renfermait
un grand cylindre sur lequel étaient roulés le Portement
de la croir, de Rubens, et Y Assomption de sainte Catherine,
de Crayer. Il n'y eut d'avaries constatées ni h l'un ni à
l'autre.
La cin(|uième caisse contenait le Christ sur les genoux de
la Vierge, de Rubens, Voici comment se sont exprimés les
experts : « Nous avons constaté que ce tableau est totalement
cbangé par l'humidité, (jue le bas de la toile, détrempé par
l'eau qui a coulé dans la caisse , semble pourri et qu'une
graisse générale couvre la peinture. »
Dans la sixième et dernière caisse se trouvait V Assomption
de la Vierge, de Rubens. « L'humidité qui a pénétré dans
la caisse a causé à cette peinture plusieurs grandes bosses
— i(IC) —
pai' lu cuiili'iiclioii de la loilc, (|iii a l'ail jdicr le châssis, ic(j(i(.;l
est prèl à t'clalcr, (|iioi((iril soit lrès-l'ui-l. ><
En IransmcUaiil col ariligeaiil i)ro(*ès-V('i'l)al au uoinci--
iiL'ur, le maire ajoiilail (iucl(jues détails jiai-licuiiers. Il
n'avail é(é pris aucune précaiiliun jiour renihallatic des
tableaux; les fentes des caisses n'avaient pas été boueliécs et
on ne les avait pas recouvertes de loilc cirée. Et c'est dans
cet état rpi'on les avait fait voyager au mois de novembre!
Le Jiiaire lei'niiiiîiit en disant (ju'on avait déposé momciila-
némeut les tableaux dans (\q^ salles ilu Petit-Quartier du
Musée où l'on entretenait un feu modéré pnur qu'ils séchassent
lentement.
Pour l'honneur des commissaires chaïués d'aller recueillir
à Paris les chefs-d'œuvre de nos anciens maîtres, nous
aurions voulu i)asser ces tristes détails sous silence; mais
nous ne le pouvions pas. Comment carhei' (jue h; Christ
sur les genoux de la Vierge et ÏAssompliondc la Vierge, de
Jlubens, ont sinuulièrement souffert? Et si la cause de leur
altération n'est |)as connue, n'en accusera-t-on ])as l'ancienne
administration du Musée, cpii aui'a laissé fart destructeur
d'un maladroit restaurateur s'exercer sur les belles paues du
maître? Plutôt que de laisser accuser ôqs innocents, nous
nommons les cou])ables. L'équité nous en faisait un(^ loi.
Nous avons dit dans (piel misérable état se trouvaient les
tableaux lransj)ortés à Paris par les suius des commissaires
Irançais après leui- enlèvement de Heliziipie, d'Italie et d'Alle-
magne. Nos conqinti'ioles ne se sont montrés ni plus adi'oits
ni ])lus soigneux, lorsipi'on les a envoyés pour veiller à l'heu-
reux retour des chefs-d'œuvre de l'école nationale. Odevaere
cl ses collègues étaient de fort braves gens, pleins de bonne
— 407 —
voloiilr ; mais ils oui mal rcmpii leur mission, en itc |ir('iiaiil
j»as les pi'écaulioiis iiiditjiKJcs par le |)lus viiluairo bon sens.
Kl le maire (|ni siuiiah; rinciiric des commissaires esl-il
excusable d'avoir laissé phis d'un mois les tableaux dans les
caisses où ils pourrissaient, avant de songer à demander la
l)eniiission de les ouvrir? A cpioi bon, d'ailleurs, allendre
celle permission? Est-ce qu'il n'y a pas des cas où il faut
savoir éluder les formalités administratives? Nous ne com-
)»renons pas que le conservateur ail Iiésilé à ])rendre sur lui
de sauver les tableaux, quitte à demander ensuite l'autorisa-
tion de le faire. Bosscbaert n'y cùtims manqué, et le ministre,
s'il était homme d'espril, l'en eût félicité.
Plusieurs mois s'écoulèrent avant qu'une résolution lui
prise sur la destination des tableaux revenus de France et
formant la i)art du Brabanl méridional. Un arrêté du
15 août 1810 détermina ce qui serait fait à cet égard. Voici
comment eut lieu la répartition : au Musée de Bruxelles , le
Porlement de lu Croix, de Rubens, le Chris! mort sur les
;jcnou,v de la Vierge et l' Assomption, du même mailre, ainsi
(pie les Ermites nourris par le Corbeau, de Crayer; à l'église
du Sablon, la Mort de la Vierge, de Michel Coxci(\ et les
Doyens du serment de l'arbali'tc, de Crayer; à l'église de
Sainte- Catherine, V Assomption de sainte Catherine, de
Crayer; à l'église deSavenlhern, le Saint Martin , de Van
Dyck ; à l'église de Saint-Pierre de Louvain , la Généalogie
de la Vierge, de Quentin Melsys. Hélait ])ris, dans l'arrêté
qui réglait cette répartition, des dispositions très-sages, pour
])révenir le retour de l'abus et du scandale dont tant de
fabriques d'église avaient donné l'exemple par la vente de
leurs objets d'art. 11 était dit que l'acte de la remise des
~ 108 —
|[iljl(';iii.\ rcnroniierail une clause sjiéciliaiil ([u'ils ik,' ))uui"-
raient être aliénés sans l'anlorisation du gouvernement. Les
maires de Bi'uxclles, de I.ouvaiii et de Saventliem devaient
veillei' à ee que les tal)leaii\ lussent tenus dans un bon étal
de conservation. Un article de l'arrêté prescrivait encore
qu'une commission d'artistes serait nommée par le gouver-
neur de la province, poursiirveillei-h? placement des tableaux
dans les locaux qui leur avaient été assignés. Le gouver-
neur désigna, comme jnembres de cette commission, les
sieurs Malaise, Paelinck, De Landsbeere, François et Tliys
père.
La Belgi(iue avait adressé des réclamations ; elle en reçut
à son tour. Ces réclamations lui vinrent du pape pour la
Vocation de mini Pierre , de Bîtroccio, et pour la Vie) (je,
saiïit Thomas et saint Jérôme, du Guide; du grand-duc de
Toscane pour le Raphaël enlevé à la galerie Pitti ; du roi de
l'russe pour Y Allégorie de la Nature, dcCignani, pour un
})ortrait de Titien et pour un autre de Tintoret provenant
des collections de Berlin et de Cassel. Une longue corres-
pondance s'engagea au sujet de ces réclamations, l^e conser-
vateur du Musée rédigea de volumineux mémoires, dans
lesquels il invoqua l'opinion de plusieurs jurisconsultes,
pour établir que la ville de Bruxelles avait n.'çu de la France,
à titre onéreux, les tableaux qui étaient devenus pour elle
une proj)riété légitime. Les diplomates cliai'gés dr la négo-
ciai ion riaient jtn.'ssants, le ministre écrivait à l'administra-
tion locale lettre sur lettre i)Our (jue la restitution eût beu ;
mais le conservateur persistait à soutenir les droits delà ville.
La volonté du roi des Pays-Bas tranclia la question. Les
tableaux furent rendus. La Vocation de saint Pierre, de
— 409 —
Barorcio, fut seule conservée, i)aree que le pape n'avait pas
suflisammenl jusliné de la |>i'ov(Miaiice de ce lal)leau cl ]iar
conscqueni du bien-fondé d<' sa demande. Quanl à la récla-
inalion qui venait du côté de l'Allemagne, on aurait pu lui
ojjposer cet excellent argument que le Musée de Mayence
possédait cinq tableaux, di»nt deux beaux Jordaens, i)rove-
nant de la Belgique, (|ui lui avaient été donnés par la France
et sur lesquels il avait exactement les mêmes droits que le
Musée de Bruxelles sur les tableaux provenant d'Allemagne
et reçus également de la France. Il y avait donc lieu de ce
c()té, non pas à une restitution, mais à un échange. Ainsi le
voulait la justice; mais nous venons de dire que la volonté
du roi des Pays-Bas en décida autrement.
Le gouvernement français Ht aussi jtarvenir des récla-
mations à celui des Pays-Bas. Il i-edeniandait les tableaux
envoyés, en 1802 et en 1811, au Musée de Bruxelles. Il y
avait une réponse bien simple à lui faire : elle fut faite. Les
éléments en furent fournis par le conservateur du Musée de
Bruxelles dans un long mémoire où la question était traitée
d'une manière nette et précise. La Belgique avait fait récla-
mer à la France deux cent trente et un tableaux. Sur ce
nombre (piatre-vingt-douze seulement avaient été rendus :
c'étaient ceux qui se trouvaient au Louvre. A l'égard des
autres , répandus dans les dillérents musées de France et
même des provinces d'Italie et d'Allemagne qui avaient fait
quelque temps ])artie de remj)ii-e IVançais, ils devaient être
i-estitués plus lard; M. Denon en avait pris l'engagement
formel vis-à-vis des commissaires belges. On savait où ils
étaient; le conservateur du Musée de Bruxelles le rappelait
dans son mémoire. Ils étaient à Bordeaux, à (ïaen, à Dijon,
— 410 —
à Gronoblo, à Lille, à Lyon, ù Mayenco, à Marseille, ;i Milan,
à Nancy, à Nantes, à Rennes, à Rouen, à Strasbourg, à
Tours et à Toulouse, à Paris même, dans des éiiiises.
C'étaient les œuvres des ])remiers maili-es de notre école. Le
conservateur du Musée de Rruxelles Taisait observer, avec
juste raison, qu'avant de demander la restitution de ce qui
avait été donné à la Belgique connue une mince compensa-
tion de ce qu'elle avait perdu , il lallail commencer par lui
rendre ce qu'on avait à elle. Ces raisonnements, appuyés par
le témoiiïuaue irrécusable des laits, lirent envisager la ques-
tion sous son véritalde as])ect. Le gouvci-nement des Pays-
lias réj)ondit dans le sens des observations contenues dans
1(! rapport dont nous venons de parler. Malbeureusement les
clioses en restèrent là. Le Musée de Bruxelles aurait bien
volontiers écbangé contre les œuvres des maîtres (lamands
gardées ])ar les musées de France, au préjudice des droits
de la Bolgi(jue, les tableaux (jn'il avait reçus de Pai-is, sans
compter qu'il avait déjà restitué au pape, au grand-duc de
Toscane et au roi de l*russe plusieurs des plus j)récieux de
ces tal)leaux.
Le Musée de Piruxelles lit ciicoi'c (pu'hpies perles ; mais
cène l'ut |tas, du njoins, l'étranger (pii en profila. .Se/////
Baron distrihuanl ses biens aux pauvres, de Rubens, la
Nalimlé de Jésiis-Chrisl, de Van Dyck, X Ercdinn en rroi.r,
du mèm(> maître, furent rendus aux villes de (land, Ter-
monde el (lourirai, coinnie ou Ta vu |)liis haut.
Dans le j'aj)porl ipTil ad)'(^ssa à radiiiiiii>lralion commu-
nale un an cnvirou après avoir pris possession {\v<, fondions
de C(jnservaleur du Musée, Malaise dit que, |iour remplir les
vides cau.sés dans les galei'ies p;u' les rcslilulions , ou eut
^. 411 —
recours au dépôt, où l'on retrouva encore de bons tableaux,
nolamment le Calcaire, d'Olto Yenius. On l'avait cependant
bion mis à conlrijjulion , ce nuilbeureux (irpôt, dans lequel
on aflirniail, depuis quinze ans, qu'il ne restait plus ri(Mi qui
IVil digne du Musée? Dans ce même rapport. Malaise s'atla-
clieà jU'ouver (pie, par les dépenses qu'a laites la ville pour
la mise en étal et pour l'entretien des tableaux du Musée,
elle en est devenue véritablement proj»riétaire. A quoi sert
la peine qu'il prend là? Qui songe à disputer à la ville la pos-
session du Musée? Une pbrase, qui termine ce passage du
rapport, nous ap])rend dans quelle intention Malaise s'est livré
à une argumentation que nous regardons comme superflue
et qui répond à une pensée de l'autorité dont il relève. Cette
preuve est contenue dans les lignes que nous transcrivons
textuellement : « On |)eut donc conclure de ce qui précède
que la ville, possédant à titre onéreux, a le droit de se con-
sidérer comme propriétaire de tons les tableaux de la galerie,
surtout dans les circonstances actuelles où il est question
d'en faire bommage à Sa ^Majesté. »
La ville de Bruxelles avait donc l'intention de l'aire bom-
mage du Musée au roi des Pays-Bas. C'est un fait curieux
(pie nous n'uvions vu consigné nulle part et dont l'inuque
trace se trouve, peut-être, dans le rapport du sieur Malaise.
On aura fait conqirendre aux magistrats communaux, aux-
quels était venue cette étrange idée, que leurs droits sur le
Musée n'allaient pas jus(prà pouvoir en aliéner la possession ;
que les collections de ce genre appartiennent à la nation ,
font partie de son patrimoine et n'en sauraient être distraites,
fût-ce pour être offertes comme un bommage au prince. Ces
dépenses faites pour le Musée et (pie Malaise invoquait pour
— M'2 —
éluhlir la (jualilé do propriétaire de la ville, qui les avait
j)ayées? Les coniribiiables : or c'est à eux que le Muséea))par-
tenait, et l'on n'avait )ias le droit de disposer de leur bien.
Nous avons la conviction que le roi des Pays-Bas adressa
lui-même ces objections aux magistrats de la ville de
Bruxelles, si l'on pressentit ses intentions au sujol de la
(lémarcbe (ju'on se proj)osait de faire.
Malaise s'occupa de remettre en ordre l(i Musée un p(ni
bouleversé par les événements que nous venons de rapporter.
Son premier soin fut de faire restaurer les tableaux revenus
de Paris dans le misérable état qu'on a vu. C'était une beso-
gne dillicile et délicate. Elle fut exécutée avec prudence et
aussi bien qu'on pouvait l'attendre de l'bommo réputé le plus
liabile dans l'art de la restauration, art dangereux j)resque
autant (pùililc, (jui a conservé quelques tableaux, mais (pii
en a perdu plus encore el que bien peu pratiquent, aujour-
d'hui encore , avec le tact et le discernemcnl qu'il exige.
C'était M. ïliys, le père, qui était habilueliement chargé de
la restauration des tableaux du Musée. Les travaux de ce
genre qu'il eut à faire furent nombreux; on a vu (pu.'l c(>n-
cours de circonstances les avait multipliés. Tirés des maga-
sins où ils avaient été, pour ainsi dire, jetés pèle-mèle,
envoyés de France où ils avaient été soumis à des causes
semblables de détérioration, exposés à de j)lus grands dom-
mages encore par l'incurie des commissaires et de l'adminis-
Iialitju centrale, en 181.'), la plu|>arl des tableaux (jui (''(aient
entrés successivement dans la galerie avaient dû passer par
l'épreuve de la réparation. Beaucoup, ceux d(,' la ])lus grande
dimension particulièrement, avaient même été renloilé's.
Titul cela élait coril(Mi\, et,en\ r(''néclii>sanl, on ne doil ji.-is
— 4io —
s'étonner que le maigre budget accordé par la ville (de six
à sept mille francs) ait été j)r('sque enlièrement absorbé
cbaque année par les dépenses d'entretien et qu'il soit resté
fort peu de chose à consacrer aux acquisitions. C'était par
douzaines (pi'on enlevait les tableaux pour les restaurer,
surtout de})uis la mort de Bosscliaerl, qui se montra, de ce
côté, plus réservé, plus prudent que ses successeurs. Nous
trouvons, parmi les comptes du Musée, une réclamation du
peintre Tbys, ayant pour objet d'obtem'r le payement d'une
somme qui lui est due pour la restauration de trente-sept
tableaux dans le courant de l'année 1817. C'était, nous
venons de le dire, le meilleur restaurateur de l'époque. Bos-
scliaerl reiiq)loyait presque exclusivement. Le nom d'un
autre restaurateur , nommé Alexandre, a))parait rarement
dans les comptes et pour des travaux de peu d'importance.
Une fois, l'administration centrale voulut, de sa propre ini-
lialive, recourir aux services d'un praticien auquel le con-
servateur n'avait point accordé sa confiance, et elle n'eut pas
la main heureuse. Le 26 pluviôse an xiii, le maire, M. Van
Langenhoven, adressa à Bosschaert une lettre ainsi conçue :
« Je désire, d'après le compte que je me suis fait rendre,
tpie M. Van Begemoorter, peintre d'Anvers, répare le beau
tableau de Bubens, représentant V Adoration des Mages, qui
existe au Musée, après, toutefois, qu'il aura été rentoilé par
M. Alexandre, dont les talents me sont connus. » Le maire
était peut-être bon juge en affaires administratives; mais il
n'en était pas de même dans les clioses d'art, à l'égard des-
quelles il aurait beaucoui) mieux fait de s'en rapporter à
l'avis de gens {)lus compétents que lui en pareille matière.
En dé|)it du compte qu'il s'élaif fait ivndre, M. Van Bege-
— K\h ~
iiioorler (il do déloslabk' besogne. Peu do tomps n))rùs, il
lallul roooinmonoer. Bosschaert proposa do oonlior à Tli\ s lo
soin de réparer les fautes du reslauraleur anvorsois : « Il
s'auit, disait-il dans son l'apport, d'enlever des masses de
l'ojK'ints sur un tableau (pi'une mauvaise restauration a
rendu niéconnaissablo. » Le maire lui répondit : « Vous
recommanderez à M. Tbys d'employer les ]tlus grandes pré-
cautions. Lorstpril s'agit de la conservation d'une ))roduc-
lion du grand Rubons, elles sont indispensables. « Pounfuoi
l(! magistj'at municijial n'avait-il pas l'ait cette judicieuse
réflexion avant de cunlier la restauration de YAdoration des
M(if/es à un peintre incapable de la bien faire? Quand le mal
eut été réparé, Bosscliaert écrivit au maire : « La restaura-
tion a ou l'effet désiré. Les repeints sont enlevés et le tableau,
débarrassé iVun voile; qui l'obscurcissail , a re])ris tout son
éclat. »
Dans une autn^ circonstance, on eut encore l'occasion de
reconnaître combien il est imprudent de conlier la restaura-
tion d'(euvros de maitresà des praticiens dont l'iiabiloté ol la
discrétion n'ont ))as c'-té éprouvées. Plusieurs tableaux de
pi-ix avaient ét('' i-emis, |iour être restaures, à un certain
Gippers. Dans le nondu-ese ti-oiivait It^ Christ porté nu tofii-
lif'du. de l^dma l'ancien, un des plus beaux spécimens delà
peinture^ italiemie (|ue iiossédàt l(i Musée. Cet bomme lit de
mauvai.sos alTaires, se cacba pendant quelque temps pour
écba])])or aux poursuites de ses créanciers, et les nombreuses
lettres (pie lui ('crivait Tadministration coiinnunale pour lui
|';iire restiliiei' le Palnia l'cslaienl sans iv'ponse. Il le rapporta
enlin, mais d.uis un tel état, qu'il fut depuis lors inq)0ssij)l(!
(le |(» re]il;icer (l;in> le>^ galei'ies du lMu<(''e. O mémo liabile
lioiiiiiio avail ivnvoyé précécleinmciil deux auliTS lahlcuux
qu'oïl lui l'cprocliail d'avoii' fort mal reslaurôs. Il eul l'iiii-
pi'udciKM^ de répondre au bourgiuoslre : « Si, coiumo ou 1(î
dit, rt''lùv(* (pii a ivparé ces dcnix lablcaux les a gàlôs j)ai' des
j-epcints, j'enlèverai ces repeints et je les rendrai tels qu'ils
étaieni » On aurait i)u lui demander pourquoi il imaginait
qu'ils lui avaient été remis.
Des accidents semhlahles ne sont plus à craindre. Les
travaux de restauration du Musée de Bruxelles sont exécutés
maintenant par un artiste dont le talent et l'expérience lais-
sent l'administration dans une sécurité jiarfaite sur le résul-
tat des missions qui lui soni confiées. La restauration des
Rubens de la cathédrale d'Anvers a l'ait à M. Etienne Leroy,
dans le monde artiste, une réputation qui rend superflu tout
('loge de sa manière de pratiquer un art dont l'importance et
la difficulté sont appréciées par les personnes qui savent
combien de productions de grands maîtres ont été anéanties
par l(! l';n'tde restaurations maladroiles.
Malaise avait renq)lacé Bosscliaert à la fin de l'année ISK}:
le o mai 1810, il donna sa démission, qui lui accept(''e.
Nous ignorons quels furent les motifs de sa retraite. L'ad-
ministration communale, ne sachant par qui le remplacer,
s'adressa à Yan Hulthem en le priant de vouloir acceptei',
ne lut-ce que provisoirement, les fonctions de conservateur
du Musée, qu'il pourrait fort bien remplir concurremment
avec celles de l)ibliolhécaire et de secrétaire perpétuel de
l'Académie. Yan liulthem y consentit, et le bourgmestre
informa le ministre de sa nomination. A partir de ce moment,
en elîcl, il reçut, dans la correspondance oflicielle, le titi-e
de conservateur du Mns('c de Bruxelles. Yan Uullhem élaii
— i16 —
1111 liomme de goût ; mais il manquait des connaissances spé-
ciales nécessaires pour diriger un Musée, et la mulliplicilé
(lèses occupations ne lui permettait pas, d'ailleurs, de don-
ner à la surveillance de cet établissement tous les soins qu'il
réclamait. Les ac(piisili(Mis lurent ])lus rares que jamais, et
il ne se (it plus guère de restaurai ions. La ville ne. s'en plai-
gnit pas; c'était pour elle une économie toiile claire, el les
économies étaient de son goût.
A cette même époque (18 18), iiikî correspondance s'éta-
blit entre le conseil des hos))ices et l'administration commu-
nale au sujet d'un tableau, un beau tableau, à ce qu'il parait,
(\\i\ a élé trouvé dans le local dit de l'Infirmerie. Le conseil
(\o^ bospices demande que la ville le lui aclièle ou qu'elle
l'autorise à le vendre. Il a déjà tenté des démarcbes jiour
obtenir (pie l'acquisition en soit faite par le roi. La ville
répond qu'elle n'a pas d'argent disponible pour payer le
tableau, mais qu'elle s'oppose à ce qu'il soit vendu. N'a-t-elle
pas, chaque année, à combler le déficit des hospices? Le
tableau doit être conservé à Bruxelles et placé au xVIusée,
sauf à conclure sur ce jiied que la ville paierait, après exper-
tise, l'intérêt du (capital à raison de cinq pour cent. Il est
vraisemblable que cette affaire n'eut aucune suite, car nous
n'avons trouvé dans les archives ni cxperlis(% ni convention,
ni mention de l'entrée du tableau au Musée. La ville était,
du reste, parfaitement fondée à répondre comme elle l'avait
fait. Payant cha(pie année aux hospices une somme consi-
dérable, elle jiouvait regarder comme un juste ('change le
lilacement du tableau en (pieslion dans le Musée communal.
D'ailleurs, i)eul-clni bien la ville aurait-elle eu plus de droits
(|u'('ll(' ne le pciisail, ;i l'aire valoir (*onlr(^ les prélentions du
— 417 —
cuiiscil (l(!S ho.sj)icos. D'où venait ce labh^au relruuvé dans
le local de l'iniirmerie? N'étail-cc pas un de ceux qui avaient
été prêtés aux hospices par le Musée, à la condition de les
réintégrera la première réquisition? S'il en était ainsi, pou-
vait-on admettre (juc la ville dût i-aclieter une chose (pii lui
apparlenaitV II n'y avait plus personne , mallieureusemeiit ,
qui pût fournir à l'administration communale des renseigne-
ments sur la question soulevée par le conseil des hospices.
Le Musée de Bruxelles était fort mal administré, ses archives
étaient dans le plus grand désordre, et le lil des traditions
était, en quelque sorte, rompu par la retraite de Malaise.
Van Hulthcm ne connaissait pas ])lus l'histoire de la collec-
tion qu'il ne se connaissait en tableaux.
Au mois de mars 1819, M. Falck, ministre de l'instruc-
tion publique, de l'industrie nationale et des colonies, informa
le bourgmestre de Bruxelles que le roi, ayant fait l'acquisi-
tion du Musée Lupus, désirait qu'il fût placé dans la ville de
Bruxelles. Attendu ([u'il n'y a pas dans cette ville de local
où le Musée en question puisse être convenablement installé,
le ministre s'adresse aux bourgmestre et échevins, « qui
|)ossèdcnt de vastes bâtiments consacrés aux arts et aux
sciences, et dont ils j)Ourraient peut-être céder quelque par-
tie. » Il termine en demandant si l'on ne pourrait ])as trou-
ver également, jirès des salies qui seraient affectées au
Musée Lupus, un logement pour le conservateur. Le bourg-
mestre répond au ministre (jue dans les bâtiments de l'An-
cienne Cour, où se trouvent déjà le nuisée de tableaux, un
cabinet de pliysique, des écoles de médecine, de chant cl de
danse, il y a une immense salle ayant jadis servi de biblio-
thèque aux princes autrichiens, gouverneurs généraux,
-- ils —
I.'i'iucllc )i(imi-;iil icccvoir le (Irpul du .Miim-i! Lii|)U>. QiiaiiL
uu l()!i,eiiient du conservaleur, les magislrats coinniunaiix
expriiucnt le rogretdc «nojtuuvuirricii fain-pourM. Lupus. »
Ce dernier avail doue vendu sa ('(illocliuii au rui des l*ays-
lîas à la eoiidilioM d'eu cire le conservateur?
M. le baron de Tliysebacrl, (jui venait d'être nommé con-
servaleur du Musée, en remplacement de Van llultliem, fui
invité ;i prendre des mesures pour iaire approprier ranciemie
hihiiotlièque (ks ii'ouverncnirs ixéiu-raux à la nouvelle desli-
nalionqui lui était donnée. On n'allait pas vile en besogne à
l'administration du Musée, à moins que les lenteurs ne soient
venues de l'autorité supérieure. Toujours est-il que les j)re-
inières négociations relatives au placement du Musée Lupus
eurent lieu au mois de mars 18it), et (pu; c'est seulement au
mois de juillet 18*25 que se lit la cérémonie officielle de sa
l'cmise aux magistrats communaux. Le collège avail délégué
M. Van Gameren, éclievin, assisté de M. Thys, peintre res-
taurateur du Musée, pour cette cérémonie; le gouvernement
était représenté par M. Dugniolle.
Nous ne savons pas au juste de quoi se comjiosait la col-
Irciion Lupus, dont le sonveuii- s'est complétenuMit effacé,
et nous avouons n'avoir pas fait de grands efl'orts pour nous
en instruire. Il nous sullisîu't d'être renseigné sur ce qui cou-
cei'nait les tableaux; oi', sous ce rapport, nous avons eu tous
les éclaircissements désirables j)ar un catalogue qu'avait
rédigé rancien possesseur de la collection, f^n tète de ce
catalogue se trouve une indication de laciuellc; il résulte que
les tableaux forn)aienl la dixième classe de l'ensemble de la
collection. Le chevalier Liq)us s'était fait, ou voulait faire
nailrc, d'étranges illusions sur la valeur des objets d'art qu'il
— 4 lu ^^
iivail iciiiiis. S'il rallaiU'ii ci-oirc les auiiulali\)iis de l'iiivcii-
taire ({u'il avait dresse avec plus d'endioiisiasiiie (|iii' de
scienee, il n'y avait pas, dai)s sa [lelite galerie, un tableau
qui ne lui un clief-d'univre ou (|ui ne dût cxeilcr le plus vil'
intérêt par sun aneiennelé. Ses (»i)inions ou ses ])i"ét('ntions
Liaient ce[)endant fort éloignées de la vérité. Les tableaux
déei-its dans le catalogue du ebevalier Lupus étaient au noni-
bi-c de (piatrc-vingt-dix. Presque tous apjjartenaient aux
écoles llaniande et allemande du xv' et du xvi" siècle. 11 en
était peu, dans le nombre, qui eussent (pielquc méi'ile ou
qui olîrisseni un certain intérêt historique. 11 en est resté (oui
au ])lus une dizaine dans le Musée, ainsi qu'on pourra le voir
par les indications de provenance du catalogue. La plupart
lurent relégués dans les gi-eniers, et nous pouvons certifier,
a|)rès les avoir examinés, qu'on ne leur a pas fait d'injustice
en les exilant de la galerie.
On avait, il y a quarante ans, de singulières idées sur la
manière d'administrer les dépôts itublics. Nous en avons cité
dê\jà des exemples; nous en citerons encore, outre celui (pie
voici. Le nouveau conservateur du Musée, le baron de ïliy-
sebaert, écrit au boui-gmestre, en 1821, que })armi les
tableaux qui existent au ^lusée, mais (jui n'ont point été
jdacésdans les galeries, à cause de leur peu de mérite comme
objets d'art, se trouve un portrait de l'impératrice Marie-
Thérèse d'Autriche. Un Viennois qui a élé chargé de reeher-
chei- une elïigie de cette princesse serait disjtosé à en faire
Tacquisition. Le conservateur aftirme que jtareille occasion
de se débarrasser de ce tableau ne se présentera plus. Des
artistes l'ont évalué à cent francs; le Viennois en offre trois
cents. C'est un marché d'or pour le Musée; le baron de
— 4^20 -
'rii\S('i)uci'l cspùn; (|ir(»ii rauluriscra à le; coiicluni. Il pi'o-
j)Ose, ))ai' la luènK; occasion, de lain; droil à la requclc du
curé de Saiiit-Jacquos (Caudeiiberg), leudante à oblenir le
mécanisme du carillon de la ci-devant abbaye d'Aftlighcm,
avec le cylindre (jui le metlait en mouvement. Quant aux
clochettes du carillon , elles avaient été fondues par les
Fi'ançais pour en faire des gros sous ou des canons. Ce méca-
nisme se trouvait déposé dans les magasins du Musée, |)armi
les innombrables objets non |)ortés à l'inventaire. Après
avoir exposé au conseil communal la demande du curé de
Saint-Jacques, M. de Thysebaert ajoutait : « Il se ibnd(î sur
l'économie qu'il ferait en se passant d'un carillonnibur qu'il
doit payer à chaque solennité et sur l'agrément <ju'il ])rocu-
rerait à ses paroissiens, en leur donnant de la nmsi(jue tout
le long du jour et même la nuit. »
Le collège des bourgmestre et échevins donna son assen-
liment aux deux propositions du baron de Thysebaert. Il
n'y avait nulle dilliculté à accueilhr favorablement la
demande de ce bon curé, qui croyait faire le bonheur de ses
paroissiens en leurdoiniant de la musique (et quelle musi-
que!) tout le long du jour, et même la nuit; mais comment
pouvait-on consentir à ce que le conservateur duMuséi; ven-
dit un tableau dont on ne prenait pas même la précaution
de lixer la valeur par une expertise?
L'administration du Musée allait de, mal en pis. A Bos-
schaert, qui avait des préjugés, mais qu'une éducation tech-
nifjue avait, du moins, pi'éparé à remplir ses fonctions,
avaient succédé un homme d'administration. Malaise, puis
un bibliophile, puis un personnage fort honorable .sans doute,
mais (ju'aucuiic connaissance spéciale ne |)arail avoir pu
— 4!2I —
rccominander au elioi.x de rautorité coriiiiumalc. On cii vient
à n'avoir i)lu.s ni eonservaleur, ni administrateur jiuur le
Musée, dont le plus haut fonelionnairesc trouve être le con-
cierge. Au mois de sei)tend)re 1822, le peintre restaurateur
Tliys écrit au collège échevinal (|ue par la maladie du baron
de Tliysebaert, suivie de sa mort, le Musée est resté sans
surveillance et réduit aux soins d'un concierge. « Voyant cet
établissement ainsi abandonné, il a ci'u pouvoir prendre sur
lui de le surveiller, bien que n'y étant pas autorisé, dans
l'intention de bien faire et pour cpie tout y restât en bon
ordre. » Non-seulement Tlivs s'est constitué le surveillant
du Musée, mais il s'occupe de radministration de ce dépôt.
Dans sa lettre au collège échevinal, il fait remarquer que les
fonds alloués pour le service de l'établissement sont restés
disponibles depuis le commencement de la maladie de M. de
Thysebaert. On pourrait les employer, dit-il, à l'entretien
des tableaux, à l'amélioration des locaux et à des acquisitions.
Il est de fait qu'on ne pouvait guère les employer à autre
chose. Le conservateur officieux ajoute qu'on se procurerait
facilement les moyens d'acquérir beaucoup de bons tableaux,
en faisant une vente des toiles de rebut qui se trouvent en
grand nombre dans les greniers du Musée.
Dans une seconde lettre, datée du 25 novembre 1822,
Thys ècril au collège échevinal : « Le concierge du Musée
m'a fait rapport que le désir des membres de la régence
était que la vente des tableaux de rebut soit faite incessam-
ment. » II en a parlé, di!-il, à MM. François et Coene, mem-
bres de la commission, qui lui laissent le soin d'organiser
cette vente. Il sera nécessaire qu'il fasse insérer une annonce
dans les gazettes et imprimer des alfiches. Des ouvriers lui
— 422 —
seront nécessaires pour Iransporter les tableaux jiesants et
« pour défaire les cloisons qui ont été faites des grands
tableaux du dépôt. » Il demande d'être autorisé à tout cela.
On éiirouve un profond étonnement à la lecture de cette
lettre. Elle donne une singulière idée de la façon dont la
chose publique était administrée en 1822. Il y avait une
commission au Musée, puisque Tliys dit avoir parlé à deux
de ses membres, et il se trouve (pi'après la mort du conser-
vateur, l'établissement reste saijs surveillance, à ce point
que le peintre-restaurateur se croit autoiisé à en prendre la
direction, Tliys apprend que les membres de la régence dési-
rent que la vente des tableaux de rebut ait lieu prochaine-
ment et c'est par le concierge qu'il en est informé. C'est lui
qui choisira les tableaux destinés à la vente, et sous le con-
trôle du concierge, sans doute, car nous ne voyons aucune
autorité intervenir dans l'administration du Musée. Que fai-
sait donc la commission, pourquoi l'avait-on nommée et
quelles étaient ses attributions?
Une autre particularité bien étrange nous (îst révélée par
le dernier paragra])he de la lettre du peintre Thys, celui où
il est parlé de « défaire les cloisons ipii ont été faites des
grands tableaux du dépôt. » On avait donc employé des
tableaux à faire des cloisons, de même qu'on en avait donné
j)Our couvrir les châssis du Jardin botanique. Nous n'incri-
minons ni les intentions ni les actes de nos devanciers; mais
il n'est pas possible de ne point consigner des faits aussi
bizarres dans une histoire du Musée. Il est bon de connaître
les idées et les usages de chaque époque. C'est en voyant
ce qui a été fait, qu'on apprend ce qu'il faut faire et aussi
ce qu'il faut éviter.
— 4-23 —
Thys a reçu, vj-aiseinblablcineiit, l'autorisation qu'il avait
deniandcc; il a pris tous ses arrangements, défait les
fameuses cloisons, et il informe le collège échevinal de l'état
des choses dans la ielti-e que voici : « Maintenant que la
vente des livres de la Bibliotiièque est remise pour un autre
temps, la vente des tableaux de rebut du Musée pourrait
être accélérée. Grand nombre de ces tableaux sont déjà
])lacéset numérotés. Il me paraît que l'annonce de cette vente
pourrait être faite, pour (lue les étrangers en soient infor-
més. » Quelle était cette vente de livres de la Bibliotiièque
dont parlait Tliys? Il en est également question dans le pas-
sage suivant d'une lettre adressée au bourgmestre, par un
certain M. Picard, secrétaire de la Société royale des Beaux-
Arts de Bruxelles : « M. Plaisant, avocat, demeurant rue de
Ruysbroeck, coin de celle de la Paille, consent volontiers à
faire partie de la commission chargée d'épurer la bibliothè-
que du Musée. Il se connaît en livres. » Cette lettre est anté-
rieure de six mois à celle de Thys. De quelle épuration
s'agissait-il? Il y avait donc une bibliothèque au Musée? Elle
devait être* composée d'ouvrages relatifs aux arts. Peut-être
est-il question de la Bibliothèque communale. Que n'a-t-on
pas vendu, si M. Plaisant et ses terribles collègues ont exécuté
leur menace d'épuration? Encore une fois nos pères avaient
d'étranges caprices.
On eut pourtant des scrupules sur ce qui pourrait advenir
d'une vente des tableaux dits de rebut, faite avec trop de pré-
cipitation et sans contrôle. Le collège échevinal ajourna sa
décision. L'aiïaire fut reprise l'année suivante et celte fois
avec plus de régularité. L'administration du Musée avait été
reconstituée. Le ''Ï7 juin 1825, le bourgmestre écrit à
— i!24 —
MM. Doviiick-d'Orp cl lleniiessy, cunsorvalcurs du ccl cta-
blisscineiit : « Vous voncz d'informor le collège qu'il se
trouve dans les bàliinciits de rAncieiine Cour à peu près
douze cents tableaux, l)as-reliefs , ])aslels, miniatures et
cslami)es (jui n'ont pas assez de mérite pour être placés dans
les salles du Musée, et vous lui proposez de mettre lesdits
objets en vente publique, afin d'en appliquer le produit en
acliats d'autres tableaux de bons maîtres. Vous demandez
en outre (pic cette vente ait lieu au local du Musée, dans la
galerie Lupus, et à pouvoir y comprendre aussi quelques
tableaux et ))astels provenant des familles Audenaerde et
autres. Cette vente a été décidée par résolution du conseil
de régence, du 25 août 1821. » Le bourgmestre ajoute que
la vente pourra se faire dans la galerie Lupus; seulement il
faudra qu'elle ait lieu publiquement. Les conservateurs
devront faire les démarclies nécessaires pour retrouver les
auteurs des dépôts anonymes et excepter provisoii-ement de
la vente les objets ])rovenant de la famille Audenaerde ou
d'autres familles connues.
De certaines mesures d'ordre étaient prises, du moins,
jiour cette vente dont il avait été tant de fois question et qui
avait failli se faire de la manière la |)lus ii'régulière, la plus
'■onlr.'iini aux principes d'une bonne adminislralion, ainsi
(pi'aux intérêts du Musée. Les objels qui devaient èli'C mis
en réserve comme provenant de différentes familles étaient,
sans doute, ceux (jui avaient jadis appartenu à des émigrés
ou (jui formaient les dépôts parliculicrs doiil nous avons vu
(pic plusieurs Ini-cnl réchmiès el l'csiilut's. Kn interdire la
vente était, de l;i p;irt du collège éclievinal, une preuve de
tact et (rè(piil(''. Il eût été d'un grand intérêt de pouvoir
— 42o —
roenoillii' quelques indices sur l'importance et la valeur des
lableaux, dessins, morceaux de sculpture, au nombre de
douze cents, dont les conservaleurs du Mus('e sollicitèrent et
obtinrent la mise en vente. La salislaclion d'éclaircir ce point
curieux ik^ nous a pas été donnée. Un moment, nous avons
cru y parvenir en partie, quand nous avons trouvé, dans les
arcbives du Musée, un gros caliier poj-lant cette inscription :
Catalogue des vieux tableaux à vendre. — 1823; mais ce
prétendu catalogue n'est qu'une liste informe, sans noms de
peintres, où les tableaux sont désignés sommairement, de la
façon la plus ridicule, par une personne qui, outre qu'elle
était étrangère à toute notion d'art, n'avait pas même l'intel-
ligence des sujets représentés. Nous avons pu constater seu-
lement, par le mot réservé mis en marge d'environ soixante
numéros, qu'il a été fait une sorte de révision , de contrôle
de l'opération, et que les tableaux dans lesquels un juge plus
ou moins compétent avait cru trouver un certain degré d'in-
térêt, furent exceptés de la vente. Le résultat même de l'ojié-
ration nous aurait fourni quelques lumières; en voyant le
prix auquel les tableaux furent vendus, nous aurions pu
nous former approximativement l'idée de leur mérite. Nos
recherches de ce côté ont été vaines, quoique secondées avec
la plus grande obligeance par M. A. Wauters, le savant
archiviste de la ville de Bruxelles. Il n'est fait mention, dans
les comptes de la commune, d'aucune somme encaissée à la
suite de la vente. Peut-être le produit total en fut-il laissé au
Musée, pour être converti en acquisitions de tableaux, bien
qu'une telle mesure ne s'accordât point avec les règles éta-
blies en matière d'administration financière. Les comptes
particuliers du Musée, déposés à l'iiôtel de ville, avaient dû
— 4.26 —
relater cette circonstance. Nous les avons parcourus, sans
rencontrer aucune pièce (jui s'y rapportât. Il est certain
pourtant que la vente de douze cents objets d'art, même
médiocres, a dû produire une somme assez Ibrte. L'impossi-
bilité de vérifier un fait aussi important dans l'histoire du
Musée, d'un fait (jui s'est passé à une époque si rai)i)rocliée
de nous, est vraiment inexplicable. C'est au point qu'on doute-
rait que la vente ail eu lieu, si un document que nous avons
rencontré dans les archives, et dont il sera bientôt fait mention,
n'attestait qu'elle s'effectua conformément à la décision ])i'ise.
Un grand danger menaça le Musée en 1827. Un incendie,
allumé par l'imprudence des plombiers occupés à la répara-
tion des toitures, dévora un certain nombre de tableaux dans
les greniers et se communiqua à la galerie inférieure, à l'en-
droit où se trouvaient précisément les chefs-d'œuvre de
Rubens. Au premier signal du danger, on les avait trans-
portés dans d'autres salles et pas un ne fut atteint. On par-
vint heureusement à se rendre maître du feu; mais on ne
profita |)oint, comme on aurait dû le faire, de la leçon don-
née par cet accident. Le local du Musée présente, ])ar la
nature de sa construction et par l'absence d'isolement, un
danger permanent d'incendie qui inquiète les amis des arts,
qui a fixé l'attention du gouvernement et aucpiel on s'occu-
pera })ro{'hainement de le soustraire, il y a lieu de l'espérer.
S'il faut s'étonner d'une chose, ce n'est pas que le feu ait pris
au Musée en 1827 ; c'est (juc la collection n'ait i)as été brûlée
vingt Ibis pour n\ui. On eut jadis l'imprudence d'accorder à
plusieurs personnes la jouissance d'un logement dans les
bâtiments d(ï l'Anciemie Cour. Il y a plus ; Tai-tilicier, entre-
preneur des fêles oflic'ielles, y avait son habitation et son
— 427 —
atelier an commencement de ce siècle. Nous sommes , en
vérité, plus sages que nos pères, quoiqu'on nous dise souvent
le contraire.
A (liri'érentes rc|)rises il s(^ présente des incidents dont la
correspondance entre la commission administrative du Musée
et l'autorité communale a;ardo la trace, et qui prouvent qu'à
aucune époque le Musée n'a renoncé à ses droits sur les
tableaux confiés aux églises et aux hospices. Le 15 décem-
bre 1827, la commission du Musée écrivit au conseil com-
munal pour lui rappeler dans quelles circonstances et à
quelles conditions avaient eu lieu les prêts de tableaux. Elle
est fondée à croire, dit-elle, que les mesures de conservation
n'ont pas été prises par tous les établissements religieux ou
civils dont les engagements à (îct égard étaient formels. Elle
demande, en conséquence, l'autorisation de se livrer à une
ins])('ction qui lui permettra de constater l'état de tous les
tableaux remis par le Musée à litre de dépôts. Cette autori-
sation lui est accordée. Du reste, les droits du Musée n'étaient
pas contestés , et si certaines fabriques d'église les avaient
violés frauduleusement par des ventes clandestines, d'autres
se soumettaient franchement aux clauses des contrats qu'elles
avaient signés. Trois ans avant la démarche faite par la com-
mission du Musée pour être autorisée à ouvrir l'enquête dont
nous venons de parler, le conseil de fabrique de la paroisse
de Saint-Nicolas écrivit àl'administration communale qu'ayant
(Mitrepris de faire exécuter, dans l'intérieur de l'église, des
changements (jui ne permettraient plus d'y placer des
tableaux dont le dépôt lui avait été confié par un arrêté en
date du 25 vendémiaire an xiii, il demandaitoù il pourrait les
aire transporter.
-- i'2S —
Quelques années après, le conseil communal renvoya à la
commission du Musée une réclamation du bourgmestre de
Oembloux, tendante à obtenir la restitution de quatorze
tableaux provenant de l'ancienne abbaye de Gembloux et ((ui
devaient se trouver dans les magasins de l'Ancienne Cour.
La commission répondit que ces tableaux existaient, en effet,
au Musée, mais qu'ils étaient sa propriété, en vertu de dis-
positions légales qui avaient conservé toute leur force et
toute leur autorité. Cependant les tal)leaux en question ayant
peu de valeur et la connnune de Gembloux paraissant dis-
posée à les racheter au Musée, la commission exprima le
désir d'être autorisée à entrer en négociation sur ce point, à
charge de convertir en acquisitions nouvelles la somme pro-
venant du marché qu'il s'agissait de conclure. A cette pièce
était joint le double d'un acte passé entre la commission du
Musée et la commune de Gembloux pour la vente à celte der-
nière, moyennant la somme de cent francs , de quatorze
tableaux représentant le Christ, la Vierge et les Apôtres,
par Dchaese. Cette proposition reçut l'assentiment du conseil
communal.
L'attention de la commission administrative du Musée
s'était portée du côté de l'amélioration des locaux qui étaient
insuflisants et qui le sont encore, car 1(^ mancpie de bàli-
menfs convenables pour l'inslallalion des collections publi-
ques est pour Bruxelles ui! mal jiermanent (\\\\ attend des
remèdes eflicaces. La galerie actuelle, éclairée par le haut,
fut établie, en 1828, sur l'emiilacement de ])lusieurs salles
qui recevaient leur jour de fcnélres latérales. C'était imc
amélioration; mais l'économie (pi'on fui obligé d'y mettre
empêcha de donnera la conslriiclion lonle la soli(li(('' dési-
JJiill <l,irl n- ,/ .lrr/i.'-/nf/i\-.ïoii,< II.
Imp Simonau 'à. Tjovev
FiOLE F.N l-CRME DF GRAPPE DE RAISIN
troiu/ée dans les fouilles faif:esâ Freshu
— /i.20 —
rahlo. Sa léiièrolù avait le double iiiconvéïiioni, do l'oxposor
aux chances d'incendie et de ne pas la prolég'cr contre les
infiltrations d'eau, si préjudiciables à la conservation des
(Guvrcs de peinture. Il est fortement question aujourd'hui
de doter le Musée d'un local digne de recevoir ses richesses
actuelles. C'est une mesure dont tous les amis dos arts sau-
ront infiniment de gré au gouvernement.
Les acquisitions du Musée n'avaient pas été nombreuses
dans les années qui précédèrent la révolution de 1850;
cependant le Musée s'était enrichi de quelques bons tableaux.
Il est inutile d'en donner ici la liste, attendu que le catalogue
fait connaître la date de l'entrée do la plupart des tableaux
dans la collection. Plusieurs changements avaient eu lieu
dans l'administration du Musée. On a vu plus haut qu'il y
avait été nommé doux conservateurs après la mort du baron
de Thysebaert, MM. De Vinck-d'Orp et Hennessy. Le pre-
mier fut remplacé, on 1827, par M. de Wellens, fils du
bourgmestre de Bruxelles. Outre les conservateurs, il y
avait un conseil composé de MM. Navez, Van Assche et
Odevaere. On avait voulu, sans doute, par cette combi-
naison, réunir l'élément administratif à l'élément artiste
dans la commission à laquelle était confié le soin de veiller
sur les intérêts du Musée.
En 1850, le gouvernement ])rovisoire nomma M. Eugène
Verboeckhoven directeur du Musée de Bruxelles. Ce décret
ne reçut pas son exécution. Le conseil communal contesta
la légalité de la mesure et soutint que le gouvernement n'avait
pas le droit d'imposer un directeur à un établissement
a])partenant à la ville. Cotte o])jection était trop fondée
))our n'être )ias accueillie. Le décret du gouvernoment
— 430 —
provisoire fut regardé comme non avenn, et le Musée
conliiiua d'être administré par la commission d'origine
communale.
Une résolution prise par la commission duMusée,en 1850,
prouve qu(3 la vente de 1825 cul lieu réellement, bien que
la trace des résultats qu'elle j)roduisit ait écl)a])pé à nos
reclierches. La commission décida qu'on vendrait encore un
résida de tableaux et que le sieur Tliys s'entendrait avec le
sieur Maestraeten pour en dresser le catalogue. Puisqu'il
s'agit de vendre encore un résidu de tableaux, c'est qu'une
première et grande opération de ce genre avait été réalisée
précédemment. D'ailleurs, nous avons vu qu'en 1825 on
avait dressé un inventaire de douze cents objets d'art, tandis
que cette fois la liste ne comprend que quarante-neuf
tableaux. C'est, comme on le dit, un résidu et il est réduit
à de minimes proportions par l'incendie de 1827. Voici
l'intitulé de la liste en question : « État descriptif d'une
(juantité de vieux tableaux déposés dans les greniers de
l'Ancienne Cour, qui ont fait partie ci-devant du Musée de
cette ville, qui n'ont point été jugés propres à être conservés
pour ledit service et dont la vente est, par suite, proposée. »
Les tableaux que l'on va vendre cette fois ont donc fait pré-
cédemment i)artie du Musée; ils proviennent d'une épura-
tion. Nous voudrions croire qu'ils ont été éliminés en con-
naissance de cause et (pi'aucun n'était digne, en effet, de
rester sous les yeux du public; mais nous avons vu Irop
souvent Ui ca))rice, l'esprit de système présider à ces préten-
dues épurations, pour être complètement rassuré sur les
effets de c(;lle-ci. La liste dressée en manière d'état descriptif
est, comme les précédentes, très-sobre de renseignements;
— /*51 —
sauf en deux cas que nous allons citer et qui condamnent
les épurations, elle ne permet de former que de vagues sup-
positions. Le n" 17 porte cette indication : « Paj'sage d'Adrien
Vande Velde. » C'est une erreur, sans doute; qui donc
aui'ait i)u songera vendre un paysage d'Adrien Van de Velde?
Non, ce n'est pas une erreur. Il s'agissait bien véritablement
d'une œuvre du maître hollandais. D'où venait ce paysage?
Nous n'avons pas rencontré la mention de son acquisition.
Peut-être avait-il été, comme tant d'autres bons tableaux,
retrouvé dans un coin du magasin. On le voit apparaître
pour la première fois dans le catalogue de 1819, relégué au
supplément et décrit ainsi : « Paysage esquissé; vue d'une
partie du bois de La Haye; le devant est orné de quelque
bétail, plus loin, passe le carrosse du prince statbouder.
L'horizon indique les dunes de la mer. » On vendait ce pré-
cieux échantillon d'un peintre dont on n'avait pas d'autre
production, parce qu'il n'était pas terminé! Peut-être cette
circonstance lui donnait-elle plus de prix encore. Qui sait si
ce n'était pas le dernier ouvrage de l'artiste. Et qui donc
ignore l'intérêt qui s'attache à l'esquisse d'un maître? La
preuve que le paysage d'Adrien Van de Velde n'était pas
aussi indigne que l'avaient pensé les épurateurs, c'est qu'il
fut acheté, si les informations que nous avons prises sont
exactes, par un amateur de Bruxelles, qui le possède encore,
pour la somme d'environ seize cents francs, dans un temps
où les tableaux ne montaient point à des prix élevés, et dans
une vente où l'on avait annoncé d'avance qu'il ne se trouverait
que des œuvres de rebut.
Sous le n" 46 de la même liste se trouvaient indiquées :
« Neuf dilTérenles esquisses représentant la Passion du San-
— /(52 —
veur, « 5;ans nom do poinlrc. Gos esquissos sont vraisonibla-
IjIfMiicnt colles qui figuroiit à l'invonUiiro i^ônoral sous cotto
(lésignaliou : « Sallaert, nouf pclils Uibleaux roulés et sans
châssis, sujets de la Passion du Seigneur. — Esquisses faites
l)ar Sallaert, exécutées par les élèves de Rubons sous sa
direction. » Voilà encore ce (luo les épuralcurs, qui, décidé-
ment, n'aimaieni pas les esquisses, ne (rouvaienl pas propre
à être conservé dans le i\Iusé(\ On avait la manie dos ventes.
Nous tenons d'un témoin oculaire que le Calvaire d'Ollo
Venins fut, un jour, descendu dans la cour du Musée, ainsi
que les admirables retables en bois, provenant de Louvain,
et aujourd'hui dans la collection des antiquités de la porte-
do Hal, pour être envoyés à la vente, et que ce fut le peintre
Paelinck, membre de la commission, qui, survenant par
hasard, empêcha qu'on no s'en défit à vil prix. Ces faits sont
tristes à rappeler; mais ils font partie do l'histoire du Musée
que nous avons entrepris d'écrire; il ne dépend pas de nous
de les passer sous silence. Ce n'est pas moins mentir, (\o
caclior la vérité que de l'altérer.
A une faute, nous pouvons henrousomoni opposer une
excellente mesure comme compensation. L'année où l'on
vendait un Van do Voldo MHôO), on acholait le Gérard Don,
un des joyaux du Musée. Nous n'avons pas cité chacune
des acquisitions on particulier, dans le courant de celte
notice; mais celle-ci mérite une mention spéciale. Elle
marque, pour ainsi dire, une ère nouvelle dans l'histoire des
accroissements du Musée. Jusqu'alors on s'était conlonlé
d'acheter des œuvres d'un prix médiocre. Pour enrichir la
cjaleric du tableau de Gérard Dou, on osa aller jusqu'à six
mille fr'.'inr'S Tl '^o vendrai! aujourd'hui farilomoul quatre fois
'JOO —
aiiUuil; mais à celle cjioque et rclalivciueiiL surluul aux Ira-
dilioiis du Musée, six mille francs élaiciil une grosse somme.
A dater de ce momenl, il faut le dire, la commission du
Musée entrait dans la bonne voie. Les beaux tableaux coûtent
cher; mais il faut bien se décider à les payer leur prix, (juand
on veut en avoir; or un Musée ne doit pas viser à en |)0S-
sédcr d'autres. La (piantité n'est rien pour lui ; c'est à la
qualité seule qu'il doit prétendre.
Le Musée a failli devenir possesseur d'une collection
d'estampes, en 1855. Voici dans quelle circonstance : Le
ministre de l'intérieur (M. Rogier) écrit au conseil com-
munal qu'une occasion s'offre au gouvernement d'acquérir,
à des conditions favorables, un cabinet d'eslampes qui pour-
rait être utilement adjoint à l'un des établissements publics
de Bruxelles. Il serait disposé à faire jouir la ville de cet
avantage, si elle pouvait mettre à la disposition du gouver-
nement : l" une salle pour le placement de la collection;
2^ un logement pour le conservateur. L'État prendrait tous
les frais à sa charge.
L'administration communale répond qu'elle ne peut pas
accueillir la proposition du ministre, à cause de la résolution
qu'elle a prise de ne plus accorder de logement au Musée et
que, d'ailleurs, il lui est impossible de disposer d'aucune
salle pour le dépôt des estampes. La résolution de ne plus
accorder de logements au ^lusée était fort sage ; la prudence
commandait de no pas s'en départir, à cause des dangers
d'incendie que présentait cet ancien abus; mais la ville aurait
dû ne i)as repousser si nettement l'offre du ministre et
s'informer si la condition du logement ne pouvait pas être
écartée. Il était diÛicile de croire, d'ailleurs, qu'elle n'eût
— 454 —
])as ihi salle à îiCfectcr au dépôt des estampes qu'on lui ])ro-
posait. Si la commission du Musée avait été consultée, elle
aurait dit assurément que l'adjonction d'une pareille collec-
tion à la i^alcrie de tableaux offrait de c;rands avantaojes. La
Bibliotlièque royale n'existait pas alors; il n'y avait pas de
cabinet d'estampes à Bruxelles et les artistes regrettaient
qu'un moyen d'étude aussi essentiel leur manquât. Trois ans
après (183G), un comte de Straszewicz offrit à la ville de lui
céder une collection d'estampes, dont il était propriétaire,
pour l'annexer au Musée. Cette collection, dont il deman-
dait (piinze mille francs, devait être fort belle, si elle répon-
dait à la longue énumération qu'il en faisait. Elle contenait
de nombreuses séries d'œuvres des anciens maîtres, parti-
culièrement de l'école allemande. A l'offre du comte de
Straszewicz était jointe une pétition signée de MM. Wappers,
De Keyser, Leys, Madou et Lauters qui engageaient la ville
à faire cette acquisition, en disant que, faute d'avoir à leur
disposition un cabinet d'estampes en Belgiipie, les artistes
étaient obligés d'aller faire à Paris les recherches nécessaires
à leurs travaux. L'administration communale nonnna une
commission pour examiner s'il y aurait lieu de faire l'acqui-
sition proposée par le comte de Straszewicz, puis elle finit
par donner une réponse négative pour cause d'absence de
fonds. Nous ignorons s'il y a connexité entre la proposition
du gouvernement et celle du comte de Straszewicz, et s'il
s'agit dans toutes deux de la même collection d'estampes.
Nous dirions que le refus de la ville fut regrettable, si depuis
lors on n'avait j)as vu s'ouvrir à la Bibliothèque royale un
cabinet d'eslanqjes, dont l'importance grandit chaque jour
et qui ouvre aux artistes d'abondantes sources d'études.
— 455 —
Une seconde proposition du gouvernement au conseil
communal eut une meilleure issue que celle ayant pour objet
la création d'un cabinet d'estampes. Le M août 1854, le
ministre de l'intérieur écrivit au collège échevinal pour lui
demander s'il lui serait agréable que les tableaux modernes
dont il avait fait l'acquisition, soit aux expositions, soit
directement aux artistes, fussent déposés au Musée de
Bruxelles. Non-seulement le collège répondit allirmative-
inent à cette ouverture, mais il adressa des remerciments au
ministre pour l'initiative, qu'il avait prise, d'une mesure à
laquelle le Musée serait redevable de nouvelles richesses.
Le 6 octobre, le ministre Ht connaître à la ville qu'il avait
donné des ordres pour que les tableaux désignés dans sa
dépêche précédente fussent transportés au Musée, en môme
temps que les modèles des frontons du palais de Laeken et
de celui de la Nation, par Godecharles.
Le Musée se trouvait donc en possession d'un commen-
cement de collection de tableaux modernes, pour faire suite
à la galerie des œuvres d'anciens maîtres. A vrai dire, il avait
reçu déjà, sous l'ancien gouvernement, les premiers éléments
do cette collection; mais ce n'avait été que par occasion, et
sans idée d'un développement futur. Le 2 octobre 1817,
le commissaire général de l'instruction , des arts et des
sciences informa le bourgmestre de Bruxelles qu'il avait plu
au Roi que les tableaux achetés par son ordre, à l'exposi-
tion de Gand, fussent placés au Musée de Bruxelles, (pii les
recevrait par l'entremise de M. VanHultheni. Ces tableaux,
au nombre de douze, la plupart de peintres aujourd'hui
inconims, furent, en effet, envoyés au Musée, après la clô-
ture de l'exposition de Gand. La commission fît, de son cùlè,
— iô(; —
(juehjiii'S acquisiliuiis de lal)lcaax de j)eiiitivî5 sisaiil^. el elle
cul lorl, car sa mission était de travailler exclusivement,
à la formation d'une galei-ie de productions des anciens
niaitres. C'est au gouvernement ({u'il a|)|)artenait de créer
un nuisée moderne. Cette vérité avait été comj)rise par
l'administration sui)érieui'e, lorsqu'elle avait pris la résolu-
tion de déposer au Musée de Bruxelles les tableaux qu'elle
avait acquis aux expositions ou commandés directement
aux artistes. Le 7 janvier 1855 parut un arrêté royal décré-
tant l'établissement d'un Musée national , exclusivement
consacré aux productions les plus remarquables des artistes
belges. Par une disposition transitoire de cet arrêté, le
ministre de l'intérieur était autorisé à faire déposer dans la
galerie de tableaux du jMuséc de Bruxelles les ouvrages déjà
acquis pour le comjUe de l'État et ceux cpii pourraient l'être
à l'avenir, en attendant qu'ils fussent en nombre suftisant
l)our former une collection séparée. C'était encore le manque
de locaux qui obligeait le gouvernement à chercber dans
un établissement communal un asile pour la galerie natio-
nale qu'il voulait créer. Il y av-ait peut-être aussi cette consi-
dération (pie le nombre des tableaux appartenant à l'Etat
étant encore peu considérable, ils auraient formé une l)ien
maigre collection, si on les avait rassemblés dans un local à
part. D'un autre côté, leur adjonction au Musée des tableaux
anciens avait quelque cliose d'irrationnel el cette fusion a été
critiquée, non sans motif, ])ar la jjUqiart des écrivains qui se
sont occupés du Musée de Bruxelles.
Nous n'avons pas indiqué, au fur el à mesure qu'ils se
présentaient, h's cbangemenls survenus dans l'administra-
tion du Musée, soit par la retraite, soit par le décès des
— 437 —
incml)i'es de la couiinission directrice. II suiïira de rappeler
les noms des personnes qui furent appelées à en faire partie
dans la dernière période de l'histoire du Musée considéré
comme établissement communal. En 1850, la commission
se composait de MM. le baron Gliarlé, Ilennessy, Jules de
Wellcns, Odevaere, Navez et Van Assclie. On y vit entrer
successivement MM. Paelinck, Doucet, de Beauffort, Philippe
Van Brée et Hellemans.
L'état embarrassé des iinances de la ville de Bruxelles ne
permettait pas à la commission du Musée de faire de nom-
breuses acquisitions ; mais elle persévérait dans l'excellente
voie où nous avons dit qu'elle était entrée en enrichissant la
collection du précieux tableau de Gérard Dou. Négligeant
les objets d'un mérite secondaire, elle employait toutes ses
ressources à l'achat d'œuvres capitales, de ces morceaux de
choix qui seuls peuvent faire la réputation d'un Musée et qui
seuls doivent y trouver accès. Le portrait de Bembrandt,
acquis en 1859 de M""" veuve Dansaert-Engels, remplissait
certes ces conditions. Le conseil communal était animé
d'excellentes intentions , mais il se décidait difficilement à
faire les sacrifices nécessaires pour les réaliser. Au mois
d'août 1859, le collège échevinal adressait à la commission
du Musée un exemplaire du catalogue de la riche collec-
tion de M. Schamp d'Averschoot, de Gand, dont la vente
devait avoir lieu le 14 septembre suivant, en le })riant
de l'examiner et de lui faire des propositions d'achat
s'il y avait lieu. On comprend avec quelle satisfaction fut
accueillie celte communication. La commission fit quelques
choix dans le beau cabinet dont la dispersion était pro-
chaine, et soumit au collège échevinal les propositions que
28
— 458 —
celui-ci l'avail cugagcc à lui l'aire. Il lui lui ic]i()ii(lu (juc la
ville n'avait pas de fonds disponibles, i)ai' suite de l'adjuisi-
liou du porirait de Rembrandt, (pii avait chargé le budget
du Musée jiour plusieurs exercices.
Les intérêts du Musée allaient être remis en d'autres
mains; il allait recevoir une nouvelle organisation et mar-
cher plus rajiidement désormais vers le développement qui
est le but en même temps que la condition d'existence des
collections publiques. L'événement auquel nous faisons allu-
sion ici est la convention du 5 novembre 1841 , conclue par
le gouvernement avec la ville de Bruxelles, pour l'acquisi-
tion d'immeubles et de collections scientifupies appartenant
à celle-ci. La commune avait fait faire une évaluation de ces
collections, et le Musée de peinture fournissait le chiffre le
plus élevé au bilan des propriétés dont elle se proposait de
faire la cession à l'État. Il était porté pour six millions
de francs dans un compte montant à la somme globale de
douze millions sept cent mille francs. Le gouvernement
nomma des commissions d'expertise ))Our procéder à la
contre-évaluation des propriétés en question. Les exjjerts
pour le Musée des tableaux furent MM. Iléris et Van Nieu-
wcnhuyscn. Le résultat de leurs opérations fut de réduire
de six millions à douze cent cinquante mille francs l'estima-
tion des tableaux du Musée. Les autres collections avaient
subi également un(3 dépréciation considéiahle de la part des
commissions gouvernementales. La commune ne pouvait pas
consentir à ce que ces derniers calculs fussent pris pour ba^e
de la convention à intervenir. Il fut conveiui que tous les
o})jets à céder |iar la ville sei-aient évalués de nouveau par
des commissions mixtes. En ce qui concernait le Musée, les
— 45V) —
coiiiiiiissuircs rurciil : pour le i^'<)uverii(3inoiil, M. Goorgc,
expert des Musées royiiux de France, et ])our la ville,
M. Navcz, directeur de l'Académie des beaux-arls de
Bruxelles. Ces messieurs s'adjoignirent, de conniiun accord,
en qualité de tiers cx])crt, M. Pérignon, peintre d'histoire
à Paris, ancien expert des Musées de France, Les commis-
saires exposèrent dans leur rajiport que l'objet le plus inq)or-
tant de la collection étant l'ensemble des sept tableaux d(!
Rubens, il leur avait paru convenable de commencer leur
travail par l'estimation de ces tableaux. Pour en établir la
valeur, ils avaient choisi comme termes de comparaison les
prix de certaines œuvres du maître adjugées en vente
publique : par exemple, le Chapeau de Paille, vendu à
Anvers, 80,000 francs, et la Sainte Famille, du cabinet
Lapcyrière, portée à 60, 000 francs. Jugeant ])ar compa-
raison, ils estimèrent le Calvaire, 225,000 francs; le Mar-
ii/re de saint Liéven , 200,000 francs; Y Adoration des
Mages, 160,000 francs; le Christ s' apprêtant à foudroyer le
monde, 150,000 francs. Quant aux trois autres tableaux de
Rubens, les commissaires h'rent connaître que, les considé-
rant comme inférieurs aux précédents, soit ])ar l'époque de
la carrière du maître à laquelle ils se rapportaient, soit à
cause des altérations qui s'y faisaient remarquer, ils en
avaient fixé la valeur de la manière suivante : le Conronne-
ment de la Vierge, 80,000 francs ; Y Assomption, 80,000 fr.;
le Christ au tombeau, 00,000 francs. La somme totale des
évaluations des commissaires fut d'un million six cent mille
francs pour les tableaux anciens et de quarante- quatre
mille francs pour les tableaux modernes. C'était beaucoup
moins que l'estimation des experts de la commune; mais
— 440 —
celait plus que celle des experts du guuveriienienl. Les
commissaires firent connaître qu'ils avaient fixé la valeur
vénale de chaque tableau ])ris séparément; « mais, ajou-
tèrent-ils, il existe une considération importante à faire
valoir, celle de l'ensemble (pie présente le Musée par la réu-
nion de plusieurs chefs-d'œuvre introuvables et de tableaux
dont l'intérêt s'accroît en raison de la connaissance qu'on a
de leur origine. » Les commissaires avaient, il faut le dire,
apporté une extrême réserve dans leurs estimations. Même
aux prix ordinaires des ventes à cette époque, la plupart des
tableaux auraient atteint, dans une adjudication publique,
un chiffre supérieur à celui qu'ils avaient indiqué comme
représentant la valeur vénale. Aujourd'hui un grand nombre
irait au double de leur évaluation.
Quoiqu'il en soit, la convention du 5 novembre 1841 fut
ratifiée par les Chambres, après des incidents qui en ajour-
nèi-ent l'adoption jusqu'au 51 décembre 1842, et le gouvei-
nement devint propriétaire du Musée. L'ancienne adminis-
tration fut i)rovisoirement maintenue. Le 51 mars 1840,
parut un arrêté royal donnant au Musée de peinture et de
sculpture de Belgique son organisation définitive.
A dater de ce moment, radminislralion du Musée devient
plus régulière et plus active. Les accroissements de ce dépôt
sont plus importants et plus rapides. Le gouvernement com-
})rend (ju'il se doit à lui-même et au pays d'élever la galerie
nationale au rang qui lui appartient dans la patrie de tant
d'artistes fameux. On manque d'abord d'initiative, n'ayant
pas l'habitude de faire pour les arts ce qu'on appelle des
sacrifices. On met en avant les principes d'économie, sans
songer (jue pour un gouvernemeiil l'écononue consiste moins
— Ui —
à ne pas dépenser qu'à bien dépenser; mais peu à peu les
idées se reclifienl, s'élèvent, et l'inslant arrive où le mouve-
ment d'impulsion se fait vivement sentir. L'important était
que le Musée cessât d'être un simple dépôt communal pour
devenir un établissement de l'État. Si l'on fit encore trop
peu d'acquisitions dans le principe, si on laissa échapper des
occasions qu'il fallait saisir, les choses prirent une tout autre
tournure que sous l'administration de la ville. On n'hésite
plus à mettre à l'achat de tel tableau une somme dont on
n'aurait pas même osé jadis énoncer le chiffre. Non-seule-
ment le gouvernement a des ressources qui manquaient à la
commune; mais encore, et c'est là le point capital, il peut
avoir des vues plus larges, parce qu'au lieu de représenter
une seule ville, la première du pays, il est vrai, il représente
le pays entier ; il ne s'agit plus du Musée de Bruxelles, mais
du Musée de Belgique. Insensiblement cette idée gagne du
terrain, le gouvernement trouve plus d'appui pour la réali-
sation du plan qu'il a dû former, et les accroissements de la
galerie nationale suivent une progression constante. Nous
donnerons, pour terminer, la liste des acquisitions faites
depuis que l'administration du Musée est passée dans les
mains de l'État, jusqu'à l'impression de ce catalogue, en
indiquant, pour chaque année, le nombre des tableaux et la
somme qu'ils ont coûtée :
Année.
Tubioaux
;t('i|
|iiis.
Somme dt'pcnsée.
•1844
y
11,474 fr..
1845
5
1,500
184G
7
7,317
1847
2
3,000
1818
^
19,500
Report !23 4-2,791
112 —
Vnni''e.
ïabl
eaux aequis.
Somme dépensée,
A reporter
25
42,791
1849
2
5,700
1850
3
51,810
1851
2
15,219
1832
1
500
1853
7
42,710
18î)4
2
3,515
18oS
2
6,000
1856
10
19,506
1857
■ )
14,357
1858
'i
1-2,198
18o9
4
6,000
18G0
1
17,850
18G1
13
88,550
1862
29
80,285
106 409,791 fr.
Nous n'avons pas compris dans ce rolevé Adam et Kve
(lo Van Eyck, parce que l'acquisition de ces deux pro-
ductions capitales de la première école flamande , qui
siiOiraient à faire la réputation d'un Musée, a été l'objet
d'une négociation particulière entre l'administration cen-
trale et le conseil de fabrique de l'église de Saint-Bavon,
à Gand.
Nous voici arrivé au Icrme de l'iiistoire du Musée. Quand
nous en avons écrit les premières pages, nous n'avions pas
pensé qu'elle aurait cette étendue ; mais l'abondance des
documonls inédits (pie nous avions entre les mains nous
a entraîné, j)Our ainsi dire, malgré nous. l)';iill(Mirs, Fliisloire
du Mu.sée de Bruxelles a élé, à la fin du siècle dernier cl au
commencement de celui-ci, l'histoire des arts en Belgi([ue,
puisque c'est sur ce dépôt central qu'ont été dirigés la ])lu-
parl des l;iblenu\' enlev(''S |).ir l(^s C(in)missair(\s républicains
— i4ô —
nnx ('glisos e( niix ciirpornlioiis snppriin<'os. Il nous a sonihlé
((110 los dôlails que nous clions à même ih donner .sur eeUo
l'poquc crilique, et qui sont pul)liés ici pour la première
fois, seraient lus avec quel(|ue intérêt.
Edouard Fétis,
NOTICE
LA DÉCORATION DE LA GlUNDE SALLE
L'HOTEL DE VILLE D'ANVERS.
Depuis que FÉtat cl la ville m'ont confié la décoration
(le la grande salle de l'iiôtel de ville d'Anvers, j'ai étudié
le genre et le caractère des oj-nements qu'il convient
d'employer pour une maison communale.
L'Iiôlcl (l(i ville est 1(> palais de la connnune; c'est le siège
des députés des habitants. Connue tel, il doit avoir un cachet
])arli('nlier ; chaque tahleau, chaque ornement, chaque
emblème doit être en rapj)ort avec l'histoire de nos institu-
tions civiles; à mon avis, ce monument doit être, pour ainsi
— /I-/J.5 —
dire, un livro ouvert dans Icqiiol cliaqiic ciloycn puisse
apprendre à connaître ses droits et s'inspirer des nobles
exemples de nos ancêtres.
Aux siècles passés, lorsqu'il s'est agi d'orner ou de pein-
dre l'intérieur des hôtels de ville, les artistes ont choisi
dans l'histoire sacrée ou profane des sujets en rai)pûrt avec
les fonctions des magistrats. C'est ainsi que le célèbre peintre
Rogier Van der Weyden orna, à l'hôtel de ville de Bruxelles,
la salle où les bourgmestres, les échevins et les conseillers
se réunissaient pour rendre la justice et administrer les
affaires de la commune, de peintures dont les sujets étaient
expliqués au bas des tableaux et qui représentaient des
scènes empruntées à la vie de l'empereur Trajan, à celle du
pape Grégoire I^et à la légende d'Herkenbald; c'est encore
ainsi qu'un peintre non moins illustre, Thierry Stuerbout,
orna une des salles de l'hôtel de ville de Louvain de pein-
tures représentant des scènes de la légende de l'empereur
Othon III. Tous ces tableaux avaient trait à la justice
qu'autrefois les échevins étaient appelés à rendre.
De pareils exemples donnés par des maîtres que l'on
considère à bon droit comme les chefs de l'école flamande
suflisent pour tracer la route du peintre moderne. Mais
Van der Weyden et Stuerbout n'ont eu à traiter que quelques
sujets isolés. Le gouvernement et l'administration commu-
nale d'Anvers, en me confiant le décor de la salle principale
de notre hôtel de ville, m'ont mis à même de donner à
mon travail un caractère d'ensemble. Je me propose
donc d'y représenter une série de faits qui résumeront,
je l'espère , le code des droits et des privilèges de notre
commune.
— 4/.G —
Un mot préliminairo. Tout on fliorchnnt pour los
siijols des faits consignés dans les annales des siècles
l)assés, j'ai choisi des exemples qui ne s'appliquent pas
seulement à noire époque, mais qui ]iouiTont èîre suivis
à l'avenir.
L'Iiùlel do ville d'Anvers a été construit de IliGO à Difii;
il appartient à l'époque de la Renaissance; j'ai été assez heu-
reux de trouver tous mes sujets dans noive propre histoire
locale pendant le court espace de cinquante ans, de 1")14
à 1.j62, c'est-à-dire pendant les années qui virent introduire
dans nos provinces le style de la Renaissance, et qui furent
aussi l'époque de la grandeur politique, artistique et com-
merciale de notre ville (i).
PREMIER SUJET.
Le souverain, avant d'entrer dans la ville d'Anvers, fait,
entre les mains du premier bourgmestre, le serment d'ob-
server les lois en vigueur et de respecter les privilèges de
ses futurs sujets. Exemple : La joyeuse entrée de l'archi-
duc Charles, plus lard (Mupereur sous le nom de Charles-
Quint [1514] (2).
L'inauguration de nos souverains, coiiihk» dans l'histoire
sous le nom da joyeuse entrée, donnait à nos ancêtres l'occa-
(i) Pour la lédaction do cette notice, je iiio suis servi des notes que m'a com-
iniini(|iiées M. 1>. Génard, arcliiviste delà ville d'Anvers.
(i) Itood/hdvn'lcn pririlef/ie-boel,- et Traclaet van de. Ofj'icicri'n , en/., van
Aiitmeipcn, ilaor dcu sfrrctaris If. de Moi/. K\i'ni|i|;iiiv iniisi'i'vi- ii l:i lîililiolln'-
i|Ui' d'AiivciN, \). -2.
— 447 —
sion do fairo con.stalor ofliciollcmoiit par leurs princes leurs
droits, leurs privilèges et leurs libertés.
La ville d'Anvers et son territoire formaient anciennement
une seigneurie à part, appartenant aux ducs de Brahant,
mais cependant indépendante du duché, de telle sorte qu'elle
}Kissa au xiv" siècle, pendant plusieurs années, entre les
mains des comtes de Flandre.
Avant d'entrer dans le marquisat du saint-empire, dont
la ville d'Anvers était le chef-lieu, le souverain était tenu
dejurer d'observer les lois en vigueur dans sa seigneurie et
de respecter les privilèges de ses futurs sujets.
Le 12 février 1514-, l'archiduc Charles d'Autriche, plus
lard empereur sous le nom de Charles V, fit sajotjeuse entrée
à Anvers. Cette cérémonie eut lieu à une heure de relevée.
Le prince, accompagné de ses deux sœurs, les princesses
Eléonore et Marie, plus tard reines de France et de Hongrie,
arrivait de Bruxelles par Matines.
Le magistrat d'Anvers avait fait placer au cîiamp de
Bcrchem, près de la chapelle de Ter-Siecken, un nombre
considérable de soldats, qui y restèrent rangés en bataille
jusqu'à la fin de la cérémonie d'inauguration.
L'ècoutète d'Anvers, à cheval, alla au-devant de son
maître, jusqu'à la barrière du marquisat du saint-empire.
Lorsque le prince y fut arrivé, le magistrat d'Anvers se
présenta devant lui, accompagné du clergé, et le premier
bourgmestre, messire Jean Van de Werve, lui offrit les clefs
de la ville.
Cette cérémonie terminée, l'archiduc descendit de cheval
et entra dans une chapelle construite pour la circonstance,
dcvniil le couvent de Tcr-Siprkcn. Lecture v fui donnée au
— 448 —
peuple du serment que le prince allait prêter, après quoi ce
dernier prêta serment sur les saints évangiles devant le
premier bourgmestre.
Je me propose de traiter ce dernier sujet; il me semble
que je ne pourrai trouver un exemple ))lus frappant des
droits de nos ancêtres qu'en représentant le puissant archi-
duc-roi, qui plus tard ceignit la couronne impériale, au
moment même où il jure de respecter les privilèges du
peuple anversois.
DEUXIÈME SUJET.
Ae droit de hoiircjeoisie. Exemple : Admission à la bour-
geoisie d'Anvers de Battista Palavicini, de Gênes, en pré-
sence des bourgmestres et des écbevins [1541] (i).
Peu de villes possédaient au moyen âge autant de privi-
lèges que la cité d'Anvers. Ses habitants avaient des droits
(pic leur enviaient les citoyens de mainte république; aussi
voyait-on les représentants des plus grandes maisons de
l'étranger tenir à lionneur de devenir bourgeois d'Anvers.
Les cérémonies de la réc(!ption d'un bourgeois étaient
simples et graves.
Le récipiendaire était conduit au Vierschaer du bourg
d'Anvers; là, en plein air, devant l'écoutête, représentant
(0 Ui'chten ende costumen van Antwerpen, édition de Piaiitiii, p. 142, et
A. V\N Vaixkknissk, Généaloi/ies des familles patriciennes d'Anvers, nianuscrit
conservé à la Bibliothèque iiul)li(}ii(' d'Anvers, j). 525. V. également les Vier-
sciiaerhoeken.
— 449 —
le marquis souverain, et eu présenec; des éclicvius, assistés
d'un de leurs secrétaires, il prétait sernicul de fidélité au duc
de Brabant, en sa qualité de marquis du saint-empire, et
jurait de veiller à la sécurité du bourg-, conjointement avec
le burgrave et les bourgeois.
Le serment prêté, la courte-verge sonnait publiquement
du cor, en témoignage , disent, nos coutumes, que telle
personne était admise à la bourgeoisie d'Anvers.
Ainsi que je l'ai dit, les représentants des plus importantes
maisons de l'étranger tenaient à honneur d'être admis au
droit de bourgeoisie d'Anvers.
J'ai choisi pour mon sujet le moment où Battista Palavi-
cini, fils de Paolo, noble négociant de la république de
Gênes, fut admis en 154-1, à la bourgeoisie par Guillaume
Van de Werve, marquis du pays de Ryen et écoutèle
d'Anvers, en présence des bourgmestres Corneille Van
Spanghen et Jean Grombach, chevaliers, et des échevins
Lancelot Van Urscl, François Van der Dilft, chevaliers,
Arnould Schoyte, Gabriel Triapin, maître Nicolas de Scher-
mere , Pierre Van Halmale , Corneille Van Berchem ,
Jean Draeck , Corneille Happacrt, Costin Van Halmale,
maître Pierre Vledinckx , Jean Van der Heyden , Henri
de Berchem, Corneille de Vos et Jean Rockox, assistés
du célèbre secrétaire de la ville , Cornélius Scribonius
Grapheus.
J'ai choisi ce sujet, non-seulement parce qu'il consacre un
fait important de nos annales, mais encore parce qu'il met
en scène quelques-uns des personnages les plus distingués
du XVI'' siècle, et aussi parce qu'il se rattache à l'époque
la plus florissante du commerce d'Anvers.
— m)
TROISIÈME SUJET.
Le ùoiu'jpiie.strc cl les écheeins uni le droil de conro(jner Id
(jarde bourgeoise. Exemple : La dclensL' de la ville coiilrc
Marliii Van Rosseiii [1342] (i).
Los serments (gildes armées) étaient aux siècles passés
ce que la garde civique est de nos jours; ils devaient veiller
au maintien de l'ordre ; en temps de guerre, ils contribuaient
à la défense du i^ays.
Comme la garde civique, la garde bourgeoise se divisait
en autant de corps (pi'il y avait d'armes diverses : on comp-
tait le vieux et le jeune serment de l'arbalète (Saint-Georges),
le vieux et le jeune serment de l'arc (Saint-Sébastien), celui
des escrimeurs (Saint-Miclicl) , enlin celui des arquebusiers
(Saint-Antoine).
« De tout temps, dit le secrétaire de Moy, le premier
bourgmestre (Jjuitcn-burfjemeesler) a été le chef des gildes
et des gardes bourgeoises; il reçoit le serment de fidélité des
doyens, des centeniers et des décemvirs; lui et les cclicvins
ordonnent la défense de la ville contre les ennemis du
deliors. »
Les privilèges du bourgmestre d'Anvers furent confirmés
d'une manière éclalan[e,Iors(pie, en lo42,laville fut assiégée
par Martin Van Ilosscm. Dans ce moment su})réme, le
bourgmestre convoqua les gildes à la grande place et leur
(i) De Mov, Op. cil. p. 115.
— 4ol --
ordonna de ddcndrc ki cilc coiilrc les projets du cajulaiiie
giieldrois. L'éclicviii Van Spanglien, dil lo sccrélaii'c de Moy,
cl non pas récoulèle, fut autorisé par rompereuj- Charles V
à prendre le commandement de la garde bourgeoise; sa
sage conduite sauva la ville des horreurs d'un assaut.
Je me propose de reproduire ce beau lait de notre
histoire locale; j'ai choisi le moment où le bourgmestre
Lancelot Van Ursel harangue les gildes assemblées sur la
Grand'Place et remet le commandement des gardes au
chevalier Van Spanghen.
QUATRIÈME SUJET.
Ix bourgmestre est le chef de la police. Exemple : La
duchesse de Parme remet, en temps de troubles, au
magistrat les clefs de la ville (i).
Un des privilèges auxquels nos ancêtres tenaient le plus,
et qu'ils eurent à défendre plus d'une fois contre les préten-
tions des officiers du duc, c'était celui de se voir gouver-
ner par leurs bourgmestres et leurs échevins. Suivant eux,
le premier bourgmestre ou ses délégués étaient les chefs de
la police de leur ville.
Un fait important vint, suivant \i témoignage du sccré-
laire de Moy, consacrer les droits de nos concitoyens. Après
les premiers troubles causés par la Réforme, dit le judicieux
(0 De Moy, Op. cit., p. )jO.
— 452 —
écrivain, la duchesse de Parme viiil à Anvers; les clefs de la
ville lui ayant été présentées par le magistrat. Sa Seigneurie
les lui rendit , après quoi elles lurent conservées à l'hôtel
de ville, par l'échevin M'' de Pape, sans que l'écoutète eût
à intervenir. « 11 en résulte clairement, ajoute notre secré-
taire, que l'officier supérieur pour les affaires criminelles
n'est pas le chef de la police ; bien plus, il n'y a aucun
droit et n'a rien à faire concernant la police (pie lorscpi'il
s'agit de publier des ordonnances. »
CINQUIÈME SUJET.
Les hoimjmcslres et les échevins protéfjent les arls el les
lettres. Exemple : Le Landjuweel de 1501 (i).
Au xvi" siècle, l'école d'Anvers avait pris un dévelop-
pement considérable. Depuis Quentin Metsys, notre ville
avait remplacé Bruges comme siège principal de l'art
flamand.
A côté de la gilde des j)eintres ou de Saint-Luc, s'étaient
élevées les chandjres de i'iiélori(jue la Violette, le Souci et
la Branche d'Olivier.
En lo()l, le bourgmestre Antoine Van Straelen et l'éche-
vin Melchior Schets remplissaient les fonctions de chef-
homme et de |)rince de la Violette. Ces protecteurs éclairés
des arts et des lettres résolurent de convoquer à Anvers,
(i) Speleu van sinue, 150:2.
— 4:)5 --
poui- une lùU) appelée Lamljaiccel, tous les lilléraleui's et
lous les artistes des Pays-Bas,
Leur projet eut un plein suecès. Qualorze elianibrcs
do rliétori(|uc répondirent à l'appel , et pendant plusieurs
semaines les lelcs se succédèrent sans interruption. On
y dépensa des millions. L'agent de la reine Elisabeth d'An-
gleterre, sir Richard Clough, qui assista à ces solennités,
dit que de mémoire d'homme on n'avait déployé un luxe
pareil à celui de nosrhétoriciens.
J'ai choisi le moment où le bourgmestre Yan Slraclen et
l'échcvin Scliets, accompagnés du magistrat, remettent aux
vainqueurs du Landjuiceel les vases d'argent tjui leur sont
destinés.
SIXIÈME SUJET.
Acv bourgmcslrcs cl les cchecins prolégenl le cononenc et
^industrie. Eocemple : Ouverture de la grande foire
de 1562 (i).
Suivant ses i)riviléges, la ville d'Anvers avait annuellement
deux foires : la ))remière s'ouvi'ait le deuxième dimanche
avant la Pentecôte; la seconde commençail le deuxième
dimanche après la mi-août. Ces deux foires, protégées par
les empereurs d'Allemagne et par les ducs de Brabant et
aux(]uelles les magistrats de la ville donnaient un dévelop-
(i) De Moy, Oi). cil., p. 171, cl llcchkn en cosltimen van Aiilwerpeii,
ImI. Phuitiii, i». 'Jio,
— /|.o4 —
pumeiit considérable, devinrent, en quehiue surle, la soiii-ee
de la grandeur eoniniereiale de notre cité. Au \\f siècle,
toutes les nations de l'Europe y envoyaient leurs produits.
L'ouverture de ces foires, pour lesquelles les gouverne-
ments étrangers nous envoyaient souvent des délégués, se
faisait avec solennité.
La publication en avait lieu, suivant les coutumes, aux
jours susmentionnés, parla ])lus ancienne des courtes-verges,
dans une maison près de l'iiùtel de ville, nommée encore
de nos jours de Maegd van Anlwerpen. On y faisait
connailre les privilèges des empereurs et des ducs de
Brabant, défendant d'arrêter les marchands (|ui se rendaient
à la foire d'Anvers; on y lisait les chartes qui déclaraient
les marchandises libres de toutes inqx^sitions , puis celles
qui accordaient des saufs-conduits aux voyageurs et à leurs
fann'lles, etc.
J'ai choisi le moment où les bourgmestres Lancelot Van
Ursel et Nicolas Rockox, le vieux, précédés des musiciens
de la ville et accompagnés de la Pucelle d'Anvers, des
échevins et de différents délégués étrangers, procèdent en
15G2 à l'ouverture de la foire, après la publication faite par
la courte-verge.
On remarque dans h; cortège de nos jiremiers magistrats,
les Fugger, les llochstetter, les Schetz, célèbres négociants;
les consuls des différentes nations, les doyens de la Hanse,
l'agent de la reine Elisabeth d'Angleterre, sir Thomas
Gresham, le fondateur delà bourse de Londres; puis
plusieurs membres des familles patriciennes d'Anvers :
les Van de Werve, les Berchem, les Van Innnersecle,
les Schoonhove, les Ilalmale, etc.
— 455
DISPOSITIONS GÉNÉRALES.
l'ORTUAlTS DES SOUVEUAl.NS. — TEXTES DES PllIVlLÉGES. —
BLASONS DES SERMENTS ET DES CORPS DE MÉTIERS.
Poui' donner ;iux compositions des proportions convena-
bles, j'ai cru devoir prendre les dispositions suivantes :
La salle a la l'orme d'un carré long ; au centre se
trouvera la cheminée en style renaissance ,(\onl les supports,
composés de pilastres et de colonnes de marbre rouge
et noir, seront couronnés d'un entablement en marbre
noir. La frise en marbre blanc contiendra un bas-relief.
Le manteau sera orné d'un baul-relief en marbre, iiguranl
les armoiries d'Anvers avec leurs anciens tenants , un
homme et une femme sauvages, le tout terminé par
une voussure ornée d'un bas-relief. Le bas-relief de la
voussure représentera le Commerce ; celui de la frise ,
les Arts.
De chaque côté de la cheminée , il y aura un grand
pan de mur destiné à recevoir les peintures à fresque;
au-dessous il y aura un lambris, au-dessus une frise
avec les blasons des principaux bourgmestres d'Anvers.
Le mur à droite et celui à gauche contiendront chacun
une grande composition; des deux côtés de la peinture, il
sera établi une porte sculptée ; au-dessus de chaque porle
seront peints les portraits en pied de trois souverains qui
ont régné avant l'époque de la construction de l'hôtel de
ville cl qui oui accuidé tic iii-aiuls privilèges à iiulrc cilc,
savoir :
\. GodcfroitUleBouilIon, marquis du sainl-ciiqureflOOC)).
2. Henri, due de Lolliicr (1220).
ô. Jean P% duc de Bi'abanl (121)0).
i. Jean II, duc de Bi'abant (1500).
'). Henri VII, enqiercur (1309).
0. Jean III, duc de Brabanl (132G).
7. Anloine de Bourgogne, duc de Brabanl (111 1).
8. Sigisniond, roi des Romains (1415).
9. Pliilipi)e le Bon, duc de Bourgogne {\iô^).
10. Marie, duchesse de Bourgogne (1478).
M. Maximilien, enqtereur (14-78).
12. Philippe le Beau (1491).
Les chartes originales accordées par la plupart de ces
souverains se trouvent encore aux archives de h\ ville :
je pourrai utiliser les sceaux dont elles sont munies ,
pour reproduire exactement les costumes que portaient nos
pi'inces.
Entre les l'enelro du côlé de la (jrand'Place, deux suj(Ms
peints.
l)i;s panneaux contiendront le Icxtc des ))i'incipaux privi-
lèges d'Anvers. J'en Iranscj-is (pi(.'l(pi('S-uns (pii m'onl parli-
culièrement Ira|»p('. Toussonl exli-aits de nos anciennes luis
{'[ ('tiilinncs, (édiiion du xvT' siècle), niiiis il conviendi'a
d'enq)loyer le tcxle incjne et roi'lhogi"q)lie i\vs chailes
lirimitives conservées aux archives de la ville : ce travail
reste à faire.
— i.'ij —
1 , in de siadl ofl vrj/hei/ill van Anttcerpen ayn aile men-
srlicn vri/. cnde er sj/n fjecne slaven (Art. des anciennes
Coron du XIll^siè^le. Voir Eun. Gens, Hist. d'Anvers,]). 81).
Dans la ville el franchise dWnvers. tous les hommes sont
Hhres, el il ??'// a point d'esclaves.
2. Mie pcrsoonon die (jehoren syn binnen de stadl o/ï
vryhei/dl van Anliverpen sijn poorlers, iveder hunne ouders
aldaer poorlers ofl ivoonachliy syn ofl niel (i).
Tous ceux (jui sont nés dans la ville el sa franchise sont
bouryeois d'Anvers, que leurs parents y aient ou non demeuré
ou joui des droits de bourycoisie.
5. )]'?> een poorter van Antwerpen misdaen heeft en
mach t'Anlu-erpen yeen poorter vorden , Ity en hebbe den-
selven poorter daervan yenoech yedaen ende tevreden yesteit,
7 sy met der minne ofl met den rechte (a).
Celui (pli a offensé un bouryeois d'Anvers ne pourra pas
decenir bouryeois d'Anvers avani (/u'il n'ait donné satisfac-
tion à ce bouryeois et rpie la paix n'ait été rétablie soit à
l'amiable, soit en justice.
A. Geen poorter van Antwerpen mach van synen naluer-
l y II en rechter afyetrokken worden (5).
Personne ne peut distraire an tmuryeois d'Anrers de ses
juyes naturels.
(1) Gliecomplleerde Costuiimen vaii ÀiiliVi'rpL'ii , nianusctil eonservt' ii la
Dibliotlièqiie piililique d'Anvers, n" 9580, p. 58, et Hechlcn en costnmen van
Antwerpen, édit. Plantin, p. 14:2.
(2) Ghecompileerdc Costinjmen, p. TiO.
(-,) Ibiil. et Bctlifi'n m c«isliniieii, p. 1 i.")-l K»
— 458 —
V). Dp u'ooning van cenen poorler van Antircrpcn is
onschendbaer (i).
Le doînicile d'un bourgeois d'Anvers est inviolable.
6. Ah een poorter trouwt een vremde huysrrouice , 7 sy
jom/e dochter oft wcdnice , deselve vj^OKwe irordl ende blyfl
poorteresse, iceduwe syndc, haer leeffe dagen lanrk i^i).
Lorsqu'un bourgeois d'Anvers ('pouse une femme étran-
gère, elle devient et reste bourgeoise uu'uic après Ui mori de
son mari.
7. Eene geborene poorteresse van Antwerpen, trouirenile
buytendese .stadt eiute vrgheydt, verliest hare poorteryc niel
binncn lief leven liaers mans noch oock daerna (r,).
Une bourgeoise née à Anvers, se mariant à l'étranger, ne
perd pas sa qualité de bourgeoise pendant la vie de son
mari ni même après la mort de ce dernier.
8. Die te Anlwerpen poorter is , en macli daerna nergens
elders meer poorter syn (i).
Un bourgeois d'Anvers ne peut être bourgeois d'auvuiie
autre ville.
9. Schepenen van Antu-erpen mogeu aile poinrlen ende
ordonnantien der voorseyder stadt oorboorlyck tvesende
maecken ende ordineren met den Schoutelli , deicelcke
(i) Ghecompileerde cosliti/nirii,]). M), cl l'eclitcu en cosl., p. I <(i.
(■>) Ibid., p. GO.
(r.) UniL, p. (j:i.
(i) Ibnl., p. (i-2.
— /poO —
moelen oiulerhouden ironlon. alsofso de flcrtofje selrc hndde
fjemaeckt [1506] (i).
Les ('chorius d'Anvers peuvent faire, eonjointement avec
l'écoutète, toutes sortes d'ordonnances concernant leur ville ,
lesquelles seront suivies comme si le duc lui-mcme les avait
faites.
10. Borr/ejneesteren en Schepenen ^:ermof/lien aile of/icien
van Antwerpen te c/even (2).
Les bourgmestres et les échevius peuvent nommer à tous
les emplois publics à Anvers.
\ 1 . Borgemeesteren en Schepenen van Antwerpen liebben
in de iersteinstantie kenni.'ise endeherichtover aile poorteren
ende ingesetenen der stad ende vn/hegdt. aengaende aile
civile en criminele saecken (5).
Les bourgmestres et les échevins ont , en première
instance , connaissance de toutes les affaires tant civiles que
criminelles concernant les bourgeois et les habitants de la
ville et franchise d'Anvers.
12. Sonder voorgaenden oorlof van Borgemeesteren en
Schepenen en mogen geene buytenrechters binnen de stadl
ende vrijheydt van Antwerpen eenige rechterlycke acten of
exploiten doen (4).
Sans la permission des bourgmestres et des échevins aucun
juge étranger ne pourra poser des actes judiciaires dans la
ville et franchise d'Anvers.
(1) Ordonnance du duc Jean III , de l'année 1506.
(,2) CItecompileerde Costui/men van Antwerpen, niaim-crit, p. 10-17.
(3) //m/., p. 16-17.
(i) Ihid., \). 17.
— m) —
13. lioiujcmce.slpreu en iScheponen sijn ovorroochtio}) van
a/h onhojacrde kindcven en andere vermonihoirdc pcr-
soonen (i).
Les /jonrrjmeslref; el les érherins sont premiers In/enrs
de tous les mineurs el de /miles autres personnes sous
tutelle.
] 'i. Horgemeesteren en Schepenen is toehehoorende hesordi
ende toesiclil le hebhen van ende opt régiment ende onder-
houdl van de ijodtshuijsen daer arme licden onderlionden
n'orden. mitsgaders op aile vergaderingen ende collégien
soo van mannen als v(m vromven i^i).
Les bourgmestres et les échevins on! la haute vïie sur l'ad-
ministration des hospices dans les(jiiels les pauvres sont entre-
tenus, de même que sur les assemblées ou collèges d'hommos
et de femmes.
Lo plafond de la salle sern o nu; des nrmoiriesdf^ la vill<',
entourées dos hlasons dessermenls ou uildes années el des
corps de métiers qui parlieip;uent anciennement à la forma-
lion du Grand Cons(wl (LJreeden liaed) d(! la ville; ces
derniers divisés en trois arands uronpcs, savoir :
PREMIER GROUPE.
Les bateliers, les forp:erons, les fendenrs de bois, les
boulangers et meuniers, les pelldiers, les couvreurs de
(0 Ghecomi)ilec)<li' Cofitnniiini r/ni Aitlicrrprn, inaiiiisnit, p. IS.
ii) Iliiil., ]>. IS.
cliauino, l(ïs scieurs c( les barijiors, roi'j)()i*oli()iis (jui se ivu-
nissaienl à la cliainbre des l)al('Ii(;)'s.
DKUXIÈMK GROri'E.
Les merciers, les boucliers, les poissomiiers, l(>s tanneurs
et les boîtiers, les savetiers, les niîiçons, les menuisiers, les
portefaix et les brouettiers, corporations qui se réunissaiciil
à la cbambre des merciers.
TROISIÈME GROUPE.
Les (oiuleursde drap, les tailleurs, les fripiers, les char-
pentiers, les porteurs de tourbe, les cordiers, les tisserands
et les tonneliers, corporations qui se réunissaient à la
cbambre des tondeurs de drap.
Viendront ensuite les blasons des cbaussetiers, des bras-
seurs (cammers), des brasseurs de Van Scboonbeke, des
fabricants de soie, des orfèvres, des ])lombiers, des vitriers,
des maîtres d'école, des marchands, des marchands de blé
et des monnayeurs, enfin ceux de la gilde de Saint-Luc ou
des peintres, des chambres de rliétorique la Violetle, le
Souci et la Branche d'Olivier, c'est-à-dire que toutes nos
institutions civiles, toutes nos industries, le commerce,
toutes nos associations scientillques, artistiques et littéraires
y seront représentées.
Anvers, le 5 juin 18G2.
IL Leys.
^x-o^-i
LA BOURSE DE TOURNAT.
it Bnixellcs, le 1.'» ni;irs 1805.
» Messieurs,
» Lu lioiirse (le. Toiiniiiy sur Ia(|ii('llo vous nui diMuaudoz
mou avis est uu luouumeul coiislruit vers l'au l()00;sou
archilecle se uoiiiinail Queuliu Halle. Elle csl dans uu style
de rcuaissaucc de trausitiou eulièrcmeut aualogue à l'Jiôtel
de ville d'Anvers, et sa façade principale, qui doinie sur
le Forum, pin'-seule dans le has {\rs haies ofiivahs servant
de portique, ainsi (prime li-ihuiieaiix liaraiiiiues.
» L'inl(''ri(Hir offre uu carré long entouré sur les quatre
faces d'un porliqueà ]»l('in cinlre, connue étaieul les hourses
à celle épo((iic.
— 465 —
« Toiilos los l'iicndos iiifrricurcs ol, In faraclo donnani sur
la grande place sont construites en pierres d'Ecaussincs,
et leur conservation est telle, que les pierres tombées dans
la cour de l'édifice, lors de la récente chute de la cheminée
à vapeur voisine, n'ont pas même été écornées et peuvent
élre remises en place sans avoir besoin d'être retaillées.
» Si les pierres de construction n'ont subi aucune altéra-
tion, les rpiatre façades intérieures de la bourse ont joué, et
leurs murs présentent des hors-d'aplomb qui feraient naître
des craintes sur la solidité de l'édifice. Mais la chute de la
cheminée à vapeur, dont j'ai parlé, a montré que ces craintes
sont sans nul fondement, puisque cette cheminée, dans sa
chute, a coupé net une simple Iranclie de l'édifice et que le
reste n'a pas souffert le moindn' ébranlement , malgré une
aussi terrible secousse.
» Cette rude épreuve montre donc la solidité de l'édifice.
» Au point de vue de l'art et des souvenirs historiques,
la bourse de Tournay est d'une importance capitale, puis-
que, depuis l'incendie de celle d'Anvers, elle est l'unique
édifice de ce genre restant en Belgique pour témoigner la
puissance de l'industrie et des pouvoirs civils à l'époque
communale.
» Son style offre un intérêt d'autant plus grand (pi'il
appartient à la transition de l'époque ogivale h celle de la
Renaissance et qu'on sait combien sont ranvs et précieux les
monuments appartenant à cette transition.
» Vous vous rappelez, Messieurs, que lors de votre réunion
à Tournay, l'an dernier, sous la présidence de M. Du Jardin,
pour les affaires de l'église de Saint-Quentin , vous m'avez
demandé de vous conduire voir cet édifice, et qu'en y entrant.
— M\i —
vous avez (''!('' frappé (réionneinent cl il 'ad m ir;» lion à la viio
(le la seule el unique bourse reslanl encore en Bclgicpie.
» Ce serait donc un acte de barbarie et de vandalisme
(|ue la deslnietion d'un monunienl civil aussi imporlanl an
double point de vne de l'art et des souvenirs liisloriques.
» C'est pour eni)iè('ber de tels actes que la Commission des
monuments a été instituée et que la loi communale a soumis
à la publicité obligatoire, à l'avis de la dépulation perma-
nente et à l'approbation royale les délibérations des conseils
communaux rel;ilives à la deslruction des monuments de
l'anliquilé. « Par là, dil le ra|tport de la loi communale, nous
» avons voulu arrêter ces ma2,istrats iirnares, indiiïnes de
» ce nom, qui, n'admirant que ce qni est créé d'hier,
» portent à cbaque instant la hache du vandalisme sur les
» resles précieux de l'antiquité (|ui font jiai'tie de la fiioire
» nationale el que le peuple entoure de sa vénération et
» de son respect. La commune qui a de l'aracnt i)onr
» détruire de tels monuments doit en avoii' pour les
» conserver! »
» Non-seulement la bonrse de Tournny est un des
monuments civils les plus remarquables de la Belgique,
elle offre encore cette rare ])arl!(ulai-it('' que c'est un monu-
ment comph'l et créf' d'ini simiI jet, ce qui en augmente
le mérite.
Ce monument a d'tiillcurs nue destination importante,
puisqu'il est l'académie^ des bernix-ai'ts de Tournay, conq^re-
nant à la fois et hi musée «les tablc;uix cl les (''colcs de
peinture, de sculpture, de dessin, d'archileclure et de
musiepie de cette ville si éminemment artistique. Les
;iiii;iteiirs de c'(.'ll(; destruction, en voulant le renversement
de kl buui'sc, jclleiil sur le pavé une école ijui l'ail la i^luire
de Touriiay, car la ville ne i)Ossède aucun local propice si
ce n'est celui-là. El si l'on construit ailleurs des locaux
pour cette iniporlanto. destination, la ville, loin de faire une
économie, aura créé une source de graves déi)enses, tout
en renversant le seul monument civil qui lui reste.
» En résumé, la bourse de Tournay est un des monu-
ments civils les plus intéressants du pays. Elle est la seule
bourse qui nous reste.
» Comme style, clleest uns des monument lesjdus curieux
de la transition du conmiencement du xvi"' siècle. Elle forme
un tout complet, et tous ses profils sont connue s'ils avaient
été faits d'hier. Sa destruction serait un acte de vandalisme
([ui déslionorerail le pays tout entier. J'estime donc (pie la
Commission des monuments ne peut assez protester contre
un tel acte, et qu'elle doit prendre sous son patronage ce rare
et précieux édifice pour faire rétablir la partie renversée par
la chute de la cheminée à vapeur voisine et y faire exécuter
toutes les choses nécessaires à sa conservation.
» Veuillez agréer. Messieurs, l'assurance de ma considé-
ration la plus distinguée.
» LJ.-C. Du MoiniKr,. »
COMMISSION ROYALE DES MONUMENTS.
RESUME DES PROCÈS-VERBAUX.
SEANCES
dos G, S, 11, 12, 18, 21, ±1 et 2.j aoiil I8()5.
ÉDIFICES ET MONUMENTS RELIGIEUX.
ÉGLISES, DÉPENDANCES, AMEUBLEMENT.
Suivanl les conseils du Cullcgc, diverses aiuéliuralions
oui élc iiili'oduites dans les dessins de ranieiihlcincnl
ddcglise d'Ucimunl (Liixemhouru). L'abat-voix de la chaire
de vérité devra cependant élre encore simplidé. La question
de s;ivoii- s'il y a lieu de dépenser 10, '280 francs pour l'aineu-
blenieiil d'un édilice (pii n'est guère digne de sa destination
— 4()7 —
reste à l'ésoudie luir riidiiiiiiisUulioii supérieure. Peul-ètre
serait-il o|)})ortun de réserver tous les fonds dis|)onibIes
pour l'érection ultérieure d'une église plus convenable.
L'adniinislr.'ition communale de Montbliart (Hainaut)
ayant pris une décision conforme à l'avis de la Commission,
il y a lieu d'autoriser l'exécution immédiate des réparations
urgentes que les fenêtres de l'église paroissiale de cette com-
mune exigent, et d'allouer, à cet elTet, des subsides sur les
fonds de la j)rovince et de l'État.
La Commission approuve : 1" le ]irojet de construire une
flècbe sur la tour de l'église de Saint-Georges-ten-Distel
(Flandre occidentale), à la condition qu'il sera fait une nou-
velleétudedecertaines parties du plan. Devis : 2,518 francs;
2" les j^ropositions faites pour l'agrandissement de l'église
de Melsbroeck (Brabant), laquelle, après ce travail, pourra
contenir 800 fidèles. Devis : 14,500 francs.
Des commissaires-inspecteurs se sont rendus à Oetinghen
(Brabant), en conformité des instructions de M. le Ministre
de la Justice. L'église, le presbytère et l'école occu])ent tout
un côté de la place, sont symétriquement disposés et forment
un ensendjle satisfaisant. Une inspection minutieuse n'a pas
fait découvrir dans ces bâtiments le moindre travail superflu,
et, loin d'avoir à signaler des dépenses inutiles, la Commission
regrette qu'on n'ait pas donné plus de liautem* aux socles en
pierre des colonnes et que, pour assurer la conservation du
bas des murs, on n'ait i)as établi une i)lintbe intérieure. Au
premier abord, les proportions du presb}tère peuvent paraî-
tre exagérées; mais il est à remarquer que ce bâtiment a été
établi dans le but de pouvoir loger, sous le même toit, le
curé et le vicaire, ({ui précédennnent avaient des liubilalions
— /|.()8 —
sépaivc's. Une grille assez iiiiportanle règne tlevanl les Irois
hàtiinciils; les Irais en oui été couverls au moyen de dons
jiarlieiiliers. L'adininislration communale et le conseil de
labriquc ont déclaré à diverses reprises et de la façon la
plus formelle : 1" (pie l'église et le itresbytèrc ont été bâtis
en 1858, tandis que l'école n'a été commencée qu'en I8()0;
•2" (jue la moindre confusion n'a jamais existé dans la comp-
tabilité des deux premières constructions et la conq^tabilité
de la troisième (l'écohî). Il résulte des comptes (pu)
IV. 17,4:21-15 ont été dépensés jusqu'à ce jour pour l'école
et (juc 5,400 francs sont nécessaires encore pour terminer
les tj'avaux. Rien ne |iorte à révoquer en doute l'exactitude
de ces cbilTrcs. Les tenains (cour et jardin) annexés à l'école
sont vastes; le prix des murs de clôture est compris dans la
déjiensc de 17,421 francs. Un local, auquel on aura accès ])ar
un escalier latéral, entièrement séparé de l'école, est réservé
à l'étage pour le service de l'adnn'nistration communale. La
construction de l'église et du presbytère a coûté 70,291) fr.,
tandis que les devis estimatifs ne s'élevaient (|u'à 57,700 fr.,
dont 12,700 pour le iiresbylèi'c. L'administration commu-
nale et le conseil de fabri(jue aHIrment que les dépendances
établies dans la cour du |iresbylère ont été construites aux
Irais personnels du curé. L'avis de la Connnission est (pu;
la dépense du presbytèi'e a déjtassé de 7,000 francs les jiré-
visions et (|ue le reste du délicit (11,291) francs) provient
(le la construction de l'église. Comme, en résumé, les trois
édifices sont établis dans d(! boimcs conditions et sans
le Jiioiiidre luxe, il \ a lieu d'avoir égard à la fàclieuse
l)osition linancière du conseil de fabrique et de l'adminis-
tration communali', ainsi rpi'aux bonnes intentions qui les
uni guidés, vA, d'alluiicr des subsides pour couvrir en pjirlic
le délicit cl pcrmellre raclièvenient immédiat de l'école.
L'exiguïlé du terrain ne p(!rmelUuit pas de donner plus de
largeur à la nouvelle église de Forzée, commune de liuisson-
villc (Namur), la Commission pense qu'il faut renoncer à
élablir (l'ois nefs. Du reste, ainsi que souvent déjà elle a eu
l'occasion de le dire, il n'est pas rationnel de donner à des
bâtiments aussi restreints la disposition des grandes églises.
Le })rojet de l'église à ériger dans la commune de Vodeléc
(i\amur) donne lieu aux observations suivantes: 1" les piliers
placés à l'intersection du transept et des nefs ne sont pas
sufiisants pour su}>porter la poussée qui, en cet endroit, sera
considérable; "2" les ondi sont trop nombreux, et il semble
inutile d'en variei- autant les proportions; 3" la forme de la
sacristie n'est pas heureuse, et la combinaison de sa toiture
aurait plus d'un inconvénient; 4" la somme de 'âSj^Oo francs,
qui forme le total du devis, paraît insufiisanle. La Commis-
sion réclame les croquis de l'église actuelle et désire savoir
si cet édiiice ne renferme pas de pierres tumulaircs ou d'autres
objets d'art intéressants.
La Connnission approuve les dessins de la nouvelle église
de Moustier (Namur), à la condition que l'auteur ne perde
pas de vue les observations formulées précédemment quant
aux absides de la façade et qu'il fasse une nouvelle élude delà
sacristie. Cet édifice pourra contenir 900 personnes. Le devis
s'élève à 45,758 francs et sera probablement insuffisant.
L'ordonnance générale du ])rojel de la nouvelle église de
Snelleghem (Flandre occidentale) est approuvée; maisdivers
détails laissent à désirer : les dimensions de la porte principale
sont trop exiguës, et la décoration du tympan ne concorde
Su
— 470 —
pas avec cl'IIc des H'iiùlres tic la iaçatlc ; les baies suj^éiieiircs
des parlics latérales de la façade seraient utilement reiii})la-
cées par des quatre-leuilles ou de sinii)les créneaux. Il est
indispensable de remédier aux inconvénients résultant de ce
que les contre-forts du cliœur ne descendent pas jusqu'au sol.
Le devis s'élève à 7-j,7oC francs. Cette somme semble
insuflisante. L'édilice pourra contenir 1,000 personnes.
A ju'opos de la construction d'une nouvelle église
à Saint-Josse-ten-Noode, la Connnission a eu l'honneur
d'écrire, le 18 novembre 18()''2, à M. le Ministre de la Justice:
« M. Van derRil fera bien, le cas échéant, d'étudier de nou-
» veau l'emplacement, en conformité du dernier i)aragr;qthe
» de notre rapportdu 14 novembrecourant. » L'un des para-
graj)hes du rapport du 14 juillet suivant est ainsi conçu :
« 11 est bien entendu (juc notre intention n'est pas d'ai)i)rou-
» ver définitivement les dessins de M. \'an der liit et ({ue nous
» nous réservons de lui indicpier les changements à intro-
» duirc encore dans son travail. » De]niis, aucune com-
munication n'ayant été faite au Collège, concernant cet
édifice, ce n'est pas sans sur])risc qu'il apprend qu'une
j)artie des travaux est sur le point de faire l'objet d'une
adjudication. Il signale lo fait à M. le Ministre de la Justice
cl propose d'inviter M. rarchitecte Van der Ilit à soumettre
les modifications à introduire dans les dessins de l'église,
ainsi (jue le résultat de ses nouvelles études (juant à l'enqda-
ccment.
La Commission rappelle à la bienveillante attention de
M. le Ministre de la Justice les rjipports (]u'à diverses épo-
ques elle a adressés au Gouvei-nement, afin d'obtenir la res-
tauration de lachai'mante chapelle romane de h?ainl-Nicolas
— 471 -
fil Giiiiii (Liège). Ce |)clil iiioiiuiiiciil, (|ui est cité thiiis [)lu-
sioiirs ))tiblicalioiis iialioiialcs ol, clraDgèrcs , mérite d'èlrc
sauvé (le la deslruclioii. Le itropriétairc eu oiïn; la cession
à l'Elal, à des condilions luutlérées, e( depuis lonuleiiips les
uoiulji-eu\ liabilauls voisins de la eliapelle demaudeul qu'elle
soi! rendue à sa destination primitive.
Se référant à l'avis favorable de la dépulalion pernianenli*
du Conseil provincial du BrabanI, la Connnission j)ropose
d'accueillir la demande du conseil de fabrique de l'éulise
d'Aerscbot, tendante à pouvoir exécuter en régie de nou-
veaux travaux de restauration, ainsi que cela s'est pratiqué
])récédemmeut.
En présence de la dégradation rapide de la tour de l'église
de Roucourt (Hainaut), il est delà plus absolue nécessité
de consolider avant l'Iiiver ]trocliain cette partie de rédifice.
L'angle sud se détacbe el j)lusieurs pièces principales de la
charpente su})érieure sont pourries au point qu'on s'at-
tend à voir toute la toiture s'affaisser. Le belfroi se ti'ouve
aussi dans un état périclitant. Il suffirait d'une dépense
de 5,000 francs pour écarter tout danger cl empêcher
le progrès des infiltrations pluviales. Quekjues membres
du Conseil connnunal voudraient voir démolir une }>artie
de la tour, alin d'éviter les frais de restauration. Cette tour
offrant un as})ect assez inqiosant, la Commission regretterait
une telle mesure. Il est à remarquer, d'ailleurs, que la démo-
lition même serait onéreuse et que les matériaux seraient
de nulle valeur.
La nef principale de réglise de Wiers (Hainaut; date delà
lin du XV'- siècle; mais les coloimes intérieures, ainsi ({uc
leurs cha]>iteaux, appartiennent à une époque plus l'cculée
— M^i —
(XIV'' siècle), cl la Ilèclic qui surmuiilc la f»raii(Jc cl belle lour
date seulement des premières années du xviii'' siècle; les
bas-côtes ont clé reconstruits vers le milieu du xvi*. Une
remarquable cliarpente ajjparentc couvrait ju'imitivement la
nef principale; il serait facile et jxhi coûteux de la rétablir,
attendu que de notables parties en subsistent encore et que
plusieurs belles consoles sculptées sont intactes. Cet édifice
peut à peine contenir un millier de personnes, tandis
que la paroisse compte aujourd'bui 4,000 âmes. Des idées
divergentes ont été émises quant aux mesures à prendre
pour obtenir la surface supplémentaire (pii est devenue
indispensable. Après avoir entendu le rapport de ses com-
missaires inspecteurs, le Collège pense que le meilleur pai'ti
serait de prolonger la construction vers le cbœur, d'établir
un transept d'une certaine inqjorlance et, plus tard, d'élargir
les nefs latérales. L'église est entièrement isolée, et le terrain
se prête à cette combinaison. On serait ainsi obligé, il est vrai,
de restreindre l'étendue du cimetière; mais cela n'aurait
rien de fâcheux, car il est à désirer qu'on éloigne aussilùl
que possible ce cimetière du centre d'une comnjune aussi
importante.
La Commission approuve le projet de M. Van Assclie
(Aug. ), architecte à Gand, pour la restauration de la tour
et des bâtiments de l'église momimcntah! de Vosselaere
( Flandre orientale ) , tout en engageant l'aulenr à prendre
des mesures supplémentaires de consolidation, aiin de
faire face à la poussée de la charpente sur les murs de la
grande nef. Le devis s'élevantà la sonnne de 1 8,405 francs
ne soulèvi! aucune objection. MM. Jiélhune d'Ydewalle
et le baron de Sainl-Genois, membres cojTespondants, ont
— 475 —
rendu compte, dans los lormos suivants, dos rochorchos
qu'ils ont faites au sujet de eet édifice :
« CoinuKM'Iégance, comme consiruction arcliitectoiiiqiie,
« la tour de Vosselaerc est un des plus intéressants spéci-
» mens d'architecture ogivale de nos contrées. Il existe sur
» ce remarquable édifice un travail étendu, ])ul)lié par
» M. A. Van Hoorelieke, dans le Messatjer des sciences liisto-
» rî(/ues, ^nnnée 1845. Toutefois nous rectifions, dans ce rap-
» port, quehpies données sur l'ancienneté de l'église de Vos-
» selaere, lesquelles manquent d'exactitude. On sait que
» dans notre pays les plus anciennes flèches des églises
» étaient construites en bois, peu élevées et dépourvues d'or-
» nemenis. Ce n'est guère que vers le milieu du xif siècle
» que l'on vit surgir, soit au-dessus du transej)t, soit sur
» la façade antérieure, ces belles tours carrées, rondes,
» puis octogones, surmontées de flèches élégantes qui font
» encore l'objet de notre admiration. La tour de Vosselaerc,
» comme elle se présente aujourd'hui, est dans un triste état
» de délabrement. Si l'on veut conserver ce joli monument
» dans son entier, il est plus que temps qu'on en entreprenne
» la restauration. Avant d'émettre notre avis sur les détails
» de cette restauration, il sera utile de consigner aussi
» quelques renseignements sur la construction de tout l'édi-
» fice. La tour est bâtie en pierres de taille blanches, dites
« de Baeleghem, es]»èce de piei'res qui a servi à la construc-
» lion de la ))lupart des églises anciennes de l'arrondisse-
» ment de Gand, entre autres à la cathédrale de Saint-Bavon.
» Sa hauteur est de 56 mètres. Elle occupe le point central
» de l'église ; sa forme est octogonale surmontée d'une pyra-
« mid(^ bâiie en briques à l'intérieur et couvei-le, jusqu'au
— Mh —
» sommol, (Viiii l'ovèlonicnt de pioj'rcs l)lanchcs. Ln lour
» est ])orc('(\ à liauleurs iiK-galos , de lucarnes à froiiious,
» Iréllés. Une rcuille de Irèlle orne le sommet à l'ouesl. A la
» hase de la llèche on voit une galerie bordée d'une balus-
» trade (ijui csl iiuiiiilcnaiil lailc de mauvaises ))iè('esd<' bois)
» s'appuyaul, aux aniiles, sur des piliei's cai'i'c'-s, dont le
» sommet forme un j^nacle à erocbels. Ces piliers i-eposent
» sur uni; large moulure ornée de gargouilles . De lous
» les côtés, la base octogonale de la tour est percée de
» fenêtres ogivales très -simples, fermées d'abat-vents en
» ruine et encadré(\s dans un cordon qui fait le lour de
» l'édilice. Chaque arête ou ligne angulaire de la flèche est
» ornée d'une vingtaine de crochets ayant environ O'",o0
» de saillie et sculptés en guise d(^ feuilles de chou crispées,
» La tour est portée, à l'intérieur de l'édifice, sur quatre
» |)ieds-droits reliés entre eux ])ar des arcs en ])leiii cintre.
» Ces pieds-droits reposent suj' une base saillante et poly-
» gonale et sont couronnés j)ar un simple tailloir; sous ce
» tailloir on voit, sur deux côtés et dans deux des entailles
» prismatiques divisant les pieds-droits en (pialre i)arlies, une
•> tète f;iisaiit Console. Quant à ré|)0(jue de la coiislruclion
;) (le la llèche, ;i laquelle M. Van llooreheke assigne l'année
» 1087 (Messager c\[(i), nous pensons, d'après deuxcharles,
» l'espectivement des années lî2ÔO et 15:20, conservées ;nix
» archives de rc'glise et où il s'agit de irparalions de char-
» pentes, qu'il y avait d'ahord sur IV-diliee inie loin' en bois.
» Celle (ji le nous \' voNOUsaujourd "lui i esl d'une dale beaucoup
» moins aiiciemie. Le savant arclK'ologiie M. (.le Caumont
» déclare (pie les loins du genre ipii nous occiijk! n'accusent
>> pas de (laie de conslniclion aiih'rieMre an xiv'" siècle.
— 17;) ~
» Puisant dans les inlérossantes noios quo M. l'abbé
» Lavavix , ancien précoptour au cliàloau de M. do Kcrkhove
» d'Ousseltibem, bourg'meslre de Vosselaere, a bifMi voulu
» nous eomnnini({uer, nous coniplélcrons ces dclaiis arclii-
» tectoniques sur la tour par quel((ues éclaircissemenls sur
» les aulres ))arties anciennes de l'église.
» I, Dans le (ranssept, de cbaque côté de la nef du milieu,
» on remarque Irois arcalures supportées par de grossiers
» modillons en relraite. Ces arcatures sont ogivales, à l'ex-
» ceplion de la première dans la nef gauche, qui est en ])lein
» cintre.
« II. Au fond de chaque nef latérale, on reirouve encore
» les anciennes crédences ou piscines. Celle de la nef droite
» est ornée d'une simple niche ogivale sans ornemenis,
» celle de la nef gauche est trilobée ; au-dessus est une
» arcature en forme de fenêtre ogivale. La présence de cré-
» dences dans les églises accuse toujours une antiquité
» architecturale respectable. .
» III. La façade de l'église est en grandes pierres blan-
» ches, dites de Baeleghem ; elle n'es! pas antérieure au xv^
» ou au XVI* siècle. On y remarque la trace de l'ancienne
» toiture des bas-côtés exhaussés au xviii' siècle. A cette
» époque, Irois fenêtres de forme ogivale évasée, hautes de
» 1 "',20 et larges de 0"',7o, furent bouchées, de chaque côté,
» dans la partie supérieure de la nef principale,
» Cette église, dédiée à saint Eloi, a conservé plusieurs
» belles dalles tumulaires. La plus ancienne date de loGS.
» Elle se trouve di^vjmf la porte d'entrée. Trois autres
» pierres se rapportent aux familles Van der Meersch et
» Van der Vennet, qui, au xiv*" et nu xv*" siècle, pour-
— /1.76 —
» raioni l)ion avoir clé les généreux constructeurs de
» l'église de Vosselaere. Les vilaines fenêtres du chœur
» actuel étaient occupées aulrefois par trois fenêtres ogivales
» à meneaux , aujoin-d'hui encastrées dans un pavillon
du jardin au cliàleau de Vosselaere. Nous nous pro])o-
sons de faire exécuter plus tard les frottis des dalles les
mieux conservées. Elles représentent des chevaliers en
armure, avec leurs femmes, et des écus armoriés remar-
(jiiahlemenl hien taillés. Les archives de l'église renferment
des ])iêces curieuses qui donnent des renseignements sur
les consiructions, réparations, changements o])érés à
diverses époques dans l'ensendjle de l'édifice. Voici les
dimensions de l'église : La grande nef est formée de
Irois travées ayant 5'", 50 d'ouverture d'axe en axe; la nef
du miljeu a 7"\50 d'axe en axe ; les has-cùtés ont o"',l)o de
largeur, indépendamment de labased(Ua tour, qui est sup-
portée par des piliers très-forts, ayantdansleur plus grande
épaisseur 2"\60. Le chœur a 0'",90 de profondeur dans
l'œuvre, et les chapelles collatérales ont 7'", 00 de profon-
d(;ur, avec luminaires j)olygonales. «
Après avoir examiné les nouveaux dessins cl pi-is connais-
sance du mémoire explicatif de raicliilcclc chaj-gé de res-
taurer l'église Notre-Dame à Deynze, la Commission donne
la préférence au projet qui assigne deux versants aux loilures
des nefs latérales. Le devis s'élève ;i 74,804 IVancs. Il ne faut
pas se dissimulerqu'on est exposé à des mécomptes lorsqu'on
louche à un hàlinicnl aussi ancien, (|ui a V('r\i de nombreuses
transformations, el (piela somme de5,ôi)2 IVancs j»orléepour
les dépenses inqirévues sera j)robahlen)enl insufiisanle. L'éta-
lilissenient de paraloimerres n'est pas conqu'is d;ms ce devis.
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C'est In une dépense qui, cependnni, ne peni être ajournée.
L'intérêt qui s'attache à cet écliti(;e a été signalé dans un
rapport de MM. les membres correspondants Héthunc
d'Ydewalle et le baron de Saint-Génois (voir page 485).
Conformément au ra))port de ses commissaires inspec-
teurs, la Commission croit devoir, vu la situation actuelle des
choses, consentir à la construction du deuxième contre-fort
(h la face sud du transept de l'église Saint-Martin à Liège,
d'après celui qui existe à l'angle opposé. C'est à regret que la
Commission se voit pour ainsi dire forcée de modifier l'avis que
contient son rapport en date du 11 juillet dernier; mais il
est impossible d'ajourner la reconstruction du contre-fort, qui
a été radicalement démoli, sans qu'on ait pris toutes les pré-
cautions usitées en semblable circonstance. Les pierres
nécessaires pour la reconstruction projetée sont à pied d'œu-
vre, tandis (pi'il serait presque impossible de rétablir avant
l'hiver le contre-fort tel qu'il existait. D'autres monuments
présentent des contre-forts portés en encorbellement, cl la
symétrie n'est nullement exigée par le style ogival.
Les diverses questions relatives à la restauration de la
façade de l'église Saint-Loup à Namur ont fait, de la part de
a Commission, après plusieurs visites des lieux, l'objet d'un
nu'ir examen. Les graves dillicultés financières qui se pré-
sentent en cette circonstance sont connues de la Commission,
et c'est parce qu'elle a la conviction que tout autre parti serait
blâmé avec raison, qu'elle a proposé d'adopter le projet le
])lus coûteux. Le Collège n